Chant d'Orgnar IV
Orgnar sentait la pression monter peu à peu alors qu'ils approchaient de la tente de Kynareth, montée dès la fin de bataille par plusieurs de ses hommes, et il se maudit de cela. Orgnar était désormais un homme solide et robuste, dont la barbe était aussi longue que ses longs cheveux et capable de broyer un os de sa puissante poigne. C'était un homme endurci par les combats successifs et la guerre.
Mais en ce qui concernait les femmes, Orgnar en était toujours au point zéro. Il était tout simplement incapable de tenter - et encore moins de réussir - la moindre tentative de séduction, restant toujours confiné dans la sphère professionnelle. Pourtant, il côtoyait un grand nombre de femmes; à peu près la moitié des membres de son armée l'étaient, et plusieurs Cheffes ou Cheffes de guerre discutaient régulièrement avec lui. Mais il était incapable d'aller plus loin qu'une simple discussion entre deux membres d'une même armée. Orgnar enviait beaucoup son frère pour cela, car ce dernier avait toujours su se faire aimer autant des hommes que des femmes. Et Orgnar ne pouvait ignorer l'effet que lui faisait Kynareth...
Kynareth n'était pas n'importe qui. Tout d'abord, c'était bel et bien un Sjael, une demi déesse, fille de l'Eda Jägtis, déesse de la chasse. C'était également une femme d'une grande beauté parmi les femmes de l'empire, qui n'avait rien à envier aux belles femmes des Mines, ou même aux canons de beauté du Pont. Mais c'était également une guerrière hors pair, une meneuse habile, et une gérante avisée et intelligente. Sa tribu avait été consacrée à Skjada, déesse du plaisir charnel et de la fertilité, ce qui en avait étonné plus d'un: tout le monde pensait qu'elle l'aurait consacrée à sa déesse de mère.
Toujours était-il que Kynareth était une des femmes les plus désirée de l'Empire, mais malgré son choix de déesse protectrice, elle s'était gardée, jusque là, de prendre le moindre compagnon, ou la moindre compagne. Orgnar savait donc que, malgré son désir intense, Kynareth était probablement un simple rêve inaccessible pour lui.
-Chef de guerre Orgnar?
-Hein? Oui?
-Vous sembliez perdu dans vos pensées. Fit remarquer la belle rousse. Voulez vous entrer?
Elle montrait du doigt le drap camouflant l'entrée de sa tente. Orgnar déglutit. Ce devait être une des seules fois où il se trouvait seul avec un femme dans sa propre tente. C'était une ambiance... tout à fait particulière.
Kynareth se dirigea immédiatement vers un récipient placé au coin d'une table basse posée en plein milieu de sa hutte, et bu d'une longue gorgée son contenu.
-L'hydromel, il n'y a rien de meilleur, par Sanguin. Assez vous donc, Chef de Guerre Orgnar.
-Nous sommes en privé, vous pouvez m'appeler Orgnar. Répondit celui ci, peut assuré.
Kynareth sembla remarquer la manoeuvre de rapprochement mais ne releva pas.
-Dans ce cas là, appelez moi Kynareth, cela simplifiera grandement les choses. Je dois vous dire, Orgnar, que notre arrivée sur le champ de bataille n'était tout à fait fortuite.
-Je ne vous remercierai jamais assez de votre assistance, dit précipitamment Orgnar. Sans vous, la bataille était perdue.
-Ne vous en faites pas. Ce que je tente de vous dire, c'est que je suis venue avec mes troupes car je désirais m'entretenir avec vous.
-Avec... moi?
-Oui.
Ses yeux verts se fixèrent sur Orgnar, et ce dernier eux un grand mal à soutenir ce regard puissant et assuré.
-Je suis allée dans la Grotte du Destin. Commença-t-elle.
-Vraiment? Fit Orgnar, plutôt surpris. Mais c'est un endroit reculé et lointain, dans lequel on se rend quand on est vraiment perdu vis à vis de son avenir... vous...
-Je l'étais. C'était avant de fonder ma tribu, à un moment où mes responsabilités de Sjael me tombaient dessus. On me demandait partout, on attendait beaucoup de moi, et... je ne me croyais pas à la hauteur.
Une telle marque de manque de confiance était rarement partagée chez les nordiques, cela pouvant leur donner une apparence de faiblesse. Voir Kynareth partager aussi facilement ses doutes avec lui emplit le coeur d'Orgnar de joie.
La jeune femme continua.
-J'y ai vu... un monde à nouveau plongé dans le chaos. Et j'y ai vu ma mère.
-Savez vous pourquoi le monde était ainsi?
-La raison n'en était pas claire, mais je suis persuadée que c'était cause du retour des dragons.
Un silence tomba. Puis, Kynareth repris:
-Orgnar... auriez vous déjà eu une vision de Jägtis?
Le jeune homme fut pris de cours par cette question, et se remémora son voyage à Novgorod.
-Eh bien... oui, en effet. Répondit-il après une courte hésitation. Après la discussion que nous avions eue ce soir là, à la Tribu d'Inam, j'ai décidé de faire un pèlerinage à Novgorod. Et arrivé sur place, une femme magnifique armée d'un grand arc, vêtue de peaux et accompagnée d'un cerf, m'a adressé la parole et révélé que les forces draconiques n'avaient pas disparu. Elle m'a également prévenu que le sang de mon ancêtre réapparaîtrait pour lutter contre cette engeance. Quand je me suis retournée pour lui demander comment elle me connaissait, elle s'était volatilisée.
Kynareth resta mutique quelques instants. Puis, elle reprit:
-Dans ma vision, Jägtis m'a dit qu'elle m'enverrait quelqu'un dont le sang m'aiderait à combattre les forces des dragons. Depuis longtemps, je pense qu'il s'agit de vous, Orgnar. Mais maintenant, je n'en suis plus sûre. J'en suis persuadée.
Orgnar vit son coeur bondit au creux de sa poitrine, mais tenta de n'en rien laisser paraître.
-Ainsi, aurions nous pour mission divine de nous rendre en les Monts d'Alduin afin d'écraser les forces draconiques?
-Qui sait... je pense qu'il faut que nous y allions. Les voies de Sjaerne, le destin, sont souvent impénétrables.
Orgnar avait du mal à contenir sa joie, au point que son âme en allégresse oublia qu'avant d'être une occasion de se rapprocher de la belle Sjael, cette expédition était avant tout un devoir sacré et nécessaire à la survie de l'Empire.
Cependant, la raison reprit rapidement le dessus.
-Balta n'acceptera jamais de laisser une part de ses troupes quitter le champ de bataille pour se rendre dans les Monts d'Alduin. Fit remarquer Orgnar, l'air dépité.
-Haut les coeurs, Orgnar! S'exclama Kynareth. Vous n'êtes plus un enfant de 16 ans craignant son frère! Vous êtes un adulte, descendant du Dragonicide lui même, et cela vous donne des responsabilités que votre frère, tout empereur qu'il soir, ne peut pas entraver. Je lui parlerais également de ma vision, et il m'écoutera. Et s'il le faut, nous nous y rendront accompagnés seulement des guerriers de ma tribu, afin que le front ne soit pas trop dégarni.
-Très bien. Répondit Orgnar, cependant peu assuré. Les troupes du général Milkès ayant été écrasées aujourd'hui, la prise de Minèkorpis ne sera qu'une formalité.
-Très bien. Nous partirons donc après la chute de Minèkorpis. Mes troupes et moi resteront avec vous jusqu'à cette victoire, et j'en profiterais pour en parler au Kesjare Balta.
Sur ces mots, Kynareth fit comprendre à Orgnar qu'elle désirait rester seule dans sa tente. Ce dernier ne se fit pas prier pour sortir, mais eut du mal à contenir sa joie durant le chemin le ramenant jusqu'à sa tente. Là, Balta II, qui lny attendait depuis la fin de la bataille, lui lança un regarde intrigué.
-Les Dieux bénissent ce jour magnifique. Lui répondit Orgnar, sans préciser s'il faisait référence à la victoire ou à l'entretient qu'il venait d'avoir.
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