Je repensais à une demande de ma meilleure amie de raconter les aventures de Rose et Thomas entre l'histoire et l'épilogue avec Mélodie, et j'ai eu quelques idées pour lesdites aventures, la première étant celle que je vais raconter. C'est à nouveau de la fiction, inspirée de certaines discussions et de certaines situations que j'ai réellement vécues. J'ai simplement réalisé n'avoir jamais donné d'âge à ces personnages, et je voulais préciser qu'ils avaient environ quatorze et quinze ans à la fin - hors épilogue. Un an et demi s'est écoulé depuis pour ce chapitre bonus. ^^

Des mélodies plein la tête, serrant contre elle une partition et son violon exerçant son poids léger et rassurant dans son dos, Rose avançait, le sourire aux lèvres, vers le conservatoire. La boîte lisse au toucher était familière, douce, tendre, et les notes inscrites noir sur blanc sur les portées aux lignes fines semblaient chargées de secrets, que seuls d'autres musiciens comprenaient... Poussant la porte, elle avança rapidement jusqu'à l'un des tableaux d'affichage, cherchant son nom, puis la salle correspondante, et se dirigea d'un pas de danseuse vers le lieu indiqué, en chantonnant, croisant au passage quelques-uns de ses camarades d'orchestre, leurs visages parfois lumineux et confiants mais modestes, parfois plus sombres et inquiets, empreints de doute, face à l'examen de fin d'année que tous considéraient différemment. Les échos de dernières répétitions se faisaient entendre derrière certaines portes, à peine perceptibles, tandis que dans d'autres vibraient les sons du véritable jugement, et les deux bâtiments, dans leur ensemble, étaient emportés dans une effervescence certaine que tous ressentaient.

Le pont en forme d'archet ciselé dans le verre franchi, la jolie brune, petite musicienne, suivit le couloir et arriva devant le lieu de son examen, esquissant un sourire empli de joie en apercevant la silhouette assise contre le mur, non loin, dans ce violon aux murs translucides qui avait été le théâtre de tant de choses. Le visage du jeune homme se tourna vers elle, les yeux bleus scintillèrent, perles d'océan, et elle vit les épaules de son ami se relâcher, juste un peu, mouvement à peine perceptible, le soulagement se mêlant à la tension. Elle avança posément pour franchir la distance qui les séparait encore, posa son violon, avec délicatesse, contre celui de l'adolescent, leurs étuis s'effleurant, et s'assit près de lui, leurs peaux, l'une de caramel et l'autre de porcelaine, se mêlant en une douce étreinte, leurs doigts s'entrelaçant. Ils restèrent un instant ainsi, immobiles, silencieux, profitant seulement de la présence de l'autre, et elle demanda :

« Dis-moi... Tu stresses, Thomas ? Pour tout à l'heure, pour l'audition ? »
« A l'idée de passer devant seulement les trois professeurs de violon, Miss Wagner probablement et les autres violons de même niveau ? » demanda-t-il, une pointe d'ironie dans la voix avant de rire. « A peine... J'ai peur de ne pas y arriver, en réalité. »
« Il n'y a aucune raison que tu ne réussisses pas, le concert de la dernière fois s'est très bien passé et le public était plus nombreux, tu connais tes pièces sur le bout des doigts et tu joues très bien, crois-moi. Je te le dis souvent, et je le pense vraiment. Il faut simplement que tu aies confiance en toi. » répondit la jeune fille au violon avec une tendresse amicale. « Moi, j'ai confiance en toi. »
« Un peu trop. » sourit l'intéressé. « Mais merci pour les compliments, c'est très gentil, petit Oiseau de Feu. »
« Qu'est-ce que tu comptes jouer en premier ? Il faut une oeuvre classique, une qui fait partie de nos oeuvres étudiées tout en étant moins codifiée, moins carrée, et une de notre choix, plus moderne ou arrangée par nous si l'on veut, c'est ça ? »
« Oui... Je pensais commencer par le classique, histoire d'en avoir fini, puisque je préfère les deux autres morceaux. »
« J'ai prévu de faire la même chose, même si on a des oeuvres différentes... » souffla-t-elle doucement avant de regarder sa montre. « On devrait se préparer, ils font passer mon groupe de niveau dans peu de temps, et ensuite le tien, dans la même salle. »

Lentement, elle détacha ses doigts de ceux du garçon aux yeux d'océan, effleurant de l'autre main sa joue, jouant avec une mèche de jais, en riant, et se releva, gracieuse et souple, ressemblant tout à la fois à un oiseau et un félin tandis qu'elle s'étirait, se mettant sur les pointes une seconde. Elle était jolie, dans sa robe blanche de comédie musicale - pour ne pas déroger à son habitude - qui pourtant, respectait le code vestimentaire de l'audition, et aucune anxiété ne se lisait sur son visage : elle en ressentait, pourtant, mais avait seulement appris à bien le cacher... Et les prunelles bleutées, doux saphirs ciselés, la rassuraient. D'un même geste, en miroir, ils ouvrirent les boîtes, sortirent violons, archets, colophane aux reflets d'ambre et chiffons de tissu délicat, nettoyant une dernière fois le tout avant de s'accorder. Quelques exercices, rapides, pour s'échauffer un peu les doigts, et enfin, l'heure sonna. Rose sourit simplement, et murmura, avant de rejoindre son groupe devant s'asseoir pour écouter la première des élèves - elle serait la dernière :

« Bonne chance... »

Puis elle disparut dans la pénombre de la pièce. Thomas alla s'asseoir un peu plus loin, avec ses propres camarades, et attendit, le tour de son amie comme le sien, entendant encore la voix mélodieuse, posée, toujours sereine et joyeuse avec lui. Il ne l'avait plus entendue pleurer depuis un moment, et préférait cela, cent fois, mille fois. Elle avait confiance en lui... Il écouta chaque note, chaque exécution, observant chaque violoniste - « Seulement élèves ! » aurait ri la petite musicienne - avec attention, puis elle se leva, et quand leurs regards se croisèrent avant qu'elle ne commence, il vit une étincelle. Elle jouait comme s'ils n'étaient que deux, et pas une fois elle ne le quitta des yeux. Puis elle s'inclina, en un mouvement de tissu chatoyant, et retourna s'asseoir, près de ses camarades.
Le jury devait à présent délibérer, à voix basse, noter chacun des jeunes violonistes, et les résultats seraient annoncés en même temps pour les deux niveaux... Mais les professeurs étaient rapides et, bien trop vite, le prochain nom fut appelé, la catégorie ayant changé. C'était le sien. L'adolescent aux mèches aile-de-corbeau et aux grands yeux d'eau se leva, camouflant d'un sourire le tremblement de ses mains et ses incertitudes, puis monta sur scène, se prépara, et lança un regard à son Oiseau de Feu. La jolie brune, une main jouant dans ses cheveux cascadant sur ses épaules, esquissa un immense sourire lumineux, qui voulait tout dire, et sur ses lèvres, il lut une phrase simple, un encouragement et une preuve de confiance : Tu vas y arriver, Ange de Musique.