Chapitre 5
Nuage de Trèfle était dans une grande clairière dont le sol était recouvert de mousse. Étonné, il se leva sans même s'étirer. Il ne l'avait pas remarqué directement, mais des parois entouraient la clairière, lui donnant un air de prison. Il en fit vite le tour. Hormis quelques fougères ça et là, et un buisson rabougri dans un coin, il n'y avait que de la mousse.
Comment je me suis retrouvé ici, moi ? Et... et si c'était encore un coup de Charpie ? Si c'est ça je vais la...
« Non, Nuage de Trèfle. Charpie n'y est pour rien. »
Cette voix... non... Nuage Solitaire ? Ça pourrait ?
« Nu... Nuage Solitaire... c'est t... toi... ? »
Il n'eu pas de réponse. Seulement le silence froid et pesant. Il guetta l'arrivée de la novice défunte. En vain. La vision brouillée par les larmes, le novice brun-doré souffla :
« Je t'en prie, Nuage Solitaire. J'ai... j'ai besoin de toi. Tu me manques. Je n'arrive pas à réfléchir, mes pattes ne me portent plus, et mes pensées sont pleines de brume... de brume noire. Nuage Solitaire, je ne peux pas vivre sans toi. Reviens-moi, s'il te plaît ! Sinon je te rejoindrais moi-même, je le sais... »
Il s'effondra au sol et ferma les yeux. L'espoir l'avait presque totalement quitté, et il voulait que tout ça se finisse vite. Il entendit alors un murmure au creux de son oreille :
« Nuage de Trèfle... je ne savais pas... pourquoi ne me l'as-tu pas dis avant ? »
Le novice ne releva même pas la tête. Il n'en avait pas besoin. Il savais que c'était elle. Il miaula dans un souffle :
« Et toi...? Pourquoi m'as-tu laissé souffrir, Nuage Solitaire ? J'étais... ton... ton ami...n... non ? »
La voix se fit plus douce encore et il sentit la femelle se blottir contre lui.
« Tu étais bien plus, à mes yeux.
- Nuage Solitaire... tu m'as manqué... répond-moi, s'il te plaît. Pourquoi ne me répondais-tu pas ? »
Sa voix tremblait, mais ses paupières restaient closes. Il ne voulait pas les rouvrir. Il ne pouvait pas les rouvrir. Elle étaient comme faites de pierre.
« Nuage de Trèfle... je... tu ne pourrais pas comprendre... Je suis désolée.
- Explique-moi, s'il te plaît... je... je me sens faible, sans toi. Et... tu m'as laissé... souffrir.
- Je suis désolée... répéta l'apprentie décédée. Nuage de Trèfle... il faut que tu comprennes...
- Mais comprendre quoi...?! protesta faiblement le mâle. Tu sais que sans toi...
- Je sais. Mais je ne suis pas seule, dans ton cœur. Nuage de Pollen, Nuage de Foudre et Feuille de Fougère sont encore en vie.
- Ce n'est pas pareil... gémit t-il.
- Et pourquoi ? rétorqua l'autre doucement. Tu sais, toi aussi tu me dois des explications. Les membres du Clan des Étoiles ne lisent pas dans les pensées, tu sais... Moi aussi, j'ai des questions. Et toi, tu as des réponses.
- Nuage Solitaire... souffla Nuage de Trèfle.
- Ce n'est pas une réponse, répliqua t-elle, mais toujours aussi doucement. Nuage de Trèfle. Je sais que je te manque. Et tu ne peux pas savoir combien toi tu me manques. Mais je n'ai pas tout mon temps... Si je parle trop longtemps avec toi... tu ne te réveilleras jamais. Alors, laisse-moi te poser une question, s'il te plaît. Pourquoi ne me l'as-tu pas dit ? Que tu m'aimais ? »
Nuage de Trèfle poussa un gémissement.
« Je pensais que... je... je... je... »
Il fut pris par un sanglot puissant.
« Défoule-toi, lui chuchota Nuage Solitaire. Allez, lâche prise. Je sais que... »
Sans même lui laisser le temps de finir sa phrase, l'apprenti, griffant la terre de rage et de tristesse, poussa un hurlement phénoménal. Il fit trembler les quelques fougères autour d'eux, tressaillir Nuage Solitaire...
« Bien, bien... l'encouragea celle-ci. Vas-y, vas-y, continue... »
Il hocha sa tête toute humide de larmes et continua à pousser des cris. Il était essoufflé, et respirait avec peine.
« Voilà... tout va bien, lui assura Nuage Solitaire d'une voix pleine de tendresse. Je suis là, ne t'inquiètes pas. Je ne te quitterai pas...
- Nuage Solitaire, commença le novice. Si... si j'ai fait ça c'est parce que... si je ne te l'ai pas dit.... je pensais... je pensais que tu ne... que tu ne m'aimais p-pas vraiment... j-je... tu passais tout ton temps avec Nuage de Foudre et... et je... »
La chatte commença à ronronner.
« Pourquoi ris-tu ? couina le mâle. Tu vas me dire que tu fais semblant depuis tout à l'heure, que tu le préfère ? Je...
- Ah, les mâles ! s'esclaffa-t-elle. Tu crois vraiment que je préférai cette cervelle de truite ? Mais non, enfin ! Je lui soutirait des informations !
- Co... comment ça ? bégaya le jeune chat.
- Je lui posais des questions sur toi, enfin ! s'exclama t-elle. Il ne te l'a donc pas dit ? »
Mais elle se reprit.
« Tu as répondu à ma question. Je vais répondre à la tienne. Si je ne t'ai pas répondu pendant tout ce temps... »
Nuage de Trèfle était pendu à ses babines. Ses yeux brillaient autant de larmes que d'espoir.
« C'est parce que... parce que c'est ton... presque ta destinée, Nuage de Trèfle... j'aurai tant aimé que ça soit différent... »
Ce dernier, qui était toujours effondré sur le sol, poussa un cri.
« M... mon destin ? D'être seul ? De... de... de quoi parle-tu ? J... je ne comprend pas. Ce n'est pas un futur, ça... »
La femelle lui lécha doucement le crâne, et il s'apaisa un peu.
« Nuage de Trèfle... je suis morte, tu le sais.
- M... mais ce n'est pas un problème, ça, couina le matou. Je pourrais...
- Pas question que tu t'arraches la vie pour ces bêtises ! cracha Nuage Solitaire en lui donnant un coup de patte exactement là ou Charpie l'avait blessé. »
Il poussa un gémissement mais se laissa faire.
« Il faut que tu comprennes. Tu es important. »
Nuage de Trèfle gronda.
« Mais toi aussi tu es importante, pour moi ! Et tu me manque...
- Non. Je ne suis qu'une apprentie morte, lâcha t-elle, bourrue. C'était mon destin, de mourir. Le tien est bien plus grand... plus triste, mais plus grand. »
Elle se tût. Nuage de Trèfle pressa son museau contre celui de sa douce. Il chuchota d'une voix étranglée :
« Mais comment l'accomplir, sans toi...?
- Tu n'as donc rien compris ? Bon. Je te le répète : je ne suis rien. Tu dois m'oublier. Une autre t'attend, Nuage de Trèfle. Et elle sera la bonne, celle-ci. Je ne te dirai pas de suivre ton cœur. Choisis toujours ton instinct. »
Nuage de Trèfle rouvrit brutalement les yeux. Il ne se réveilla pas. Il n'y avait plus personne à cotés. Mais dans la brume il distingua... une paire d'yeux verts-jaunes.
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