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Chapitre 1 - Déchirer l'univers

Il y avait quelque chose de grandiose et de calme dans la nature sauvage du Pays d'en Haut.

À son contraire, les pas de Lizzie foulaient avec fracas le sol jonché de feuilles et de brindilles. Elle détestait le son que chacune de ses foulées produisait. Un rappel constant de ce qu'elle était devenue. Un rappel constant de ce qui l'attendait.

Mais elle n'avait plus la force de marcher sans bruit.

Au moins dérangeait-elle quelque chose sur son passage. Au moins se faisait-elle entendre. Cette satisfaction était futile. Mais elle s'y raccrochait.

Assez, du silence. Assez, de la discrétion.

Lizzie voulait hurler, hurler et déchirer l'univers.

Mais elle n'en avait plus la force.

Elle s'accroupit devant le collet qu'elle avait posé quelques jours plus tôt. Le lapereau qui s'y était pris était mort depuis plusieurs heures. Elle en fut soulagée. Elle se demanda si lui aussi avait eu envie de fendre le monde en deux. Elle n'aurait pas supporté le voir lutter en vain. Elle n'aurait plus supporté de voir le sang couler.

Lizzie fit le tour de ses autres pièges, ramassa une poignée de baies. C'était des gestes aisés. Des gestes qui avaient le mérite d'occuper son esprit, et qui lui rappelaient Caelian. Ambroise. Cette période si lointaine désormais, où son seul souci était d'arriver à l'heure pour ses leçons et de viser la cible que son mentor lui désignait. Tout avait été si simple. Plus rien ne l'était, désormais.

Lizzie revint sur ses pas.

Elle ne s'éloignait presque jamais du lac, ni de la volute de fumée qui marquait l'emplacement de la masure; elle ne consentait à la perdre de vue que lorsqu'elle traquait du gros gibier. Tout était si vaste, si différent. Il lui semblait qu'elle pourrait se perdre à chaque instant.

Elle eut un rictus amer. Ce n'était pas comme si cela avait la moindre importance. Il y avait eu des lieux auxquels elle avait appartenu. Ils étaient loin, désormais, et elle ne les reverrait jamais. Elle pouvait se perdre, et personne ne la retrouverait jamais. Personne, en vérité, ne songerait même à la chercher.

Parfois, elle songeait à s'enfuir. Tout serait plus simple, ainsi. Elle pourrait s'enfoncer dans les bois, et ne jamais revenir. La finalité serait la même : elle partirait loin de ce monde, loin de tout ce qu'elle avait connu. Personne ne la pleurerait. Personne ne saurait jamais ce qui était advenu d'elle. Personne ne saurait comment Lizzie Prudence avait fini sa vie : seule, en disgrâce, incapable d'offrir à son royaume ce qu'il avait été exigé.

Mais Lizzie ne pouvait pas partir. Elle ne l'osait pas. Car dans la masure au bord du lac, il y avait Jan van Stoker. Son seul espoir.

Il lui suffirait d'un coup de poignard dans la nuit pour que le monde s'illumine à nouveau.

Elle retenait sa lame, lorsque l'envie surgissait. Elle étouffait la pulsion de vie qui rageait en elle d'une pincée de krafjane, et prétendait que la douleur sourde qui l'envahissait n'existait pas.

Elle n'était pas certaine d'y parvenir encore longtemps.

Cela, après tout, ne faisait rien. Bientôt, elle s'éteindrait comme une flamme mouchée par le vent.

Seul Jan van Stoker la verrait disparaître.

Elle se demanda ce qu'il ressentirait, lorsqu'il verrait la vie quitter ses yeux.

***

Où que Lizzie portât le regard depuis la petite terrasse en bois qui ceignait la masure, la solitude l'accueillait.

Une solitude rassurante. Tant qu'il n'y avait autour d'elle que les piaillements des oiseaux et les mugissements du vent, le clapotis de l'onde et l'immensité du ciel bleu, elle était en sécurité.

En relative sécurité.

L'ombre de Mercyng planait toujours. Mais il ne réclamait pas encore son âme.

Son regard quitta la cime verdoyante des arbres pour se lever vers le soleil. Il était haut dans l'azur, plus haut qu'il ne l'avait jamais été, et les journées s'étiraient dans la lumière, bien loin des cieux gris et des longues nuits de Fort-Rijkdom.

L'air était toujours froid, mais ce devait être le début de l'été.

Lizzie savait ce que cela signifiait. Et pour conjurer ses doigts tremblants, le feu qui brûlait son dos, elle s'empara de la petite bourse de cuir qui ne la quittait jamais. L'odeur douce-amère de la krafjane emplit l'air. Elle préleva une pincée de la poudre et la glissa entre ses lèvres.

Son regard tomba sur la poudre. Il en restait si peu. Comme à chaque fois, une peur viscérale lacéra ses entrailles.

Pour juguler son souffle court, Lizzie s'accrocha à la balustrade. Le lac, cerné d'arbres, n'était qu'à quelques pas, et ses eaux calmes et pures s'étendaient sur une grève caillouteuse. Les montagnes qu'ils avaient franchies des mois plus tôt se dressaient au loin, comme une barrière protectrice entre eux et le monde qu'ils avaient quitté. Lizzie avait tout de suite aimé cet endroit. Il lui rappelait les forêts qui entouraient Caelian. Mais tout y était plus grand, plus perçant, plus sauvage.

Les pas de Jan résonnèrent sur le bois. Elle les reconnaitrait entre mille, à présent. Et lorsqu'il apparut enfin près d'elle, elle vit qu'il était vêtu d'une lourde cape de fourrure pour se protéger du froid nocturne — pour être de retour si tôt dans la journée, il avait dû voyager de nuit. Elle n'aimait pas que Jan s'en aille. Elle était toujours prise de l'inquiétude qu'il ne revienne jamais. Et qu'elle finisse par périr ici, terrassée par la douleur, fauchée par Mercyng. Sans alternative.

Lizzie secoua la tête. Les jours se succédaient dans une rassurante monotonie, mais ses pensées, elles, obsédantes et terrifiantes, formaient un chaos insupportable.

— Certains ne reviennent jamais, vous savez, dit Jan. Du nord, je veux dire. Certains des Bas-Royaumes restent pour toujours ici.

Lizzie lui adressa un sourire. Un de ces sourires qu'elle avait pratiqué devant le miroir du vieux théâtre. Un de ces sourires dont la joie n'atteignait jamais ses yeux, mais qui faisaient illusion lorsqu'on ne regardait pas de trop près.

— Je les comprends.

Elle non plus ne reviendrait pas. Elle se demanda si c'était là ce que l'on raconterait à madame Constance. Lizzie Prudence était partie, elle s'était enfoncée dans les profondeurs des forêts et des montagnes pour s'y dissoudre. À jamais perdue dans la nature grandiose et immense du Pays d'en Haut.

Elle reposa son attention sur le lac. Heldermeer, le lac brillant. Le territoire avait appartenu au Wallend, des décennies plutôt, avant d'être récupéré par le Nærmark puis par l'Ardrasie. Lizzie ne connaissait guère les détails ; elle savait juste que les affrontements avaient été sanglants, et que les tribus des environs avaient, à leur issue, passé des traités avec l'Ardrasie. Quoi qu'il en soit, le lac avait conservé le nom qui lui avait été attribué par les premiers colons. Les nuits de pleine lune, l'astre se reflétait sur l'onde, et Lizzie avait rarement vu un spectacle aussi majestueux.

Les yeux du jeune homme se posèrent sur la bourse qui reposait entre ses mains, et tira un petit récipient de sa poche.

— J'ai récupéré de la krafjane.

— Merci.

— Il n'y en a pas beaucoup, l'avertit-il avec un regard désolé. Les réserves diminuent.

Lizzie hocha la tête.

La krafjane — une singulière fleur blanche — ne poussait qu'en hiver, dans les montagnes du Pays d'en Haut. Bientôt, elle aurait disparue. Mais après tout, Lizzie également. Aucune d'elles ne passerait l'été.

— Je suis allée chasser, ce matin, fit-elle.

— Vous êtes en état ?

Non. Non, elle ne l'était pas. Elle ne l'était plus. Le moindre mouvement lui coupait la respiration, et même la krafjane peinait à éteindre la brûlure qui se propageait dans son omoplate. Elle peinait à marcher en silence, et faisait fuir tout le gibier à la ronde. L'idée de tuer la révulsait. Elle était prise du violent désir que ce ne fut pas un quelconque animal qui se tenait sous son poignard, mais la gorge de Jan van Stoker. Et lorsqu'elle trouvait le courage d'abattre sa lame, dans les pupilles qui s'éteignaient, elle ne voyait que son propre sort.

Mais tout cela, elle ne pouvait pas l'avouer.

— Oui. Je n'arrivais pas à dormir, de toute façon.

— Encore ces cauchemars ?

Elle avait essayé de dissimuler l'agitation de ses nuits à Jan. Mais ils vivaient si proches l'un de l'autre, à présent, que cela était impossible. Lorsqu'elle gémissait dans son sommeil, il l'entendait. Lorsqu'elle se réveillait en sursaut, il ouvrait les yeux lui aussi. Souvent, il tendait sa main pour attraper la sienne, comme on le fait avec un enfant apeuré. Lizzie le laissait faire. Et parfois, elle se blottissait contre lui. Elle tâchait de calquer les battements erratiques de son cœur sur les pulsations sereines du sien. Mais même ainsi, elle peinait à se rendormir, et la douleur irradiant dans son dos paraissait se nourrir de sa terreur. Au matin, elle était épuisée.

Elle acquiesça. Jan prit la parole.

— J'en fais, moi aussi.

Elle le savait. Lorsqu'elle n'était pas enfoncée dans ses propres limbes, elle l'entendait parfois se réveiller en sursaut. Lorsque cela se produisait, elle faisait semblant de dormir. Elle était sans nul doute affreusement égoïste ; mais ses propres démons étaient déjà trop lourds à porter pour qu'elle ne s'encombrât pas de ceux de Jan. Et puis, elle n'ignorait pas quel était l'objet de ses cauchemars.

Comme en écho à sa pensée, la voix de Jan reprit.

— Parfois, je rêve de ma mère. De cette nuit où elle est morte. D'autre fois, je vois mon propre trépas de votre main.

Lizzie frémit. Elle voulut s'excuser, mais elle n'en eut pas le courage. Et puis, Jan continuait déjà.

— Mais le plus souvent, c'est le Burgsæl.

Lizzie ferma les yeux. Les robes tourbillonnantes noyées dans les flammes. La fumée âcre qui l'empêchait de respirer. Les explosions de cræft sur la grande-place.

Le feu d'artifice. Les fusées qui retombaient sur les invités amassés à l'extérieur, devant le bâtiment en flammes.

— Cela ne devait pas tuer quiconque. Il n'a jamais été question de tuer quiconque. Vous devez me croire. Juste de créer du chaos.

Jan lui tenait le même discours à chaque fois qu'ils évoquaient le sujet. Une façon, peut-être, de tenir la culpabilité à distance. Et Lizzie, elle, lui faisait invariablement la même réponse.

— Je vous crois. Vous n'êtes pas un meurtrier.

Pas lui.

Carlton Belvild, lui, l'était. Tout comme elle.

Et peut-être parce que Belvild et elle étaient si semblables, Lizzie voyait parfaitement la raison de son geste. Créer du chaos. Incriminer Ascelin de Glaves. Le seul Haut-Régent qu'elle n'aurait jamais tué ; le dernier rempart entre Belvild et Fort-Rijkdom.

— Frère Alaric vous adresse ses salutations, ajouta Jan.

Frère Alaric était un missionnaire ardrasien qui vivait parmi les Útlends. Lizzie ne l'avait jamais vu, et Jan semblait le mépriser particulièrement. Mais il avait son utilité. Jan ne parlait que quelques mots du dialecte útlend qui était pratiqué par les habitants de la région, et ils étaient dépendants d'eux pour survivre. Pour obtenir de la krafjane. Lizzie connaissait la plante mais elle ignorait la façon dont l'on devait extraire la panacée de celle-ci, d'autant que la krafjane était délicate à manipuler : de remède, elle pouvait se transformer en poison. Il suffisait qu'elle soit mal préparée. Il suffisait même d'une dose trop importante. Lizzie jouait avec le feu depuis des mois. Son organisme n'avait parfois pas encore fini d'assimiler la pincée de poudre qu'elle sentait déjà naître en elle le besoin impérieux d'une dose supplémentaire. Elle repoussait le plus loin possible la douleur, mais elle peinait de plus en plus à résister.

Des années durant, le père de Jan avait entretenu des relations commerciales avec les tribus les plus proches, et certaines d'entre elles se souvenaient de Jan et de sa mère útlende — celle-ci venait de territoires bien plus au nord, mais d'une tribu alliée. Ils avaient accepté de renouer avec son fils pour le fournir en krafjane. Lizzie avait espéré troquer du gibier contre le précieux remède, mais les Útlends savaient chasser bien mieux qu'elle.

Alors Lizzie s'était séparée de son alliance ornée de diamants. Elle se souvenait du regard de Jan lorsqu'elle la lui avait remise avant qu'il ne s'en aille. Elle se souvenait de la façon dont il avait contemplé la bague de saphir qu'elle gardait toujours à son doigt. Mais elle ne pouvait pas se séparer de cet anneau-là. C'était tout ce qui lui restait d'Ambroise — avec le manteau qu'il avait passé sur ses épaules juste avant qu'elle ne lui tire dessus.

Elle ferma les yeux pour ne pas voir les images qui flottaient déjà dans son esprit. La tâche de sang sur la chemise d'Ambroise. Le rictus de douleur et de déception sur son visage. Lizzie, articulait-il en un souffle.

Jan avait refermé son poing sur l'alliance — après tout, leur mariage n'avait été rien d'autre qu'une mascarade. Et il était parti. À chaque fois qu'il se rendait chez les Útlends, il recevait de la krafjane. Mais aussi des outils, des vêtements, des connaissances dont ils avaient besoin.

Car Ambroise avait peut-être montré à Lizzie comment chasser dans les forêts de Caelian, mais il lui avait surtout appris à survivre dans le monde des élites, au sein d'un Palais ou d'une cité. Il n'avait jamais prévu qu'elle se retrouve dans la nature sauvage du Pays d'en Haut. Aussi, elle se contentait de chasser les oiseaux et les mammifères semblables à ceux des Bas-Royaumes, et évitait de toucher aux plantes, à moins d'être certaines qu'elles soient comestibles. Les Útlends se montraient d'une aide précieuse pour cela.

— Il aimerait vous examiner. Alaric. Il souhaiterait que vous veniez avec moi, la prochaine fois.

Lizzie fronça les sourcils.

— Je lui ai dit que vous souffriez de douleurs, je n'en ai pas précisé la nature. Mais il est de l'ordre de Krafjana, il connait peut-être un moyen...

— Il n'y a pas de moyen, Jan. Vous le savez.

— Il pourrait demander aux Útlends.

— Il refusera.

— Peut-être pas. J'ai vu de quoi les Útlends étaient capables.

Il lui avait tenu le même discours, à Fort-Rijkdom. Mais Lizzie n'osait pas espérer.

— Les Útlends ont succombé par milliers, sans pouvoir se défendre face aux épidémies venues des Bas-Royaumes, répliqua Lizzie. Alors comment pourraient-ils m'aider ?

Jan se tendit.

— Quand j'étais enfant, je les ai vus soigner des fièvres qui auraient emporté n'importe qui dans les Bas-Royaumes, rétorqua-t-il.

— Non, vous m'avez mal comprise. Ce que je voulais dire... C'est que je suis condamnée par Mercyng. Ce n'est pas leur dieu, ce n'est pas leur monde. Ils ne pourront rien faire.

— Laissez-les en juger.

— Et puis, je ne suis pas malade. Ce n'est pas une simple fièvre qui peut disparaître avec un cataplasme et une bonne nuit de sommeil !

— Je ne vous parle pas de cataplasme, rétorqua-t-il. Je vous parle de dons.

— Vous parlez de wiccecræft !

— Serait-ce si mal, si cela pouvait vous aider ? Vous sauver ?

— Je n'ai pas besoin d'aide, rétorqua-t-elle.

— Vous en avez besoin. Vous n'osez pas la demander, ce qui est différent.

Lizzie ne répondit pas.

Elle avait passé un pacte avec le dieu sombre. Un pacte forgé dans le plus puissant des cræfts. Ne serait-ce pas une offense de plus que de recourir à une telle extrémité ?

Elle avait été si désespérée de vivre, à Fort-Rijkdom, elle l'était encore.

— Si seulement vous m'autorisiez à en parler avec Alaric... plaida Jan.

— Non. Et puis quand bien même, il refusera de m'aider. Il sert les dieux, pas les hommes, et c'est un dieu que j'offense.

— Cela ne coûterait rien d'essayer.

— Cela nous coûterait tout. Nous avons besoin de lui pour survivre.

— Survivre ? Je préférerai vivre, et je sais que vous aussi. À quoi bon pour vous rester tapie ici ? Si vous avez une chance, la moindre chance de vivre, vous devriez la saisir ! Si Alaric cause problème, nous partirons. Nous trouverons un autre endroit.

Lizzie déglutit.

En vérité, elle savait ce qui la retenait d'accepter. La peur de voir son dernier espoir s'envoler. C'était si stupide, si stupide, en vérité, que ses yeux se remplirent de larmes à cette pensée. Que se passerait-il, lorsque les Útlends avoueraient leur impuissance ? Lorsque Frère Alaric la mépriserait et refuserait de négocier la krafjane dont elle avait besoin, ou pire, la livrerait à Fort-Rijkdom ?

— Promettez-moi d'y songer, Lizzie. Je ne supporterai pas l'idée de...

Jan se tut.

— Mais vous me perdrez, dit-elle en réponse aux mots qu'il n'avait pas eu le courage de prononcer. D'une façon ou d'une autre.

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