••••••Sélénia••••••
Comme promis, Merow le métamorphe aux yeux de braises, revient accompagné de son chef. Le visage détendu, il me sourit avec timidité, tandis que le plus âgé aux cheveux courts et grisonnants s'exclame:
- Bien pour une surprise, ma p'tite demoiselle, c'est qu'cest plutôt rare d'nos jours de voir une méta qui se transforme en oiseau. Faut dire qu'ils ont été exterminés en grande partie à la demande de Omans. Ce fou de Aldini ne supportait pas l'idée d'être épié par le ciel et craint de recevoir une attaque de cailloux volants, se moque le dénommé Hiro de sa grosse voix.
- Une méta?
Son langage me laisse perplexe, très rurale et familier pour un chef de clan. Mérow se penche vers moi le plus discrètement possible et traduit les mots ou raccourcis employés afin que je comprenne au mieux ce que braille le vieux loup.
- Bon, j'pense ma p'tite qu'on peux t'aider. La taverne brasse pas mal de monde, que ce soit des marchands, des soldats ou simplement des habitant d'Orgès. J'veux bien t'aider à trouver ton gars pour te libérer d'un problème. Mais j'pense pas que Omans te rende la liberté aussi facilement gamine, ni à ton maître d'ailleurs.
Cette remarque, me touche. Je crains fort malheureusement que Sven soit réellement notre bourreaux jusqu'au bout et que Omans ne tienne pas sa promesse. Hélas, quel autre choix ai-je pour nous? Dendao et moi sommes pieds et poings liés, enfermé derrière cette muraille, dans ce maudit château glacé. Ce que je crains le plus est encore la notion de « liberté » selon ce roi sans cœur. Perdre mon maître, mon père d'adoption, le seul être à qui je tienne plus qu'à ma vie, m'en fait perdre mes moyens et les larmes me montent aux yeux rien que d'y penser. J'en mourrai de le voir mourrir.
- Comment comptez-vous m'aider?
- C'est simple, t'iras faire ton rapport à l'autre qui vous retiens prisonniers et entre temps, tu bosseras ici, comme serveuse pour trouver des pistes. Ça te vas?
- Et si je ne trouve pas?
- On se fixe trois mois pour trouver une piste. Je te propose une rémunération à hauteur de cinq écus d'argents par semaine, le repas et le gîte quand tu en auras besoin, sans compter notre aide et le partage des renseignements.
Proposition alléchante, mais il ne faut pas se précipiter. Le vieux rabougri qui se tient devant moi me tend la main.
- Marché conclus?
- Six écus d'argent par semaine, je tranche.
Ce n'est qu'une petite augmentation de rien du tout, mais ce bien peut m'être très utile pour acheter des armes et rations.
- T'es une dure en affaires toi! Vas Pour six écus!
J'Empoigne sa main rugueuse et abîmée, s'en suit un mouvement tonique et affirmé qui ne manque pas de me rappeler mes douleurs à l'épaule et au dos. Il me sourit de bon cœur et je ne peux m'empêcher de lui rendre sa sympathie en arborant un visage timide, mais plus joyeux.
- Et maintenant?
- Tu dois retourner auprès de cet imbéciles qui vous tiens prisonniers si j'ai bien compris?
Mon visage redevient plus sombre à l'évocation de Sven le bourreau. J'acquiesce sans un mot, en ayant la sensation que mes yeux se remplissent de larmes.
Devant ma mine déconfite, le vieux loup grisonnant s'octroie une accolade chaleureuse et réconfortante en m'attrapant de manière imprévue et quelque peux brutale, tandis que Mérow glisse à mon oreille un « sois forte ». Son visage plein de compassion me rappelle que je ne suis pas là seule metamorphe à souffrir et que d'autre sont sous le joug de Omans, à obéir à ses ordres fous.
- Tu n'es pas seule, désormais, nous sommes ton clan, conclus le brun sombre.
- Bien dit mon second, s'exclame Hiro en me relâchant d'une étreinte étouffante.
Je reprend mon souffle, observe les deux « métas » qui se tiennent devant moi et m'interroge désormais sur la tournure que prendra mon avenir. Comme un songe éveillé, un pressentiment encré du comme fer dans mon cœur, je sais déjà que ma vie va changer auprès d'eux.
- Le soleil commence déjà sa descente, le crépuscule ne va plus tarder à venir, annonce Mérow.
- Il faut que je parte sur le champs. Les représailles de mon retard pourraient être désastreuses pour Dendao...
Les loups, le regard plein d'amitié et de compassion me donnent quelques conseils pour me camoufler et soigner des plaies peu profondes et m'offrent un petit sachet d'herbes au pouvoir bienfaiteurs. En quelques minutes tout est expliqué, rangé, ne me reste plus qu'à espérer que mon retour vers le donjon se passera bien et que Sven sera assez clément avec ma première sortie et le fait que je n'ai rien découvert lors de mes trois jours de cavale.
Sur le pallier de la petite porte de service, juste à l'arrière de l'auberge, je remercie vivement mes confrères et disparaît en marchant d'un pas décidé vers le château, puis profite d'un passage discret et d'un recoin plus sombre pour me métamorphoser.
Je prend rapidement de la hauteur, scrutant le carré de ciel bleu qui me fait face, un poids sur le cœur. J'aurais bien aimé pouvoir passer plus de temps hors de ce maudit château sombre, humide et puant la charogne. Mais pas le choix, car plus je me rapproche du sommet du donjon qui me sert de lieu de rendez-vous, plus la silhouette disgracieuse de ce bourreau de Sven se dessine devant mes yeux.
Il m'attend de pied ferme avec cette cage qui renferme dans son ventre, mon maître sous sa forme d'oiseau.
Lorsque je me pose, le gros dégoulinant braille un «c'est pas trop tôt» en postillonnant. La sueur, la crasse et la puanteur n'ont pas quitté son corps et je doute qu'il ai daigné pointer le bout de son nez dehors, vue son allergie à l'eau.
«Sélénia, ma petite, tu es revenue! », me transmet mentalement Dendao, anxieux.
«Maître, vous m'avez tant manqué!»
Mon cœur s'accélère en le voyant, en ressentant à nouveau sa présence dans mon esprit. Je l'observe attentivement pour m'assurer qu'aucun mal ne lui a été fait pendant mon absence, mais rien. Pas de plaies, pas de plumes manquantes, pas de traces de coups.
- Allez, fini de jacter, fais moi ton rapport la mioche.
Dans la tour ronde, celle par laquelle je suis partie au début de mon excursion, un paravent a été installé avec des vêtements à ma taille. Pour une fois, Sven a penser à mettre de quoi occulter mon corps le temps que je reprenne forme humaine et que je me rhabille. Aussi, je me précipite vers ce recoin et m'y change à la hâte, préférant éviter de faire attendre le bourreau et sa patiente inexistante. Lorsque je ressort, vêtue d'une chemise cintrée blanche, d'un pantalon en cuir léger et marron et de bretelles assorties au bas, Sven me reluque de ces yeux sales, un recoin de ses lèvres soulevé.
- Arrête de me déshabiller ainsi du regard, c'est dérangeant.
L'homme, vexé d'avoir été surpris à me reluquer me lance une grimace en tirant la langue comme un sale gamin, ce qui a le dont de m'exaspérer. Notre bourreau est un idiot doublé d'un retardé à ce que je vois.
- Parle, m'ordonne le bedonnant en s'approchant de la cage de mon maître tout en titillant la poignée en cuir et bois de sa dague accrochée à sa ceinture.
- Le trésor était un piège tendus par Aasgar, je commence.
Il ne daigne même pas me regarder et une lueur de cruauté passe dans son regard alors qu'il observe la cage de Dendao.
- Si tu n'as rien de mieux, peut-être devrais-je te motiver en écorchant un peu ce vieux corbeau, menace Sven avec un rire sadique.
- Un homme, un garde d'Aarions c'est démarqué des autres, je continue en tentant de cacher mon angoisse grandissante.
Sven détourne son regard de mon maître et le pose sur moi, Toujours aussi fou.
- Continue.
Là main du bourreau caresse le pommeau de l'objet tranchant, tapotant parfois de ses doigts rugueux, l'extrémité du manche en forme de boule en fer rouillées à certains endroits.
- Il était plutôt petit, discret et d'une agilité plus que remarquable pour un humain. Lorsque les chevaliers d'Aasgar son sortis du chariot, épées en avant, les deux chefs de chaque nation se sont alors affrontés. Cet individus c'est retrouvé au milieu du conflit et a réussi par d'incroyable jeux d'adresses à ne pas finir découpé en rondelles.
Je m'arrête, me remémorant la scène de ce soir avec un peu de difficulté. Mais Sven n'est pas d'humeur à attendre et me presse de continuer mon récit.
- Je m'attendais à le voir se battre, mais au lieu de ça, il a fuit, suivi pas deux soldats de chaque nations.
- Et?
- J'ai suivi ce petit groupe, c'était bien trop étrange comme comportement, cette poursuite. Mais, dans le noir j'ai eu beaucoup de mal à me repérer et j'ai volé bien trop bas.
- Tu l'as perdu de vue si je comprend bien, tranche le bourreau d'un voix froide au point de m'en dresser les poils sur les bras.
- J'ai été attaquée et j'ai perdue connaissance. À mon réveil j'étais étendue dans une ruelle de la ville, avec des bandages. Voilà pourquoi il m'a fallu tant de temps pour vous rejoindre.
Mon mensonge sur la suite des événements semble passer inaperçu, mais Sven est étrangement calme et pensif.
- Tu as vu son visage?
- Non.
- Un nom de cet homme, un prénom, une quelconque information qui pourrait nous êtres utile?
- Rien, hormis son agilité, sa petite taille et son étrange comportement.
- En somme, nous n'avons pas avancés.
Je n'ose pas répondre, sentant l'agacement monter en Sven. Mieux vaux le laisser râler, puis s'énerver sur quelque chose d'autre que sur Den ou moi.
Il fini par tourner en rond, mâchonne un bâton de réglisse qu'il avait préalablement déposé sur une petite table en bois usée, puis s'arrête brutalement et tourne son regard vers moi, mauvais.
- Tu as bien travaillé, malgré le manque d'informations et ton échec à poursuivre cet homme. Mais j'ai besoin de me défouler.
Dans sa cage, Dendao s'agite et me hurle de fuir immédiatement. Mais je sais pertinemment que si j'obéis à mon maître, sa mort serait ma sentence.
Sven s'avance vers moi rapidement et ses bottes résonnent sur le granite gris et humide. Il m'attrape par le cou, sort sa dague et la presse contre ma gorge.
- Tu bouges, tu meures, me menace le bourreau.
Alors je me laisse faire, comme un lapin dans les crocs de son prédateur, j'attend la fin. La main qui m'étrangle se resserre petit à petit. La pression qu'elle exerce augmente celle de mes veines qui tambourinent dans ma poitrine et sur mes tempes. J'ai mal à la tête et avec cela la sensation qu'elle va éclater me martel l'esprit. Des mouches de lumière surgissent devant mes yeux et le manque d'air me pousse à tenter de prendre une grande inspiration. Sans doute l'instinct de survie. Mais la lame de Sven me rappelle que je n'ai pas le droit de bouger et ma peau lésée par celle-ci me fait gémir de douleur. Un liquide chaud coule de main cour et ceux jusque sur ma poitrine. Un voile noir vient de saisir et puis plus rien.
Le vide, les hurlements de Den et le rire sadique de Sven.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro