
Quand se noient les étoiles
J'étais en train de réfléchir, tout à l'heure, assise dans ma chambre, comme je le fais parfois, en revivant en pensées la manière dont tout a commencé pour moi, en ce qui concerne la musique et surtout le violon, et les réponses que m'ont donné certains de mes amis quand je posais la fameuse question : "Pourquoi tu as voulu commencer la musique, et ton instrument ?'. Il y a quelque chose de magique dans le regard de quelqu'un de passionné quand il raconte ce qui l'a fait commencer et parfois, juste parfois, tomber amoureux des mélodies, des notes, de chaque petite sensation, comme si toutes les étoiles du monde s'étaient noyées dans les prunelles de cette personne, pour mieux y scintiller. Et pendant que j'y réfléchissais, je me suis dit que j'avais envie de l'écrire quelque part et d'avoir quelques expériences d'autres musiciens, peut-être, pourquoi pas. Alors voilà. Un nouveau chapitre hors de l'histoire de Thomas et Rose, racontant le moment où a commencé pour moi. Ce qui m'a fait vouloir jouer, encore et encore, m'a fait tomber amoureuse et finalement, ne plus pouvoir m'arrêter. Oh, j'ai eu mes moments de doute, comme tout le monde, mais chaque fois, quelqu'un a été là pour me rappeler ce souvenir que je vais partager, à m'en faire rire ou pleurer. Chaque fois, cette personne devenait un(e) ami(e), tandis que la dernière à m'avoir fait ressentir tout ça est devenue mon Ange de Musique. Certaines choses changent une vie, décident de certaines amitiés. Une de ces choses, pour moi, a été la musique, et c'est comme ça que tout a commencé... Quand se noient les étoiles.
Tout d'abord, il faut savoir que mon père est musicien, principalement de jazz, et joue du saxophone, de la flûte traversière et de la clarinette, tout en enseignant, en plus de ces instruments, le solfège et la musique d'ensemble, dans une école de musique, la sienne, créée des années avant ma naissance. Quand j'étais petite, d'autres professeurs y enseignaient, le piano, la guitare, la trompette, la batterie, le violoncelle... Et le violon. Les professeurs étaient des amis de mon père, et je me rappelle les heures dans la salle de piano, assise, à écouter, simplement, avec la plus ancienne de ces amies, datant de leur université, me souriant et jouant quelques notes de temps en temps. Mais c'est surtout le son des cordes qui m'a tout de suite attirée, si loin que je me souvienne, même quand j'étais trop petite pour commencer autre chose que les leçons d'éveil musical où on chantait et mettait en musique des histoires avec de petits instruments en plastique et en métal léger. J'adorais écouter les violons, et le soir, je m'endormais avec de la musique classique. C'est comme ça que j'ai grandi, les premières années de ma vie, avec, en rentrant de la maternelle, les couloirs de ce lieu familier et les sons des instruments. Encore aujourd'hui, ma musique de prédilection reste le classique...
Mais même si j'adorais déjà tout ça, ce n'était que le début. C'est un autre évènement, dans la grande salle de l'école de musique, qui m'a faite tomber amoureuse, et rendue passionnée, un évènement décisif qui s'est produit quelques semaines avant mon cinquième anniversaire. C'était le concert de fin d'année, juste avant l'été, et malgré mes souvenirs plutôt flous de l'époque, je me rappelle les détails de la scène. Je revois une des professeures de violon présenter ses élèves, jouer parfois avec eux, et je ne sais plus pour quelle raison, elle a joué elle aussi, seule cette fois, je ne sais plus quels morceaux. Je revois son sourire qu'elle a toujours eu avec moi, et ses gestes doux, précautionneux, envers son violon. Je revois ses cheveux flottant autour de son visage, et l'air qu'elle avait en posant ses doigts sur les cordes pour jouer les premières notes. Mais ce que je peux encore ressentir, vraiment, entendre aussi, c'est le vibrato. Elle l'a commencé, et j'ai aussitôt su que c'était ce que je voulais apprendre à faire. La sensation dans ma poitrine, le chant dans mon coeur et mon âme, ce qui me faisait vibrer, tout ça m'a rendue accro. J'avais l'impression de pouvoir m'envoler avec les notes, et cet épisode a définitivement scellé mon attachement pour cet instrument. Je dois tellement à cette professeure, quand j'y repense... C'était féérique.
J'aurais voulu qu'elle reste toujours heureuse, comme elle m'avait rendue heureuse. Qu'elle garde aux lèvres le sourire qu'elle avait toujours en me parlant. En grandissant, malheureusement, les choses ne se sont pas toujours passées comme je l'avais espéré, et je l'ai vu déprimée, sans espoir, en larmes et en train de sangloter, mais je veux la revoir aussi joyeuse qu'à ce moment-là, et ce jour-là, pouvoir tout lui raconter, la remercier, pour tout ce qu'elle a fait sans même le savoir. Un jour, je le ferai.
C'est comme ça qu'à la rentrée ayant suivi mes cinq ans, quand mon père m'a demandé quel instrument je voulais commencer, je lui ai répondu le violon. Il a voulu me tester, voir si ma motivation et ma passion étaient bien réelles, alors il m'a dit que le violon était difficile, m'a demandé si je voulais vraiment apprendre. Plusieurs fois, il a posé la question, et jamais la réponse donnée ce jour-là n'a quitté nos deux esprits. Encore aujourd'hui, je me dis que je n'aurais rien pu répondre d'autre, et que la fillette que j'étais avait trouvé les bons mots. Les mots qui ont convaincu mon père sans retour, et qui étaient une vérité simple, frappante :
J'apprendrai l'instrument que tu veux, tu sais, papa, mais dans mon coeur, c'est le violon.
Et ainsi, tout a commencé, les jours, les mois et les années ont passé. J'ai joué sur différents violons aux tailles variées, jusqu'à être assez grande pour ceux des adultes. J'ai joué sur des violons loués, parfois au vernis abîmé par les colères de la personne ayant utilisé l'instrument avant moi, puis j'ai reçu le mien, en cadeau pour mes dix ans. Enfin, je dis cadeau, mais j'en avais payé une partie, et je me rappelle en avoir été immensément fière. J'étais tellement heureuse en ressortant de la boutique avec ce poids inattendu dans mon dos... J'étais simplement euphorique. Et encore aujourd'hui, c'est sur ce violon que je joue, Kaede. J'ai bientôt quinze ans, et je ne m'arrêterai pas, simplement parce que j'aime cela. J'aime la musique, j'aime la sensation sous mes doigts et dans mon coeur.
Alors je suis immensément reconnaissante à celui qui m'a rappelé, entre un sourire que je tentais de cacher et les larmes qui commençaient à menacer de couler, juste en jouant et en commençant le vibrato, pourquoi je suis devenue accro à mon violon. Je suis reconnaissante à mon ami, mon Ange de Musique, et je le serai probablement toujours. S'il lit ces mots un jour, cette histoire que je lui ai déjà racontée, je sais qu'il comprendra pourquoi j'ai réagi aussi intensément il y a un mois environ, et qu'il comprendra, aussi, pourquoi je me suis attachée, toute petite, à celle qui est devenue, depuis deux ans, sa professeure de violon, celle qui sourit en entendant mon nom et se rappelle des souvenirs. S'il lit ces mots un jour, sans doute peu éloigné d'ailleurs, ce qu'il fera sans doute puisqu'il s'avère qu'il a connaissance de ce compte Wattpad et surtout de cette oeuvre, s'il vient à douter de l'intérêt de continuer à jouer, il se rappellera pourquoi il a reçu ce surnom, et pourquoi je l'apprécie autant.
Valentin, tu es et tu restes mon Ange de Musique.
Tu es celui qui m'a rappelé ces moments, ces souvenirs.
Tu es celui qui jouait ce jour-là et qui faisait du vibrato.
Tu es celui qui souriait, et celui qui est tombé amoureux du violon.
Tu es celui dans les yeux duquel se noyaient et se noient les étoiles.
Alors s'il te plaît, si ça te rend heureux, n'arrête pas de jouer.
Tu es passionné, alors s'il te plaît, arrête de douter.
Ou au moins, dans ces moments, rappelle-toi.
Rappelle-toi de ce que tu as fait pour moi.
Merci. Pour ton amitié, pour les notes.
Pour l'orchestre, les discussions.
Pour les rires et les câlins.
Merci pour tout.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro