Chapitre 4
Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis. Elle avait fini par aider à reconstruire le potager et avait appris à concocter plusieurs potions utiles. Ses blessures ne la faisaient plus souffrir. Seules les cicatrices subsistaient, parsemant son corps avec les marques de son passé. Désormais libre de ses mouvements, elle savourait chaque instant passé avec les villageois. Son départ approchait à grand pas. Barnatt lui avait parlé de Stivalls, de ses grandes tours de cristal, de ses rues somptueuses et de certaines boutiques qui, avec un peu de chance, accepteront peut-être une nouvelle le temps de quelques jours.
Ce matin-là, elle fut fin prête à partir. Comme dernier cadeau, ils lui avaient offert une sacoche avec des vivres et une bourse avec de l'argent. Elle allait pouvoir passer quelques jours dans une auberge afin de se trouver un travail. Lorsqu'elle avait récupéré le sac, une boule s'était formée dans son estomac. Elle avait peur.
Cadmus fut le dernier à venir la voir : il l'avait arrêté avant qu'elle ne franchisse la barrière. Dans ses mains, reposait un tissu brun enroulé sur un objet qu'elle n'arrivait pas à identifier.
— Je te l'ai retrouvé, je ne savais plus où elle était, expliqua l'homme en lui tendant son présent.
Elle déroula le tissu et découvrit une belle épée, au manche et à la lame d'un noir profond. Polie comme un miroir, elle renvoyait les rayons du soleil. Par-dessus, un fourreau de même couleur et une ceinture afin qu'elle puisse l'accrocher à sa taille.
La réalité venait de l'enterrer six pieds sous terre. Celui qui l'avait sauvé et aidé à se reconstruire, lui offrait une arme pour se défendre à l'extérieur du village. Elle ne savait pas se battre mais elle allait devoir être attentive à chaque bruit, chaque présence. Parce que Xadis était dangereux.
— J'espère que tu n'en auras pas besoin. Mais je serais rassuré de te savoir armé.
— C'est si dangereux que ça ?
Il prit une pause alors qu'il regardait Skyrah attacher l'épée à sa taille.
— Parfois, on a l'impression que tout est comme avant. Mais la sécurité n'existe plus. Nos forêts cachent des monstres. Tous ne sont pas agressifs, mais les attaques deviennent de plus en plus fréquentes. Je veux que tu fasses attention sur la route.
— Je dois tenir quatre heures, c'est ça ?
— Et tu pourras commencer ta vie à Stivalls.
— D'accord, acquiesça-t-elle de la tête, merci pour tout Cadmus.
— Tu seras toujours la bienvenue ici, sache-le.
Il la prit dans ses bras. C'était réconfortant, chaud et agréable. Une pointe lacéra son cœur lorsqu'il la lâcha et qu'elle se força à se tourner pour partir.
Elle n'était jamais sortie du village. En réalité, elle n'avait jamais fait face à la vie. Skyrah n'avait fait qu'apprendre à Mahi. Elle se baladait, parlait, s'amusait... mais jamais elle n'avait été seule. Seule comme maintenant.
La jeune femme écoutait ses pas qui faisaient rouler les cailloux et la terre. De temps en temps les arbres chantaient au grès du vent. Le soleil laissait ses rayons traverser les feuilles pour se répercuter au sol. La nature était belle et douce. Elle aurait pu s'y sentir bien si elle n'entendait pas les craquements des branches, les pas lointains et des grognements. Skyrah aurait pu se rassurer en se disant que son imagination lui jouait des tours. Ce n'était malheureusement pas le cas : son don l'empêchait de se mentir à elle-même.
Les Victimes étaient toutes proches. Elles vagabondaient dans les bois le pas lourd. La plupart fuyait lorsqu'ils l'entendaient. D'autres, la suivaient de près sans jamais s'approcher. Pour la première fois de sa vie, elle remercia les dieux de lui avoir offert ce don. Elle se sentait moins vulnérable. Même s'il lui était encore difficile d'identifier les détenteurs de ces auras, elle savait où elles étaient et pouvait donc réagir au moindre problème.
Une partie d'elle pourtant repensa à ce qu'elle avait appris de ce monde. Pourquoi Xadis était victime du déséquilibre ? Qu'est-ce qui avait déclenché cela ? Était-ce réellement une punition des dieux ? Elle était d'autant plus perdue qu'avant. Skyrah avait l'impression de ne jamais avancer. A chaque fois qu'elle croyait faire un pas en avant, elle finissait par en faire deux autres en arrière. Toujours plus de mystères venaient embrumer sa vision déjà floue.
Expirant profondément, elle vida ses poumons puis releva la tête après plusieurs heures de marche. Ses pieds la faisaient souffrir – elle n'avait pas pris de pause, trop terrifiée à l'idée d'être une proie facile. Au loin, elle aperçut enfin la capitale. Des voix lui parvenaient, lointaines mais distinctes. Elle distingua le grand mur bleu maya de Stivalls. Au loin, les trois majestueuses tours de cristal semblaient toucher le ciel.
Elle était enfin arrivée !
Devant les portes protectrices, elle se senti vite minuscule. Le mur qui entourait Stivalls était monstrueux : de plusieurs mètres de haut, il semblait incassable et ne possédait aucune fissure. Même la grande ville se cachait derrière une protection contre l'extérieur. Devant les battants, deux gardes étaient positionnés. Le dos droit et le regard durs, leurs carrures étaient aussi impressionnantes que Stivalls.
Involontairement, elle s'était crispée en les voyant. Elle ne savait que dire pour entrer. Leurs yeux dévièrent sur elle alors qu'ils gardaient le silence. Elle attendit une réaction de leur part tandis que le poids sur ses épaules s'alourdissait à chaque seconde. Ils finirent par s'écarter et les portes massives s'ouvrirent dans un grondement sourd. LE sol trembla sous ses pieds et sa vision fut brouillée par un déluge de lumière et de bruit. Ses yeux enfin habitués, elle avança de quelques pas et observa le décor.
La foule resonnait dans la rue principale menant directement aux trois tours de cristal – qui flottaient au-dessus d'un petit bâtiment. Elle entendit les portes se fermer derrière elle. C'était immense. Elle avait beau s'être attendue à ça, elle n'en revenait pas. Stivalls était dix fois plus grande que Mahi – si ce n'était plus en réalité.
Les voix s'élevaient dans l'air et se répercutaient sur les murs. Les pas claquaient contre les dalles bleues du sol. La vie ici résonnait comme une symphonie inconnue, vibrante et captivante. Les marchands lançaient leurs cris attirer l'attention et vendre leurs produits. Les odeurs se mêlaient en un parfum singulier : celui des fleurs, de la nourriture...
Cadmus avait raison, la vie ici était bien différente du calme de Mahi. Elle allait devoir s'y habituer.
Une multitude de questions envahirent son esprit à la vue de ce nouveau paysage. Elle avait hâte d'une chose : en apprendre plus sur tout ce qu'elle voyait.
Elle mit sa main dans son sac pour y sortir une petite feuille jaunâtre. Barnatt lui avait donné quelques noms qui pouvaient l'aider à se prendre en main. Skyrah les relu une fois avant d'être interrompue. Un passant l'avait bousculé – pas assez pour qu'elle perde complètement l'équilibre. Un second fit de même.
Skyrah releva la tête, les sourcils froncés, agacé de constater qu'aucun d'eux ne lui avait prêté attention. Mais à mesure que le temps passait, la foule devenait de plus en plus dense. Elle se sentit rapidement oppressée par le brouhaha ambiant.
Ça allait être difficile. Elle le savait. A cet instant précis, elle regretta d'être seule et de ne rien connaître de ce monde. Mais elle devait prendre sur elle.
Sa nouvelle vie venait de commencer à Stivalls, capitale de la magie et de la nature.
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