25 - Assiégés (3/3)
Varius et Arenius reculèrent de suite et les mercenare formèrent une ligne devant eux. Gerald le Noir resta inflexible, ne se préoccupa pas un instant de la rangée d'épées qui venait d'apparaitre à moins d'un mètre de lui, il fixait du regard le malheureux qui venait de défier son autorité pour la seconde fois.
— Ivar recule-toi, les autres je vous interdis d'engager le combat sans que j'en donne l'ordre, s'exclama le seigneur brigand.
Au travers de ses paroles, Alessia avait ressenti la puissance du Lien d'Allégeance qui reliait Gerald à ses drengirs. Cependant autre chose venait de s'hérisser aux limites de sa psyché, une étrange sensation familière. L'un des mercenare s'avança, revêtu d'une longue robe bleu marine. Il retira à son tour son capuchon pour dévoiler un faciès jeune à l'œil d'un vert pâle et au sourcil arqué bien dessiné. L'autre face de son visage, recouverte d'épaisse bandelettes, de son front jusqu'au-delà de son menton laisser entrevoir une chair sombre et brûlé comme du charbon. Il venait d'apparaître au milieu du groupe de soldats sans émettre le moindre bruit. Le cœur d'Alessia se gorgea d'effroi.
— Faible vraiment ? Mes excuses mais je pense qu'il est temps de mettre fin à cette mascarade, s'exclama Anastérion d'une voix sinistre. Combien de coffres remplis d'Astal d'or suffirait pour convaincre l'un d'entre vous de me ramener la tête de votre chef et de celle de cette femme ? Personne ? Pas de volontaire ? Dommage... Puis-je, sénateur ?
Tout ceci n'était donc qu'un piège ! Les barrières psychiques d'Alessia se dressèrent immédiatement alors qu'elle tentait de prévenir Gerald le Noir du danger imminent. Derrière ses mercenare, Varius acquiesça d'un simple hochement de tête. Elle sentit le Don du magistère s'embraser. La jeune femme projeta une puissance onde de choc æthérique qui pulvérisa la roche à l'endroit même ou se trouvait Anastérion. Simultanément, une pluie de carreaux d'arbalète émergea depuis le bois en contrebas du promontoire.
Pris dans un épais nuage de poussière et de fumée, les drengirs partirent à l'assaut sous l'influence d'Ivar. Alessia dégaina Aube et eut à peine le temps de pousser Gerald vers l'arrière que deux mercenare bondissaient sur elle. La jeune femme fit voler son épée afin de maintenir l'un à distance tandis qu'elle parait la frappe de taille du second. Derrière elle, seigneur brigand reprit rapidement ses esprits, son arcade entaillée par un éclat de roches. Le corps à corps se mua en une mêlée brutale et chaotique mais les drengirs avaient fort à faire, harcelés par les tireurs embusqués. L'un d'entre eux se fracassa au sol, son casque mal ajusté et son crâne transpercé d'un carreau d'arbalète.
— Il faut battre en retraite tout de suite sinon Anastérion risque de bien nous vaporiser en un claquement de doigts, hurla Alessia à Gerald.
Le drengir se redressa de toute sa taille et brandit sa hache d'armes à deux mains. D'un frappe tournoyante, il cueillit le mercenarii à la gauche d'Alessia et fendit son cou en deux. Alessia para de nouveau une frappe, feinta pour tailler les genoux de son adversaire. Impitoyable, la dæmoria déchira grèves renforcés, chairs et tendons. Le guerrier trébucha au sol et s'époumona d'un puissant cri de douleur. Alessia, sans prendre la peine d'achever le mercenarii, recula d'une foulée rapide et suivit Gerald le Noir pour regagner leur monture avant qu'elles ne s'enfuient.
Alors qu'Alessia d'un bond mettait ses pieds aux étriers, le voile de poussière se dissipa. Anastérion sans la moindre égratignure, avait incanté un bouclier æthérique devant et le père et fils de Castell. Le champ de force d'une pâle lueur d'azur presque imperceptible se dissipa. Gerald ordonna d'une voix puissante aux drengirs de battre en retraite avant de partir au galop en compagnie de la jeune femme. Ivar, pris dans le cœur de la mêlée, hésita un instant avant d'obéir, puis se débarrassant de son adversaire d'un puissant uppercut de son marteau, cavala jusqu'à son cheval accompagnés de ses frères d'armes.
Une boule de feu fendit les airs à toute vitesse en direction du seigneur brigand tandis que les traits acérés continuaient de fuser de toutes parts. Alessia, incapable d'incanter à son tour un bouclier protecteur, utilisa son Don pour modifier la trajectoire du projectile æthérique. La boule se fracassa à quelques mètres de la monture de Gerald créant une brèche dans le défilé. Alessia poursuivit son galop, calmant Cal d'une pensée réconfortante. Derrière eux, la moitié des drengirs avaient enjoint leur pas, le dernier d'entre eux chutant de sa monture après avoir été transpercé d'une demi-dizaine de carreaux d'arbalète.
À moins d'une vingtaine de mètres de distance de l'arrivée, les portes du Fort du Croc s'ouvrirent en trombe. Alessia sentit à nouveau le Pouvoir d'Anastérion s'enflammer de l'autre côté de la passe. Deux nouvelles boules de feu prirent leur envol, d'une taille et d'une vitesse plus importante. La jeune femme arrêta sa monture alors que Gerald passait sous le seuil de la forteresse. Si elle ne détournait pas totalement la trajectoire des deux orbes, elles se fracasseraient contre le corps de garde pour le pulvériser. Et l'enceinte inférieure deviendrait ainsi indéfendable.
Alessia se prépara mentalement et s'apprêta à déchaîner l'intégralité de son käes afin d'avoir assez de Pouvoir pour renvoyer les deux boules d'énergie à leur propriétaire. Elle patienta tandis que les drengirs la dépassaient à leur tour pour se mettre à l'abri derrière la muraille. Elle attendit que les deux sphères atteignent le zénith de le trajectoire avant de redescendre à toute vitesse. Elle libéra son Pouvoir et déchaîna son Don pour ralentir les deux projectiles æthériques. C'est bien trop juste, je n'y arriverais pas ! Si elle s'employa de toute ses forces, sa simple puissance psychique n'était pas assez puissante pour gagner le bras de fer qu'elle venait d'engager à distance avec Anastérion. Elle, malgré son fort potentiel, n'était qu'une profane, comptant sur son instinct pour manier le Don alors que la magistère avait passé plus d'une vie à parfaire son art.
Alessia parvint à ralentir la course des boules d'énergie au prix de la moitié de réserve d'énergie et celle-ci s'épuisait de plus en plus rapidement, menaçant de la tuer sur le coup. Mais elles risquaient d'endommager sérieusement les défenses des Foudres de guerre en plus de tuer plusieurs personnes. Alors que l'impact semblait tout proche, Alessia s'apprêtait à utiliser son dernier recours. À incanter le müyr comme elle l'avait inconsciemment fait face au korval et à l'esprit de Savren. Au même moment, les deux sphères d'énergie se fracassèrent contre une barrière invisible avant de disparaître dans un vortex de lumière éblouissant. La jeune femme reprit son souffle. Au-dessus d'elle, à quelques mètres sur la passerelle du corps de garde, elle venait de ressentir la présence d'Harbard. Et à ses côtés celle de Vaiyn.
Alessia regagna le Fort du Croc et les lourds battants en bois massif se refermèrent aussitôt derrière elle. Elle observa en silence tout en descendant de Cal. Les pertes avaient été lourdes du côté des drengirs, la moitié ayant péri lors de l'embuscade, et trois des survivants sévèrement blessés. Ivar, une multitude de traits encore fiché dans sa cuirasse, avança d'un pas rapide dans sa direction quand il remarqua la présence de la jeune femme.
— Salope de traîtresse ! Tes petits tours de passe-passe ont bien failli nous coûter la vie ! vociféra le colosse en empoignant son marteau rougie par le sang. Je vais te tuer !
Gerald le Noir lui coupa la route. D'une droite fulgurante dans la mâchoire, il brisa la course de son fils. Le second uppercut au niveau du plexus solaire coupa son souffle puis il l'attrapa par les épaules pour le projeter contre la muraille. Ivar se laissa faire comme un pantin désarticulé
— Comment as-tu osé remettre en question mon autorité par deux fois ! hurla le seigneur brigand à l'attention de son fils. Te crois-tu meilleur chef de guerre que je ne le suis ? Alors ne te gênes pas et provoque-moi en Mak'athan afin de prendre ma place ! Mais tu n'en feras rien, car tu es faible, tu sais très bien que tu n'arriverais pas à me vaincre !
Ivar se releva et repoussa son père pour mettre fin à l'étreinte sans prononcer la moindre parole. Elle ne put que lire l'immense haine qui traversa Ivar face à la honte immense que venait de lui infliger Gerald le Noir. Tandis qu'Alessia s'éloignait rapidement afin de conduire Cal aux écuries, elle aperçut Harbard depuis les hauteurs des murailles. Le vieux sorcier, d'une rapide pensée télépathe, venait de l'enjoindre à venir lui faire son rapport dans le plus bref des délais.
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