Quand tu seras libre...
- Tes appuis Sehun, je te l'ai déjà dit dix fois. Ça ne sert à rien de vouloir tout miser sur la rapidité si le moindre coup t'envoie voler parce que tu n'es pas assez fermement ancré au sol !
- Aucun de mes ennemis n'est assez rapide pour me toucher., Répond Sehun avec insolence en esquivant un coup.
- Ah oui ?
Junmyeon se fend soudainement en avant de son épée droite, cherchant à toucher les côtes de son partenaire d'entraînement. Ce dernier l'esquive mais ne voit pas arriver suffisamment tôt le deuxième coup de la main gauche cette fois, à peine plus lent, mais aussi plus puissant. Sehun essaie de parer comme il peut avec son manica, sorte de manche de plaques de métal remontant tout le long de son bras gauche et servant de bouclier, mais comme Junmyeon l'avait prévu, le coup l'envoie rouler au sol.
- Répète maintenant ?, Demande Junmyeon sans une pointe d'arrogance, J'aurais pu te transpercer trois fois en combat, ou j'aurais eu le temps de t'immobiliser avant que tu ne te relèves. Alors pour l'amour de Minerve raffermis-moi ces appuis. Tu tiens tant que ça à mourir demain ?
Le plus jeune se relève en grommelant une litanie de mots incompréhensibles avant de se remettre en position de combat.
- Je ne t'affronterai pas demain, l'Empereur n'a pas mis assez d'argent dans les jeux.
- Ce que je réussis par la maîtrise, de nombreux le font sporadiquement par la chance. Tu n'es pas à l'abri que quelqu'un te prenne par surprise. Tu as la chance de pouvoir te voir offrir la rudis après les combats de demain et être affranchi, ne la gâche pas.
- Je ne le ferai pas, Réponde Sehun plus sérieusement, Mais ça fait des heures qu'on s'entraîne, tout le monde est parti sauf nous. Tu me fatigues pour demain.
- La douleur de l'entraînement d'aujourd'hui te maintiendra éveillé demain, pour le reste, tu auras le temps de te reposer, en garde maintenant !
L'échange reprend, avec d'autant plus d'ardeur que Sehun recommence enfin à y mettre du sien, se montrant moins vulnérable aux attaques de Junmyeon, bien qu'il finisse toujours par gagner leurs échanges, sans exception. Le bruit de leurs armes d'entraînement retentit moins fort que celles qu'utilisera Sehun le lendemain pendant les jeux, mais il se poursuit plus tard que les jeux ne le feront jamais. Finalement, alors que même les torches ne suffisent plus à illuminer suffisamment la cour du ludus, le bâtiment servant de cours d'entraînement mais aussi de logement des gladiateurs, Junmyeon finit par annoncer la fin de l'entraînement dans un soupir. Il regrette de devoir laisser son cadet se battre demain pendant les jeux, mais il n'a plus aucun pouvoir à ce stade, il a pourtant supplié le laniste, propriétaire des gladiateurs ou locataire de ceux-ci et du ludus, de le laisser combattre à la place de Sehun, mais rien n'y a fait. Il a eu ordre de son maître, Vilnius, de ne pas l'engager alors que l'Empereur a décidé de ne pas investir trop d'argent cette fois, prévoyant de bien plus beaux jeux à la fin de sa campagne militaire. Cela fait déjà dix ans que Junmyeon combat pour Vilnius. Devenir gladiateur et remporter un nombre important de combats offre les plus grandes chances d'être affranchi et de sortir de sa condition d'esclave. Junmyeon en tant que prisonnier de guerre, et précédemment officier de l'armée, se savait capable de remporter ces combats et sa liberté, en même temps que des richesses que même les gladiateurs esclaves se voient offrir. Mais Vilnius a finalement un peu trop apprécié le succès de Junmyeon, qui est devenu un des gladiateurs préférés du peuple romain, lui rapportant énormément d'argent en le louant aux riches patriciens voulant organiser des combats et des jeux pour gagner les faveurs du peuple. Il a alors refusé à de nombreuses reprises d'affranchir Junmyeon, lui proposant sa liberté contre des conditions plus extravagantes et irréalisables les unes que les autres. Junmyeon par dépit a même proposé de lui céder toutes les richesses qu'il a acquises en tant que gladiateur contre sa liberté, mais Vilnius en a alors demandé le double donnant des envies de meurtre à l'esclave qui n'a pu que ravaler sa fierté mise à mal par des années d'esclavagisme déjà et acquiescer à la demande de son maître, poursuivant ainsi sa dure carrière.
Sehun quant à lui appartient au laniste même, cela ne fait que cinq ans qu'il est gladiateur, mais ses performances sont bonnes sans être exceptionnelles, et plus d'une fois, la foule a rechigné à demander son exécution quand elle a été proposée. En effet, avec son attirail léger malgré sa taille et sa lourde musculature, il étonne et surprend plus d'un avec sa vitesse. C'est l'originalité de son style de combat plus que la qualité de celui-ci qui lui a valu d'être épargné, mais c'est sa qualité qui l'a mené à gagner plus de combats qu'il n'en a perdu. Avant le début des jeux, le laniste lui a dit qu'il connaissait la volonté de Sehun de devenir libre, et que si celui-ci exécutait une bonne performance sur cette semaine de jeux, alors il l'affranchirait. Sehun n'a pas eu à combattre aujourd'hui, mais demain sera le dernier jour des jeux et le plus dur, il n'affrontera que les meilleurs gladiateurs de ceux-ci, ceux qui se sont distingués durant cette semaine, et Junmyeon ne peut s'empêcher d'avoir peur pour son cadet.
- Hé, Junmyeon ! Ça ira, cesse de t'inquiéter. Même si je ne suis pas affranchi, la foule ne demandera pas mon exécution tant que je fais une bonne performance. Je n'aurai qu'à me saisir d'une autre occasion., Essaie de le rassurer Sehun.
- Tu n'en auras peut-être jamais d'autres, c'est trop facile de se dire qu'il y aura une prochaine fois.
Junmyeon ne lui avouera peut-être jamais, mais l'affranchissement de Sehun est devenu plus important que le sien depuis qu'il sait que Sehun peut en avoir l'occasion. Il donnerait tout ce qu'il a pour qu'on le considère à nouveau comme un homme libre, comme un homme tout simplement, et que Sehun ne cherche pas à capturer cette opportunité, même au risque de sa vie lui paraît insensé. Et pourtant, une petite voix, bien plus faible après des années passées à la réprimer, lui rappelle à quel point il s'est attaché au jeune homme, et que si celui-ci part, il perdra la raison qui rendait ses jours ici plus supportables depuis qu'il l'a pris sous son aile.
- Junmyeon, tu sais que je fais de mon mieux, et aujourd'hui encore, je t'ai laissé m'abreuver de conseils et de coups toute la journée. Peut-on arrêter d'être si sérieux ce soir ? On ne se prépare pas pour mon exécution. Cesse de faire la tête ainsi, viens plutôt boire un coup avec moi dans ma chambre. Une dernière rasade avant le combat, je dois finir le vin que l'Empereur a donné aux vainqueurs le premier jour.
- Tu n'es plus fatigué ?
- Une rasade de vin requinque plus que les cinq minutes de sommeil que je pourrais prendre à la place.
- C'est un mystère que tu aies tenu aussi longtemps en tant que gladiateur., Junmyeon soupire excédé.
- Je sais, il s'appelle Junmyeon. Je lui dois plus qu'à mes parents sûrement.
Junmyeon lève les yeux au ciel en réponse au ton joueur de son vis-à-vis. Dans ces moments, il a du mal à savoir pourquoi il a réellement de l'affection pour son cadet. Sehun prend les armes de son aîné et les siennes pour aller les ranger avant de l'entraîner hors de la cour intérieure et le fait traverser quelques couloirs pour l'amener dans sa chambre. Elle est de l'autre côté de l'aile dans laquelle Junmyeon dort, mais il doit avouer qu'il n'y prête pas attention. Ça doit faire deux semaines qu'ils n'ont pas eu un moment seuls à l'abri de potentiels regards malvenus et il commence sérieusement à en avoir marre de le voir tous les jours sans pouvoir agir comme il le voudrait. Sehun ferme la porte et la bloque avant de venir placer le rideau improvisé sur la fenêtre. Seule les éclaire une petite lampe à huile que Junmyeon a allumé pendant ce temps.
- Nous sommes seuls.
Sehun murmure avant que Junmyeon ne vienne s'approcher de lui pour l'embrasser passionnément. Sehun entoure Junmyeon de ses bras pour le coller contre lui alors que le dernier prend en coupe le visage de son amant pour approfondir le baiser et le mener.
- Ça faisait trop longtemps., Grogne Junmyeon en mordillant la lèvre de Sehun.
- Beaucoup trop., Acquiesce ce dernier.
Pendant de nombreuses minutes ne s'entend dans la pièce que le souffle court de leurs respirations qui entrecoupent les longs baisers échangés. Il n'y a rien de tendre, tout n'est qu'envie et précipitation, ils ne cherchent qu'à rattraper ce temps où ils ne pouvaient se tenir ainsi l'un avec l'autre. Puis Sehun finit par se reculer, à bout de souffle, alors que Junmyeon grogne de mécontentement.
- Même pour ça tu ne me laisses pas avoir le dessus., Il boude légèrement.
- Il n'est pas venu le jour où tu feras mieux que moi en quoique ce soit.
- On verra ça, je transformerai ces paroles en mensonge, Jun.
- Bien sûr, j'ai hâte de voir ça.
Junmyeon le raille avant de s'échapper de l'étreinte du plus jeune. Sehun le regarde déçu, forçant Junmyeon à s'expliquer avec un haussement d'épaules.
- Nous sommes venus pour boire du vin, rien d'autre. Hors de question qu'on se laisse aller, ce ne sera pas une douleur qui t'aidera demain si on le fait.
Sehun a la pudeur de rougir légèrement alors qu'il se retourne pour prendre le vin et deux gobelets rangés dans un coffre sous la fenêtre. Il les sert tous les deux puis s'assoit sur le lit alors que Junmyeon prend place sur la seule chaise de la pièce. Ils boivent tous les deux en silence, remuant leurs pensées autant que le vin dans leur gobelet. Ni l'un, ni l'autre n'a vraiment l'intention de parler, mais ces moments passés à deux en toute intimité, même dans le silence valent plus que le sommeil qu'ils pourraient prendre à la place. Malgré son inquiétude, Junmyeon le sait, demain, Sehun gagnera sa liberté et lui restera là. Si la tentation de se laisser aller à lui révéler ce qu'il ressent pour le plus jeune se fait d'autant plus forte qu'il se dit que c'est la dernière occasion, il préfère se souvenir des moments agréables et interdits qu'ils ont passé ensemble plutôt que du rejet de ses sentiments. Et même si Sehun les retourne, ils ne pourront jamais construire quoique ce soit, Junmyeon est un esclave et même s'il n'abandonne pas par fierté, il n'est pas naïf au point de penser que ça va changer de sitôt. Alors qu'il finit son vin et se ressert un nouveau verre, cherchant à noyer ses idées noires pour la soirée au moins, Sehun finit par briser le silence.
- Jun, je me demandais, enfin, si..., Il hésite à s'exprimer.
- Parle Sehun, ce n'est pas dans tes habitudes de jouer au timide.
- Si je réussis à gagner ma liberté demain-
- Tu réussiras., Le coupe Junmyeon sans laisser place à la contradiction.
- D'accord, une fois que j'aurai réussi alors, Il continue nerveusement, Je pense continuer à être gladiateur en tant qu'homme libre, est-ce que j'aurais ta bénédiction ?
- Non, jamais, si tu fais ça, ne me parle plus.
- Quoi ? Mais pourquoi ? Je pourrais rester avec toi ! Je n'ai plus personne en dehors de toi maintenant. Personne à retrouver à l'extérieur !
- Je me bats depuis dix ans pour être un homme libre à nouveau et partir d'ici, et tu me demandes de t'encourager à te continuer à te battre en tant que gladiateur ? De risquer ta vie tous les jours pour que je puisse te voir ?
- Mais on pourrait mettre en commun nos richesses pour racheter ta liberté ! Il n'y a quasiment aucun moyen de gagner autant d'argent si rapidement qu'en étant gladiateur !
- Mais pour quelle vie Sehun ! Oui je me battais dans l'armée, mais pour défendre ma patrie, ses citoyens et notre culture. Je me battais pour l'honneur et pour les vies de mes compatriotes. Pourquoi nous battons-nous en tant que gladiateur ? Pour des citoyens assoiffés de sang et de spectacle ? Pour renforcer le pouvoir de patriciens qui en ont déjà trop pour l'infime partie du peuple qu'ils représentent ? Pour la gloire, l'argent et les femmes ? Je combats pour retrouver mon honneur et être libre. Une fois libre, je ne veux plus toucher à une épée, plus toucher un trident, ni un bouclier. Je suis fatigué de toute cette violence et de ce danger. Je ne donnerai à personne ma bénédiction qui a envie de poursuivre cette engeance barbare de son plein gré. Ne me redemande jamais ça, ne me parle plus si tu en as l'envie.
- Tu nous préfères séparés ?, Demande Sehun blessé.
- Je te préfère honnête et loin de cette boucherie.
- Un gladiateur est un homme honnête, il ne vole pas, ne connait aucun crime.
- Il vole des vies.
- C'est autorisé par la loi, c'est elle qui décide de ce qui est un crime.
- La loi humaine a ses limites, je te parle de conscience et de vertu, dont les romains aiment tant parler. Il n'y a rien de vertueux dans la démesure des jeux, du Colisée.
- Tu as choisi de combattre, tu aurais pu faire autre chose en tant qu'esclave.
- Certes, j'ai évalué les options et choisi manifestement la pire d'entre elle. Je pensais être libre rapidement, et finalement je prends de plus en plus de vies alors que j'y répugne dans ces conditions. Mais je ne peux plus changer, et bien que ce soit égoïste, je préfère ma liberté à la vie d'inconnus, surtout que la plupart sont des hommes libres qui perpétuent ce que je répugne.
- Tu es compliqué, contradictoire.
- On ne m'a pas laissé le temps de me bâtir des idéaux avant que je ne demande à être gladiateur. On change en dix ans, j'ai changé, je ne suis pas devenu sage, mais à part quand je suis avec toi, je suis devenu las.
- Ne dis pas ça, s'il-te-plaît, Murmure Sehun en se levant, Tu as toutes tes chances encore, tu n'as que vingt-huit ans, et des années devant toi pour gagner cette liberté. Quand tu deviendras moins performant, il y gagnera plus à te laisser racheter ta liberté qu'à te garder.
- Si on n'a pas jugé avant que mes performances n'étant plus ce qu'elles étaient, on préfère voir ma mort en public que ma retraite paisible.
- Tu es pessimiste.
- Rationnel.
- Ça ne t'aide pas.
- Ça m'empêche de déprimer en voyant mes espoirs mourir.
- Tu me donnes envie de perdre pour rester avec toi, si je suis la seule chose qui t'empêche d'être las., Il s'accroupit en face de moi.
- Je t'interdis de faire ça, je te préfère en sécurité. C'est ce qui fera mon bonheur Sehun, réellement.
Il se passe quelques secondes pendant lesquelles Sehun sonde les yeux de Junmyeon sans dire un mot. Puis, petit à petit, une lueur de détermination s'allume dans ses yeux alors qu'il se redresse. Junmyeon l'observe étonné mais ses émotions autant que possible. Sehun se penche et vient l'embrasser avec passion, et une volonté renouvelée. Quand Junmyeon regarde ses yeux à nouveau alors qu'il s'éloigne de quelques centimètres, pour la première fois, il se sent petit en face de Sehun. Il voit dans ses yeux une détermination que lui-même n'a plus depuis un moment.
- Je te sortirai d'ici Junmyeon, tu verras, et sans être gladiateur. On aura une vie honnête.
- Tu es cruel de me donner de l'espoir.
- Je m'assure simplement que tu resteras en vie pendant que je ne serai plus là.
Junmyeon l'embrasse à nouveau, plus avec désespoir, alors que ses yeux sont remplis de larmes qu'il refuse de laisser couler. Sehun le pousse à se relever et le prend tendrement dans ses bras, délicatement, comme s'il avait avec lui quelque chose de plus précieux que tout. Peu après, Junmyeon sort de la chambre et laisse finalement couler silencieusement ses larmes en retournant dans sa chambre.
Le lendemain, Junmyeon ne croise pas Sehun avant qu'il ne parte pour le Colisée et comme il ne prend pas part aux jeux, il ne peut aller dans les coulisses pour le voir. En tant qu'esclave, il se retrouverait tout en haut des gradins s'il essayait d'assister au combat, ne voyant rien et stressant en croyant voir Sehun dans n'importe quel laquearius annoncé pour les jeux. Il décide de se tenir plutôt au niveau de l'entrée des gladiateurs et de demander à une de ses connaissances à l'intérieur de lui donner le résultat des combats de Sehun au cours de la journée. La journée passe à un rythme infernal par sa lenteur pour Junmyeon, aveugle mais pas sourd, il entend les rugissements de la foule, que ce soit pour huer ou encourager. Il y a dix ans chaque cri le faisait sursauter, le faisant parfois perdre des précieuses secondes d'attention qui auraient pu lui être fatales. Quand il foule le sable maintenant, les cris sont le fond sonore qui assure sa survie, car si la foule l'aime, même en perdant un combat, il survivrait. Mais il n'a jamais perdu de combat, il avait la rigueur du soldat, il a acquis la volonté du survivant, son entraînement avançait deux fois plus vite que celui des autres, il a fini par inventer sa propre catégorie de gladiateur, rejetant les classiques pour un combattant mixte. Une épée dans chaque main, une plus courte que l'autre, lui permettant d'avoir deux allonges adaptées au corps à corps comme à la portée d'un trident avec un peu d'adresse. Mais à la place du manica protégeant le long de son bras gauche comme Sehun, il a, après de nombreux essais, réussi à fixer un petit bouclier rond à son avant-bras gauche qui lui permet de se protéger comme de faire de petites charges, ne l'obligeant pas à se reposer uniquement sur sa vélocité et son habilité comme les autres classes légères. Son style de combat unique désarçonne la plupart des gladiateurs, il gagne le cœur des foules. Au début, Junmyeon était fier de son inventivité et de sa hardiesse. Maintenant, il se maudit quelques soirs d'avoir cherché à faire trop bien, trop rapidement, de ne pas avoir laissé le temps à Vilnius de se poser la question de l'affranchissement avant qu'il ne devienne une source trop importante de la richesse du vieux patricien. Il soupire en sentant ses pensées s'égarer à nouveau dans les méandres de ses regrets. Galius lui a dit tout à l'heure que le prochain combat de Sehun sera le dernier de la journée. Mais le laniste est fier de lui, il a combattu comme jamais aujourd'hui apparemment, l'Empereur lui a promis de beaux cadeaux pour l'excellence de l'entraînement de ses gladiateurs, alors que ce ne sont même pas encore ses meilleurs. Si Sehun ne meurt pas, il sera affranchi demain devant les quelques autres esclaves gladiateurs, pour montrer qu'avec de la hargne et de la volonté, il est possible de se sortir de cette condition. J'imagine qu'il sera moins heureux quand il aura appris que Sehun n'a plus l'intention de continuer à se battre.
Junmyeon lève la tête et observe la position du soleil pendant quelques secondes. Le premier quart de la dernière heure de la journée vient de se terminer, le combat de Sehun commencera bientôt. Un frissons de tension remonte le long de sa colonne vertébrale alors que tous ses muscles se crispent, le moment de vérité. Il s'apprêtait à s'éloigner un peu, marchant pour évacuer la pression quand une voix bien connue l'appelle.
- Junmyeon ! Junmyeon, approche vite.
Il se déplace rapidement vers l'entrée des gladiateurs, d'où vient la voix.
- Je peux te faire entrer, j'ai réussi à récupérer les clés. Dépêche avant qu'on ne me voit t'ouvrir.
- Merci Galius, je te revaudrai ça.
- Tu as intérêt.
Junmyeon se faufile à l'intérieur et bientôt la porte est refermée derrière lui. Il se déplace sans hésiter dans les couloirs, sachant parfaitement dans quelle direction aller. Les couloirs du Colisée n'ont plus de secret à lui cacher, il les a tous empruntés au moins une vingtaine de fois. Il arrive finalement dans le couloir se terminant sur l'arène. Il se fige en voyant Sehun se lever pour rentrer dans l'arène, il ne dit pas un mot, n'esquisse pas un geste alors que le plus jeune prend ses armes, le poignard à sa ceinture, le trident dans sa main gauche, le fouet dans la droite. Il enfile un casque léger, sans visière et marche droit dans l'arène, sans voir Junmyeon. Ce dernier, dans un accès de croyance, prie Minerve et Mars d'épargner sa vie, de le laisser partir ce soir en tant qu'esclave et demain en homme libre. La herse se referme derrière Sehun et Junmyeon s'en approche, tombant à genoux dans sa supplication intérieure envers les dieux de la guerre, des combats, de la victoire, terminant par Niké. Si seulement un seul décidait d'accorder sa grâce à Sehun et de lui assurer la vie. Junmyeon se promet d'honorer quotidiennement ces dieux si jamais Sehun ressortait vainqueur.
Sehun et son adversaire se mirent en place, se faisant face l'un l'autre. Sehun dernier combattant de la classe légère, l'homme en face, de la lourde. Un secutor remarqua Sehun, ça ne l'arrangeait pas, son large bouclier rectangulaire pouvait lui permettre de se protéger entièrement, son casque intégral le rendait insensible à ses coups de fouet et il portait sur le bras sans bouclier une manica similaire à la sienne. Il lâcha un juron, le meilleur moyen de le combattre sera de lui faucher les jambes, et encore. La hampe du trident risquait de se briser s'il frappait trop fort le bouclier quand le secutor se protégera, il riperait sur la manica sans blesser, il lui aurait fallu une longue épée lourde pour entamer les plaques de métal. Peut-être abîmer ses jambes, le rendre moins mobile puis réussir à passer derrière lui pour l'embrocher par derrière, voilà qui ferait l'affaire. Son plan finit de s'échafauder en même temps que le signal du début de combat fut lancé. Le secutor se lança sur lui dans un cri sauvage. Trop facile, pensa Sehun, il ne réfléchit pas. L'esquivant au dernier moment, il profita de l'élan engendré par la lourdeur de l'équipement du secutor pour frapper l'arrière des jambes de son adversaire de son fouet, lacérant ses mollets jusqu'au sang. Ça ne suffira pas, mais si le secutor continue à charger ainsi, il ne devrait avoir aucun problème pour rendre finir par toucher les muscles ou tendons et l'immobiliser. Le secutor chargea encore une, deux, trois fois, à chaque fois, Sehun esquiva et frappa ses jambes de son fouet, n'osant pas s'approcher suffisamment pour le faire avec son trident bien qu'il fut plus efficace, redoutant que son adversaire se retourner partiellement et en profite pour le poignarder en s'approchant de lui d'un bond. Mais la répétition rendait Sehun prévisible, et moins vigilant. Junmyeon lui aurait crié de ne jamais baisser sa garde s'il avait pu, mais dans l'effroi de ce qu'il vit arriver, il ne pu crier que le nom de Sehun sans former aucune autre pensée cohérente, et celui-ci se perdit à peine sorti de sa bouche dans les exclamations de la foule. Sehun se retourna moins vite après avoir esquivé, son adversaire avait pris moins d'élan pour ne pas se faire emmener comme depuis le début et il laissa son bouclier se poser sur le sol pour s'en servir afin de couper sa course. Alors que Sehun se retourna, le secutor brandit son poignard, le dirigeant dans le flanc droit de Sehun, l'endroit le moins protégé de sa légère armure. Sehun vit le coup arriver, il essaya de mettre le manchon de son bras gauche au-devant de la lame pour parer le coup, mais si elle ripa effectivement sur la manica, cela ne dévia que partiellement sa course et pu ouvrir une large plaie sur le côté droit de Sehun, l'envoyant rouler au sol comme Junmyeon l'avait envoyé hier. Mais il ne s'agissait pas d'un entraînement, et si Junmyeon n'avait pas poussé les attaques, le secutor saisit l'occasion sans attendre. Heureusement, Sehun roula sur le sol, évitant le premier coup, et sa deuxième esquive lui permis en même temps de s'accroupir et de lever le bras gauche, l'avant-bras parallèle au sol, bloquant le bras du secutor alors qu'il l'abaissait pour la troisième fois. Sa lame s'immobilisa à quelques centimètres du front de Sehun. Et alors que l'arbitre s'apprêtait à annoncer la fin du combat sur la victoire du secutor, ne voyant pas comment le combat pourrait se poursuivre face à la blessure de Sehun, et laisser à la foule le choix de l'appréciation du combat, Sehun fit ce à quoi personne ne s'attendait. Ignorant la blessure ouvrant sa peau en dessous de ses côtes et la douleur cuisante de celle-ci, il lâche son fouet, prend son poignard et l'enfonce dans la cuisse du secutor dans un cri de rage qui reçu bientôt un écho tonitruant du reste de la foule du Colisée. Le secutor tomba sur un genou, son bouclier trop grand et lourd, il ne pouvait plus le manier et se protéger. Avant que son ennemi ne pense à reprendre le contrôle de son bras droit tenant son poignard, Sehun enfonça le sien dans la deuxième cuisse du gladiateur, le mettant à genou, alors, se redressant devant la gladiateur immobilisé, ayant maintenant une portée trop courte pour le toucher avec son poignard, Sehun leva son trident et le fit fondre sur la gorge de son adversaire. Ce dernier tomba en arrière, un crac sonore annonça le poignet brisé alors qu'il n'avait pu se débarrasser de son bouclier à temps et un hurlement de douleur surpris le Colisée alors que le secutor était déjà mort pour tout le monde, la gorge transpercée. Quand l'arbitre arriva, il vit que les pointes du trident se trouvaient de chaque côté de la gorge du secutor, le bloquant au sol par la gorge sans le tuer. Des acclamations, plus vives que celles que Junmyeon a entendu de toute la journée, résonnèrent dans le Colisée alors que la victoire de Sehun est annoncée. Les larmes de soulagement coulent seules mais sa bouche se muent en un cri silencieux alors que Sehun s'effondre soudainement sur le sol à la surprise de tout le Colisée. La herse s'ouvre, et Junmyeon entend des pas précipités derrière lui, mais plus rapide que n'importe qui, il s'élance sur le sable sous les cris étonnés des patriciens des premiers rangs qui le reconnaissent. Il s'effondre à côté de Sehun et s'empare de sa tête entre ses deux mains.
- Sehun ! Sehun réponds-moi, je suis là, ne m'abandonne pas, pas maintenant !
Alors qu'il le supplie, les yeux de Sehun papillonnent avant de se fixer sur Junmyeon. Un sourire s'affiche sur ses lèvres.
- Tu as pu venir, j'ai gagné.
- Imbécile, tu aurais survécu, tu étais sûr d'être affranchi, tu n'avais pas à jouer aux héros.
- Je ne voulais pas perdre aujourd'hui, pour te rendre fier de ton entraînement.
- Mon entraînement devait te permettre de rester en vie, pas de mourir en gagnant !, Crie Junmyeon.
- Ne t'énerve pas, ça ne te va pas. Je te préfère austère et mesuré.
- Tais-toi, tu parles comme un mort, je sais que tu survivras. On ne me la fait pas, tu survivras.
- Bien sûr, juste pour t'embêter un peu plus longtemps.
- Ne ferme pas les yeux, s'il-te-plaît, garde les yeux ouverts, ne pars pas, ouvre les yeux.
Junmyeon répète avant que des esclaves n'emmènent Sehun sur une civière et courent l'apporter aux médecins. Il jure en les voyant le ballotter de partout, c'est mauvais pour sa blessure. De nouveaux esclaves arrivent pour emmener le secutor cette-fois. Il n'a pas été tué, ils ont été satisfaits de ses performances. Une colère blanche prend Junmyeon et il arrache le trident du sol prêt à embrocher le secutor avec celui-ci, crever ses yeux, l'enfoncer jusqu'au cerveau, briser son crâne et laisser son sang imprégner le sable du Colisée. Mais alors qu'il s'apprête à abaisser son bras, les conséquences de ce geste lui saute en pleine figure et il lance le trident au loin. Il a failli tuer par colère, vengeance, il n'y avait rien à défendre, le mal était déjà fait et la mort de cet homme n'allait rien arranger. Junmyeon recula avant de s'enfoncer à nouveau dans les entrailles de l'énorme bâtiment de pierre, prenant un chemin inconnu de la plupart qui lui permit de rejoindre la partie des spectateurs et de sortir sans problème, les entrées et sorties n'étant pas contrôlées ici. Il a failli se laisser emporter par la rage qui prend les spectateurs lorsqu'ils regardent un combat auquel ils ne prennent pas part. Il s'en est fallu de peu, si l'on mettait les spectateurs dans sa situation, se rendraient-ils compte de ce qu'ils demandent réellement à leurs champions ? Ils se gaussent de dire qu'il ne s'agit que d'un sport, mais si Sehun meurt réellement à cause de cette blessure, Junmyeon se jure de trouver un moyen de tuer l'Empereur, seul responsable dans sa vanité de ces jeux avant de se donner lui-même la mort. Tant qu'il aura une obole sous la langue, on ne lui refusera pas le passage du fleuve des morts. La mort lui parait bien plus attrayante s'il peut y rejoindre Sehun.
Les prochains jours se passèrent dans un brouillard de souvenirs sans sensations. Tout parait vide sans personne pour venir l'embêter pendant ses entraînements, ses repas, ses pauses et parfois même ses nuits. Junmyeon ne put voir Sehun, ne sachant qu'il se remettait de sa blessure au lieu d'en mourir que quand celui-ci est apparu debout, bien qu'un peu pâle pour que la rudis, épée d'entraînement, ne lui soit finalement remise symboliquement devant tous les autres esclaves. Leurs adieux se résumèrent à l'échange d'un regard, long, plein de significations, mais trop court face à toutes les questions et les peurs qui taraudaient Junmyeon. Puis Sehun partit et son monde s'écroula pour la deuxième fois, pire encore que quand il a été fait esclave, après sa liberté, il perdait son amour sans avoir retrouvé la première pour compenser cette deuxième perte.
Merci d'avoir lu jusqu'au bout la première partie de mon two shot pour l'échange de @404projects sur les EXO. La deuxième partie arrivera le 21 juillet au plus tard. J'espère qu'il vous aura plu et que je vous retrouverais pour la deuxième partie ^^
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