CHAPITRE XIV
La grande étendue d’eau grondante laissait flotter des branches sur sa surface tandis que le soleil réchauffait le pelage marron tigré de Tommy. Il longeait le fleuve d’un pas déterminé, en sachant très bien que sa demi-sœur le retrouverait facilement. Le matou savait qu’Œil du Fleuve ne lui voulait pas de mal, mais seulement, il voulait pouvoir être un peu seul. J’ai failli y passer… Mais c’est grâce à elle que je suis encore en vie ! Se dit-il en son for-intérieur. L’après-midi toucha à sa fin quand Tommy décida de se poser au pied d’un gigantesque cyprès chauve qui poussait au bord de la rivière. Il décida d’aller chasser dans la forêt qui s’étendait à perte de vue, il voulait attraper du gibier au cas où la guerrière le rejoigne.
En s’enfonçant profondément dans les sous-bois, il découvrit un endroit aux troncs bien droit. Seul des feuilles mortes recouvraient le sol. Le solitaire se mit à renifler une trace récente d’un rongeur mais il ne détecta aucun fumet. Cependant, une odeur complètement différente monta jusqu’à son museau. Ses poils se hérissèrent lorsqu’il reconnut celle d’un bipède. Qu’est-ce qu’un bipède vient faire ici ? J’espère qu’il ne promène pas un chien… Se dit-il intérieurement. Tommy repéra l’individu qui montait sur une structure en bois plus que branlante. Il était vêtu d’une drôle de peau qui se confondait avec la nature. Dans ses pattes, il tenait une sorte de bâton creux, il s’en servit pour viser le félin qui restait immobile, trop curieux pour déguerpir. Le bipède ferma un œil et appuya sur une tige de son bout de bois ce qui déclencha une fumée accompagnée d’un bruit assourdissant. Tommy rabattit les oreilles en arrière et prit la fuite en accourant vers la rive du fleuve. Il entendit derrière lui un puis deux nouveaux coups de feu, suivi de projectiles qui frôlèrent sa fourrure.
Une fois à l’abri, camouflé dans un bouquet de fougères, il reprit son souffle en enfonçant ses griffes dans la terre. Au même moment, un craquement fit sursauter le matou, il se retourna prudemment et vit une chatte qui passait à quelques longueurs de queue devant lui. C’était Œil du Fleuve, elle devait suivre la trace de son demi-frère ; elle semblait très inquiète. Tommy sortit de sa cachette et la rattrapa en criant qu’il ne fallait pas s’aventurer dans cette direction. La femelle répondit, tout sauf surprise de le voir débouler : « je savais que tu n’étais pas loin, que se passe t-il ?
- Je… je crois que je me suis fait attaquer par un bipède. Il me visait avec je ne sais quoi et j’ai entendu à plusieurs reprises des bruits tonitruants, articula le matou.
- Je les ai également perçues, je me suis mise à courir car j’avais le pressentiment que tu devais être en danger, attesta t-elle, en faisant les gros yeux ».
Les deux félins repartirent en longeant le fleuve, ils voulaient s’éloigner du bipède. La rive opposée semblait être plus proche, comme si la rivière perdait en largeur au fur et à mesure qu’ils avançaient. Peu après, Tommy et sa demi-sœur se retrouvèrent au cœur d’un épais tapis d’herbes hautes ; au moins, ils seraient à l’abri du bipède. Les solitaires détectèrent pourtant, des aboiements lointains. Des chiens venaient dans leur direction, ils devaient être sous les ordres de leur maître.
Œil du Fleuve disparut aussitôt, en se faufilant dans les herbes. Tommy la suivit en sortant les griffes, prêt à riposter. Un marécage remplaça l’étendue verte, la femelle aux yeux bleus en profita pour se rouler dans la boue, cela camouflerait leur odeur. Quand ils en furent recouverts, les deux chats repartirent en courant à travers les roseaux. Tout à coup, un miaulement rageur stoppa le félin qui affluait vers une cachette. Il se retourna et découvrit avec effroi sa camarade qui s’agitait par terre en piaulant douloureusement. Tommy s’approcha d’Œil du Fleuve en tremblant, tandis que les aboiements reprirent. La guerrière gisait au sol, avec une patte ensanglantée, accrochée dans un objet curieux aux dents pointues. Malgré la douleur, la femelle murmura : « laisse-moi ici, tu as
encore le temps de fuir avant que les chiens arrivent.
- Je ne veux pas t’abandonner ! Tu vas mourir sinon…
- Il faut que tu trouves le chat blanc de ma vision, ramène le jusque à moi Tommy ! ».
Voyant que le matou allait protester, Œil du Fleuve ajouta en serrant les dents :
« tu ne peux pas me libérer de ce piège tout seul, tu as besoin de quelqu’un d’autre pour ça. Je ne vais pas mourir, le Clan des Étoiles sera avec moi.
- Comment peux-tu savoir ça ? Répondit le mâle marron tigré.
- Je le sais, c’est tout. Vas-y maintenant ! ».
Sur ce, Tommy s’en alla, en se forçant à ne pas faire demi-tour. Il s’empressa de quitter les marécages pour retrouver les sous-bois aux nombreuses senteurs. Le félin n’entendit bientôt plus les chiens, seul quelques jappements persistaient encore au loin. Je dois trouver ce chat au plus vite ! Se dit-il en pressant le pas à nouveau. Postérieurement, il retrouva la rive du fleuve, certains arbres se penchaient pour que leurs branches caressent la surface scintillante de l’eau. Le calme apaisant rassura un peu Tommy qui n’arrêtait pas de s’inquiéter pour sa demi-sœur. Peu après, il discerna une odeur caractéristique, celle d’un chat. Il suivit la trace fraîche du matou qui le conduisit jusqu’à un roncier, des poils blancs s’y accrochaient. Il ne doit plus être bien loin, se lança t-il alors.
Le mâle tigré continua de flairer l’individu tandis que les arbres s’espaçaient pour dévoiler une clairière verdoyante, baignée par les rayons du soleil. Tommy perçut un nid de bipède, camouflé dans la végétation, il s’en approcha prudemment. L’odeur du chat flottait dans l’air, il devait vivre à l’intérieur de cette maison, visiblement abandonnée depuis longtemps. Soudain, des bruits de pas retentir derrière notre félin, il n’eut pas le temps de se retourner qu’un corps musclé bondit sur lui. Il ne sortit pas les griffes en retour, pour montrer à l’étranger qu’il ne voulait pas d’ennuis. Celui-ci le plaqua par terre en grognant et cracha : « qui es-tu ?
- Je m’appelle Tommy, c’est Œil du Fleuve qui m’envoie !
- Je ne connais pas d’Œil du Fleuve, alors pourquoi viens-tu ici ?
- C’est ma demi-sœur, elle a besoin d’aide, elle risque de mourir… Lâche-moi maintenant ! »
Le matou blanc le libéra et demanda plus calmement : « C’est grave ?
- Oui c’est grave ! Elle a une patte coincée dans un objet avec des mâchoires tranchantes et des chiens nous poursuivaient, répondit Tommy, d’une voix brisée.
- C’est donc vrai alors… Emmène-moi là-bas ! » Ajouta le chat, en faisant de gros yeux.
Les deux félins accoururent vers le marécage, ils traversèrent l’épaisse forêt à toute allure. Le ventre noué, Tommy priait pour qu’Œil du Fleuve n’est pas rejoint le Clan des Étoiles. Lorsqu’ils arrivèrent devant le bourbier, ils passèrent à travers les nombreux roseaux. Quand les deux chats en ressortirent, l’odeur du sang mêlée à celui des chiens leur piqua la truffe. Le matou tigré vit au loin sa demi-sœur qui gisait par terre, dans la boue.
Il se précipita vers elle, le cœur battant, au bord des larmes. Une fois devant le corps de la femelle au pelage gris clair, il failli perdre connaissance en s’apercevant qu’elle respirait toujours, toute son angoisse accumulée disparut comme neige au soleil. Il enfouit son museau dans la fourrure de la chatte et lui murmura quelques mots réconfortants, celle-ci fut trop faible pour répondre. Elle saignait abondamment, ce qui devait l’épuiser. L’inconnu s’approcha de la blessée et lança : « Nous devrions retirer sa patte du piège, je connais très bien leur fonctionnement. Les deux-pattes les utilisent pour chasser des grosses proies. Il faut aller chercher des toiles d’araignées et des baies de genêt avec du cerfeuil !
- Comment connais-tu tout ça ? Demanda Tommy, agréablement surpris.
- Ce n’est pas le moment d’en parler. Je vais aller chercher les remèdes, attend moi ici.
- Je ne risque pas de partir, de toute façon » ajouta t-il en se retournant vers Œil du Fleuve. Il renchérit ensuite, voyant que le mâle blanc allait partir :
« quel est ton nom ?
- Mon nom ? Boule de poil ».
Peu après, il revint et déposa les remèdes. Il indiqua à Tommy de se positionner d’un côté du piège. Boule de poil ramena un bâton qu’il placerait entre les mâchoires de l’objet pour éviter qu’il se referme. Lorsqu’il donna le signal, les deux matous tirèrent de toute leur force pour ouvrir la gueule du piège. Les muscles de l’ancien chat domestique se mirent à trembler sous l’effort, fort heureusement, les mâchoires s’ouvrirent et Boule de poil plaça le bout de bois.
Tommy lâcha la gueule du piège et tira Œil du Fleuve par la peau du cou, en faisant attention de ne pas aggraver la plaie au niveau de sa patte droite. Il laissa ensuite le chat aux yeux verts, soigner sa demi-sœur inconsciente. Ce dernier analysa la blessure et déclara qu’il n’y avait pas de fracture. Il attrapa une feuille de cerfeuil et la mâchouilla pour obtenir une pulpe qu’il appliqua pour désinfecter. Par la suite, le soigneur appuya sur la plaie avec des toiles d’araignées pour stopper le saignement. Il termina par mettre un cataplasme de genêt, cela aiderait à soigner la blessure.
Tommy le remercia chaleureusement, Boule de poil le remercia à son tour et dit : « Nous devons l’emmener dans mon domaine, elle pourra reprendre des forces là-bas ». Promptement, ils portèrent la brave guerrière à travers la forêt jusqu’à la clairière.
Lorsqu’ils arrivèrent devant l’ancien nid de bipède, le ciel palissait déjà. Les deux félins rentrèrent la femelle à l’intérieur et la déposèrent dans une litière fraîchement installée, faite de mousse et de feuilles mortes. Tommy s’installa près d’elle et lui donna des coups de langue vigoureux pour retirer la terre séchée dans ses poils. Il se mit à ronronner en voyant le ventre de sa demi-sœur se soulever en rythme, il n’aurait pas put supporter de la perdre.
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