-Les troupes du chef Umgard attaqueront par le nord avec le soutient de Belles-Mines. Le Polémarque nous y est acquis, et les tribus y tomberont en moins de quelques semaines. Pendant ce temps, le gros de nos force attaquera de front, afin de prendre la Tribu d'Hel au plus vite. Le combat sera âpre, mais si nous tenons suffisamment longtemps, nous pourrons compter sur le soutiens des troupes du Nord qui viendront les prendre à revers. Une fois Hel prise, il sera plus difficile aux Tribus d'agir de concert. Nous les prendront une par une. Des questions?

Le conseil de guerre qui faisait face à Orgnar n'émit aucune objection. Le nouveau Kesjare sourit dans sa barbe, et gratifia tout le monde d'un regard confiant.

-La Taiga d'Hel est affaiblie, et minée par des tensions. Il est temps d'en profiter pour enfin réunifier tout le monde Nordique sous la bannière de l'Empire.

-Mais les Heliens se servent de la magie. Objecta tout de même le chef Delim de la tribu de Boromivir.

-Nous avons l'avantage du nombre. Répondit Orgnar. De plus, une grande partie de leur magicien est morte à la bataille de la Tribu de Kynareth. Il n'y aura jamais plus d'aussi bonne occasion d'envahir la Taiga d'Hel, croyez moi.

-Quelle indignité, ô Kesjare. Fit une voix féminine. Moi qui croyait que tu était un guerrier pétri d'honneur.

Tous les regards se tournèrent vers la voix qui venait de s'élever. Une délégation de guerriers venait d'entrer dans la tente de commandement, et, à leur tête, se tenait, vêtue de son armure et de son imposante cape noire, la plus jeune cheffe de l'Empire, ainsi que la plus rebelle: Elpa. La jeune femme secoua sa longue chevelure rousse d'un geste qui, bien qu'innocent, la plaça immédiatement au niveau d'une autre guerrière dont cette couleur de cheveux était un signe distinctif. Tout les Chefs voyaient en Elpa le fantôme de Kynareth. Tout était semblable: la chevelure rousse, la profondeur des yeux verts, la hache de guerre toujours glissée au flanc. La longue cape, les tâches des rousseur, le regard hautain, la beauté presque surnaturelle. Le fort caractère, aussi. Orgnar soupira.

-Cheffe Elpa, chef Baïm, chef Balgruf, nous vous attendions plus tôt.

-Je n'en doute pas. Les troupes des tribus du nord sont plutôt nécéssaire à la réussite de ton opération militaire. Continua Elpa, sans même laisser planer un seul doute: du groupe qui venait d'entrer, elle était la meneuse, celle qui prenait les décisions. Cependant, j'ai peur que tu ne doives pas compter sur notre soutiens.

La tension dans la tente de commandement augmenta d'un seul coup. Orgnar prit son temps pour fixer son regard dans celui de sa fille et lui répondre, sur un ton lourd de menace et de sous entendus.

-J'ai peur de ne pas comprendre, cheffe Elpa. La rebellion d'Odin a été écrasée, et j'ai daigné accepter votre immobilisme à la condition de votre fidélité. Devrais-je en déduire que votre parole vaut aussi peu que cela, seigneurs du Nord?

Un grondement indigné parcourut la horde des chefs présents, et Elpa laissa courir jusqu'à ce que sa voix puisse porter à nouveau.

-Je ne puis honorer de promesse faite à un homme qui ne tient pas celles auxquelles est lié son Empire. Cingla-t-elle. Le Kesjare Balta, les Dieux gardent son âme, avait promis aux Heliens l'indépendance en échange de leur aide face aux Dragons. Cette aide a été apportée, et tout chef ayant combattu les Draconistes comme un vrai Nordique devrait le savoir. Ton plan est une violation directe et honteuse de cette promesse, et on pourrait même croire que tu t'es réjoui de l'élimination méthodique des seuls témoins de cette promesse au sein de la Taiga d'Odin...

Le grondement des guerriers s'amplifia, mais était désormais plus partagé. Nombreux étaient ceux ne considérant pas cette promesse comme seulement possible.

-Elle ment! Jamais un Kesjare ne se serait abaissé à une telle promesse! Cria un chef.

-Peut être avait-il simplement plus conscience que vous du danger draconiste, bande d'imbéciles! Hurla un autre.

-SILENCE. Cria Orgnar, et le silence s'abattit sur l'assemblée.

Il expira longuement.

-J'ai parfaitement connaissance de cette promesse de mon prédécesseur, Cheffe Elpa. Mais je ne suis pas Balta. Cette promesse le concernait: je n'ai pas à l'appliquer.

-Comme tu le souhaites, Kesjare. Mais ne comptes pas sur nous pour te suivre. Nous ne frapperons pas dans le dos nos propres alliés, ceux qui ont combattu pour nous libérer de l'emprise draconiste pendant que vous vous entretuiez. Et nous n'ignorons pas l'alliance plus que symbolique entre Kiine la Dragonicide et Yuriana la Guerrière d'Hel. Les dieux ont béni les représentantes de nos deux Taigas du don de l'amour, Kesjare. Ne t'oppose pas à leur volonté. Tu joues un jeu dangereux.

Orgnar éclata d'un rire gras.

-Tu considères que tu peux connaître la volonté des Dieux, cheffe Elpa? Il me semble que c'est toi qui joue un jeu dangereux à te tenter à la divination. Ce n'est qu'amourette de passage. La Dragonicide trouvera la place qui est la sienne à nos côtés, et oubliera bien vite la compagnie de cette sorcière.

-Cette sorcière, comme tu te plais à l'appeler, n'est pas juste une pauvre femme que l'on peut abandonner du jour au lendemain pour aller guerroyer. Répondit Elpa avec une ironie à peine dissimulé sur le propre passé du Kesjare. Elle est la Guerrière d'Hel, le liant qui permettra aux tribus de s'unir contre toi.

-Je le sais bien. Répondit posément l'Empereur. C'est pour cela que son élimination est ma grande priorité. Mes hommes attendent de pied ferme son moindre faux pas... bientôt, le symbole de la liberté d'Hel ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

-Ainsi que ton espoir de rallier la Dragonicide à ta cause. Ricana Elpa. Tu joues vraiment à un jeu dangereux, Kesjare. J'ai la décence de venir me tenir devant toi au vu des liens du sang qui nous unissent. Mais j'ai bien peur que de tels liens ne puissent te protéger de sa fureur lorsqu'elle apprendra ce que tu tente de faire.

-Elle oubliera, comme nous oublions tous.

-Comme tu as oublié, Kesjare. Tu n'es pas un exemple à ce sujet. Enfin! Fais comme bon te semble. J'ai promis notre fidélité, et en égard à cela, nous resterons neutres dans ce conflit. Mais prends garde, Kesjare... le monde change, et tu sembles ne pas y être préparé.

Sur ces mots, la guerrière fit virevolter ses magnifiques boucles de feu en faisant volte face pour quitter la tente de commandement, suivie par toute sa délégation. Le soir même, les chefs du nord quittèrent le campement impérial, situé en pleines Mines, à mi chemin entre les deux Taiga.

***

Yuriana s'éveilla en sursaut. Le hurlement du vent était assourdissant, tout autant que le tangage du bateau, qui menaçait de jeter la jeune femme en dehors de sa couchette à tout instant. À ses côtés, Kiine s'agitait sous les draps, aux prises avec un rêve que la Guerrière d'Hel espérait ne pas être un cauchemar. La Dragonicide se mettait en général à pleurer, gémir ou crier quand cela arrivait, et Yuriana accourait toujours à son chevet pour la rassurer. Elle ne voulait donc pas s'éloigner. Pourtant, la puissance de la tempête lui fit se demander si elle ne devrait pas monter sur le pont, pour apporter son aide aux marins. Mais de quelle aide leur serait-elle? Elle n'avait aucune expérience de la navigation, après tout.

Elle ne pouvait cependant pas retrouver le sommeil pour autant. Le balancement du navire était trop fort, et une étrange sensation d'engourdissement envahissait la guerrière. Elle se sentait légèrement nauséeuse, probablement vaincue elle aussi par le tangage. Elle était transie d'un froid terrible qu'elle n'arrivait pas à fuir même en se serrant le plus possible contre le corps chaud de Kiine, dans le lit, et décida en conséquence d'enfiler quelques vêtements, espérant faire disparaître ainsi la désagréable sensation de picotement sur sa peau.

Dans son crâne, elle ressentait la pulsation folle à lier des Reliques en contre bas.

Les artefacts maudits semblaient particulièrement actifs ce soir là. Ils avaient l'air excités, émoustillés, rugissant plus violemment encore qu'à l'accoutumée dans l'esprit sensible de Yuriana, l'empêchant de réfléchir posément, et embrasant l'humeur maussade de la guerrière. Elles semblaient se réjouir de la violence de la tempête, se délecter à l'idée d'évènements funestes. Chaque marin passant par dessus bord devait réjouir leur soif meurtrière et chaotique, et Yuriana pria les dieux pour qu'aucun des matelots ne passent l'arme à gauche.

Kiine se mit à gémir et à crier. Malgré son inquiétude, Yuriana ne put s'empêcher de sourire légèrement avec tendresse en prenant le visage de Kiine sur ses genoux tout en passant ses mains dans les cheveux blancs de la guerrière agitée.

-Là, tout va bien, Kiine... je suis là. Ouvres les yeux, ma louve, et tout sera fini. Lui susurra-t-elle amoureusement. Tout sera fini...

Yuriana entendit soudain des coups sourds sur le ponts au dessus d'elle. Elle se tendit. Les Reliques l'empêchaient de saisir ce qu'il se passait au dessus d'elle. Et surtout, Kiine ne se réveillait pas. Elle criait, pleurait, gémissait et se tordait dans son sommeil, mais rien ne semblait pouvoir l'extirper de son sommeil. Le sang commença peu à peu à se glacer dans les veines de la Guerrière d'Hel. La sensation de froid qui l'étreignait se renforça, et elle frissonna. Elle avait peur. Elle ignorait de quoi, mais elle était terrifiée. Il lui semblait percevoir une étrange forme blanchâtre dans son dos, la tenant par les épaules avec une douceur aussi froide que terrible, mais il n'y avait pourtant rien derrière elle.

-Kiine! Kiine, réveille toi! Il... il se passe quelque chose... Kiine! Reviens parmi nous! Viens... viens me voir! J'ai besoin de toi! J'ai...

Yuriana déglutit alors qu'il devint clair que des bruits de combats résonnaient dans le navire. Elle n'avait jamais eut peur d'aller au combat; elle savait qu'elle gagnait tout le temps. Mais ce soir, tenue par cette étrange sensation, elle n'eut pas même la force de se lever pour aller saisir son arme. La terreur était aussi incompréhensible que tous les évènements qui s'enchaînaient...

-J'ai peur, Kiine! Réveille toi, par tous les dieux! Réveille toi, par pitié... j'ai besoin de toi... KIINE!

Son cri était déformé par la terreur alors que la porte s'ouvrit en coup de vent. Apparut alors Ragnar, essoufflé, les yeux exorbités, couvert de blessures et de sang...

La mer se soulevait en gerbes aussi hautes que des petites montagnes. Un noir surnaturel semblait s'être abattu sur le Golfe du Pont, alors que les éléments se déchaînaient.

Un éclair transperça l'obscurité.