L’aube s’annonçait dans la ville de bipède, un ciel rouge-orangé effaça la toison argentée. La lumière commençait à s’infiltrer à travers le thuya, qui servait d’abri aux voyageurs. Comme bien souvent, Œil du Fleuve émergea en première, laissant Tommy ronfler comme un sanglier. Elle sortit de sa litière, s’étira et traversa le jardin pour trouver un endroit où faire ses besoins. Un doute vint la troubler soudainement ; ai-je prise la bonne décision ? De toute façon c’est trop tard, il faut terminer ça au plus vite ! Peu après, un claquement la tira de ses pensées, Altesse venait de passer par sa chatière. Elle rejoignit la guerrière en sautillant dans l’herbe trempée par la rosée du matin et la salua en lui disant d’une voix mielleuse :
« avez-vous réfléchis ?

- Oui, nous allons t’aider Altesse. Reste ici, je vais réveiller Tommy ».

Œil du Fleuve revint quelques instants plus tard, avec le matou tigré qui semblait encore ensommeillé. Elle expliqua ensuite leur plan à la chatte domestique. Perplexe, celle-ci répondit : « êtes-vous sûrs que cela pourrait marcher ?

- Évidemment ! Lâcha le mâle aux yeux verts.

- Ça va dépendre du nombre de chats, le Clan des Égouts compte combien de membres ? Demanda la femelle en s’asseyant devant Altesse.

- Je ne sais pas trop, un peu moins de dix je suppose…

- Très bien ! Lorsque le soleil sera au milieu du ciel, tu nous mèneras chez tes amis. Ils accepteront peut-être de combattre leurs harceleurs ». En terminant sa phrase, son ventre gargouilla. La chatte marronne et blanche leur proposa alors de venir manger dans son nid, ses maisonniers n’étaient pas là.

Œil du Fleuve et Tommy acceptèrent, sachant qu’ils ne pourraient rien attraper dans cet endroit minéral. En rentrant à l’intérieur, ils retrouvèrent certaines choses qui étaient aussi présentes dans leurs anciens nids. Comme un canapé, des chaises, des tapis ou encore un escalier. Altesse les mena dans la cuisine et leur montra une gamelle remplie de boules desséchées. La guerrière et son demi-frère en croquèrent quelques-unes, ils trouvaient ça horriblement sec. Comment je pouvais manger cette nourriture immonde… se dit la femelle gris clair intérieurement.

Le midi arriva promptement, les trois félins quittèrent le jardin sous un soleil rayonnant. La chatte domestique passa en tête pour aller jusqu’au nid de ses amis. Une fois de l’autre côté du mur, ils traversèrent un petit chemin du tonnerre et longèrent un trottoir. Une rangée de nids de bipèdes fit son apparition, de nombreuses clôtures entouraient les maisons. Altesse leur indiqua d’en escalader une pour atteindre le jardin de son premier camarade de voisinage. Les matous se retrouvèrent alors à se déplacer en équilibre sur l’armature en bois. Les poils d’Œil du Fleuve se hérissèrent lorsqu’elle découvrit trois bipèdes en train de faire brûler des choses odorantes dans un contenant qui pouvaient retenir les flammes. « Ils font griller de la viande, je crois que les maisonniers appellent ça des barbecues. Squall habite ici !

- Mais comment pouvons-nous le prévenir sans attirer l’attention des bipèdes ? Chercha la guerrière en essayant de ne pas tomber de la clôture instable.

- Faisons le tour du nid, l’entrée est de l’autre côté » répondit Altesse dans un battement de queue.

Par chance, lorsqu’ils arrivèrent, ils virent l’ouverture d’une fenêtre. Ils descendirent de la structure en bois et se postèrent devant la maison. Non loin, un monstre dormait. La chatte domestique héla son ami plusieurs fois avant qu’il apparaisse timidement. C’était un minet gris perle au poil épais et court sur pattes. Il sauta du rebord de la fenêtre et se pressa de retrouver sa camarade en collant son museau contre le sien. Tommy et sa demi-sœur attendirent que les deux félins finissent de se saluer. Altesse vint ensuite présenter le matou : « je vous présente Squall, c’est plus qu’un voisin, c’est mon compagnon. D’ailleurs il sera bientôt père, j’ai appris que j’attendais des chatons il y a tout juste sept jours. C’est fantastique pas vrai ?

- Félicitation à vous deux ! C’est une superbe nouvelle en effet, répondit Œil du Fleuve.

- Que me vaut l’honneur de votre visite ? Je n’ai pas l’impression que vous connaissez Altesse depuis longtemps, voulu savoir Squall en se grattant la gorge.

- Nous sommes de passage et je pense que nous pouvons vous aider à battre le Clan des Égouts, commença par dire Tommy. Il laissa sa demi-sœur s’expliquer.

- J’ai vécue dans la forêt, j’ai appris à me battre et à me défendre. Je voudrais rassembler tous les chats de votre quartier pour faire fuir ceux qui vous tiraillent.

- C’est bien beau… Mais le Clan des Égouts est trop féroce et si nous échouons, ils seront encore plus abominables, objecta Squall, visiblement pas satisfait par le plan.

- On vous donnera des entraînements, nous ferons en sorte que vos ennemis ne reviennent pas ! Renchérit Œil du Fleuve avec assurance, les griffes plantées dans la terre.

- Dans ce cas je suis partant. Mais je ne sais pas si les autres accepteront de suivre ton idée, termina par annoncer le chat domestique en se grattant une oreille.

- Nous verrons bien… Allons leur demander ! » proféra Tommy dans un élan de motivation.

Ils passèrent l’après-midi à rassembler un maximum de félins, en passant de nids en nids. La guerrière leur donna pour consigne de venir au prochain levée de soleil dans le jardin d’Altesse pour un entraînement complet. Lorsque le soir arrivait, alors que les trois félins rentraient, il furent interceptés par quatre chats. Un noir charbon, au pelage poisseux avec une cicatrice sur l’œil droit montra les crocs et cracha en direction de la femelle marronne et blanche : « alors comme ça tu te balades sans ma permission Altesse ? Tu ramènes qui chez toi ?

- Cela ne te regarde pas ! Riposta t-elle courageusement.

- Oh que si ! J’ai le droit de savoir, espèce de faible et pitoyable vermine ! »

Œil du Fleuve et Tommy s’interposèrent, ils se placèrent devant la chatte domestique pour la protéger. « Tu ferais mieux de déguerpir ! Gronda la femelle aux yeux bleus.

- Ah oui ? On se connaît peut-être ? S’amusa t-il à dire le mâle noir.

- Je ne crois pas non ! Déclama t-elle, prête à lui arracher la fourrure.

- Laissons les croire qu’ils peuvent nous faire peur, allons-y » fini par déclarer le matou. Les chats qui les entouraient disparurent en entendant l’ordre de leur chef. Altesse remercia les deux solitaires et leur annonça : « le meneur si je puis dire se nomme Lucifer ».

Le lendemain matin, Œil du Fleuve et Tommy se réveillèrent en même temps. Altesse venait de les secouer en miaulant : « c’est l’heure bande de gros dormeurs ! ». Le soleil éclairait déjà le ciel d’une puissante lumière. La guerrière se sentit honteuse d’avoir dormi aussi longtemps, elle s’étira et fit avec courte toilette avec son demi-frère. Elle sortit ensuite de derrière l’épais thuya et se présenta face aux cinq félins qui attendaient. J’espère qu’on sera assez nombreux…

« Aujourd’hui, je vais vous apprendre des techniques de combat, soyez attentifs et concentrés ! » Elle invita Tommy à rejoindre les autres, cela lui permettrait de se perfectionner. Œil du Fleuve montra plusieurs prises faciles et appela ensuite Altesse et Tessie, une femelle de couleur sable avec le ventre blanc. Elle leur demanda de réaliser un blocage au sol : « pour ce faire, il faut mettre tout votre poids sur l'adversaire avec vos pattes avant posées sur ses épaules. Si votre ennemi est plaqué sur le dos, il faut immobiliser en même temps ses pattes arrières avec les vôtres. Cela évitera qu’il griffe votre ventre car c’est un endroit sensible ».

Les deux chattes mirent en pratique la leçon. Elles se rentrèrent dedans, sans sortir les griffes et essayèrent de se déséquilibrer. Heureusement que les bipèdes n’étaient pas là pour voir ça. Altesse trouva un point de bascule, elle fit tomber Tessie sur le dos et lui écrasa les épaules. Elle n’eut malheureusement pas le temps de bloquer les pattes arrières de son adversaire qui en profita pour faire semblant de lui ouvrir le ventre. « Bravo à toutes les deux ! Maintenant laissez la place aux autres, nous verrons une prochaine technique après… » commenta Œil du Fleuve, réjouit de mener des exercices. Squall et un autre chat blanc aux tâches noires du nom de César appliquèrent les mêmes enchaînements, ils se débrouillaient plutôt bien.

Il arrêtèrent l’entraînement qu’en début d’après-midi, tous les félins avaient appris au moins deux techniques de combat. Athena, une chatte brune avec des rayures plus foncées et des pattes musclées, s’avança vers la guerrière qui bavardait avec Tommy et lui dit : « merci pour aujourd’hui, nous avons peut-être une chance finalement de vaincre le Clan des Égouts.

- Je me devais de vous aider » répondit Œil du Fleuve en lui lançant un regard affectif.

La cheffe du groupe fit ensuite un rassemblement, elle s’assit en face du regroupements de matous et proclama : « votre présence ici est précieuse, grâce à vous les chats errants ne seront bientôt plus un problème. Demain en fin d’après-midi, je veux que vous reveniez en pleine forme pour un dernier entraînement. Quand la nuit sera tombée, nous attaquerons le Clan des Égouts par surprise ! ». Des miaulements optimistes résonnèrent dans le jardin, cependant, Altesse prit la parole en se levant : « Œil du Fleuve, il faut d’abord que tu saches ou se trouve le camp de Lucifer.

- Oui tu as raison, tu veux bien m’y emmener ?

- Moi ? Je ne sais pas… admit-elle toute penaude.

- Je veux bien t’accompagner, stipula César en bombant le poitrail.

- C’est d’accord, allons-y maintenant alors ! Tommy vient avec nous et les autres, retournez chez vos maisonniers. Reposez-vous un maximum, la journée de demain sera longue ».

Sur ce, les félins quittèrent le jardin d’Altesse. Quelques nuages cachaient le soleil par intermittence ce qui soulagea leurs coussinets, car la surface dure des trottoirs pouvait brûler. César les mena à travers plusieurs ruelles jusqu’à atterrir devant un énorme chemin du tonnerre. Des monstres circulaient dans deux sens différents et poussaient de temps en temps des cris suraigus. Il y avait aussi des bipèdes qui marchaient d’un pas pressant en longeant la route. Des structures immenses avec des centaines de fenêtres créaient de l’ombre, Œil du Fleuve resta gueule-bée devant tant de nouveauté. César vint leur expliquer qu’il s’agissait d’immeubles, les bipèdes vivent dedans. Comment allons-nous traverser, c’est bien trop dangereux ! Se demanda la femelle aux yeux bleus. Au même moment, le chat domestique leur désigna un tunnel qui passait sous le chemin du tonnerre. Tommy et sa demi-sœur le suivirent sans poser de questions, ils s’enfoncèrent dans ce couloir sombre. La puanteur de ce lieu donna la nausée à la guerrière, de l’eau croupie caressait ses pattes tandis que des déchets de bipède pourrissaient.

Alors qu’elle pensait qu’ils allaient remonter à la surface pour atterrir de l’autre côté, César bifurqua à gauche avant de s’arrêter. Il murmura ensuite :
« cet endroit mène aux égouts, le camp de Lucifer se trouve par là. Nous devrions partir, avant qu’il s’aperçoive de notre présence ». Œil du Fleuve hocha la tête, elle n’avait qu’une envie, retrouver l’extérieur au plus vite. Lorsqu’elle vit la lumière du jour apparaître, des grognements retentirent. En se retournant, elle distingua des ombres menaçantes accourir vers eux.
« C’est Goliath et Bloody, fuyons ! S’écria le chat domestique.

- Hors de question, nous sommes plus nombreux ! » Réfuta t-elle en sortant les griffes.

Œil du Fleuve et son demi-frère se jetèrent sur les matous qui poussèrent un cri de stupeur. Ils martelèrent de coups leurs ennemis qui essayaient de se libérer en vain. Voyant que le chat à la longue fourrure brun clair tentait de lui mordre le poitrail, la guerrière accéda à son cou et le menaça de lui ouvrir la gorge. Bloody se relâcha complètement, en signe de défaite et prit la fuite en laissant des touffes de poil derrière lui. Goliath le rejoignit peu après, en fulminant que ce n’était pas fini. Œil du Fleuve et Tommy s’empressèrent de sortir du tunnel, César les attendait à l’extérieur, il semblait horrifié. « Au lieu de rester statique, tu aurais pu nous aider ! Feula le mâle tigré.

- Je… je suis désolé, balbutia t-il, tête basse.

- Tu feras mieux la prochaine fois, ajouta la femelle.

- Oui je vous le promets ! Je prendrai sur moi désormais, assura César.

- Très bien, rentrons maintenant » termina t-elle par dire.