10 - Sur les traces des Foudres de Guerre (4/4)
Alessia fit le vide à l'intérieur d'elle, jeta un dernier regard, vérifia que la voie était libre. Le Don se déversa en elle comme un torrent ardent. Une ultime bouffée d'oxygène libératrice. Elle se lança au travers de l'allée à toute vitesse. Ne se soucia plus d'être vu. Enchaîna les longues foulées, passa par-dessus les barrières de l'écurie. Capta en arrière-plan des Foudres de Guerre dans la ruelle. Sans s'arrêter, son pied d'appui vers l'avant, elle sauta en extension, rebondit sur le tonneau, attrapa le bord du pilier et se projeta en traction dans les airs. Elle se réceptionna d'une nouvelle pirouette sur le bâtiment d'à côté.
L'archer se tourna immédiatement dans sa direction. La mercenarii toujours en pleine course bondit sur le toit suivant. Il arracha une flèche de son carquois. Elle se rapprocha davantage, défia le vide à plusieurs reprises. Il banda son arc. Elle projeta une onde d'énergie æthérique. Trop faible pour le faire chanceler, mais son bras trembla. Le trait siffla dans les airs, bien trop haut pour toucher quoi que ce soit. Alessia atterrit sur l'estrade, poignard en main. Nouvelle cabriole. L'archer n'eut même pas le temps de la suivre du regard. Elle passa derrière lui en un battement de cœur. Il s'effondra, les tendons des chevilles tranchées nets.
La mercenarii attrapa son arc et son carquois au battement suivant. Extirpa une flèche et l'arma à son tour. Son buste pivota, le dos droit, en direction de sa prochaine cible. Du coin de l'œil, elle prit connaissance de la position des brigands en contrebas. Ils remontaient l'allée en courant. Elle lâcha la corde de son arc. Un nouveau trait siffla, courbe parfaite. Au même moment Rodan émergea de la tour, hache de guerre en main. Il chargea le groupe de Foudres de Guerre. Un deuxième archer s'effondra, sa trachée transpercée par la flèche de la mercenarii. Sans même réfléchir, elle tira à nouveau sur le troisième. Celui-ci, plus aguerri, se jeta in extremis derrière les créneaux de la muraille, échappant à la mort de peu. Alessia encocha une troisième munition. Son regard descend dans l'allée. Rodan tenait en respect les brigands, faisant voler de nouveau sa hache. Pour peu de temps, compte tenu de sa blessure et la supériorité numérique de ses quatre adversaires.
Quatre ?
Le nombre flotta dans l'esprit de la mercenarii. Trop tard. Le Foudre de Guerre manquant se déboula sur l'estrade. Le Don échappa au même moment à Alessia, à court d'æther. Lame dégainée vers l'avant, il se jeta sur elle. Elle esquiva d'un pas en arrière. Trop lent. Le glaive fendit en deux son arc et lui érafla le bras droit. Plus que la douleur, c'est le contrecoup de l'utilisation de son Don qui la frappa en premier. Elle chancela et sa vue se troubla. Elle dégaina Crépuscule, à la limite du précipice de l'inconscience. Son adversaire ne compte pas la laisser souffler. Elle remarqua à sa façon de tenir son arme qu'il s'agissait d'un duelliste aguerri. Elle leva sa lame, mais son bras devint lourd. Elle para la frappe et échappa à une estocade mortelle avec toutes les peines du monde. Fatigue physique et psychique. Elle eut l'impression d'être ivre. Le glaive frôla de quelques centimètres sa tête. Alessia lança à son tour Crépuscule d'un coup de taille large. Son adversaire est encore une fois plus rapide qu'elle. La mercenarii leva les yeux vers lui. Son visage était recouvert par un foulard noir, une longue chevelure sombre hirsute attachée vers l'arrière en catogan. Elle décela dans son regard bleu de glace une haine immense. Et quelque chose d'autre. Lui aussi était sous l'influence du Don. Un apostat, tout s'expliquait. Le combat était perdu d'avance.
Alessia se jeta de toutes ses forces sur son adversaire, Crépuscule lui échappa. Elle s'agrippa à sa taille et y mit tout son poids. Telle une balle, elle le percuta de plein fouet, tous deux ils chancelèrent dans le vide.
Le choc fut rude, bien plus rude que ceux qui avaient précédé. Alessia essaya de se relever. Elle était trop faible, à bout de force. L'aposta s'était volatilisé. Sa vision vacilla. Elle se mit à ramper avant de retomber. Une paire de bottes se dirigea vers elle. Trop faible. Elle demeura un instant dans les ténèbres de l'inconscience puis elle ouvrit les yeux. À genoux, elle avait une lame sur la gorge.
— Jette ta hache, fils de pute, sinon je l'égorge ! Tu m'entends ?
Rodan était encerclé par trois Foudres de Guerre. Le visage recouvert de sang, il n'avait pas encore rendu les armes. Alessia sentit sa conscience vaciller. Rien n'avait plus d'importance. Rodan ne bougea pas d'un pouce, roc inflexible.
— Tu es bouché abruti de Nordien ? Je vais la trancher cette putain !
Soudain un bruit familier. Un tonnerre de sabots s'abattit sur l'allée pavée de l'ancien avant-poste. Le poignard glissa le long de sa poitrine. Le Foudre de Guerre tituba en arrière, le crâne perforé par une flèche à l'empennage garni de plumes rouges. Les bandits lâchèrent leurs armes et détalèrent à toute vitesse. Une nuée de cavaliers déferla sur eux. Bien plus nombreux que les Lames de Castell. Aux pectoraux écailleux vernis d'or, casques rhodaniens aux cimiers cramoisis, longues lances et boucliers ovales. Ils les déchiquetèrent.
Un homme s'arrêta à sa hauteur et sauta de sa monture.
— Alessia, tu m'entends ? Tu dois rester consciente !
Elle reconnut le timbre du mercenarii à la rapière, son sourire chaleureux, l'éclat de ses prunelles recouvert par un voile d'inquiétude. Mais elle n'en pouvait plus. Le repos l'appelait à elle de toutes ses forces. Il l'attrapa et la hissa sur ses épaules. Et la dernière chose qu'elle entraperçut avant de sombrer pour de bon : la chevelure noire de corbeau de Cordélia Daguefilante.
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