6 - Les Vipères des tunnels (3/4)
— Hé putain, mon nez est cassé ! Elle cogne fort, ta donzelle, vociféra Baldur qui venait de se réveiller. — Il essaya de se relever de la chaise puis il remarqua qu'il était attaché à celle-ci par une épaisse corde — Eh bien, je crois qu'une petite discussion s'impose, Hiéronym
— Toujours aussi grande gueule, Baldur, pas vrai ? énonça Lex. Mais tu ne sais pas dans quelle merde tu t'es foutu cette fois — Lex se dirigea vers la table en bois qui trônait dans la chaumière et commença à prendre en main plusieurs outils rassemblés par Lex auparavant — Je vois que tu nous as maché le travail, sur qui tu comptais te servir de tout ça ? — Il lui montra une poire d'angoisse — C'est une vraie, pas la camelote qu'on peut trouver à tous les coins de rue ou ça — Il pointa un objet plus imposant sur la table, un dispositif constitué de plusieurs lames de métal rougies par la chaleur et garnies de dents qui une fois rapproché par le mécanisme broyait les doigts de la victime — Sinon on peut simplement s'en tenir au classique. La cure par l'eau, c'est quelque chose de commun pour les pourritures comme toi.
— Parle-donc Hiéronym. Tu me menaces mais je ne vois pas en quoi je suis coupable. Tu t'es introduit sur le territoire de ma bande et tu as tué mes gars !
— Bah voyons, Baldur. Tes hommes nous sont tombés dessus en plein centre de Vlaken. Ils nous attendaient.
— Ca arrive souvent que les blancs-becs dans votre genre s'aventurent par chez nous. Ils doivent apprendre qu'on ne se mêle pas en toute impunité des affaires des Vipères. Ce village nous appartient.
— Je ne vais pas tourner autour du pot, Baldur. Ce matin, toi et tes gars avaient pris en embuscade un chariot escorté par des mercenare à la solde de Varius de Castell. Où se trouve le coffret dont vous vous êtes emparés ainsi que la femme que vous avez capturée ?
— Je ne dirais rien. Je balance pas les miens, rétorqua-t-il suivit d'un crachat.
— Comme tu voudras. Alessia enfonce lui la bande de cuir dans la bouche. Ce fils de pute est capable de se mordre la langue.
La jeune femme s'exécuta sans faire preuve d'aucune délicatesse. Elle ressentait de la pitié envers l'homme mais s'abstenait de le montrer. Lex attrapa un banc et positionna les grésillons face à Baldur puis glissa ses doigts sous l'étau en fer. Lentement il commença à serrer le mécanisme. Si le voleur resta impassible il commença à se débattre après deux tours, le fer commençant à brûler sa peau. Alessia resta derrière afin de maintenir la chaise immobile. Baldur se mit à grogner de plus belle. Lex s'arrêta au troisième tour puis arracha le bâillon de sa bouche.
— Bâtard de salaud ! Tu aurais pu me poser une question avant de commencer !
— C'est pour te mettre dans l'ambiance. Je ferai un tour plus pour chaque mauvaise réponse. Qui vous a engagé pour intercepter le convoi ?
— Va te faire foutre !
— D'accord ! — Il tourna une fois de plus les grésillons, Baldur jura et se débâtit mais ne cria pas cette fois-ci. — Où sont partis les autres membres du gang ? A Dalata ? Dans les marais ?
— Je passe mon tour, enfoiré !
— Combien en faudra-t-il pour te broyer les phalanges ? — Demi-tour de plus — Combien pour faire un collier avec tes doigts ? — Tour complet, Baldur hurla et se mit à trembler, la partie brûlante maintenant en contact avec sa chair — Le nom de ton employeur ? Qui t'as payé pour intercepter le convoi ? Répond !
— Rien ! vociféra le voleur en crachant sur Lex. Tu essayes de jouer les durs mais tu n'es qu'une mauviette ! Je te connais !
Si jusqu'à présent le capitaine des Lames de Castell avait fait preuve d'un sang-froid remarquable, ce n'était plus qu'une question de secondes avant que le masque ne se fissure. C'est ce que voulait Baldur comprit Alessia, son mystérieux lien avec Lex, son unique point de pression. Ce dernier réitéra ses questions et perdit toute patience après une énième volée d'insulte du brigand. Il serra de nouveau le mécanisme et cette fois-ci d'un coup sec, sans pause. Il enchaîna les tours rapidement et Baldur se contorsionna dans tous les sens, grogna et jura, le regard fou.
— Ça suffit Lex ! s'emporta la jeune femme. Ça ne sert rien, on va le perdre si tu continues.
Elle poussa le bras de son capitaine et actionna le petit levier qui désarma le mécanisme de torture.
— Comment oses-tu ! l'invectiva Lex. Il la toisa, son regard envahi par la colère, tel un chien fou prêt à bondir. Tu y connais quoi en matière de torture ?
— Plus que toi en tout cas, rétorqua-t-elle avant d'ajouter. J'étais dans la Legio Imperatorii autrefois, j'ai eu l'occasion d'assister à plus d'un interrogatoire.
Cette révélation sembla clouer pour de bon le bec de Lex car il n'ajouta pas un mot. Il se tourna et se mit à marmonner dans sa barbe. Baldur gémissait bruyamment, les doigts de sa main gauche réduits à un tas de chair fumante en lambeaux. Alessia prit une grande respiration. Était-elle vraiment certaine de faire ce genre de choses ? Si elle avait tout d'abord eu une confiance aveugle en Lex, celui-ci s'était vite révélé novice en la matière. Mais combien d'années s'était écoulé depuis sa dernière séance pratique ? Et si jamais le voleur mourrait avant de donner la moindre réponse ? D'un autre côté laisser faire son capitaine pourrait conduire à la même conclusion. Lex commençait de nouveau à tourner autour de la table de torture, à la recherche du protagoniste du deuxième round.
— Lex, j'ai une idée en tête, l'interpela Alessia de vive voix. Qui pourrait mieux marcher que ces petits jouets.
— Quoi ? Tu vas le chatouiller jusqu'à mort s'ensuive ? lâcha-t-il sans cacher son ton méprisant.
— Fais-moi confiance. Prends un linge, mouille-le et donne-le-moi. Ensuite asperge-le de la tête au pied.
Lex bien que sceptique finit par obtempérer. Qu'avait-il à perdre de toute façon ? L'opportunité rêvée pour décharger la faute sur la mercenarii en cas d'échec. Quelques instants plus tard tout était fin prêt. Alessia se tenait derrière le brigand, les deux mains sur l'arrière de son crâne recouvert par le linge. Ce dernier commençait peu à peu à reprendre ses esprits.
— Qu'est-ce que tu fais, bonne femme ? réussit-il à peine à crachoter.
— Je vais te poser plusieurs questions. Sache que je le saurais si tu mens.
— Tu bluffes...
Alessia se réfugia dans son for-intérieur. Elle fit le vide et se concentra. Des minutes semblèrent passer dans son esprit mais il ne s'agissait que d'une poignée de secondes
Il ne s'agit que de contrôle et de maîtrise. Pour utiliser le Don, tu dois te renfermer sur ton être intérieur, ton âme. Tu dois toucher ton käes, l'énergie inhérente à chaque être vivant, et ne faire plus qu'un avec elle. Ferme les yeux et concentre-toi. Matérialise ton käes comme une sphère d'énergie, puis fait lui prendre de l'ampleur tout en gardant le contrôle. Une fois le Pouvoir stabilisé, relâche le d'un seul coup et fait corps avec lui. Grâce à l'écoulement du Pouvoir dans ton organisme, tu pourras ainsi déchirer la réalité et faire appel aux forces du Voile et de l'æther. Les règles de la physique n'ont aucune emprise sur cette dimension. Tes seules limites seront ton imagination et ta puissance. Les plus talentueux de nos confrères peuvent accomplir bien des merveilles, mais c'est dans les choses les plus simples que le Don se révèle le plus prometteur.
La voix spectrale de son mentor venait retentir dans les tréfonds de son être, écho lointain d'une leçon enfouie au plus profond de sa mémoire. Une leçon qu'elle semblait avoir oubliée depuis. Après des années passées à enfouir son Don, la chose lui semblait éloignée et froide. Elle s'imprégna des paroles de son maître, chercha à tâtons son käes et ne tarda pas à faire apparaître la sphère d'énergie. Alessia se concentra sur la boule lumineuse afin de la faire grossir sans qu'elle n'explose. Une fois assez d'æther rassemblé et la sphère stable, elle la laissa se déverser en elle. Alessia ouvrit les yeux, un long frisson traversa son échine. Lex de l'autre bout de la pièce devenait de plus en plus perplexe.
— Quel est ton nom ? commença-t-elle.
— Tss. Baldur, Baldur Œil de Serpent pour les couilles molles du coin. Je suis l'un des chefs des Vipères des tunnels.
— Et comment gagnes-tu ta vie Œil de Serpent ?
— Oh, eh bien ça dépend qui demande. Je suis comme un marchand on pourrait dire. Je fais en sorte que mes hommes se procurent certaines choses et les donnent à d'autres contre une bourse bien remplie. Rien de malhonnête. — Il se mit à trembler, ses prunelles scrutant quelque chose à ses pieds — Qu'est-ce que tu me fais ? C'est quoi ce que je sens-là ?
— Je t'ai dit que je ne tolérais pas le mensonge. Arrête de tourner autour du pot et continue.
— On opère principalement dans les faubourgs de Dalara et a Vlaken quand la garde civil est à cran. Du travail basique d'extorsion, on récupère les dettes des marchands sous notre protection en dehors de la cité, fit-il tout en s'agitant davantage, frénétiquement il se mit à taper des pieds comme si quelque chose était coincé dans sa botte. Des fois... Des riches de la cité ont besoin de nos services. Pour refaire le portrait de certains, jeter un oeil dans l'entrepôt d'un concurrent, repousser un prétendant qui flirte avec la dame. Ce genre de choses... Arrête !
Alessia se concentra davantage, avec un peu de doigté elle augmenta le flux d'æther qu'elle déversait dans la cervelle du voleur. Du coin de l'œil, elle pouvait presque apercevoir les horreurs qui commençaient à l'assaillir. Entre ses orteils, le long de ses cuisses, des blattes et des cafards se mirent à grouiller.
— Maintenant parle-moi du dernier boulot que les Vipères ont accepté.
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