
I. 6-2
Une fois dehors, des sabots résonnent au loin sur les pavés de la ville.
Je me précipite vers le soldat du Sud. Il semble reprendre ces esprits et tente vainement de se relever. Je m'applique à l'aider et maintient son bras cassé en le plaquant contre son torse.
- Fait attention. Ce n'est pas parce que tu n'as pas mal qu'il n'y a pas de lésion... j'ai simplement stoppé la douleur pour t'éviter de souffrir inutilement, mais pour autant, ton os est toujours en miette, je lui dit.
L'homme ne prononce pas un mot. Il me regarde simplement, se contentant d'obéir sans broncher.
Les bruits de sabots se rapprochent dans un vacarme assourdissant en me faisant grimacer. C'est le coffre blindé d'Aasgar et son attelage entier qui s'arrête devant nous, avec pour conducteur Merow sous une épaisse étoffe de laine noire.
- Montez! Crie celui-ci.
Ni une, ni deux, la porte de la carriole par laquelle étaient sortis les chevaliers du Sud, s'ouvre. A l'intérieur, il y a ces même hommes, la plupart blessés, certains morts.
Nous plongeons dans le ventre de ce monstre blindé et la porte se referme. Le noir absolu nous entoures et chacun tente de rester précisément à sa place malgré la vitesse et les virages.
Le vacarme qui règne dans cet espace confiné est assourdissant, seuls quelques cris d'hommes nous parviennent par moment. Malgré ma souplesse et mes capacités d'hybride, j'éprouve beaucoup de difficultés à rester en place. Je sais que certains de mes compères enfermés avec moi s'en sortent moins bien, le noir est absolu, mais mon ouïe est très fine.
Et soudain, tout se calme.
Pas de virage à la chaîne, pas de cris, simplement le son du chariot roulant sur les pavés et le lasso fouettant l'air pour forcer les cheveux à galoper. Tout le monde semble s'apaiser après cet instant de répit. Je pense que nous avons pris la route du Sud, direction le royaume d'Aasgar.
J'écoute les râles des soldats blessés mais dont l'obscurité totale empêche toute intervention pour les soigner. Mes yeux se ferment et mes autres sens s'ouvrent à mon entourage. Le pavillon de mes oreilles vibres légèrement, parfois celle-ci pivotent pour mieux capter les sons, qu'ils viennent de l'intérieur du chariot, comme de l'extérieur. C'est comme si j'étais dans une bulle, un état second. Je me déconnecte d'une réalité pour entrer dans une autre. Et j'imagine...
Les sabots des cavaliers d'Orges qui nous poursuivent, épées brandies et arcs prêts à décocher des flèches.
Les loups de ma meute qui sautent sur les pauvres chevaux de ces chevaliers mis en difficultés.
Pas de morts, mais une mise en échec de notre poursuite.
Et le calme après de longues minutes.
- C'est fini, je dis d'un ton neutre.
Je sais que les humains qui m'entourent m'écoutent. Leur attention est rivé sur moi depuis que je suis entré dans le chariot. Qu'attendent t-ils de moi? Ont-ils peur que je les assassines dans le noir?
Je ne suis qu'un gamin, un sale chapardeur un peu casse-cou et intrépide, mais pour eux, je suis peut-être un valeureux soldat d'Aarions, un tueur au sang froid?
- C'est fini? Répète un homme à l'accent étranger du Sud très prononcé.
- Oui, je répond simplement. Nous ne sommes plus poursuivis.
Mes yeux commencent à s'habituer à l'obscurité totale. Ils distinguent très vaguement des silhouettes, des ombres enviées plus foncées que le reste du chariot. Je sais bien que je ne vois pas tout le monde, que ces impressions sont peut-être des erreurs, mais je me sent rassurer par mes sens qui ne me laissent jamais tomber.
- Les metamorphes ont fait échouer leur poursuite, nous avançons vers votre pays en ce moment, aidé par le second de la meute.
- Tu es l'un d'eux? Grogne un autre soldat.
- Je fais parti de leur clan, mais je ne suis pas un changeur de forme pour autant.
Pris d'une énergie soudaine après cet échange et les repos en sécurité dans le ventre blindé du chariot, je me lève et donne de grands coups pour stopper Mérow.
Il n'aura pas fallu beaucoup de temps pour que celui-ci s'exécute et que les vibrations des pavés contre les roues en métal cessent.
Nous attendons silencieusement que la porte s'ouvre.
- Pourquoi nous arrêter maintenant? S'énerve un soldat.
- Pour soigner nos blessés, tranche un autre garde dont je crois deviner de qui il s'agit.
Un claquement de verrou résonne dans la caisse métallique où nous nous trouvons. Cela m'arrache une grimace, ce bruit est insupportable pour les oreilles sensibles. La lumière d'un nouveau jour pénètre à l'intérieur et nous éblouis de son intensité matinale. Ils nous faut quelques minutes avant de pouvoir ouvrir nos paupières lourdes de sommeil qui se sont habituées à l'obscurité, mais notre regard se porte finalement sur l'homme qui se tient devant nous.
Merow, le second chef de la meute de la taverne du dragon vert. Un ami, quelqu'un de fort et de clairvoyant.
Mon visage s'illumine en le voyant, bien qu'il me rende une expression figée, presque mécontente. J'ai la vague impression qu'il m'en veux encore d'avoir fuis et surtout d'avoir désobéit à ses ordres.
- Vous êtes hors de danger, commente celui-ci à l'attention des gardes.
Quand je tourne mon visage vers mon compagnons de voyage, je constate que trois d'entre eux sont morts et que deux sont gravement blessés. Je lis sur le visage des plus vieux, une expression de déjà vu, de la peine. Les plus jeunes sont quand à eux, dont visiblement horrifiés de la mort des leurs, mais aussi chanceux de s'en être sortis. Je crois bien que cette expérience restera gravée dans leur cœur à tout jamais.
Je rencontre le visage du soldat au bras blessé et remarque une flamme rouge surmonté d'une auréole d'or, brodée sur la longue tenue bleue nuit qu'il porte. Est-ce leur chef? Il ne décroche pas un mot et continue de me dévisager.
Pendant ce temps, Merow dont le regard c'est un peu plus obscurci à la vue des soldats, m'ordonne de sortir.
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