La vie continua de s'écouler, douce et paisible, au creux de murs de bois et de torchis de la tribu de Kynareth. La cheffe éponyme suivait avec une attention soutenue la formation de ses deux filles adorées par une Actée qui avait, peu à peu, pris une place de plus en plus importante dans la vie de la petite famille. La belle nymphe semblait s'être parfaitement intégrée et adaptée au mode de vie nordique, et faisait désormais partie intégrante de la vie de la jeune tribu.

Quant à Kynareth, elle éprouvait un plaisir tout particulier à côtoyer celle qui était autant sa servante que son amie la plus proche et sa mentor à la maîtrise.

-Relaxe tes épaules... tu es trop tendue.

La belle rousse s'exécuta et laissa ses épaules s'affaisser peu à peu, tout en prenant une grande respiration et en se campant fermement sur ses jambes. La couche superficielle d'eau du lac dans laquelle elle s'entrainait lui atteignait à peine les genoux, mais le reste de son corps nu dégoulinait tout de même d'une eau reçue de la part d'Actée à chacun de ses échecs.

Face à elle, toute aussi nue mais bien plus sèche, se tenait la belle nymphe, flottant légèrement dans l'eau malgré la faible profondeur. Droite, fière, un léger sourire sur les lèvres, sa posture était légèrement provocatrice et invitait son élève à l'attaquer. Kynareth concentra son mantra et d'un geste vif, exécuta une savante chorégraphie tout en s'avançant, menaçante, d'Actée. Les volutes de mantra concentrées par sa ronde endiablée étincelaient de chaleur, et, enfin, terminant sur un mouvement montant vers la nymphe, l'air entourant le point de la jeune cheffe s'embrasa. La volute de feu vint frôler le visage de son adversaire qui l'évita d'une simple rotation sur elle même, durant laquelle elle profita elle pour, d'un gracieux mouvement de bras, soulever une volute d'eau qui vint s'écraser contre les côtes de Kynareth, et la jeta une nouvelle fois à l'eau.

-Tu ne veux pas y aller... plus doucement? Demanda-t-elle pantelante.

-Pour quoi faire? Tu es celle qui a voulu apprendre la maîtrise du feu, un élément du chaos qui m'est complètement inconnu. Je ne peux que te forcer à te concentrer afin que tu ne te laisse pas entraîner vers la folie, mais le reste ne dépend que de toi. Ne comptes pas sur moi pour te ménager.

Kynareth soupira, mais un léger sourire apparut tout de même sur son visage trempé et éreinté. Les marques de brûlures parsemant son corps depuis le début de son entrainement à la maitrise du feu parsemaient encore son corps tout entier, mais elle était fière du résultat actuel, même s'il n'était pas à la hauteur de ses espérances. Kynareth était persuadée que le meilleur moyen de vaincre les dragons était grâce à leur propre arme.

-Les Dragons sont une race ayant une affinité immense pour le Chaos. Lui avait expliqué Actée.

-Sont-ils immunisés à la folie?

-Immunisés? Personne ne l'est. Nooon, bien au contraire.. les Dragons sont une des rares races à avoir succombé presque intégralement à la folie, et une des plus pernicieuse... l'Hybris, l'ambition démesurée qui fait perdre le principe des réalités. J'ignore si tous les dragons avaient la même folie que leur roi et père Alduin, mais une chose est certaine: le héros qui les vainquit su profiter de cet avantage. Il était sous estimé, et a su mener ainsi le combat jusqu'à la victoire.

L'idée de vaincre des Dragons par leur propre arme emplissait Kynareth d'une joie malsaine, mais elle savait qu'avec son niveau de maitrise actuelle, elle en serait incapable. Elle avait encore besoin de pratiquer plusieurs mouvements de la Danse du Feu pour réussir à orienter son mantra et créer une flamme, quand les plus grands maîtres, ou, typiquement, les dragons, n'avaient besoin d'a peine bouger, ou simplement d'ouvrir la gueule pour déverser un torrent de flamme.

-Tu ne te relève pas? Demanda Actée, coupant le fil des pensées de Kynareth.

-Euh... petite pause? L'eau est chaude, et il fait beau... pourquoi ne pas en profiter.

Actée jeta un regard faussement désespéré à son amie avant de répartir d'un rire léger et de venir s'asseoir dans l'eau, aux côtés d'une Kynareth encore étalée sur le dos.

-Kynareth... dis le moi franchement. Tu penses que les dragons sont encore en vie. Énonça soudain Actée.

-Qu'est ce sui te fait dire ça aussi soudainement? Demanda Kynareth.

-Kyna... ça fait bientôt 3 ans que je suis arrivée ici, et je commence à te connaître. Assez pour savoir que la raison de tes questions sur les dragons et de ton choix d'élément me mènent à cette conclusion.

-Alors... pourquoi me poser la question seulement maintenant? Nous avons commencé l'étude du brasier aux dernières chutes de neige, et l'été est maintenant bien avancé!

-Car je n'osais pas te poser la question...

Kynareth se releva instantanément. De telles paroles étaient inhabituelles de la part de son amie.

-Voyons, Actée... tu sais très bien que tu peux tour me dire. Dit-elle en glissant une main réconfortante dans les cheveux de la nymphe.

-Je ne savais pas, Kyna... tu es l'héroïne qui a mené l'expédition finale contre les troupes draconiques! Un exploit que tout le monde connait, même au dela du monde Nordique, même si le nom d'Orgnar est plus souvent répété... et te voir ainsi m'a fait douter, tellement tu semblais persuadée que le danger était toujours présent. Mais... j'avais peur de te manquer de respect. J'avais peur que... tu me rejette.

-Actée, non... ne dis pas ça.

Kynareth posa une main chaleureuse sur la joue de son amie et lui fit relever les yeux afin qu'elle cesse de fuir son regard.

-Je sais que tu as vécu des expériences difficiles dans le passé. Tu m'as rarement parlé de cette maison de passe dans laquelle Orgnar t'as trouvée, et je sais que cela a dû affecter ta façon de voir le monde et les gens. Mais je ne veux pas de cela avec moi. J'aimerai que tu sois un livre ouvert pour moi autant que je désire l'être pour toi. J'aimerai que tu saches que tu as toure ma confiance, et que je te confierai ma vie sans hésiter. Que puis je faire pour te prouver ma confiance absolue en toi, afin que tu puisse me la rendre sans peur aucune?

-Je... ne suis pas digne de tes louanges ou de cette amitié... j'ai... je t'ai caché quelque chose pendant tour ce temps, et... c'est pour cette chose la que je ne serai jamais digne de ta confiance.

-C'est faux. Ose me dire cette chose que tu fuis tant, et je te prouverai que tu n'as rien à en craindre.

-J'en doute fort, Kynareth... dans cette maison de passe et... plusieurs fois depuis... Orgnar, ton compagnon, a pris possession de mon corps.

Kynareth cilla à peine à ces mots, et se contenta de baisser les yeux avec un petit sourire résigné.

-Je m'en doutais, je dois te l'avouer. Annonça-t-elle. Quand il m'a révélé t'avoir sauvée d'un bordel, ma première question a été: comment t'as-t-il trouvée dans un bordel? Et ensuite, pourquoi t'avoir ramenée, toi particulièrement? Ce n'est que la preuve finale d'une longue série d'indice.

Le silence retomba, et Kynareth continua inlassablement de glisser ses doigts dans les longs cheveux azur de la nymphe.

-C'est... c'est tout? Tu... ne m'en veux pas? Demanda cette dernière, l'air apeuré.

-T'en vouloir? Pourquoi donc?

-J'ai... couché avec ton mari! À de nombreuses reprises, et parfois même sous ton propre toit!

-Tu fais erreur sur un point fondamental, Actée... Orgnar n'est pas mon mari. Une telle chose n'a aucun sens ni aucune valeur pour nous, et, en ce cas, Orgnar ne me doit rien et peut parfaitement aller voir d'autres femmes s'il le désire. J'en aurais peut être fait autant si l'occasion s'était présentée, surtout avec un compagnon si absent...

-Mais... mais il est venu me voir moi!

-Oui, car tu étais une prostituée, puis sa servante... et quand bien même, tu reste mon amie.

-Je t'ai menti!

-Actée. Orgnar ne me doit rien sur ce sujet, et donc tu n'as rien à me rendre sur lui non plus. Mais n'oublie pas que moi non plus, je n'ai rien à lui rendre...

Et la jeune cheffe scella ses paroles en scellant ses lèvres contre celles de la nymphe. Ses mains se glissèrent dans son dos afin que leur deux corps nus s'imbriquent l'un dans l'autre en une embrassade infinie, seules au milieu de ce lac peu profond, perdu au coeur de la Taiga D'Odin.

Seules... en tour cas, comme elles le pensaient. Car Kiine, silencieuse, observait la scène de loin, cachée au creux d'un buisson, se servant de tout ce qu'elle avait appris pour camoufler les vibrations de son mantra et ainsi passer inaperçue. Et, pendant de longues heures encore, la petite fille abreuva ses yeux du ballet d'amour des corps féminins. Peu lui importait qu'il s'agisse de sa mère et de celle qu'elle considérait elle même comme sa mère d'adoption... tour ce qui comptait, c'était le bouillonnement d'excitation de se sentir moins seul, à l'idée d'observer finalement cet amour qu'elle ressentait elle même.

Ce jour là, Kiine oublia qu'elle avait un père nommé Orgnar. Tout ce qui comptait désormais pour elle était les deux femmes qu'elle considérait comme ses mères, et leur amour si beau et puissant qu'elle voulait à tout prix le protéger.