La Destin du Kesjare I
-Comment te sens-tu? Demanda Elpa.
-Un peu mieux. Répondit Kiine en montrant son bras gauche à nouveau fonctionnel. Regarde, il est comme neuf.
-Il n'est pas comme neuf. Grinça Elpa sans relever les yeux du papier sur lequel elle était penchée. Il a été brûlé gravement et ne s'en remettra jamais totalement. Et tes côtes?
-Les soigneurs disent qu'elles se sont ressoudées correctement.
-Bien. Et Yuriana?
-Il semble qu'elle pourra sa battre à nouveau. Les Cheffes d'Hel ont craint qu'elle ne le puisse plus, surtout après les pertes terribles qu'elles ont subi. La Taiga d'Hel a besoin de son symbole en pleine forme pour se relever.
-Bien. J'imagine qu'elle va donc bientôt y retourner, dès qu'elle sera à nouveau en mesure de chevaucher son Fenrir. La question est... que comptes tu faire?
Elpa releva les yeux. Les deux soeurs se faisaient face dans les restes calcinés de leur ancienne maison, à la Tribu de Kynareth, qu'Elpa s'attelait à reconstruire depuis la défaite des Draconistes. Elle en était la nouvelle cheffe, après tout, et son accession au pouvoir n'avait posé aucun problème, Kiine n'étant pas le moins du monde intéressée par ce poste. Cette dernière se posait la même question que celle que sa soeur venait de lui poser, cependant: que faire, maintenant? Il lui semblait y avoir encore mille choses à faire, mille combats à mener, mais autant Elpa que Yuriana lui avaient répété de cesser de s'en faire et de se reposer. Elle en avait assez fait... elle était Kiine la Dragonicide, fille de Kynareth la Dragonne. Elle portait le titre que son ancêtre avait lui aussi acquis en tuant Alduin, là où Kiine avait elle même exécuté Numinex. Elle n'était plus juste une guerrière parmi tant d'autres, désormais.
-Je ne sais pas. Avoua-t-elle. J'aimerai rester avec toi pour reconstruire, mais...
-Kiine. Je serai toujours là, parce que nous sommes du même sang. Mais si tu la laisse maintenant, cela ne se passera pas de la même manière. Tu le sais, n'est ce pas?
Kiine acquiesça. Elle le savait. Elle ne voulait pas quitter un seul instant le côté de Yuriana. Elle ne voulait pas quitter l'embrassade chaude de ses bras au petit matin, ne pouvait se résoudre à cesser de caresser sa peau rugueuse mais si ferme, ne pouvait s'empêcher de toucher ses beaux cheveux. Kiine se sentait fiévreuse quand elle était a proximité de la Guerrière d'Hel, comme si un besoin impérieux de la serrer assez fort pour faire fusionner leur corps la saisissait. À l'inverse, quand elle devait s'éloigner d'elle, elle en était malade, incapable de penser à autre chose qu'au moment béni de leur retrouvailles, même si elles n'étaient finalement séparées que de quelques rues dans les ruines de la Tribu de Kynareth en reconstruction. Elle avait cru la perdre lorsque Numinex l'avait vaincue. Elle avait cru en perdre la raison. Elle avait réalisé à quel point elle lui était vitale.
Et à quel point elle la désirait.
-Accompagne la, Kiine. L'encouragea Elpa. Je peux très bien gérer la Tribu seule, Maman m'a formée pour ça, après tout. Et puis, vous serez enfin en paix pour profiter l'une de l'autre plus... intimement. J'imagine bien que les tentes communes ne sont pas le meilleur endroit pour ça.
Kiine se sentit rougir jusqu'aux oreille, tandis qu'Elpa se replongeait dans ses rapports l'air de rien.
-O-oui, je vais faire ça! S'exclama la jeune guerrière. Et puis... je pense qu'il est bon que l'on éloigne... certaines choses d'ici.
Elpa se fit plus sombre.
-Cela ne m'enchante pas de te savoir avec ces Reliques, mais... tu as sans doute raison. Leur présence ici ne fera qu'attirer ceux qui convoitent leur puissance.
Elpa avait bien évidemment en tête le visage faussement chaleureux de Luxuria, dont le seul objectif était de se procurer une Relique pour retrouver son corps. La jeune cheffe craignait beaucoup que, ayant libéré les Reliques du jougs du Gardien, celles ci ne se retournent contre elles en tombant entre de mauvaises mains - et la guerre civile faisait toujours rage dans l'Empire, il était donc impossible de compter sur qui que ce soir pour les cacher et les garder.
-J'ai pensé que la Taiga d'Hel serait un bon endroit pour garder les Reliques en attendant que les choses se calment ici. Fit Kiine.
-Je te fais confiance là dessus, et à Yuriana aussi. Mais prends garde, nous ne sommes pas à l'abri d'une utilisation politique.
-Balta a promis l'indépendance de la Taiga d'Hel. Rétorqua Kiine. Cela devrait bien se passer.
-Si tu le dis. Bon, je te laisse retourner voir ta tourterelle. Préviens moi quand vous déciderez de partir.
-Bien, cheffe Elpa!
-Arrête avec ça par pitié. Souffla la nouvelle cheffe en se replongeant dans ses parchemins et ses velins.
Le coeur un peu plus léger, Kiine sortit des ruines de son ancienne maison et s'engouffra dans l'important traffic qui emplissait déjà la rue principale. Marchands, voyageurs, guerriers, chamans, tous déambulaient d'un pas nonchalant au milieu des longères en reconstruction, conscients, pour certains, des bénéfices à en tirer, et pour d'autres, de la sécurité relative dans l'une des seules tribus n'ayant pas encore pris part à la guerre, et s'étant illustrée par deux fois dans la lutte contre les Draconistes. Ce remue ménage rappela à Kiine celui des rues pavées de Mines-sous-pont: quelques étals étaient ici aussi monté par les marchands de passage, que les artisans locaux regardaient écouler avec amertume dans leurs échoppes en ruine. La route était inégale, empêchant les charrettes d'y circuler facilement - mais il fallait être armé de patience pour s'engager dans la Taiga d'Odin avec une charrette. Les tenues des passants se différenciaient des tuniques de laine ou de peau ou des armures si chères aux nordiques. Le lin et le coton des Mines parait hommes comme femmes, les bijoux de ces mêmes régions ornaient cous, poignets et oreilles. Tant de ces produits ayant longtemps été cantonnés aux tribus frontalières et marchandes parvenaient à la Tribu de Kynareth grâce à la guerre et, donc, à sa destruction.
Kiine observait avec grande attention tous ces inconnus, dont elle était capable de déterminer l'origine en fonction des habits. Même les Heliens avaient une mode différente des Odiniens, portant plus de lin, souvent brodés de symboles animaliers tel le corbeau de Yuriana.
Kiine déglutit en réalisant que, encore une fois, ses pensées la ramenaient vers son amante. Elle hâta le pas vers les longues tentes qui logeaient la population en attente de la reconstruction, et souleva le drap recouvrant l'entrée de l'une d'elle. Dans la demi obscurité, et aperçut la silhouette allongée de la Guerrière d'Hel, au dessus de laquelle s'affairait une guérisseuse d'un âge indéfinissable.
-Votre bras m'a tout l'air en bonne voie. Annonça celle ci. Je vais retirer votre écharpe, mais je vous demande simplement de ne pas faire de mouvements brusques tant que je n'aurai pas enlevé l'attelle.
-Et ma jambe? Demanda la concernée.
-Ça sera un peu plus long, puisque vous refusez obstinément de resté couchée!
-Je ne peux pas juste rester immobile comme ça alors qu'il y a tant de chose à faire. Grommela Yuriana.
-Alors acceptez le fait que cela ralentit le ressoudement de l'os. Bon, patient suivant!
La petite guérisseuse aux cheveux de paille se leva malgré son annonce, et s'avança plus profondément dans la longue tente vers un guerrier allongé, qui l'accueillit avec un grand sourire. Kiine n'y porta pas plus d'attention, se jetant sans retenue sur son amante qui tentait péniblement de s'asseoir.
-Tu m'as manquée... chuchota-t-elle entre deux baisers fougueux, laissant à peine le temps à la blessée de reprendre son souffle.
-Tu es trop impatiente. Rétorqua Yuriana. On ne s'est pas vues que depuis ce matin.
-Mais où étais-tu? Je t'ai cherchée partout!
-Je voulais... voir les environs. La tribu. Voir de mes propres yeux là... là où tu as grandi.
-Yu...
Elle se regardèrent tendrement quelques instants. Puis Kiine reprit.
-Il n'y a plus grand chose debout, malheureusement. J'imagine cependant que le temple de Skjäda sera le premier bâtiment debout, avant même la maison de la cheffe.
Yuriana grimaça en comprenant le sous entendu vis à vis du temple de la déesse de la fertilité et du plaisir.
-Mais je peux quand même te montrer un endroit... murmura Kiine. Un endroit que seuls certains habitants connaissent, et qui est à l'écart.
-Tu veux dire, un endroit où on pourrait enfin échapper à tout ce monde? Et qui n'est pas une ruine?
Kiine acquiesça avec un grand sourire.
-Dans ce cas, mènes-y moi sans plus tarder! Ajouta Yuriana en se relevant péniblement, appuyée sur sa béquille.
Elle clopina jusqu'à Kiine, qui l'accompagna vers la sortie de la tente, une main rassurante glissée au creux des reins de la Guerrière d'Hel.
Le soleil était haut dans le ciel, et ses rayons réchauffaient allègrement le couple tandis qu'il marchait à pas lent sur un chemin discret, partant des murs écroulés de la Tribu. Yuriana maudissait la lenteur imposée par sa blessure, tandis que Kiine, elle, appréciait la longueur du moment, sa main se laissant aller sur le tissu blanc recouvrant le dos de son amante. Elle voulait enlever cette tunique qui l'empêchait de caresser la peau qui l'attirait tant, mais devait avouer une chose: cette tenue mettait en avant magnifiquement les formes de la guerrière d'Hel. Son pantalon noir était saillant au possible, suivant délicieusement les courbes de ses cuisses musclées et de ses fesses fermes, tandis que la tunique blanche, aux longues manches bouffante, laissait apparaître une vue plongeante sur sa poitrine généreuse. Kiine sentit la tensions monter dans le bas de son ventre. Elle dut se retenir de sauter au cou de Yuriana, ce qui - on le devine bien - aurait été une très mauvaise idée au vu de sa blessure.
Finalement, après quelques minutes de marche au coeur de la forêt de pin, et la montée d'une colline toute proche, elles étaient arrivées. Le spectacle souffla Yuriana, qui en resta bouche bée quelques instant, et Kiine elle même fut étonnée de la beauté plus que singulière du lieu où elle amenait sa compagne.
Au creux des collines, entouré de petits surplombs rocheux, scintillait l'eau pure du lac des songes, si bleu que si on le renversait, on aurait pu le confondre avec le ciel. De minuscules rides venaient faire varier la reflexion des rayons du soleil sur sa surface, tandis qu'un ballet d'ombre et de lumière maillait le fond du lac, parfaitement visible à travers l'eau transparente. Le lac permettait d'avoir pied quasiment partout, et une grande partie était d'ailleurs si peu profonde que l'eau ne dépassait pas les chevilles. Kiine s'était souvent entrainée ici avec Elpa. Mais c'était surtout le territoire d'Actée et Kynareth, qui venaient y perfectionner la technique du brasier de la Cheffe aux cheveux de feu. Kiine venait souvent les y observer. La plupart du temps, elle se faisait repérer. Son mantra la trahissait. Mais elle savait ce qu'il se passait souvent en ces lieux lorsqu'elle n'était pas là pour gêner les deux amoureuses.
Et ce n'était pas sans raison qu'elle avait choisi cet endroit pour amener Yuriana.
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