8 - Rhéa Valentii (3/4)
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Alessia ne perdit pas tout à fait conscience, enfin c'est qu'elle arrivait à déduire des maigres sensations qui arrivait à lui parvenir. Son corps s'était mis à se mouvoir sans qu'elle n'en donne véritablement l'ordre. Confuse, elle s'était relevé parmi l'amas de débris qui constituait maintenant le salon des affaires de la villa Valentii. Elle se souvenait s'être appuyé sur quelqu'un pour sortir de la pièce. Très rapidement une intense chaleur se mit à l'entourer et l'air devient lourd et suffocant. Si ses signaux envahissaient peu à peu l'ensemble de ses sens, son esprit, lui, n'éprouvait qu'une profonde sensation de vide. C'était comme si la communication entre son corps et son esprit s'était dissociée.
Une fragmentation de l'âme. C'était ce qui se produisait quand un utilisateur du Don dépassait les limites de son Pouvoir, vidant l'intégralité de son käes bien trop rapidement pour la santé de son organisme. Les forces du Voile étaient tel un flot intarissable et infini, cependant pour apparaître dans notre dimension, l'æthérian devait sacrifier sa propre énergie vitale. Et une manque de contrôle sur celui-ci pouvait entraîner de graves conséquences pour l'utilisateur imprudent. L'esprit d'Alessia, emporté par le soudain afflux d'énergie æthérique, avait bien faillit être arraché pour de bon à son enveloppe charnelle.
Alors que des cris et des hurlements se répandaient dans l'intégralité de la demeure, la jeune femme descendit un grand escalier avant de parcourir une poignée de mètres. Puis on la déposa au sol, son dos contre l'un des piliers du rez de chaussé. Les sensations lui revinrent peu à peu. Alessia réussit à lever le chef, un intense bourdonnement dans les oreilles, ses temps chaudes et douloureuses. Elle était complétement désorienté. Un visage flou se rapprocha d'elle pour lui souffler quelques paroles. Elle réussit à capter le mouvement des lèvres mais aucun son ne lui parvint. "Je dois la retrouver... Avant qu'elle ne réussise à s'enfuir" L'inconnu lui secoua les épaules pour essayer de lui faire reprendre conscience. Mais Alessia demeura silencieuse, incapable d'articuler le moindre mot. Elle se releva et se mit à courir en direction du hall de la villa.
Alessia essaya de se mouvoir, mais le contrôle de ses muscles lui échappait encore. Bouger ne serait-ce que l'un de ses orteils réclamait un effort conséquent de sa part. Elle observa l'étage de la bâtisse en train d'être dévorés par l'avidité des flammes. Elle se souvint. C'était elle qu'il l'avait déclenché. L'incendie, d'une puissance surnaturel allait tout réduire en cendre, elle comprise, si elle n'arrivait pas à s'échapper de la demeure. La fumée noire et épaisse aurait raison d'elle avant que la moindre flamme ne fasse roussir sa chair.
La jeune femme mobilisa l'intégralité de son esprit pour essayer de se mouvoir. Bien évidemment elle était incapable de faire appel au Don. Soudain, elle sentit ses jambes lui obéir. Elle se leva avant de dégringoler au sol tout aussi rapidement. Elle était trop faible. Alors elle se décida à ramper. Se traînant entre les tables et les triclinium renversés accompagnés d'assiettes brisés et de victuailles étalés, Alessia avait bien du mal à savoir où se diriger dans la villa. Cependant au bout de quelques instants, un courant d'air frais se fraya un chemin jusqu'à ses narines. Elle se dirigea dans sa direction.
Combien de temps passa-t-elle à ramper dans les salles dévastés de la villa Valentii ? Elle était incapable de le déterminer. S'agissait-il de secondes ou de minutes ? Ou même d'heures, sa perception du temps altéré par la fragmentation de son âme ? Ce qu'elle savait c'était au bout d'un moment deux ombres se précipitèrent vers elle. Puis elle vit son propre corps se soulever du sol pour être suspendu sur épaule épaisse. Son sauveur traversa un grand vestibule suivit d'une arche bordée de rideaux noircie par la fumée.
Et une grande bouffée d'air frais emplit les poumons d'Alessia. Un jardin aux buissons épais et larges parterres de fleurs et une fontaine aux nymphes exquises se dévoilèrent à elle depuis l'épaule sur laquelle elle était perchée. Des individus s'affairaient autour d'elle, des sceaux dans leurs bras qu'ils déversaient à tour de rôle sur le brasier infernal en train d'étreindre la demeure. Elle traversa le portail de la villa puis son sauveur parcourut une demi-dizaine de mètres avant de le poser au sol. Un instant s'écoula puis un autre visage s'approcha à son chevet. Il retroussa le capuchon de sa cape brune
— Bon sang ! Que s'est-il passé, Alessia ? Ou est Cordélia ? l'interrogea l'homme.
Le son de son propre nom provoqua un électrochoc au sein de la psyché de la jeune femme. Elle reprit le contrôle de son corps. Lex l'observait d'un air à la fois perplexe et inquiet. A côté de lui, Rodan surveillait les environs tandis que plus en plus de membres de la garde civil rejoignaient le lieu de l'incendie. C'était le Nordien qu'il l'avait porté sur ses épaules pour la sortir de la villa, comprit-elle. Les images de la demeure en flammes lui revinrent en mémoire de plein fouet.
— Elle est... encore dans la villa, réussit articuler Alessia avec difficulté. Elle m'a aidé à rejoindre le rez-de-chaussée. Puis elle s'est lancée aux trousses de Rhéa Valentii, en direction de la cave.
Lex se releva, prêt à retourner immédiatement dans la cour de la villa pour braver le feu ardent. Rodan lui barra le chemin.
— Il est trop tard, Lex. Tu ne peux pas y retourner, fit-il. Je suis sûr que ta sœur a réussit s'enfuir par les tunnels.
Cela eut l'air de convaincre le capitaine des Lames de Castell car celui-ci serra ses poings avant de tourner les talons. Il revint au chevet d'Alessia pour lui tendre sa gourde. L'eau désaltéra sa gorge aride .
— Tu es capable de marcher ? la questionna Lex.
Oui je devrai être capable de me relever. Je me sens déjà mieux, répondit Alessia. Et Orél ? Il a réussit à sortir de la villa ?
— Oh ne t'inquiètes pas pour cela. Ce pleutre a été parmi les premiers à sortir de cet enfer, énonça Lex d'une voix claire. On a réussit à l'intercepter avant l'arrivée de la garde civile. On le retient dans à notre quartier général à quelques pâtés de maison.
— Pour ce qui est du coffret d'Arenius... poursuivit la jeune femme qui s'était enfin relevé. On n'a pas réussi à récupérer ce qu'il y avait à l'intérieur. Mais Orél devrait nous en apprendre davantage.
— Je m'en doutais un peu, à vrai dire, rétorqua son capitaine. Il était en sa possession lorsque nous l'avons capturé et manifestement vide. Rejoignons nos frères d'armes.
La jeune femme accompagna Lex et Rodan au travers des ruelles de Dalata, encore éclairés par les lueurs des flammes en train de ravager la villa Valentii. Cependant ces dernières commençaient à décroitre en intensité, vaincu par la vaillance des auxiliaires de la garde civile. Il était une chance que la villa, de par sa taille, s'était trouvé à une bonne distance des manoirs voisins, réduisant drastiquement le risque de propagation du feu. Lors du chemin Alessia fit un bref rapport de ce qui s'était produit lors de son infiltration, de son arrivée par les tunnels jusqu'à sa confrontation avec Rhéa Valentii. Elle ne cacha pas que cette dernière était une apostate tout comme elle.
Arrivé devant une bâtisse encadrée par deux autres demeures de taille plus importante, Lex avança en premier jusqu'au perron et tapota à trois reprises contre la porte. Elle s'ouvrit et Chivéric s'écarta aussitôt du seuil pour les laisser passer. À l'intérieur ne s'y trouvé quelques meubles éparses et poussiéreux accompagné de caisses et de tonneaux. Deux autres membres des Lames de Castell, Eralf ainsi que Frolos, étaient assis à une table et se levèrent aussitôt à la vue de leur capitaine. Eralf échangea quelques mots avec Lex avant de lui indiquer un escalier dans le fond de la pièce. Lex s'empara de la lampe à huile posé sur la table et se dirigea vers celui-ci. Il fit signe à Alessia de l'accompagner.
Ainsi ils se retrouvèrent dans une cave étroite et humide, qui contrairement à celle de la villa Valentii ne disposait pas d'un accès aux égouts. Lex illumina le fond de la pièce. Orél Valentii était allongé sur le sol, ses bras et ses jambes attachés par des cordes épaisses, un bandeau sur les yeux et un bâillon dans sa bouche. Le capitaine des Lames de Castell s'approcha de lui pour retirer ce dernier.
— Par l'Empereur ! Je vous en supplie si c'est l'argent que vous cherchez je ferais de vous des hommes riches ! s'écria le patricien aussitôt que sa bouche ne fut plus obstrué.
Lex frappa sa panse d'un revers de sa botte. Orél laissa échapper un cri de douleur avant de se rouler en boule.
— Crois-tu vraiment que c'est l'or qui nous intéresse ? poursuivit le mercenarii. Ta villa n'est plus qu'une ruine fumante. Personne ne viendra te chercher ici et si jamais ton corps n'est jamais retrouvé, tout le monde en conclura que tu es mort lors de l'incendie. Alors, écoute moi bien, misérable. Tu as commis une terrible erreur le jour où tu as décidé de t'attaquer aux intérêts des Castellans. Le coffret que tu transportais, où as-tu caché son contenu.
— Vous êtes donc aux ordres d'Arenius de Castell, finit par articuler Orél après avoir reprit son souffle. Je n'ai rien à voir avec tout cela, je n'ai fait qu'obéir à Rhéa ! Du jour au lendemain, elle s'est remise de sa maladie, alors que l'intégralité des doctores de la province m'ont certifié que son mal était incurable ! Elle a dû faire un pacte avec l'Engeance pour acquérir de tels pouvoirs ! Nous étions sous le contrôle de sa volonté, moi et l'intégralité de nos serviteurs. Cordélia, la femme qui faisait partie du convoi, elle est des vôtres, n'est-ce pas ? Elle pourra affirmer mes dires !
Comme l'avait escompté Alessia, c'était bel et bien Rhéa Valentii qui se cachait derrière tout ça. Cependant le fait qu'il certifiait que les pouvoirs de celle-ci était apparus après son étrange rémission attira l'attention de la jeune femme. Etait-ce seulement possible d'obtenir de tels pouvoirs sans sensibilité au Voile innée ?
— Je n'ai que faire de tes excuses, chien. Ce qui importe c'est où se trouve le joyau. Réponds si tu tiens à la vie, rétorqua Lex puis il poursuivit plus bas à l'attention d'Alessia. Tu peux vérifier s'il dit la vérité comme lors de l'interrogatoire de Baldur ?
— Je peux essayer mais je ne pourrais pas le forcer à dire la vérité, répondit la jeune femme tout aussi bas. Ma confrontation avec Rhéa a épuisée mon Don.
Alessia s'approcha d'Orél est posa sa main droite sur le haut de son crâne. Sa longue chevelure d'or n'était plus qu'un amas de noeud recouvert d'une couche de cendres. Elle sentit de suite une puissante terreur s'emparer de lui.
— Non ne me tuez pas, je vais tout vous raconter ! Le vol, l'attaque du convoi, tout ceci était l'idée de Rhéa ! Un informateur nous a informé de son existence ! J'ai engagé les Vipères des tunnels pour monter une embuscade ! Au départ, je n'ai pas compris pourquoi car Rhéa a insisté pour qu'ils l'on dérobent seulement le coffret. Mais lorsque je l'ai vu de mes propres yeux... Un joyau étincelant d'un rouge profond ! Il est venu me parler lors de l'un de mes rêves, il m'a permis de me libérer en partie de l'emprise de Rhéa. Cela faisait des semaines qu'elle m'obligeait à mettre en place ses intrigues et ses complots. Je ne pouvais pas permettre qu'un tel chef d'oeuvre tombe entre ses mains ! J'ai attendu que Rhéa baisse sa garde pour m'introduire dans mon ancien bureau où se trouve mon coffre fort. J'ai récupéré le joyau et je l'ai confié à l'un de mes serviteurs. Je lui ai ordonné de quitter Dalata et de rejoindre une caravane de marchands. Elle se dirige vers la cité de Velka, au nord. Mon oncle y réside, il veillera sur l'artefact. Maintenant faites-moi la promesse de me laisser en vie !
Lex tourna le chef dans la direction de la jeune femme. Elle fit un hochement de tête pour lui confirmer que le patricien disait bel et bien la vérité.
— Tout depend de la suite, poursuivit le capitaine des Lames de Castell. Comment pouvons-nous être certain que tu n'essayeras pas de chercher à te venger d'Arenius de Castell ?
— Attends, je reconnais ta voix maintenant ! s'exclama Orél avec surprise. Tu es Hiéronym Lex, le capitaine des mercenare d'Arenius ! Comment as-tu pu oser...
Avant même qu'Orél puisse terminer sa phrase ou qu'Alessia n'eut le temps de réagir, son frère d'armes dégaina un court poignard de sa ceinture. Il l'enfonça d'un geste sec dans le coeur du patricien. Et c'est ainsi qu'Orél Valentii passa de la vie au trépas dans une cave miteuse.
— Pourquoi l'avoir tué maintenant ? Il avait dit la vérité, s'exclama Alessia.
— Tu sais très bien qu'il était trop risqué de le laisser repartir vivant, se contenta de répondre Lex apres avoir essuyé sa dague sur le cadavre. Puis c'était l'occasion rêvée de se débarrasser de ce cafard.
— Quelque chose ne tourne pas ronds dans cette histoire, poursuivit la jeune femme. Le joyau, Orél a dit qu'il l'avait libéré de l'emprise de Rhéa. Seul un artefact æthérique peut être capable d'un tel prodige ! Quel est cet objet qu'Arenius tient absolument à récupérer, quitte à faire assassiner l'un des politiciens les plus influents de Dalata ?
— Ne crois pas que notre maître me révèle l'intégralité de ses secrets, rétorqua Lex. je sais juste qu'il s'agit d'une amulette en or dans laquelle est enchâssé un joyau d'une valeur inestimable. Tu devras te contenter de cela. Viens, regagnons le rez-de-chaussée. La nuit est loin d'être terminée. Nous devons nous débarrasser du cadavre puis nous regagnerons ensuite le Domaine.
Alessia n'argumenta pas davantage et se contenta de suivre son capitaine. Comme pour Daguefilante auparavant, elle avait le sentiment que Lex lui cachait quelque chose. À la fois au sujet du joyau mais aussi par rapport à la raison pour laquelle il venait d'assassiner de sang froid Orél Valentii. Elle garda ses pensées pour plus tard, consciente que ce ne serait pas aujourd'hui qu'elle résoudrait ce mystère et que bien des éléments encore échappaient à sa compréhension.
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