Le Destin du Kesjare XVI
Yuriana suivit la piste de Kiine au travers de la cité, assassinée par les rayons mortels du soleil. Les regards mauvais qui la dévisageaient ne l'atteignaient pas le moins du monde, tant elle était concentrée sur sa tâche de retrouver Kiine. On avait trouvé le bâtiment où s'était rendu Parnaxercès, et Yuriana elle même avait ressenti la terrible sensation de la proximité des Reliques en s'en approchant... c'était comme si Freya les attirait volontairement là, et n'attendait que cela. En urgence, la Guerrière d'Hel était donc allée prévenir les troupes Nordiques de Mundvir, avant de rejoindre Kiine et de réaliser sa disparition. Mais maintenant qu'elle la pistait avec la fébrilité précédent les combats, elle réalisait que la piste de la jeune femme menait directement à la grande demeure dans laquelle la cour de Parnaxercès s'était retirée, et le coeur de Yuriana se mit à battre plus vite. Les soldats Nordiques, accompagnés de quelques Hoplites Pontois, commençaient déjà à se réunir alentour, et la Guerrière d'Hel alla directement trouver Mundvir.
-Je crois que Kiine est là dedans. Avoua-t-elle. Mais j'ignore pour quelle raison elle s'y est jetée ainsi, avant même que je la prévienne.
-Elle y est entrée il y a quelques instants avec une Kisaeng. Confirma le vieil homme. Mais je pensais qu'il s'agissait d'une manoeuvre orchestrée...
-Malheureusement non. Grinça Yuriana. Et la présence d'une Kisaeng dans le bâtiment ne nous arrange absolument pas. Si jamais elle venait à mourir durant le combat...
-La légende selon quoi une Kisaeng mourant d'une autre cause que sa malédiction la transmettrait à ceux qui l'entourent serait donc vraie?
-Disons plutôt que l'air et le sol devienne viciés par le poison dans son sang pendant des années, et que dans une maison comme celle là... il y aurait beaucoup de victimes. Il est absolument nécéssaire de mettre la Kisaeng à l'écart dès le début des combats. Hâtons nous!
Les troupes encerclèrent rapidement la demeure, et attendirent dans un bruissement, tandis que l'on éloignait les badauds. Soudain, des cris retentirent dans la demeure, accompagnés d'un long craquement, comme si la maison blanche s'effondrait. Mundvir et Yuriana échangèrent un regard, et le premier ordonna immédiatement à ses hommes d'enfoncer la porte, ce qu'ils firent joyeusement à coups de hache. Les guerriers traversèrent les différentes salles au milieux d'hommes et de femmes qui crièrent de terreur en voyant ces hommes en armes dans leur demeure. Rapidement, on repéra l'effondrement d'une partie du sol de la salle centrale, celle où sont en général tenus les banquets dans de telles demeures. Il restait autour de cet endroit quelques soldats etourdits qui se relevaient péniblement, ainsi que quatre esclave nues, dont trois qui tentaient de remonter une opaline du gouffre béant qui s'était ouvert sous le sol. Yuriana se jeta vers elle sans une hésitation et, d'un geste d'épaule, ramena les pieds de la jeune femme sur terre, avant de réaliser que des hommes en arment remontaient d'un passage vers le sous sol, caché dans un mur, et se jetaient en sa direction et celle des guerriers Nordiques. Ils n'étaient pas nombreux, mais étaient sans aucun doute des mercenaires endurcis. Ils ne faisaient cependant pas le poids face à une Yuriana déchainée, qui eut cependant la présence d'esprit de ne pas utiliser son mantra dans un environnement aussi baignée des mauvaises radiations des Reliques. Son épée siffla à la rencontre de celle de son adversaire, qui para avant de tenter une attaque verticale, puis piquée, passant d'un appui à l'autre et brisant le rythme de ses attaques pour être moins prévisible. Mais Yuriana était expérimentée, et elle perçut le moment où son adversaire prit du recul pour lancer une nouvelle attaque, et ce fut le moment qu'elle choisit pour abattre son arme qui vint déchirer la gorge de l'homme. Voyant que les guerriers avaient largement le dessus, notamment en nombre, sur les mercenaires, Yuriana se pencha pour observer le fond du gouffre. Cinq mètres plus bas, elle vit les reflets de l'eau dans laquelle semblaient flotter les débris de l'effondrement, les corps de plusieurs des soldats qu'on avait trouvés dans la salle, et... Yuriana ne les vit pas bien dans l'obscurité, mais elle ne put ignorer la violente présence de leur puissance pesant sur son esprit.
Elle entendit également un hurlement de douleur. Et c'était celui de Kiine.
-KIINE! Hurla la guerrière d'Hel, mais une nouvelle attaque vint à elle, et elle enfonça son épée dans le ventre du mercenaire après une quelques passes habiles.
Et s'approcha à nouveau du gouffre, et faillit s'y jeter pour sauter au secours de sa bien aimée, mais l'eau en contrebas se mit à bouillonner et déferla soudain, emportant sous sur son passage dans le sous sol.
-KIINE! MERDE!
Un grondement terrible retentit, ainsi qu'un nouveau bruit d'effondrement. Yuriana voulut descendre, mais on la retint.
-Ô Yuriana, contiens toi! S'exclama Mundvir. La Kisaeng dit que Kiine est tombée avec une autre, celle avec laquelle elle est venue! Ci cette esclave est décédée, alors nous devons tous évacuer au plus vite...
-Non! Kiine est en bas! Je ne peux pas...
-Garde ton calme, Guerrière d'Hel! Réfléchis! À quoi te servirai de mourir toi aussi!
-Lâche moi! KIINE! KIIIIIINE!
Les remous de l'eau en contrebas se calmaient peu à peu, révélant qu'elle avait emporté débris, corps, et Reliques avec elle. Le niveau semblait avoir baissé, et continuait de le faire. Yuriana parvint à se défaire de la prise du chef des gardes du pont et se jeta dans le sous sol, dans lequel elle perçut immédiatement une lumière et des cris. Au fond de la crypte, un mur avait cédé sous la force de l'impact de la lame de fond, et la puissante lumière de l'extérieur s'infiltrait sous les colonnades qui devaient ne l'avoir vue depuis au bas mot des siècles.
-Mundvir! Cria alors Yuriana. L'eau a percé un mur, elle doit avoir charrié les corps quelque part à l'ouest d'ici! Je vous y retrouve, mais hâtez vous!
Sans attendre de réponse, la Guerrière d'Hel s'élança sur la fine pellicule d'eau qui restait, le coeur battant à un rythme fou, sa respiration hachée lui brûlant la gorge. Elle allait retrouver Kiine. C'était sûr. Il n'y avait pas d'autre possibilité! Elle était la fille de Kynareth, la descendante de Dovah, la Dragonicide! Elle ne pouvait pas disparaître ainsi, dans une cave putride en train de se battre contre un spectre du passé... elle ne pouvait pas mourir asphyxiée par le poison de la Malédiction des Fleurs non plus! C'était impossible. Inconcevable.
Yuriana refusait d'y croire. Pourtant, elle examina bien chaque recoins de la grande crypte afin d'être persuadée de ne pas rater un détail, un débris, ou un corps qui aurait été retenu à l'intérieur malgré la force des flots.
***
Lorsque Kiine ouvrit les yeux, la première chose qui lui vint à l'esprit fut cette douleur, terrible, intense, qui engourdissait son corps entier. Son torse la brûlait là où la lame de Freya l'avait déchirée, son épaule semblait sur le point de prendre feu, et sa tête d'exploser. Elle ne sentait plus son bras gauche ni ses jambes, et quand elle tenta de respirer, elle commença à s'étouffer avec l'eau qui avait envahi ses poumons. Pourtant, elle sentait la terre ferme dans son dos, la chaleur du soleil sur son visage... elle n'était plus sous l'eau, alors pourquoi ne pouvait elle toujours pas respirer suffisamment. Des lèvres vinrent rencontrer les siennes, et une douce odeur de violette emplit l'air. Quelqu'un commença à purger l'eau de ses poumons, et elle réussit à prendre une immense bouffée d'air qui lui brûla la gorge et la fit tousser violemment, rejetant les dernières gouttes du liquide. Elle ouvrit les yeux, et gémit car ce brusque mouvement de son torse avait réveillé d'autant plus la vilaine blessure qui lui barrait le torse.
Kiine était à moitié évanouie, incapable de bouger. Sa main droite chercha le réconfort de Sanglante, son épée, mais elle n'était pas là. Elle pouvait simplement entendre quelques sons, autour d'elle, notamment celui du bruissement du vent dans les feuilles et les épines et de l'écoulement paisible de l'eau, et sentir la douce caresse d'une main sur la peau de son visage. Malgré le soleil brûlant, Kiine avait froid. Très froid. Elle savait qu'elle avait perdu du sang. Beaucoup de sang. Et que sa plaie était encore béante. Elle se concentra alors sur son mantra, utilisant le peu de forces pour maintenir le liquide de vie à l'intérieur de ses veines... c'était sa dernière chance, elle le savait, mais la douleur rendait sa concentration difficile...
Elle entendit des mouvements autour d'elle. Plusieurs personnes venaient de rejoindre la femme à l'odeur de violette, et un parfum enchanteur de rose vint se mêler au premier. Plusieurs phrases furent échangées rapidement en Minien, et Kiine sentit les odeurs et les pas s'éloigner. Une seule demeura en arrière... une douce odeur de lavande.
Kiine entrouvrit les yeux, et murmura:
-Le... fko...
-Je suis désolée, Kiine... répondit la jeune femme dans un demi sourire, en caressant avec douceur le visage de son amie. J'ai tout gâché... et je vais continuer à le faire. Je dois retrouver Freya... elle possède un secret dont je dois m'emparer.
-N... non... n'y va... p...
-Il le faut, Kiine. J'ai... si appris pour Actée. Si... tu trouvais un moyen de... faire en sorte qu'elle puisse survivre malgré tout... est-ce que tu ne ferais pas tout ce qui est en ton pouvoir pour la sauver?
Kiine ne répondit pas. Elle n'était pas sûre de comprendre. À vrai dire, son esprit n'était pas en état de fonctionner normalement.
-R... reste...
-Non, Kiine. Je reviendrai. Mais aujourd'hui, tu as tenu ta promesse. Grâce à toi, je suis libre... et ma nouvelle famille aussi. Je dois maintenant prendre soin d'elles. Quoi qu'il m'en coute.
Kiine sentit la caresse des lèvres de la jeune opaline sur son front mouillé.
-Adieu, ma belle guerrière. Puisse ta vie être pleine de victoire et de bonheur...
-A... ttends...
Une voix cria quelque chose au loins, et, en précipitation, Lefko se leva et s'enfuit à la suite de ses compagnes, et Kiine resta là, retombant dans son état de semi inconscience, concentrée uniquement sur sa survie... de nouveaux pas approchèrent. Plus lourds. Armés. Ne sentant que la sueur, l'hydromel et le sang.
-Elle est là, chef!
-Par tous les Dieux, amenez le guérisseur ici! Cria la voix de Mundvir. Et draguez moi ce fleuve! Je refuse que le cadavre d'une Kisaeng empoisonne tout l'estuaire de la Neva!
-KIINE! Par tous les dieux, KIINE! KIINE! TU M'ENTENDS!
La voix déchirante de Yuriana parvint à apaiser la jeune guerrière. Lorsque ses bras l'enserrèrent avec force, elle sentit sa chaleur se propager dans son corps. Kiine sourit. Elle chuchota le nom de la femme qu'elle aimait tant, avant de sombrer dans l'obscurité.
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