Chapitre 37 : "un malheur va s'abattre sur ton Clan"
Petit Corbeau
- C'est bien Petit Corbeau !
Étoile de Corbeau me félicite. Chaque nuit, l'ancien chef du Clan de l'Aube nous entraîne un peu au combat, Petite Brindille et moi.
Moi, j'adore ça ! Mais je vois bien que Petite Brindille a du mal...
- Vous pouvez faire une pause les garçons, vous avez bien travaillé.
Je m'assois sur le sol meuble de la forêt verdoyante. Petite Brindille me rejoint en poussant un profond soupire. Il s'assoit à côté de moi et je remarque que je fais une tête de plus que lui.
Il lève sa tête vers moi, le regard désespéré.
- Je ne suis vraiment pas fais pour le combat, je suis trop nul...
Je rigole pour détendre l'atmosphère :
- Ne t'inquiètes pas, quand tu seras plus grand, tu y arriveras mieux !
Il me lance un regard noir. Je grimace. Ma petite blague n'a vraiment pas eu l'effet escompté...
- C'est pas de ma faute si je suis petit ! Comment tu fais pour être aussi grand toi ?
Je hausse les épaules en me léchant le poitrail pour applatir une mèche rebelle.
De toute façon, Petite Brindille n'a pas l'air d'attendre de réponse de ma part... Il semble être perdu dans ses pensées, le regard vide.
- Peut-être que... Je ne suis simplement pas fais pour être un guerrier... Je pourrais rendre service à mon Clan d'une autre manière non ?
Là encore, il n'attend pas de réponse de ma part.
Je le fixe tandis qu'il secoue la tête comme pour se remettre les idées en place. Il sourit et se relève.
- Enfin, bref, je commence à avoir faim... Je pense que je vais me réveiller, à plus.
Je n'ai pas le temps de dire un mot qu'il commence déjà à disparaitre devant mes yeux.
J'écarquille les yeux. Mon frère est vraiment un chat étrange... Je me demande comment est ma sœur...
Je me lève à mon tour et hume l'air de la forêt du Clan de L'au-delà. Un doux fumet chaud me chatouille la truffe. Cette forêt grouille de gibier absolument tout le temps, quelque soit les saisons. D'ailleurs, les saisons n'existent même pas ici...
- Où est Petite Brindille ?
La voix de Étoile de Corbeau me fait faire un bond. Maintenant qu'il est mort, il marche comme tous les autres chats du Clan de L'au-delà, c'est-à-dire, sans faire aucun bruits.
- Il... Il s'est réveillé...
J'hésite à parler des doutes de mon frère à l'ancien chef. Mais pas besoin, j'ai l'impression qu'il les connait déjà...
Son regard brille de bienveillance quand il vient se poster devant moi.
- Ne t'inquiètes pas, ton frère peut rendre service à son Clan d'une manière différente... Et je sais que Crabe Brun sera un excellent mentor pour lui...
- Je... Je ne m'inquiétais pas...
Il me fait un sourire mystérieux en secouant la tête. Un frisson me parcourt l'échine. Il peut voir mes pensées les plus profondes, je l'oublie parfois...
Soudain, le sourire disparaît des babines du grand chat noir. Il lève vers moi un regard sombre qui me fait froid dans le dos.
- Un malheur va s'abattre sur ton Clan, jeune chat.
Mon cœur rate un battement. J'ai le souffle coupé.
- Co... Comment ça ?
- Il est temps pour toi d'y retourner.
- M... Mais...
Avant que je n'ai le temps de finir ma phrase, je me réveille dans la Pouponnière de mon Clan. J'ouvre les yeux. Une étrange agitation règne dans la petite grotte. Il y fait chaud, enfin, plus chaud que d'habitude et une drôle d'odeur flotte dans l'air.
Je me redresse, le cœur battant. Quelqu'un tousse comme s'il était en train de cracher ses poumons. Je me retourne pour voir Petite Fougère qui m'observe avec de grands yeux apeurés.
- Q... Qu'est-ce qu'il se passe ? Où est Petit Loup ?
- Petit Loup s'est mit à beaucoup tousser pendant la nuit... On l'a emmené dans la tanière du guérisseur...
Une autre quinte de toux coupe la parole à mon frère adoptif.
Je regarde Cœur de Miel. Elle est allongé dans sa litière, son pelage est trempé de transpiration, ses pattes trembles et sa respiration est sifflante.
Mon souffle se coupe. Mais... Depuis quand elle est dans cet état ? Pourquoi je ne me suis rendu compte de rien ?
Petite Fougère reste comme figé à la vue de sa mère. Des larmes brillent dans le coin de ses yeux verts.
- Elle... Elle n'était pas comme ça cette nuit... Elle semblait aller bien... il murmure.
- Il... Il faut prévenir Pelage Roux et Nuage de Tigre, tout de suite !
Mais Petite Fougère ne bouge pas. Il est comme paralysé.
Je sors donc de la Pouponnière le plus vite possible. Je cours jusqu'à la tanière des guérisseurs qui se situe en plein centre du camp. J'entre en trombe, oubliant le rideau de ronce qui me barre l'entrée. J'y laisse sans doute une grosse touffe de poils, mais n'y fais pas attention.
- Pelage Roux !
Le guérisseur roux et son apprenti sont penchés sur le corps frêle de mon second frère. Je vois son poitrail s'activer très faiblement. Il n'est pas mort.
Je me sens un peu rassuré. Mais mon soulagement fait bien vite place à la peur quand Pelage Roux pose un regard apeuré sur moi.
- Qu'y a-t-il ?
- C'est Cœur de Miel...
Il se tourne vers son apprenti.
- Nuage de Tigre, va prévenir Étoile du Rossignol qu'une épidémie de mal vert est en train de ravager notre Clan...
Le jeune Nuage de Tigre ne se fait pas prier et sort de la tanière comme une furie.
- Petit Corbeau, mène moi à ta mère.
Une boule se forme dans ma gorge à l'entente du mot "mère". Cœur de Miel ne l'était pas, Pelage Roux le savait très bien.
Je mets ma haine de côté et conduit le guérisseur roux à la Pouponnière.
À l'intérieur, Petite Fougère est toujours planté exactement dans la même position que quand je l'ai laissé.
- Maintenant, les enfants, je vais vous demander de sortir d'ici et de me laisser faire mon travail, d'accord ?
- Maman va survivre ?
Le guérisseur nous lance un regard empli de tristesse :
- Vu son état, je ne peux rien vous promettre...
Je vois une larme s'échapper de l'œil du chaton crème. Je pose ma queue sur ses épaules pour le réconforter et le pousse vers la sortie.
Une fois dehors, je prends une grande bouffée d'air frais. Petite Fougère, quant à lui, éclate en sanglot.
Je le sers contre moi à l'aide de ma queue et il plonge sa tête dans mon pelage noir.
Le camp est étrangement silencieux. Ormi les pleurs de mon frère adoptif, le silence est pesant, aucun oiseaux ne chante, aucun chat ne parle, aucun vent ne fait craquer les branches d'arbres... Comme si le temps s'est arrêté...
Soudain, l'appel du chef me tire de ma rêverie :
- Que tous ceux qui sont en âge de chasser s'approche pour une assemblée du Clan !
Étoile du Rossignol est monté sur le Bloc avec l'aide de mon père.
Son regard vide et aveugle parcourt l'assemblée de chat comme s'il pouvait nous voir. Il commence, d'un air grave :
- Mon cher Clan, l'heure est grave... Le mal vert s'abat sur notre camp ! Cœur de Miel et Petit Loup sont déjà malade !
- Quoi ?! Cœur de Miel aussi ?! Où est-elle ?!
Bois de Cerf se lève précipitamment et se dirige directement vers la Pouponnière pour retrouver sa compagne. Bien évidemment, il se fait virer par Pelage Roux qui avait besoin de tranquilité pour exercer son travail sans faire d'erreur.
Bois de Cerf retourne donc s'asseoir parmi nous, la tête basse.
Soudain, quelqu'un se met à tousser dans l'assemblée.
- Qui a toussé ?!
Toutes les têtes se tournent vers Pelage Noir. Quelqu'un dans l'assemblée cri :
- C'est Pelage Noir !
Étoile du Rossignol prend une grande bouffée d'oxygène avant de dire :
- Pelage Noir, tu seras mis en quarantaine avec les autres malade dans la tanière de Pelage Roux !
- Mais... Je vais bien, je vous jure !
- Je suis désolé, Pelage Noir, mais je ne veux prendre aucun risque... A partir de maintenant, si vous soupçonnez que l'un de vos camarades est malade, il faut absolument prévenir Cœur d'Ébène ou Pelage Roux qui l'accueillerons dans la tanière du guérisseur. Et je veux un garde devant cette tanière jour et nuit pour vérifier que personne ne sort ! C'est bien compris !?
- Oui !
Cœur d'Ébène se lève et vient se poster près de Pelage Noir. Il lui fait un signe de tête pour lui ordonner de le suivre.
Le pauvre guerrier sombre n'a pas d'autre choix que de suivre son lieutenant jusqu'à la tanière du guérisseur. Il entre, la tête basse.
Une boule se forme dans ma gorge. Et si il est vraiment pas malade mais qu'il attrape la maladie là-bas ? Ce serait horrible...
- Voilà... L'assemblée est terminée. Retournez à vos occupations et faites bien attention à vous...
Après cette phrase d'avertissement, le chef noir et blanc descend tant bien que mal du Bloc et retourne dans sa tanière guidé par Fleur de Soleil, sa compagne.
Un long silence pesant s'abat sur la clairière du camp. Tous les chats sont nerveux et se lancent des regards suspicieux. Petite Fougère a arrêté de pleuré mais je sens son corps trembler contre le mien. Je me presse contre lui pour lui apporter le plus de réconfort possible.
J'allais lui dire de ne pas s'inquiéter et que tout allait bien se passer mais Pelage Roux, qui vient de sortir de la Pouponnière, la tête basse, m'interrompt :
- Je... Je suis désolé... J'ai fais tout ce que j'ai pu... Mais votre mère est trop atteinte, elle ne survivra pas un jour de plus.
Je sens les muscles de Petite Fougère se crisper contre moi.
- Je... C'est pas possible ! Encore hier elle était en pleine forme ! Fais quelque chose, tu es guérisseur ! Ton devoir est de protéger ton Clan quoi qu'il en coûte, alors qu'est-ce que t'attends !!
Bois de Cerf a surgit derrière le guérisseur pour lui lancer cette pique. Dans son regard brille une peur panique.
- Je ne peux plus rien faire, Bois de Cerf, je suis désolé...
- Non, non, non, je ne te crois pas ! Tu mens, ce n'est pas possible...
Je vois des larmes perler aux coins de ses yeux. Je n'ai jamais vu Bois de Cerf aussi vulnérable qu'à cet instant.
Petite Fougère se lève et va plonger sa tête dans le pelage de son père. Mais, celui-ci ignore son fils et l'écarte même de lui. Je vois bien que le chaton crème garde la face pour paraître fort devant son père mais je sais que se geste lui a brisé le cœur...
Bois de Cerf se tourne vers le guérisseur, sans faire attention à son fils ni à moi, et demande :
- Puis-je au moins lui dire au revoir ?
Le guérisseur roux secoue la tête avec tristesse.
- Je suis désolé mais c'est beaucoup trop dangereux... Tu pourrais attraper la maladie, toi aussi...
- Donc, tu es en train de m'annoncer que ma compagne va mourir et que je ne peux même pas lui dire au revoir !? Mais quel genre de guérisseur es-tu ?!
Après avoir craché à la gueule de Pelage Roux, Bois de Cerf s'enfuit dans la forêt. Le guérisseur pousse un profond soupire. On dirait qu'il porte le poids du monde sur ses épaules.
C'est ce moment là que choisi Petite Fougère pour éclater en sanglot à nouveau.
***
Le corps de Cœur de Miel repose au milieu de la clairière. Elle semble endormi paisiblement. Elle a tenue deux jours de plus mais a abandonné le combat contre la maladie cette nuit.
Je me sens tellement triste de la voir comme ça, allongé au milieu du camp, sans vie. Son rire mélodieux me revient en tête et une boule se forme dans ma gorge. Elle était toujours tellement heureuse et pleine de vie... Elle m'a toujours considéré comme son propre fils et m'a aimé comme tel. Je ne pourrais jamais la remercier pour ça... Elle est parti beaucoup trop tôt...
Je sens une larme couler sur le pelage de ma joue. Je prends une grande bouffée d'air pour essayer de réparer mon cœur brisé et je m'approche du corps de ma mère adoptive pour participer à la veillée.
Soudain, un gros chat crème me barre le passage :
- Où crois-tu aller ?
C'est Bois de Cerf...
- Je veux veiller le corps de ma mère...
Le gros guerrier éclate de rire, méchamment.
- Ta mère ? Cœur de Miel n'était certainement pas ta mère ! Tu n'as rien à faire ici, tu n'es pas de la famille ! Fou le camp !
Je reste paralysé face à la méchanceté du gros chat crème. Il se détourne de moi et va rejoindre Petite Fougère près du corps de sa défunte compagne.
Sans que je m'en aperçoive, des larmes coulent sur mon pelage noir. Je sais que Bois de Cerf ne me porte pas spécialement dans son cœur, mais ça fait quand même très mal de se recevoir ce genre de remarque dans un moment pareil.
- Je suis désolée pour ta mère, Petit Corbeau...
Je me retourne, la belle Nuage de Lumière me fait face. Sans réfléchir, je plonge ma tête dans son pelage blanc et soyeux. Sa chaleur est réconfortante et elle me caresse le dos à l'aide de sa queue. Elle murmure, d'une voix douce :
- Elle veille sur toi au Clan de l'Au-delà... Je suis sûre qu'elle sera fière de ce que tu deviendras.
Je hoche la tête en reniflant bruyamment. A-t-elle entendu ce que m'a dit Bois de Cerf ? Ou croit-elle que je pleurs juste pour la mort de Cœur de Miel ?
A mon avis, elle a tout entendu, sinon, elle me demanderait pourquoi je ne suis pas en train de veiller le corps de ma mère...
Je reste quelques temps blottit contre elle mais, bientôt, elle me repousse légèrement.
- Je suis désolée, Petit Corbeau, mais je dois y aller. Les proies ne vont pas venir dans notre tas de gibier toutes seules...
Je hoche la tête et la regarde partir dans la forêt, sans se retourner.
Je sens à nouveau les larmes me monter aux yeux en repensant à ce que m'a dit Bois de Cerf.
J'ai l'impression de ne plus avoir ma place dans ce Clan depuis que la maladie a envahit notre camp...
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