IX.
Sans doute
Aurait-il dû
Ne jamais
Chercher à
Se souvenir.
Une nuit, alors qu'HoSeok se réveille en sueur et l'esprit en panique, il est prit d'une vision. Il voit son père dont il a oublié le visage se tenir là, près de lui, penché au dessus du corps endormi de YoonGi. Alors, il se lève sans bruit, contourne le corps pâle et suit son père dans la cuisine. L'homme pose un doigt sur ses lèvres, puis HoSeok hoche la tête, subjugué par sa présence ; et son père pointe la fenêtre de l'index.
Quand la main du plus jeune frôle la vitre gelée, il frissonne et tire le rideau.
Dehors, dans la noirceur de la nuit et les ombres des lampadaires, la rue est vide. Mais son père tend un bout de peau tannée vers une ruelle à l'écart, et HoSeok frissonne violemment.
Mais plus de froid. Sa sueur se glace de peur.
Planqué dans un coin, engloutit par les ténèbres, se tient un homme qui le regarde.
Puis la main de son père recouvre ses yeux, l'entraine dans la chambre et le rallonge près de YoonGi ; son souvenir disparait contre la porte qu'il referme.
Quand il se réveillera, quelques heures plus tard, HoSeok aura oublié l'homme effacé dans la ruelle noire.
Un soir où il rentre seul à l'appartement, après une journée épuisante à ressasser sa tête trouble, il entend des pas derrière lui. Mais quand il se retourne, il est seul sur le trottoir. Il sent le sang battre dans ses tempes, son cœur s'accélère et il étale ses mains moites sur le tissu de sa veste. Le brun reprend sa marche, concentré, la respiration lente mais les battements anarchiques. Mais il n'est pas fou, et les pas le suivent, le guettent, l'attendent dans l'obscurité.
Au moment où il est prêt à se retourner à nouveau, un bruit sourd résonne dans la ruelle adjacente ; et ses yeux fouillent dans l'ombre au ralenti.
A demi éclairé dans la lumière se tient une silhouette ; et le corps d'HoSeok se tend si violemment que ses tendons le font souffrir. Un regard blanc est traversé d'une lueur sinistre, et des lèvres s'étirent en un sourire de dément. Ses dents taillées en pointes luisent dans le néant acerbe.
Et son rire poursuit HoSeok qui court aussi vite que ses jambes tétanisées le peuvent.
En arrivant dans l'appartement, il se jette sur les fenêtres, ferme toutes les portes et tire tous les rideaux. YoonGi le regarde, ahuri, mais YoonGi ne sait pas.
Qu'ils sont déjà bien plus près que ce qu'ils ne le pensaient. Et qu'ils sont là, juste là, à les regarder dehors.
« - Je l'ai vu YoonGi, il était là, en face de moi, à me regarder en souriant, mon dieu...
- Calme-toi, HoSeok, explique-moi.
- Ils sont déjà là. Ils me cherchaient et ils m'ont trouvé.
- J'appelle NamJoon. »
HoSeok se blottit contre le corps chaud de YoonGi qui caresse ses cheveux. Son cœur se calme un peu, mais ses épaules sont encore si tendues que le devin touche du béton. Le brun est en train de se bouffer les doigts quand NamJoon décroche enfin.
« - YoonGi ?
- HoSeok les a vus. Ils se sont rapprochés.
- Tu te souviens du briquet que j'avais perdu ?
- Oui, enfin, mais pourquoi tu me parles de ça ?
- Parce qu'il est cloué sur ma porte. A côté d'une photo de moi en train de dormir.
- Ne rentre pas chez toi. Viens dans mon appartement.
- J'arrive. »
Trois heures après, c'est toute l'équipe qui se trouve dans le salon de YoonGi au milieu de la nuit. Les photographies d'eux dans leur quotidien sont posées sur la table basse, et leurs regards inquiets reviennent sans cesse vers les fenêtres. HoSeok n'arrive pas à se décoller du devin, et c'est NamJoon qui s'occupe du café.
SeokJin est le premier à parler.
« - Vous pensez qu'ils nous espionnent depuis combien de temps ?
- Ma photo date d'il y a huit jours. Mais je pense qu'il le faisait déjà avant, et que ça -TaeHyung tapote le papier- c'est un avertissement.
- Mais pourquoi maintenant ? Ils ont toujours été patients, jusqu'à aujourd'hui.
- Peut-être qu'ils ne le savent pas. Que c'est un individu seul qui prend l'initiative.
- Développe.
TaeHyung se rassoit sur son fauteuil, le dos droit, les mains crispées sur ses genoux et son regard traverse chacun des membres réunis dans la pièce. Lorsqu'il parle, sa voix ne tremble presque pas.
« - JungKook avait avancé la théorie d'un tueur à gages qu'ils employaient, et je suis assez d'accord avec lui. Mais un type qui se lime les dents et qui se dévoile à sa victime sans la tuer ne peut pas être complètement équilibré.
- Alors quoi ?
- Vous vous souvenez du premier meurtre ?
- Celui dans le caniveau ?
- Oui. C'était le plus violent. Alors j'ai étudié le sujet, et j'en suis arrivé à la conclusion que le tueur n'avait pas été pressé par le temps, mais par l'envie. Il avait besoin de tuer, comme si ça faisait trop longtemps qu'il n'avait pas enlevé la vie. Et vous savez pourquoi ? »
C'est JungKook qui répond, les yeux dans le vide et la respiration faible.
« - Parce que c'est un ancien détenu.
- Exactement.
- Tu es un génie. »
Mais TaeHyung ne sourit pas, parce qu'il est aussi effrayé que les autres. Il sirote son café chaud dans ses mains froides et tremblantes, puis jette un coup d'œil à JungKook à sa droite. Il a peur pour le petit, parce qu'il est jeune, plus que lui, et que c'est éprouvant d'affronter tout ça. Alors, il passe ses grands doigts dans son dos et le caresse doucement, presque tendrement. Puis il boit encore un peu, mais laisse sa main.
Il sursaute quand JungKook l'attrape pour la serrer dans la sienne, et la garder à demi cachée contre sa cuisse.
Et baisse les yeux, effrayé par le danger qui le guette ; sans se douter qu'en bas de l'immeuble, dans une petite ruelle sombre, un homme aux dents pointues regarde les lumières en riant.
HoSeok coupe le silence angoissant qui s'était installé en soupirant doucement, puis en appuyant sa tête dans ses mains.
Quand il la relève, ses yeux brûlent d'une lueur étrange.
« - Ils, c'est qui ?
- Les politiques dénoncés par ton père.
- OK, mais leurs noms ?
- Il s'agit des hautes fonctions du gouvernement, HoSeok, je ne crois pas qu'on puisse les attaquer comme ça...
- Leurs noms. »
L'ordre est implicite, et ils savent tous que tout doit être dévoilé. Alors SeokJin récite d'une voix monotone et habituée :
« - Lee JooSik, Choi YangHee, Hwang KyoAhn,...
- Le premier ministre?
- Oui, même lui.
- Mon père avait atteint si haut?
- Tu pensais qu'il s'était contenté de rendre des sacs à des vieilles ? Ton père avait des ambitions, des vraies, des grandes.
- Des ambitions qui l'ont tué.
- Mais des ambitions qui ont guidé son cœur. C'était un homme juste, HoSeok. »
Pourtant l'amnésique ne parvient pas à éteindre le feu de la rancœur qui brûle son esprit, et ses souvenirs oubliés lui pèsent si lourd qu'il devient amer. Il lâche en grinçant des dents :
« - Maintenant, c'est un homme mort. Et je ne me souviens même pas de son visage.
- Arrête.
- Arrêter quoi, putain ! Y'a un mec qui me suit pour me tuer parce que y'a des trucs dans ma tête dont je me souviens même pas ! Alors non, bordel, mon père n'était pas un type bien. Parce que s'il l'était, il aurait pensé à moi au lieu de m'imposer ses choix avant de crever. »
YoonGi étouffe la voix d'HoSeok dans son torse, et il sent le brun pleurer, encore. Pleurer sa rage, sa peine, sa haine, ses incompréhension, cette vie qu'il n'a pas choisi, et cette fin, encore moins. Il est hors de question que quelqu'un meurt dans cette guerre face à l'ennemi. Il tourne la tête vers NamJoon et le regard qu'ils échangent lui dit qu'ils sont sur la même longueur d'onde. JungKook et TaeHyung discutent entre eux, le regard sur les photos et les corps proches. SeokJin regarde la rue, caché par le rideau de la fenêtre.
Quand le corps lourd et endormi du brun s'affaisse dans ses bras, il pose sa tête sur ses genoux et ouvre le premier Conseil de Situation de Défense en Milieu Hostile.
« - Comment on fait pour les coincer.
- On va à l'affront ou pas ?
- En face à face ?
-On les traine en justice ?
- Sans preuve ?
- La preuve, c'est lui. »
JungKook tend le menton vers l'homme endormi dans le canapé marron.
« - YoonGi, il faut qu'on comprenne ce qu'il y a dans sa tête. On n'a plus le choix, maintenant. Faut qu'on débloque sa mémoire.
- Je sais.
- Alors, on agit.
- Je sais, SeokJin.
- Et t'attend quoi ?
- Je ne sais pas, putain. J'suis perdu.
- J'ai peur aussi, YoonGi. Tout le monde flippe. Alors tu bouges tes fesses de devin et tu nous sors une formule magique.
- T'es con.
- Drôle jusqu'au bout.
- Aucun de nous ne va mourir.
- Evidemment. »
Et le devin expose son plan d'attaque. Car c'est un conseil de guerre pour la vie.
« - En premier, trouver qui est cet ancien détenu. Il a dû sortir sous l'action des têtes du gouvernement. Une fois qu'on l'a, on le traque.
- Une chasse à l'homme ?
- En somme, oui.
- Ensuite, je me charge de la mémoire d'HoSeok.
- Comment ?
- Par tous les moyens.
- Et nous ? -TaeHyung se désigne avec JungKook- On fait quoi ?
- Vous trouvez des informations sur les commanditaires des meurtres. Des preuves concrètes qui pourraient les inculper. Vous creusez aussi tout ce qu'on a, peut-être ue des témoins seront prêts à parler après tant de temps.
- OK. »
Ils parlent jusqu'à ce que le soleil se lève et éclaire la façade de l'immeuble. Quelques heures plus tard, ils marchent rapidement, serrés sur les trottoirs.
En arrivant dans leur partie du commissariat, HoSeok tire YoonGi dans un recoin à l'écart et l'embrasse doucement. Le devin le regarde, assez longtemps pour qu'il se perde dans ses yeux. Il pense qu'il est beau, qu'il est beau, qu'est-ce qu'il est beau dans ses bras. Puis, c'est un peu plus brusque, un peu plus fougueux, un peu plus passionné. Leurs lèvres qui se cherchent, qui s'oublient quand elles se trouvent, leurs regards sombres et les mains langoureuses qui hasardent ; soupirs entrecoupés.
Mais le désir sourd s'efface brusquement quand quelqu'un toque à la porte derrière laquelle ils s'aiment.
YoonGi relâche l'autre, garde sa main dans la sienne et ouvre le battant sur un secrétaire. L'homme les regarde un instant, avant de leur tendre une enveloppe et de repartir dans les couloirs.
Le devin tire HoSeok vers son bureau, l'y fait asseoir et ouvre l'enveloppe blanche.
Il en sort une photographie d'eux en couleur, en train de s'embrasser à l'instant. HoSeok lâche un hoquet de peur si violent que son torse se contracte, et YoonGi suffoque, parce qu'il n'y a pas de fenêtres dans la pièce.
« - YoonGi, on sort de là. Maintenant. »
Le ventre contracté par la peur, HoSeok court hors du petit bureau et réunit l'équipe dans la grande salle. YoonGi le regarde s'affairer autour de la table. Il fait des grands gestes, parle vite et fort, tourne comme un fauve, se prend la tête dans les mains. Mais il n'écoute pas ce qu'il dit.
Il est bien plus préoccupé par la silhouette brillante sur le toit d'en face.
Alors, il se rapproche de la fenêtre, l'œil méfiant et le muscle tendu.
Et son teint devient livide quand il voit que c'est un cadavre qui flotte dans les airs, suspendu au dessus de la ville par un câble en acier.
Il s'évanouit quand il reconnait le visage du secrétaire qui leur avait donné l'enveloppe.
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