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Chapitre 7

Même si ce n'était qu'une infime parcelle de ce que regorgeait ce monde, ce qu'elle venait d'apprendre était déjà dur à retenir. D'après les dires d'Æthnis, la Ligue était un groupe composé de quinze personnes et qui aidait les Édiles... c'était parce qu'elle en faisait partie qu'elle avait cette mission dangereuse ?

— La Ligue possède nos meilleurs guerriers, continua Æthnis en voyant ses nombreux questionnements. Archers, guérisseurs, sorciers... c'est très diversifié. C'est un grand avantage et permet d'affecter les missions à ceux qui pourront le mieux les réussir. En faisant partie des vindicateurs, je suis envoyée sur le terrain où les risques sont élevés. Étant donné qu'on ne sait pas ce qu'on peut trouver dans cette forêt, j'étais le parfait candidat. J'ai la possibilité de guérir les blessures minimes en plus d'avoir une grande maitrise du combat.

Skyrah était en admiration. La droiture et la force de Æthnis se ressentaient rien qu'en la regardant. En même temps, celle-ci était aussi quelqu'un de très joviale et énergique. Un courant d'air frais.

— Comment t'appelles-tu ? intervint Calcim qui avait jusqu'à présent gardé le silence.

— Skyrah.

Durant tout le long de la conversation, elle avait senti le regard de l'homme sur elle. Il avait attentivement écouté la conversation et était piqué de curiosité quant à sa situation. Son visage de marbre, aussi parfait qu'une sculpture, se réchauffa lorsque ses sourcils se froncèrent de réflexion.

— Tomber du ciel ?

Était-ce le moment ? Devait-elle étaler toute sa vie ? Vie qui ne se résumait qu'à un réveil des plus flous et une existence sans but ni souvenir ? Elle s'était attendue au fait d'expliquer mille et une fois son état. Mais y penser creusait toujours plus ce trou dans lequel elle était prisonnière. Quand remonterait-elle la pente ? Y arrivera-t-elle seulement ?

Elle prit une petite inspiration pour faire venir le plus de force possible, puis commença :

— Je suis amnésique. J'ai atterri dans un petit village à quelques heures d'ici. D'après eux, je suis apparue sans explication, d'où le prénom.

Un silence prit la pièce durant ce qui lui sembla une éternité. Calcim n'avait pas l'air d'être très bavard et avait plongé dans ses pensées. Un silence qui finit par peser sur ses frêles épaules alors qu'elle tentait de lire dans ses yeux. Mais rien. Elle ne le connaissait pas assez pour savoir ce qu'il pensait. Elle ne connaissait pas assez de monde pour décrypter son visage. Elle ne connaissait pas assez ce monde pour savoir quoi que ce soit d'ailleurs.

Elle resta donc là, muette malgré elle, à attendre que sa torture interne ne se termine enfin.

Et comme si ses prières avaient été entendues, il reprit :

— Le village Mahi ?

— Oui, acquiesça-t-elle.

— Étrange...

Le calme revint.

Elle pouvait presque entendre son cœur frapper dans ses tympans. Sentir son sang traverser ses veines. Dans son attente interminable, elle se rendit compte d'une chose : elle ressentait les auras de ses deux compagnons. Maintenant qu'elle n'avait plus rien à faire à part jubiler, elle se surpris à concentrer toute son attention dessus. C'était si étrange. Comme une caresse, un sentiment propre à chaque individu. Elle savait les détailler comme si elle parlait d'un arbre. Elle aurait pu leur donner une couleur, une taille et même une puissance. Elle pouvait les retrouver parmi la foule épaisse de Stivalls. Foule qu'elle ressentait toujours autant – moins violemment cependant – qui rodait autour des maisons.

Lorsqu'elle revint à elle, la conversation avait déjà repris son cours.

— Et ses cheveux. Ça ne t'a pas surpris ? continua Æthnis sans faire attention à l'intéressée.

— Oui, je n'avais jamais vu une telle couleur... murmura le sorcier en plaçant sa main sur son menton.

C'était bien la première chose qu'il avait regardé en la voyant, ce magnifique blanc nacre presque cristal. Et ces yeux... Rien n'avait échappé au sorcier, mais il avait dû garder un semblant de professionnalisme en se concentrant sur sa tâche d'abord. Maintenant qu'il avait la possibilité de s'y pencher... tout son être était en ébullition face à ce cas encore jamais vu.

— Et une potion de souvenir ? Tu en as ? Ça pourrait peut-être l'aider ? proposa la vindicatrice.

Évidemment qu'il en avait, c'était d'ailleurs pour ses potions qu'il avait une si bonne réputation dans les capitales humaines. Sorcier élémentaire, il savait s'y faire avec les plantes et sa pratique l'aidait dans la conception de remèdes en tout genre. Si Skyrah avait perdu la mémoire comme dit, il lui serait facile de la retrouver avec un mélange des plus simples.

Sans perdre plus de temps, il acquiesça de la tête avant d'enfiler ses gants et de s'atteler au travail. Sous les regards interrogateurs des deux jeunes femmes, il reprit :

— Il est préférable qu'elle soit fraîche.

Face à ses tables, il commença son travail fastidieux mais si facile pour lui. Après des années de travail, les mouvements étaient devenus une habitude, une routine.

Skyrah était plus qu'impressionnée et ne put s'empêcher d'épier ses faits et gestes comme si elle tentait de les encrer dans sa mémoire. Il piocha dans une palette de bois une fiole au liquide jaunâtre qu'il versa dans un bol. Il ajouta par la suite deux feuilles dont elle ne saurait donner les noms – quoi que celles-ci avaient la particularité d'avoir des reflets arc-en-ciel. Il fit par la suite rouler une pincée de poussière bleu entre ses doigts. Dans leur chute, leur couleur vira au ciel sous la surprise de Skyrah. Calcim écrasa le tout avant de prendre le bol à une main – en prenant soin d'enlever un gant – et fit chauffer la mixture. Des flammes bleues sortaient de sa paume pour enrober le contenant et faire bouillir le contenu.

Un spectacle dont elle ne rata pas une miette.

Prêt, il transvasa la potion dans une fiole qu'il donna à Skyrah. A la différence de ce qu'elle pensait : le verre n'était pas brulant. Elle prit quelques secondes pour observer le liquide bleu ciel entre ses mains. Savait-elle faire cela, auparavant ? Savait-elle se battre comme Æthnis ? ou maitrisait-elle plutôt la nature comme Calcim ? Tant de question qui flottait dans cette petite potion.

Mais pourquoi se torturait-elle encore de ça ? D'une minute à l'autre, ses souvenirs reviendraient. D'une minute à l'autre, elle n'aurait plus aucune question ni aucune peine quant au vide qui remplissait son cœur.

D'une minute à l'autre, elle oublierait Skyrah pour être Elle. Qu'elle sensation ça lui procurerait ? Comment se sentirait-elle après ? Pleine ? Heureuse ? Mélancolique ?

Elle serra la mâchoire, concentra son attention sur la potion. Une partie de son être avait peur de ce qui allait suivre. Même partie qui redoutait le fait de ne pas se souvenir.

Sans plus réfléchir, elle but d'une traite la potion et ferma les yeux. Comme si le fait de ne plus rien voir allait l'aider à mieux observer son passé. Le goût étrangement sucré caressa sa gorge. Le liquide tiède réchauffa son cœur durant son attente. Elle espérait que toutes ses réponses viennent en un claquement de doigts.

Finit l'inconnu.

Finit les milles et une questions qui trottaient dans sa tête.

Finit la sensation de vide.

Elle allait Être.

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