Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 43 - Une déception et une leçon

Deux ans plus tôt

L'air était étouffant, dans la galerie aux Miroirs. Chaque glace reflétait les étoffes qui virevoltaient au-dessus du parquet ciré, et les verres tintaient, et les piaillements des conversations s'élevaient entre les lustres. Elle avait depuis longtemps perdu Ambroise. Elle ne doutait pas qu'il se trouvât quelque part dans la salle, à un endroit stratégique où il pouvait observer sans être dérangé.

Lizzie éclusa un verre de champagne, pendant que l'homme qui lui parlait – un marquis qui gardait ses yeux résolument plongés vers son décolleté – déblatérait sur un sujet à mourir d'ennuyeux.

Elle avait le tournis. Elle aurait peut-être dû boire moins vite. Boire moins tout court. Mais c'était là sa seule occupation. Et puis, cela rendait le soliloque du marquis un peu plus supportable : depuis quelques minutes, elle commençait à trouver fascinant la façon dont sa perruque glissait lentement de son crâne, tandis qu'il décrivait avec force détails et mouvements sa collection d'art.

Lizzie s'éventa.

— Mademoiselle ? Souhaitez-vous prendre l'air quelques instants ?

Elle acquiesça. Une voix en elle lui murmurait que cela était une fort bonne idée.

Le marquis la guida vers l'entrée de la salle. Ils gagnèrent la galerie qui la jouxtait, et qui menait à un imposant escalier de marbre. Lizzie soupira d'aise devant le courant d'air qui rafraîchit ses bras.

— Je parle beaucoup, ma chère, mais vous ne dites rien.

— Je crains qu'il ne soit très judicieux de vous parler de moi.

— Pourquoi donc ?

Pourquoi ? Parce que je suis une meurtrière.

— Je vous ennuierais, parvint-elle à dire en retenant un sourire.

— Assurément, une femme qui a autant d'esprit que vous doit bien avoir des choses à raconter.

Lizzie ignorait d'où le marquis tenait sa certitude qu'elle avait de l'esprit. De fait, elle n'avait pas la moindre idée de quoi lui répliquer.

— Croyez-moi, ma vie n'est guère palpitante. Elle est même d'un mortel ennui.

— D'un mortel ennui, vraiment ? Voyons, je n'en crois pas un mot.

— Oh, vous n'imaginez pas à quel point. Figurez-vous que...

Mais avant qu'elle ne puisse poursuivre sur sa lancée, quelqu'un se saisit de son bras, et le serra. Fort.

— Aïe ! protesta Lizzie.

— Je suis navré si ma sœur vous importune, fit la voix d'Ambroise dans son dos.

Cette voix fit douloureusement sombrer son cœur dans sa poitrine. Mais elle eut à peine le temps de s'interroger sur cette sensation, car le marquis esquissait déjà un sourire.

— Pas le moins du monde, votre sœur est charm...

— Bonne soirée, monsieur.

Ambroise tirait déjà Lizzie en arrière.

Il s'engouffra dans les escaliers, l'entraînant dans son sillage. Lizzie dévalait les degrés plus qu'elle ne les descendait, et tout tournait autour d'elle.

— Pas si vite ! gloussa-t-elle.

Mais il n'obtempéra pas. Ils arrivèrent en bas de la volée de marches, et traversèrent le hall.

— S'il vous plait, ralentissez, Ambr...

La main d'Ambroise s'écrasa sur ses lèvres, pendant qu'il la plaquait au mur. Le cri qu'elle poussa fut étouffé par sa paume.

— Taisez-vous, idiote !

Il l'avait empêchée de prononcer son nom, songea-t-elle. Oh. Ses pensées l'emmenèrent vers le théâtre désaffecté, et elle se souvint tout à coup de ce qu'elle était — de ce qu'ils étaient tous les deux.

Ambroise se détacha d'elle, et l'entraîna dehors.

Il y faisait extrêmement froid et extrêmement sombre. Elle ne s'était jamais rendue compte de la noirceur de la nuit auparavant. On aurait dit que les dieux avaient tendu un tissu sombre au-dessus du monde.

Lizzie titubait, trébuchait dans les volées d'escaliers qui descendaient vers les jardins. Ses pas faisaient crisser les graviers avec fracas. Ils marchèrent un long moment, avant qu'Ambroise les arrête près d'une fontaine ceinte de colonnes. Là, la rumeur de l'eau dissimulerait leurs paroles, et le sermon qu'il allait lui asséner. Il n'était pas question qu'elle l'affronte debout. Lizzie s'assit sur la margelle et appuya son front contre la pierre glacée d'un pilier. Cela lui fit du bien. Sa tête lui tournait tellement qu'elle n'était pas certaine d'avoir la force de se relever un jour, et elle pria pour qu'Ambroise n'aie pas l'idée de lui demander de se relever. Il en serait bien capable.

— Lizzie.

Cette voix. Elle l'écouta pendant qu'il proférait une succession de mots tissés d'un velours sombre. Elle n'avait jamais prêté attention à la voix d'Ambroise auparavant ; elle était de la même texture que la nuit.

En fait, le monde entier lui semblait nouveau, comme s'il eût été créé le matin-même.

— Lizzie, m'écoutes-tu ?

Lizzie cilla. Ambroise s'était installé à côté d'elle. Bien. Cela signifiait, assurément, qu'elle pouvait rester assise encore un peu.

— Oui. Pardon. Vous disiez ?

— Je disais que tu étais ivre.

Ivre ? Elle mit plusieurs secondes à retrouver la signification de ce mot, et lorsqu'elle y parvint, elle laissa un rire lui échapper.

— Cela n'a rien de drôle, rétorqua-t-il sèchement.

Lizzie plaqua une main sur ses lèvres pour étouffer un gloussement.

Ambroise, lui, eut l'air très agacé. Il l'attrapa par le coude pour la faire pivoter vers lui, mais elle n'eut pas le temps de protester.

— As-tu les renseignements que je t'ai demandés ?

Les renseignements.

Son esprit buta un instant sur le sens de ces mots.

Oh.

— Réponds. Sauf si tu préfères que je te jette dans cette fontaine pour t'éclaircir les idées.

Lizzie eut un regard vers la surface de l'eau, qui réfléchissait les lueurs des lampes à cræft dissimulées dans les colonnades environnantes. Elle devait être glacée.

— Vous ne feriez pas ça.

— Crois-tu ?

Il la fixait d'un air furieux. Ses doigts lui broyaient le bras. Lizzie n'avait pas le moins du monde envie de parier sur ce qu'il ferait effectivement si elle ne lui communiquait pas les informations qu'il désirait. À vrai dire, en cet instant, elle aurait donné cher pour se trouver ailleurs. L'esprit embrumé par l'alcool, Lizzie décida que c'était là la conduite la plus prudente à tenir. Elle se dégagea d'un coup sec et s'éloigna de quelques pas vacillants.

— Que fais-tu ?

— Je retourne auprès du marquis.

— Vraiment ?

— Lui au moins était aimable avec moi.

— Foutaises.

Avant d'avoir pu se retenir, Lizzie émit un son désapprobateur.

— Vous devriez surveiller votre lang...

Ambroise s'était levé et venait d'attraper à nouveau son bras, le serrant avec force. Lizzie chancela, surprise par sa poigne, pendant qu'il la tirait vers la fontaine. Une vague de panique la submergea. Dieux, il allait mettre sa précédente menace à exécution. Elle tenta, sans succès, de se dégager de son étreinte.

— Non, non, attendez !

— Que j'attende ?

— J'ai... appris quelque chose, improvisa-t-elle.

Ambroise poussa un soupir.

— Comptes-tu me dire qu'il possède une collection d'art ?

— Comment... comment le savez-vous ?

— J'écoutais.

Lizzie retint une imprécation scandalisée.

Ambroise l'éloigna de la fontaine, à son plus grand soulagement – et le monde vacilla encore autour d'elle.

— Viens. Je t'accompagne chez moi.

— Chez... vous ?

— Tu réveillerais toute la Pension dans ton état, et il est hors de question que madame Constance te voit ainsi. Elle ne me le pardonnerait jamais.

— C'est donc votre faute ?

— Bien sûr que c'est ma faute, Lizzie. Je suis responsable de toi. Mais il n'en reste pas moins que ton comportement est inadmissible.

Lizzie ravala le sourire triomphant qui avait commencé à poindre sur ses lèvres.

— Pardon, fit-elle d'un ton qui manquait même à ses oreilles de conviction.

***

La musique avait perdu toute l'harmonie qui l'habitait autrefois. Ce n'était plus qu'un agrégat de sons discordants, et Lizzie maudissait le compositeur qui avait eu l'idée d'associer chacune de ces notes disgracieuses.

Elle s'était écroulée dans le lit d'Ambroise, et avait passé là le peu d'heures qu'il restait de la nuit. Lorsqu'il l'avait réveillée au matin, une migraine insoutenable pulsait sous son crâne, et même l'infusion qu'il lui avait préparée n'avait pas réussi à chasser entièrement la douleur.

Lizzie rata un pas, puis un autre.

— Lizzie ! Qu'as-tu, aujourd'hui ?

Des nausées. La tête lui tournait, et elle ne parvenait plus à réfléchir. Voilà ce qu'elle avait. Son esprit, sans cesse paralysé par des images. Par le souvenir des mains du marquis qui pressaient les siennes, et la courbure de ses lèvres rieuses qui se penchaient vers elle pour lui murmurer elle ne savait quoi à l'oreille, et le tintement des verres qui s'entrechoquaient, et la houle de la danse qui les emportait...

Des crampes atroces tordirent son ventre.

Elle s'enfuit, gagnant la salle d'eau non loin. Elle eut à peine le temps de se pencher sur un baquet qu'elle rendit tripes et boyaux.

Elle resta là un moment, parcourue de frissons. Elle avait à peine la force d'actionner le mécanisme. Elle aspergea son visage d'eau glacée.

Un hoquet la secoua.

Elle vomit encore — de la bile.

Puis elle se figea, les yeux rivés sur le baquet. Sur le filament noir qui y voltigeait.

Elle mit de longues secondes à comprendre ce qui venait de se produire. Le fluide sombre s'évanouissait déjà, chassé par le tourbillon de l'eau. Mais elle savait ce qu'elle avait vu.

Et elle trembla de tous ses membres. Pendant un instant, elle resta là, sans oser bouger. Comme si cela pouvait repousser la pensée inéluctable qui, déjà, se frayait un chemin dans son esprit. Elle leva les yeux vers son reflet, et se découvrit affreusement pâle.

Elle avait beaucoup trop bu, la nuit dernière ; Ambroise le lui avait affirmé. Peut-être... peut-être était-ce normal. Mais elle ne pouvait pas retourner voir Madame Constance. Lui apprendre qu'elle s'était rendue au Palais pour y séduire un marquis. Et qu'il l'avait fait danser, et rire, et ingurgiter des liqueurs jusqu'à l'aube.

Non. Cela ne servirait à rien. Elle avait été ivre. Mais pas uniquement.

Un mot flottait à la lisière de son esprit, insaisissable. Un mot terrible, qu'Ambroise lui avait fait répéter, encore, et encore, jusqu'à l'écoeurement.

Elle referma les vannes, et son regard agrippa la bague de saphir qui ornait son doigt. Elle tressaillit.

Malcræft.

C'était un test. C'était encore un de ses maudits tests.

Comme cette fois où elle avait tué le baron de Mésille.

Lizzie sortit en trombes de la salle d'eau. Elle passa devant la pièce qui bourdonnait des pas de danse et du martèlement du clavecin.

Mais alors qu'elle allait se diriger vers l'entrée de la Pension, une main se posa sur son épaule.

— Lizzie ! Tout va bien ?

Elle pivota pour se retrouver face à Adélaïde.

— Je dois aller... voir Ambroise... Dis à Madame Constance que... qu'il est venu. S'il te plaît.

Puis sur ces mots, elle tourna les talons, et s'engouffra à l'extérieur.

— Où vas-tu ? Lizzie !

Son estomac la brûlait toujours. Elle avait du mal à respirer.

Les graviers crissaient sous ses pas. Elle aurait voulu courir, mais elle n'en avait pas la force. Elle s'arrêta plusieurs fois en chemin pour régurgiter cette horrible bile noire.

Tout était flou autour d'elle. Elle se fichait bien de savoir si on l'apercevait. Des frissons dévalaient son dos, et elle avait froid, si froid, malgré le soleil d'été qui écrasait de ses rayons les jardins royaux.

Elle n'avait mis les pieds que de rares fois à la caserne, un grand bâtiment de briques rouges. Elle avait toujours été accompagnée d'Ambroise, et, la plupart du temps, la nuit était trop avancée pour qu'elle puisse appréhender l'agitation qui emplissait les lieux en journée. Mais cette fois, lorsqu'elle entra dans le hall qui servait de réfectoire, elle perçut nettement les conversations qui diminuaient, et le poids des dizaines et des dizaines de regards qui se tournaient vers elle.

Elle crut entendre des murmures. C'est la protégée d'Ambroise Auguste. Sa sœur. Ou sa putain. Mais peut-être les avait-elle rêvés. Elle ne voyait plus rien ; il y avait fort à parier que son ouïe la trahissait, elle aussi.

Elle chercha le visage de son mentor dans la foule, mais elle ne le trouva pas. Elle chancela. La chape de désespoir qui venait de s'écraser sur elle... elle n'était pas certaine de pouvoir lui résister. Pas cette fois.

Et au moment où elle s'apprêtait à éclater en sanglots, des doigts longs et fins s'accrochèrent à son coude pour la faire pivoter.

Lizzie ? articulèrent les lèvres d'Ambroise.

Que faites-vous ici ? la réprimanda son regard.

Tous les sons avaient fondus dans un épais brouillard.

Elle sentit à peine le nouveau hoquet qui la secoua, qui la fit se courber en deux.

Elle sentit à peine son corps heurter le sol et rendre pour la énième fois la bile obscure.

Mais elle perçut distinctement les ténèbres surgir, l'envelopper de leur noirceur glacée.

Puis elle ne vit plus rien du tout.

***

Elle connaissait le plafond sur lequel ses yeux venaient de s'ouvrir. Ce fut la seule pensée capable de traverser son esprit, avant qu'une terrible douleur au niveau de son ventre ne la foudroie. Elle poussa un hurlement.

Malcræft, Lizzie ! Moins fort !

Elle sentit une main dans la sienne. Elle se demanda depuis combien de temps ces doigts — les doigts d'Ambroise — pressaient les siens. Probablement depuis longtemps : elle n'aurait su dire où commençait sa peau et où finissait la sienne. Il serra un peu plus fort.

Lizzie essaya de se redressa sur un coude, avant d'abandonner. Son corps était trop lourd. Sa tête lui tournait.

— Que s'est-il passé ? murmura-t-elle dans un filet de voix rauque.

Ambroise eut un soupir qu'elle ne parvint pas à décrypter. Il l'aida à s'asseoir, et Lizzie prit brutalement conscience du fait qu'elle se trouvait dans le lit d'Ambroise. Elle baissa les yeux sur ses vêtements, mais elle portait toujours son uniforme de la Pension. Ce détail la soulagea.

— Du poison, répondit-il.

— Non. Non, je l'aurais su... Je connais les...

— Pas si tu avais perdu toute vigilance.

Ambroise la toisa d'un air sévère qui la fit se recroqueviller.

— C'est ce marquis, se justifia-t-elle. Il m'a fait boire, il... Attendez. Vous pensez qu'il aurait pu... m'empoisonner ?

Ambroise se rencogna contre le dossier de sa chaise. Un air intéressé sur les traits.

— Qui d'autre, sinon ?

C'était une véritable question. Et la mine qu'affichait Ambroise éveilla toute sa méfiance. La réponse de Lizzie fusa avant qu'elle ne puisse la retenir.

— Oh, je ne sais pas, rétorqua-t-elle. Vous, peut-être ?

Il y eut un silence. Un silence coupable.

Lizzie eut un rire sans joie.

— J'aurais dû m'y attendre. Il n'y a pas si longtemps, vous m'avez livrée à la garde du Palais.

— Admettons. Comment m'y serais-je pris ?

Lizzie le fusilla du regard.

— Vous m'avez empoisonnée. Cela ne vous suffit donc pas ?

— Non.

Lizzie ne put prononcer la réplique assassine qui montait à ses lèvres. Elle poussa un geignement. Ambroise lui tendit un pot de chambre, et elle y rendit tripes et boyaux dans un flot de bile noire et acide.

— Je vous déteste, croassa-t-elle.

Son mentor lui présenta un verre empli d'un breuvage trouble.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Un remède.

— Dieux merci, hoqueta-t-elle.

Mais il écarta sa main lorsqu'elle tenta de s'en emparer.

— Ambroise, hoqueta-t-elle. Donnez-le moi.

— Comment m'y suis-je pris ?

— Par tous les dieux, je vais mourir si vous ne me donnez pas cet antidote !

— Ne sois pas si mélodramatique.

Lizzie serra les dents.

— Ce n'est pas le moment pour votre petite devinette ! siffla-t-elle.

— Je crois, au contraire, que cela est parfaitement le moment.

Je me fiche de savoir comment vous vous y êtes pris ! cria-t-elle. Donnez-moi ça !

Ambroise haussa les épaules et reposa le verre sur la table, à l'autre bout de la pièce. Absolument hors de sa portée, compte tenu du peu de forces qu'il lui restait.

— Comme tu veux. Il te reste encore quelques jours à vivre. Je te conseillerais de revoir ton opinion d'ici là.

— Et c'est moi qui suis mélodramatique ?

Ambroise ne répondit pas. Dans le silence qui s'ensuivit, Lizzie vomit de nouveau. Des larmes dévalèrent ses joues brûlantes. Elle détestait se trouver ainsi devant Ambroise. Lorsqu'elle parvint à se redresser, sa décision était prise.

Malcræft ! s'exclama-t-elle. Très bien ! Vous voulez que je vous dise comment vous m'avez empoisonnée ? Vous avez... Vous avez glissé du poison dans mon verre pendant que je discutais avec le marquis. Êtes-vous satisfait ?

— Je le serai lorsque tu auras trouvé.

Entre deux spasmes, Lizzie parvint à analyser sa réponse.

— Vous voulez dire... que ce n'est pas ainsi que cela s'est passé ?

— De toute évidence, rétorqua-t-il sèchement. Alors ?

— Alors je n'en sais foutre rien !

— Surveille ton langage, veux-tu ?

Elle leva les yeux au ciel. Mais elle savait qu'il ne s'était pas approché d'elle durant la réception.

— Alors, vous avez demandé à quelqu'un de le faire à votre place.

Ambroise secoua la tête.

— Vous avez empoisonné mon diner hier soir, tenta-t-elle.

— Non.

— Mon déjeuner, dans ce cas.

— Non plus. Comptes-tu me réciter la liste de tes repas jusqu'au mois dernier, Élisabeth ?

— Je suppose que vous ne pouvez pas me donner un indice ?

— Je t'en ai déjà donné un.

— Vraiment ?

Mais une lumière s'alluma dans l'esprit de Lizzie au même instant. Pas si tu avais perdu toute vigilance, avait-il dit en parlant de son ivresse... Cela signifiait... Cela signifiait que l'empoisonnement avait eu lieu lorsqu'elle était encore sous les effets de l'alcool.

— Votre horrible infusion ce matin.

— Bravo.

— Donnez-moi ce maudit remède, maintenant.

Il obtempéra sans broncher. Lizzie tendit les doigts pour s'emparer du verre, mais ils tremblaient tellement qu'Ambroise repoussa sa main. Il porta lui-même le récipient à ses lèvres.

— Ce ne sera pas très agréable, la prévient-il.

Lizzie but une gorgée, puis une autre. Cela n'avait pas aussi mauvais goût que la réplique d'Ambroise lui avait laissé craindre.

— Jusqu'à la dernière goutte.

Elle obtempéra.

Ce ne fut que lorsqu'elle sentit un spasme la secouer qu'elle comprit. Elle eut à peine le temps de laisser un gémissement lui échapper avant de se courber au-dessus du pot de chambre.

— Grands dieux, Lizzie !

Elle tressaillit. Madame Constance se tenait juste là, dans l'encadrement de la porte.

— Que se passe-t-il ? Adélaïde m'a dit que tu t'étais enfuie ici en courant. Ambroise, explique-toi.

— Sortez d'ici, rétorqua ce dernier d'une voix orageuse.

— Certainement pas.

— Lizzie va mieux, je m'occupe d'elle et votre présence n'est pas nécessaire.

— Que lui as-tu fait ?

Ambroise se raidit.

— Je ne lui ai rien fait du tout, mentit-il avec un aplomb qui frôlait l'indécence aux yeux de Lizzie. Nous étions au Palais la nuit dernière. Élisabeth a été empoisonnée.

Madame Constance suffoqua. Lizzie, elle, s'étouffa de stupeur dans sa salive mêlée de bile, ce qui eut pour conséquence de provoquer un nouveau spasme. Les yeux emplis de larmes, penchée sur le pot de chambre, elle ne put s'empêcher de fixer Ambroise avec un air ahuri. Elle avait forcément mal entendu. Ambroise n'aurait jamais livré la vérité à madame Constance ainsi, il...

— Empoisonnée ? répéta celle-ci, coupant court à toutes les pensées de Lizzie.

— Ces choses ne sont pas inhabituelles. Pas plus tard que la semaine dernière, un comte a...

Malcræft, tais-toi ! Comment Lizzie a-t-elle pu être empoisonnée ? N'es-tu pas censé la protéger ?

Ambroise serra les poings. Pour la première fois, Lizzie crut voir l'ombre d'une culpabilité passer sur son visage.

— Cela n'arrivera plus. Lizzie fera attention, désormais. Et moi aussi.

— Le moindre incident, et je puis te jurer que Lizzie ne remettra plus jamais les pieds au Palais.

— Ce n'est pas à vous d'en décider.

— Je suis responsable d'elle, au même titre que toi. Même si tu sembles avoir oublié l'un et l'autre.

Ambroise garda le silence de longues secondes.

— Je n'ai pas oublié.

Lizzie ferma les yeux. Elle attendit patiemment que madame Constance eût fini de déverser sa colère sur Ambroise, attendit qu'elle partît enfin, d'être à nouveau seule avec Ambroise. Pour poser la question qui la taraudait.

— Pourquoi ?

— Tu sais pourquoi.

Non. Elle l'ignorait.

Elle releva le regard vers lui.

— Ne faites plus jamais ça, exigea-t-elle.

— Je te retourne la requête.

Lizzie fronça les sourcils, pendant qu'il se levait.

— Repose-toi, dit-il avant de quitter la pièce.

Enfin, le sens des mots d'Ambroise la heurta de plein fouet.

Ne me déçois plus jamais.

C'était une leçon plus qu'un exercice. Elle l'avait déçu.


Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro