Chapitre 1 - Les préparatifs
Les crocs retentissants de ses camarades déchiraient son cœur de toutes parts. Raté. Imbécile. Mal-aimé. Sans avenir. Abruti. Lâche. Les injures fusaient autour de lui, réduisant impitoyablement ses faibles espoirs à néant. Recroquevillé contre un mur froid, il tremblait de colère sans pouvoir l'évacuer autrement que par un flot de larmes qu'il dissimulait sous son écharpe. Il avait mal. Pourquoi ne pouvaient-ils pas simplement le laisser ? Il les détestait tous. Ils étaient ici, tous ensemble et lui, tout seul. La jalousie le rongeait chaque jour un peu plus. Pourquoi lui ne pouvait-il pas se faire d'amis ? Pourquoi était-il le bouc émissaire ?
La sonnerie retentit, une fois de plus. La masse d'élèves autour de lui s'évapora peu à peu. Il ne bougeait pas, attendant que le silence règne de nouveau sur la cour. Puis, il se releva doucement, essuya ses yeux d'un revers de manche, et partit.
Il en avait assez de cet endroit mais il ne voulait pas rentrer. Ce qui l'y attendait était au moins aussi douloureux. Alors, il se dirigea vers la Route de Glace où il se réfugiait lorsqu'il souhaitait mourir. Là-bas, il oubliait sous l'emprise du froid vivifiant.
Il pénétra dans la grotte où l'ambiance était rafraîchie par de nombreux cristaux de glace. La lumière de l'extérieur était reflétée par les miroirs gelés et rendait la cavité éblouissante quand on y entrait. Cependant, plus on avançait, moins on y voyait. L'enfant n'avait pas peur du noir, au contraire, il s'y sentait bien. Il y oubliait ses problèmes en se concentrant sur les mystérieux bruits des ténèbres. Il prenait beaucoup de plaisir à deviner ce qu'il ne voyait pas. L'invisible devenait visible dans le noir.
Il s'enfonça dans le dédale de glace sans crainte, jusqu'à ce que la lumière devienne juste suffisante pour qu'il voit devant lui.
« Sica, appela-t-il doucement, je suis là. »
Rapidement, une ombre approcha et se redressa avec assurance devant l'enfant. Un petit sourire malin s'étirait sur son visage ovale.
« Moi aussi l'ami, je suis là, moi aussi. »
L'enfant sourit doucement. La créature qui ne faisait qu'une tête de moins que lui dresser sur ses pattes arrières leva son regard vers l'humain, agitant fièrement la plume rousse qui ornait sa tête.
« Est-ce qu'une petite promenade sècherait tes larmes ?
- Je pense oui. »
Le Pokémon noir sourit, laissant apparaître des dents de carnivore, et se retourna, dévoilant les trois grandes plumes rousses qui lui servaient de queue. Il s'éloigna dans l'obscurité, suivi du petit garçon.
« J'aimerai te montrer quelque chose, Laena.
- Qu'est-ce ? »
Le monstre bipède ne répondit pas, avançant d'un pas sûr. Il savait que l'enfant arriverait à le suivre. Cela faisait plusieurs années que Laena s'exerçait à marcher dans le noir complet de la grotte, il se débrouillait bien à présent. Les premières fois, Sica avait dû le prendre par la main pour le faire avancer.
« Sica ?
- Hm ?
- J'aimerai partir de chez moi, quitter l'école, et vivre l'aventure.
- Tu voudrais quitter cette grotte ? La Route de Glace t'appartient autant qu'à nous, tu sais.
- Je ne peux pas vivre ici avec vous. Je ne trouverai pas de quoi me nourrir. Et puis... je veux voyager. À l'école, nous avons lu des mémoires de dresseurs... et j'aimais beaucoup. Moi aussi, j'aimerai découvrir l'inconnu, livrer des combats, rencontrer de nouveaux Pokémon...
- Et avec quel Pokémon veux-tu partir ?
- Eh bien... toi ? »
Le furet rit doucement mais ne répondit pas à l'invitation de l'enfant. Ils arrivaient devant des dizaines de galeries creusées dans la glace. Sans hésitation, Sica se faufila dans l'une d'entre elles. Le garçon le suivit, obligé se plier en deux pour passer. Le monstre noir le conduit jusqu'à un nid.
« Lili, éclaire-nous ! »
Une vive lumière éclaira la salle. Il fallut de longues secondes à Laena pour que ses yeux s'habitue à la luminosité. Il découvrit un petit Pokémon à la peau rose et au cheveux blonds ainsi qu'une femelle dans son nid, fixant Sica avec contrariété.
« Regarde Laena ! »
Il attrapa délicatement un des petits qui dormaient près de la Farfuret. L'humain écarquilla des yeux surpris. Le petit animal n'était pas noir comme ses semblables mais rose aux plumes d'or. Jamais l'enfant n'aurait crû ça possible.
« Je ne sais pas comment expliquer ce changement de couleur... mais je pense que ce petit sera spécial. Si nos dieux ont choisi de le différencier des autres, ils doivent avoir un raison. »
Laena hocha la tête, c'était probablement cela. Sica reposa le petit près de ses frères et remerçia la femelle de sa patience. Il fit signe à Lili d'arrêter son attaque Flash et la pièce retomba dans le noir.
Le Farfuret conduit l'humain à l'extérieur. À peine sorti, une chauve-souris frôle sa chevelure. De nombreux courants d'air agitaient la grotte, indiquant qu'un groupe de Nosferapti survolait le territoire des Farfuret. Rien d'extraordinaire en somme, les espèces cohabitaient sans problèmes sur la Route de Glace. Cependant, aujourd'hui, les mammifères volants semblaient agités. Ils criaient de petits bruits aiguë de panique, troublant la perception de Laena.
« Calmez-vous ! hurla Sica sans pouvoir se faire entendre. »
Plusieurs Farfuret étaient sortis et grognait devant le désagréable tapage des oiseaux des grottes. Soudain, un lumière apparut au bout de la grotte. Sica avait un mauvais pressentiment et attrapa la main de l'enfant pour l'entraîner dans la cavité dont il sortait. Laena le laissa faire, ses sens complètement perturbé par les cris et les ultrasons des chauve-souris.
« Ne bouge pas, je reviens. »
Le ton du Farfuret trahissait son inquiétude. Ce dernier sortit dehors précipitamment, laissant l'humain avec la femelle et ses petits. Il rejoignit ses compagnons et découvrit un groupe d'homme vêtu de noir. Ils possédaient une étrange machine. Ça sentait mauvais. Il bondit au côté d'un Farfuret plus imposant, en tête du groupe.
« Papa, j'ai un mauvais pressentiment, nous devrions les bloquer.
- Nous devons d'abord découvrir leurs objectifs... s'ils ne veulent que passer, nous n'avons pas à les attaquer.
- S'ils ne souhaitaient que passer, les Nosférapti ne seraient pas si agités.
- Tu as raison. »
Le gros furet noir inspira profondément avant de cracher une puissante attaque Vent Glace, imité par ses compagnons. Les attaques combinées permirent d'ériger un mur gelé entre eux et les hommes noirs. Quant aux chauve-souris, voyant la protection des furets, commencèrent à cracher une épaisse fumée noire et froide. Ils savaient que si les humains souhaitaient passer, ils le feraient. Ils savaient de quoi ils étaient capable alors l'écran sombre permettrait à chacun de se cacher plus aisément en cas d'urgence.
Comme prévu, le mur de glace fut détruit par les hommes à la machine. Les Farfuret se replièrent dans les cavités desquelles ils observaient la situation. Les Nosférapti s'étaient enfuis sans cesser de cracher une épaisse fumée sombre. Les inconnus en noir étaient perdus, ils firent demi-tour et leur lampe disparut.
Sica se rendit auprès de Laena qui n'avait pas bougé. Il le prit par la main et le guida jusqu'à la sortie. L'enfant toussa à cause de la fumée qui commençait à disparaître. Le Farfuret guida son ami jusqu'à la lumière, là où ils s'étaient retrouvés.
« Que s'est-il passé ?
- Je pense que ces hommes noirs voulaient capturer des Nosférapti. Ce n'est pas la première fois, mais ils avaient une étrange machine avec eux... je ne sais pas à quoi elle sert, et cela m'inquiète.
- Je comprends... ils viennent de plus en plus souvent, non ?
- Ouais, ce n'est pas normal. Je me demande si nous sommes les seuls à recevoir leur visite. Ce n'est jamais les mêmes qui viennent, ils doivent être nombreux.
- Tu sais, plus tu m'en parles, plus je me dis qu'ils ressemblent à la Team Rocket. En ce moment, ils reviennent sur le devant de la scène, surtout à Kanto.
- La Team Rocket ? Qu'est-ce que c'est ?
- Une organisation qui veut dominer la région. S'il capture les Nosférapti, c'est pour devenir plus puissants je pense.
- Quelle horreur... bref, tu devrais rentrer, il va être tard après.
- Mais il fait encore jour !
- Justement. Nous partons ce soir alors prépare tes affaires !
- Où partons-nous ? Je ne suis pas sûr de comprendre...
- Ce n'est pas toi qui voulait partir en voyage ?
- Alors tu veux bien ? Merci ! »
L'enfant se jeta au cou du Pokémon, les larmes aux yeux. Il était si heureux que son ami accepte. Il allait s'enfuir loin de cette misérable vie !
« Ce n'est rien l'ami. Rendez-vous devant chez toi ! Soit près !
- Promis ! »
Le Farfuret regarda l'enfant s'éloigner. Il était inquiet pour les Nosférapti, pour tous les Pokémon qui étaient traqués dans le but de devenir des armes. Si la Team Rocket se trouvait dissimulée dans toute la région, il irait la chercher. Il ne pouvait pas laisser courir le risque qu'ils s'en prennent à sa tribu. Pendant que sa famille défendrait la Route de Glace, il couperait le problème à la racine.
Il fit demi-tour, il allait faire part à sa famille de ce qu'il venait d'apprendre et leur dirait au revoir. Il fallait qu'ils protègent tous le monde. Ils devraient veiller sur Rose aussi pendant son absence, la petite Farfuret aux plumes d'or devra elle aussi se battre. Il attendait beaucoup d'elle. Sa différence n'était pas un hasard, il en avait l'intime conviction.
De son côté, l'enfant était aux anges. Il allait quitter sa misérable vie et abandonner ses malheurs. Sica avait accepté ! Sica venait avec lui ! Il courut chez lui, porté par les ailes de l'enthousiasme et s'arrêta devant la porte. Il inspira un grand coup. Il devait être discret : son père ne laisserait jamais partir s'il apprenait qu'il le quittait dès ce soir. Il n'avait pas l'âge légal requis et dès qu'on se rendrait compte de son absence, on considérera son départ comme une fugue. Il devrait alors se cacher des yeux des Hommes. Il poussa la porte et se rendit directement dans sa chambre. Il ne voulait pas croiser son père. Il espérait que l'école ne l'ait pas encore appeler pour le prévenir qu'il avait raté les cours. Dans le cas échéant, il allait passer un mauvais quart d'heure.
Il se glissa dans sa chambre, jeta son manteau et son écharpe, prit un grand sac à dos et ouvrit en grand son armoire. Il choisit des vêtements chauds, d'une part parce qu'il ne connaissait que le froid d'Ébenelle mais aussi parce qu'il n'avait pas de tente ou de sac de couchage chez lui. Il serait contraint de dormir à la belle étoile, faute d'argent pour se procurer quoique ce soit.
Il n'était même pas sûr de pouvoir prétendre dormir au Centre Pokémon : il n'avait aucun papier d'identité prouvant qu'il était dresseur. De plus, il ne pouvait pas en réclamer : il n'avait que dix ans et l'âge minimum pour être reconnu comme dresseur en voyage était douze ans. Il savait que l'on partirait à sa recherche dès que l'on découvrirait sa disparition. Cela signifiait une impossibilité de combattre dans les arènes de la région ou de participer à des tournois officiels. Mais il préférait cela plutôt que de rester ici plus longtemps.
Il plaça dans son sac une Poké Ball que son frère lui avait offert peu après son départ de la maison et dont il n'avait jamais osé se servir. Il aurait trop peur de la gâcher en ratant sa capture. Il prit également les quelques Pokédollars qu'il avait économisé. En fouillant dans son bureau, il trouva une carte de Johto qu'il rangea dans la poche de son manteau ainsi qu'un guide touristique qu'il roula soigneusement dans une pochette latérale de son sac. Il alla chercher dans la salle de bain une trousse de toilettes dans laquelle il rangea ses affaires.
Il jugea également plus sage de piquer un paquet d'allumettes dans la buanderie en se rendant compte qu'il était seul chez lui ainsi qu'un couteau suisse. C'était la base de la survie après tout. Il trouva également un carnet vierge dans ses affaires et quelques crayons qu'il prit, se disant que cela pourrait toujours servir.
Le sac était presque plein à présent. Laena réfléchissait à ce qu'il aurait pu oublier avant de poser le regard sur une photo poussiéreuse. Il la saisit délicatement et souffla la couche grise qui s'envola, retombant sur le sol comme des flocons de neige.
Quatre visages souriants apparurent. Un homme, une femme et deux petits garçons. À l'époque, le papa ne buvait pas, la maman était joyeuse et les enfants heureux. Aujourd'hui, le père faisait des excès de colère, la mère avait disparu dans un éclat de haine, le grand-frère était sur les routes et le petit garçon cherchait à s'enfuir loin de tout ça. Si seulement ils étaient tous restés heureux. Hélas, le temps en avait décidé autrement.
Laena rangea la photo dans son sac. Il ne savait pas vraiment pourquoi mais il ne pouvait se résigner à l'abandonner derrière lui. Voilà, ses bagages étaient faits. Il cacha son sac dans l'armoire.
Soudain, le téléphone sonna. L'enfant sursauta, surpris par la mélodie de l'appareil et courut décrocher.
« Allo ?
- Allo ? Hirundo à l'appareil, c'est toi Laena ?
- Oui, bonjour Hirundo !
- Comment vas-tu ?
- Ça va... ça se passe toujours aussi mal à l'école et papa boit toujours. Ça ne change pas. Et toi ? Où es-tu aujourd'hui ?
- Je suis à Sinnoh, près de Rivamar. Je vais essayer de vaincre le champion de l'arène.
- Ça te fera dix badges...
- Ouais, je reviendrai à Johto lorsqu'une nouvelle ligue sera organisée. Je récupérerai les deux badges de la région qu'ils me manquent et je participerai.
- J'essaierai de convaincre papa pour qu'on vienne t'encourager.
- Merci, c'est gentil mais cela m'étonnerait qu'il accepte. Il n'aime pas les combats...
- Je sais mais bon. Il devrait être fier que tu arrives à un si bon niveau tout de même.
- Je suis certain qu'il l'est.
- Hm.
- Tu as essayé la Poké Ball que je t'ai envoyé ?
- Non, j'ai peur de rater...
- Il ne faut pas, je t'en reverrai une si besoin ! Tu préfères que je t'envoie un Pokémon ? Je peux facilement t'en capturer un, tu sais. Il y en a beaucoup à Unys !
- Comme tu veux...
- Je peux que te l'envoyer par l'intermédiaire d'un Centre Pokémon dans quelques jours.
- Tu es sûr ? Je veux dire... ça ne te dérange vraiment pas ?
- Bien sûr que non ! Tu rentreras vers quelle heure de l'école ?
- Dix-sept heures.
- On se donne rendez-vous dans deux jours au Centre Pokémon alors à dix-sept heures ! Je te dirai si j'obtiens mon badge d'ici là !
- Merci beaucoup...
- Avec plaisir ! Allez, tiens bon ! À bientôt !
- À bientôt. »
L'enfant raccrocha et soupira. Il devait être dans deux jours dans un Centre Pokémon. La ville la plus rapide à atteindre d'ici était Bourg Geon, c'était une ligne droite et les Pokémons, principalement Sol, Roche et Vol, ne poserait pas de problème à Sica s'ils venaient à combattre.
Il inspira profondément, écrivit le numéro de son frère sur un papier et reposa le téléphone. Au moins, il aurait un Pokémon de plus à son équipe. Il remonta à l'étage et s'assit sur son lit. Il n'avait plus qu'à attendre la tombée de la nuit.
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