Les yeux naturellement ronds de Nuage de Neige se firent grands comme des soucoupes.

- Te tuer ? répéta la chatte blanche, comme anéantie par les paroles de son amie. Mais par le Clan des Étoiles, sale cervelle de souris, pourquoi me serais-je donné la peine de te sauver la vie si c'était pour la détruire après ?

Pluie de Feuilles ne soutint pas son regard et pour toute réponse, attrapa sa lèvre inférieure entre ses dents pour la triturer nerveusement.

- Excuse-moi, Nuage de Neige. Je te pensais juste plus intelligente. Non, non, je voulais pas dire ça. Je... je pensais juste que tu préfèrerais sauver la vie de ton Clan et la tienne en m'éliminant.

La douleur croissait dans les prunelles limpides de l'apprentie. Je la connais donc si mal ?

- Je ne comprends même pas de quoi tu parles ! miaula t-elle d'une voix brisée. En quoi t'assassiner sauverait-il le reste du Clan ?

Une expression amère passa sur le visage de Pluie de Feuilles.

- Oh, je t'en prie, tu le sais parfaitement. Nuage de Salamandre t'as dit que j'allais mourir, vrai ou pas ? Tu ne vas pas me faire croire qu'elle ne t'a pas expliqué pourquoi...

- Figure-toi que si ! répliqua la femelle au pelage immaculé d'un ton abrupt. Nuage de Salamandre aime bien jouer les guérisseuses énigmatiques. Elle m'a plaquée contre la paroi de son antre et a dit d'une voix lugubre, en me regardant de ses grands yeux jaune-vert : "Ta copine est en danger de mort, tu ferais bien de garder un œil sur sur sa couenne avant que celle-ci ne fonde sur ses os déjà fragiles..." Après elle a repris sa mine renfrognée de vieil aigle grincheux comme si elle n'avait rien dit, et refusé de m'en dire plus, bien que je l'aie harcelée.

Nuage de Neige se rendit compte qu'elle avait baissé les yeux. Elle releva craintivement la tête et posa délicatement son regard dans celui de sa camarade. Pluie de Feuilles tombait des nues. Et elle ne se sentait pas de tout lui expliquer. Mais alors...pourquoi le fit-elle malgré tout ?

- Des chats morts veulent l'extinction du Clan des Étoiles, et pour cela, ils tuent ceux qui y croient encore. Je suis leur cible principale, étant donné que j'en sais trop et que j'ai été insolente ou je n'sais quoi. Sauf que ce n'est pas eux qui vont me tuer. Ce sont les félins de la prophétie qui vont nous éliminer, moi et mon frère, pour que tout redevienne dans l'ordre. Et je préfère mourir de la patte de Nuage du Nord que de celle d'espèces de chats de la taille de tigres, surtout si cette première solution permet de... Ah.

Pendant qu'elle parlait, Nuage de Neige s'était rapprochée petit à petit pour se retrouver avec sa truffe à un poil de souris de son menton. Déstabilisée, la guerrière calico avait perdu le fil de ses paroles.

- Tu... tu peux éviter d'être près à ce point ? Ça me met mal à l'aise.

- C'est pour me retenir de te flanquer un très gros coup de queue.Parce que tu es très sotte, Pluie de Feuilles. Tu n'as rien compris du tout. Tu pensais que j'allais te tuer pour éviter d'autres meurtres potentiellement envisageables; première erreur. Je ne tuerai pas "au cas où si". Tu es certaine que tu vas périr assassinée; deuxième erreur. Tu n'as pas besoin de mourir pour que la prophétie se réalise.

Elle recula un tout petit peu, la mine grave et les cils battant la mesure de son cœur. Son aînée, loin d'être lente, fut prompte à saisir.

- Tu veux que je tue les enfants de Lune Dorée ? Carrément ?

- Tu n'es pas obligée de t'en charger personnellement, répondit la novice avec un haussement d'épaule nonchalant.

- Nuage de Neige !

Choquée, la féline tachetée de noir et de roux ne savait plus quoi dire. Son amie lui proposait tout de même, sur le ton de la conversation, d'assassiner Nuage du Nord et Nuage d'Hiver ! Et pour que quoi ? Pour que moi je survive...? Elle secoua vivement la tête.

- Impossible, le Clan des Étoiles ne laisserait jamais sacrifier deux vies au lieu d'une ! Si mes cousins meurent, la prophétie ne se réalisera pas, or, elle se réalisera, tu en seras empêchée, si c'était si facile, tout le monde le ferait ! Qui tu serais pour..

- Pluie de Feuilles ! s'agaça la chatte blanche, et durant un bref instant, la guerrière revit ses expressions de chatonne boudeuse. Je pourrais donner ma vie pour la tienne ! Le fait que tu vives est ce pourquoi je continue d'exister ! Si tu te laisses mourir, il y aura également deux vies d'interrompues...

- Mais pourquoi ? hurla Pluie de Feuilles, à bout de nerfs, le cœur palpitant. Pourquoi tu te donnes tout ce mal pour me maintenir en vie ? Qu'est-ce que ça peut avoir comme répercussion sur la tienne ? Je ne comprends pas... C'est... c'est absurde...

Prête à réagir au quart de tour, Nuage de Neige se voûta petit à petit suite à sa dernière phrase. Ses yeux d'un bleu pourtant si vif s'embrumèrent de chagrin et elle accrocha le regard perdu de son aînée avec une détermination et une peine si déroutantes que la chatte à poil long en perdit les mots.

- Tu le sauras peut-être un jour.... mais tu ne réalises pas le courage qu'il me faudra pour te l'expliquer.

L'apprentie blanche fit le geste de se mettre sur ses pattes et Pluie de Feuilles celui de la retenir.

- Nuage de Neige...

Bien que le doute pointât dans son apostrophe, la vigueur caractéristique de la féline écaille et blanc faisait son retour.

- Du courage, c'est pas ce qui te manque, lança t-elle farouchement, en s'efforçant d'empêcher ses lèvres et donc sa voix de trembler. T'es super courageuse, tu sais. Sans doute la chatte la plus courageuse que j'ai...

- Ma grande, quand tu essaies de flatter, trouve au moins un compliment plausible.

Nuage de Neige fut ébranlée par le sanglot naissant dans sa gorge. Sa silhouette blanche traversa les Rochers du Soleil et s'enfonça dans les broussailles figées par le gel. Soudain transie de froid, Pluie de Feuilles laissa tomber son arrière-train pour s'asseoir, éreintée. Toutes ces émotions l'avaient comme mutilée en plusieurs fragments. Elle avait d'abord cru qu'elle allait mourir, ce qui ne laisse pas de marbre. Elle avait même pensé qu'elle perdrait connaissance avant de recevoir le coup fatal tant elle était angoissée. Ensuite, elle avait été certaine de revigorer son amie en lui jurant qu'elle la trouvait courageuse, et n'avait réussi qu'à se rendre pitoyable et hypocrite. Mais je le pense vraiment... Et elle est persuadée que je lui ai menti pour lui faire plaisir, ce qui me fait apparaître encore plus lâche, stupide et méprisable à ses yeux. Elle aurait dû être troublée d'attacher autant d'importance à l'opinion qu'avait d'elle la jolie apprentie, mais à vrai dire, elle se sentait tellement mal que ce n'était qu'un détail, à présent. Et puis d'abord, songea t-elle, rebelle, je l'aime beaucoup, Nuage de Neige. Je pourrais même dire que c'est ma meilleure amie. Ouais, je l'aime.

- J'aime Nuage de Neige !

Non, sa pensée n'avait pas franchi la barrière de ses lèvres, c'était elle qui avait, volontairement, fébrilement, un peu honteusement, susurré ces mots, dans le froid sec de la saison pas chaude. Quoiqu'elle aurait mieux fait de se taire. Un poids s'abattit tout à coup sur ses épaules fièrement redressées pour la maintenir contre la pierre, et un souffle rauque grogna contre sa tempe :

- Ce Clan du Tonnerre... Il ne respecte jamais rien !

☆☆☆☆☆

Nuage du Nord s'apprêtait à quitter la pouponnière, quand Perle de Lune écarquilla soudain les yeux.

- Nuage de Salamandre ! glapit-elle. Je... je crois que...

La reine tigrée tressaillait sous de violentes convulsions qui agitaient tout son corps.

- Les contractions commencent ! miaula Pluie d'Étoiles, une ombre d'effroi lui passant sur le museau.

- Comme tu es perspicace, grinça Nuage de Salamandre en surgissant de nulle part et en se faufilant entre les félins pour s'accroupir auprès de sa tante pour lui palper le ventre.

- Tu as déjà assuré une mise bas toute seule ? s'alarma Nuage du Nord, très impressionné.

- Perle d'Agate m'a dit de m'en occuper, c'est qu'il m'estime apte à gérer l'accouchement.

Son ton était quelque peu acide et elle ne lui avait pas accordé un regard. La concentration mobilisait chaque partie de son visage et son corps. Elle faisait courir sa patte habilement le long du flanc gonflé. Sa queue s'agita soudain.

- Sors, Nuage du Nord. Vous aussi, les petites.

Le jeune félin n'attendait que cet ordre pour se précipiter à l'extérieur. Le visage plissé de souffrance de sa tante et son corps parcouru de spasmes l'emplissaient d'une sorte d'angoisse. C'est tellement étrange, quand on y pense, que les chats sortent du corps d'autres chats.

Il se retrouva donc à l'extérieur de la pouponnière, le vent froid sur sa nuque, flanqué de Petite Brume et Petit Oiseau, les chatonnes de Pluie d'Étoiles. La deuxième, la plus capricieuse, plissa les lèvres en moue boudeuse.

- Pourquoi on a pas le droit de regarder ? Je veux jouer avec ses petits, moi !

- Ce ne sera pas avant qu'ils aient deux lunes, se moqua aigrement son aîné. Laisse-leur le temps d'ouvrir les yeux, peut-être.

Un cri de douleur à glacer le sang jaillit du buisson de ronces fit fondre son prétendu calme, aussi s'éloigna t-il prestement de la tanière et des petites femelles. Petite Brume éternua derrière lui.

- Où vas-tu comme ça, Nuage du Nord ?

Pelage Ambré était apparue devant lui et le regardait les yeux plissés du haut de sa petite taille.

- Juste me promener dans le camp, répondit-il un peu sèchement en esquissant un geste pour la contourner.

La lieutenante roux et blanc se décala pour lui barrer le passage et posa un regard préoccupé sur le visage de son neveu.

- Est-ce bien prudent que tu t'agites avec ça ? murmura t-elle doucement effleurant du bout de la queue son oreille fendue d'une large balafre encore rougeâtre.

Radouci, Nuage du Nord s'apprêtait à la rassurer sur son état, quand une voix s'éleva derrière eux.

- Pelage Ambré... C'est bien toi !

Interloqué, le petit matou et sa tante pivotèrent d'un même mouvement. L'étrange félin gris ayant pénétré dans le camp à la suite de Nuage Roux et Plume de Châtaigne il y avait quelques instants se trouvait à deux longueurs de queue des deux félins, un sourire béat aux lèvres. Il fit un pas vers eux. La femelle bicolore eut un mouvement de recul. Cela se comprenait : l'inconnu était maigre à faire peur et ses poils ébouriffés sur ses flancs dégageaient une odeur nauséabonde.

Au lieu de faire, comme on s'y attendrait, l'étonnée puis la ravie de revoir son frère, Pelage Ambré banda ses muscles et se propulsa sur le matou cendré avec qui elle roula au sol en poussant des grognements belliqueux. Nuage du Nord sursauta puis, en les voyant s'ébattre dans la terre, hésita à aider la lieutenante à chasser l'intrus. Juste quand il allait s'élancer, le mâle inconnu repoussa la guerrière roux et blanc, recracha de la terre et croassa :

- Ne me fais plus de mal ! C'est moi, Éclats de Glace, ton frère ! Tu ne me reconnais pas ?

- Je t'avais reconnu, feula t-elle en réduisant ses yeux à deux fentes. Et je te ferais tout le mal possible pour que tu déguerpisses !

- Allons, allons, que se passe-t-il ? intervint Étoile de Mésange en posant sa prise sur le tas de gibier pour les rejoindre, le mouvement de sa queue révélant l'inquiétude qu'elle éprouvait en contemplant la scène de ses yeux très bleus. Pelage Ambré...

- Éclats de Glace a été banni ! rugit la lieutenante tachetée avec une vigueur qui ne lui ressemblait pas. Et il ose -a près avoir commis un viol - se repointer ici !!

Son chef éloigna calmement sa cadette du frère de celle-ci, toujours à terre, pour scruter de plus près le visage du banni. Son visage se rembrunit mais elle réagit plus doucement que Pelage Ambré.

- Éclats de Glace, que diable fais-tu là ? Aurais-tu oublié l'ordre de Pelage de Lumière ?

- Je peux t'expliquer...

Les regards se convergèrent sur Plume de Châtaigne qui les évita, embarrassé.

- Nuage Roux et moi l'avons trouvé dans la forêt, terrifié à l'idée d'être tué par Demi-Nuage... Il implore ta pitié, Étoile de Mésange, et il se repent. Oh, oui, il se repent.

Il leva enfin les yeux et croisa le regard indécis de son chef. Une belle lueur de sincérité scintillait contre le vert de ses prunelles. Étoile de Mésange posa ses dents sur sa lèvre inférieure.

- Je ne laisserais pas un chat à la portée d'un meurtrier, il est vrai... mais je ne prend pas seule ce genre de décision.

Son regard revint vers Pelage Ambré qui bouillait toujours.

- Crois-moi, Éclats de Glace, j'aimerais pouvoir te réintégrer... Mais mon lieutenant n'a pas l'air de cet avis, et bien que je sois chef, je en prendrais pas de décision qui ne satisfait pas un maximum de guerriers...

Les félins présents dans la clairière montraient effectivement les dents au nouveau venu. Le grondement dans la gorge de Plume Légère s'entendait depuis le Promontoire.

L'arcade sourcilière d'Éclats de Glace tressaillit, de plus en plus violemment. En proie à une terreur extrême, le matou croassa, dans un miaulement à peine audible :

- Ne le laissez pas me pousser dans la rivière comme il l'a fait à la chatte rousse !

Pelage Ambré roula des yeux, babine retroussée sur la canine, mais Étoile de Mésange étrécit ses yeux bleus.

- La chatte rousse ? Quelle chatte rousse ?

Le banni au pelage gris réfléchit un instant, puis une ombre passa sur son visage.

- Cœur de Tournesol.

☆☆☆☆☆

Pluie d'Étincelles, Pelage de Léopard, Nuage de Tigre, Nuage de Miel et Nuage de Mousse revenaient de la combe d'entraînement des apprentis. Le matou tacheté ne mit pas longtemps à s'apercevoir de l'absence de sa fille.

- Où est passée Pluie de Feuilles ? Elle nous suivait à l'instant...

- Nuage de Neige aussi, ajouta le frère de la chatte blanche en fronçant le museau. Et si elles étaient tombées truffé à truffe avec le chien qui a mutilé Nuage du Nord ?

Sa voix trembla plus qu'il ne l'aurait souhaité. Pelage de Léopard secoua placidement la tête.

- On aurait entendu des cris. Elles ont peut-être juste marché plus lentement. Rentrons, avant qu'il ne fasse nuit.

Le jour ne faisait qu'amorcer sa chute, mais lors de la saison froide, toute la forêt était rapidement plongée dans l'obscurité. Nuage de Tigre regarda un moment en arrière, les oreilles agitées. Et si sa sœur et la jolie guerrière écaille avaient des ennuis ?

☆☆☆☆☆

Pluie de Feuilles suffoquait. Le guerrier ennemi pesait tant sur son dos qu'elle pensait qu'il lui briserait la colonne vertébrale. Elle tenta vainement de se dégager, mais ses muscles n'étaient guère plus fermes que des brindilles. Elle ouït le cliquetis des griffes s'extrayant de leur fourreau. Vais-je donc mourir sur cette pierre froide, loin de ceux que j'aime ?

Un choc violent fit rebondir sa tête contre le roc. Étourdie, elle cilla et réalisa qu'elle était débarrassée de son assaillant. Par quel miracle...

- Nuage de Neige ?!

L'apprentie blanche avait percuté le flanc de l'ennemi avec tant de force qu'il avait presque dégringolé du rocher. Sa fourrure crème jonchait le bord de la pierre, comme un cadavre minable. Nuage de Neige darda un œil sévère sur lui. Ses côtes se mouvaient, rapidement. Sans accorder un regard à une Pluie de Feuilles toujours ébahie et haletante, elle traversa les longueurs de queue qui la séparaient du matou et cracha entre ses dents :

- On ne s'en prend pas impunément à mes amis.

Un bref spasme secoua les épaules du félin, qui se releva lentement, toujours dos aux deux chattes. Il n'est quand même pas en train de rire... ?

- Sacré Clan du Tonnerre ! s'esclaffa Étoile Floconnée en leur faisant face, l'œil rieur et jovial, en époussetant sa fourrure crème. Félicitations pour ta technique si gracieuse, ajouta t-il, espiègle, à l'intention de la plus jeune. Foncer sur l'ennemi comme une grosse brute, je n'aurais pas fait mieux.

Pluie de Feuilles bafouillait sans parvenir à articuler, trop stupéfaite. À quoi jouait donc le meneur du Clan de la Rivière ? Nuage de Neige, elle, fit une grimace consternée.

- Sérieusement ? Toi, ici ? Tu attaques mes camarades pour passer le temps ?

- Je voulais faire une blague, se justifia le beau mâle crème, un peu déconfit. Il faut que je parle à Pelage de Lumière. Désolé, Pluie de Feuilles, jeune chatte.

Il leur adressa un signe de tête. La guerrière tachetée scruta son museau. La joie faisait luire le bleu-vert superbe de ses yeux et détendait ses très longues moustaches. De toute évidence, il ne savait pas... Mais comment aurait-il pu ? Étoile de Mésange s'était bien gardée de révéler la mort de l'ancien chef à une Assemblée ! Pluie de Feuilles fut désolée. Le cœur du jeune meneur allait être déchiré, lacéré. Elle ne pouvait pas le lui annoncer. Mais elle ne pouvait pas non plus l'amener à son camp ! L'image affreuse d'Étoile Floconnée, insouciant et impatient, appelant gaiement son compagnon à travers la clairière s'imposait dans son esprit. Si le cœur du félin au pelage crème devait être brisé, ce devait être le moins lentement possible. Plus la fracture est lente, plus elle est douloureuse.

- Étoile Floconnée...

Le matou se retourna pour lui faire face, la queue en panache.

- Hmm ?

Mais il perdit son ait guilleret lorsqu'il remarqua le visage sombre de la guerrière calico. Ses oreilles pointues s'arquèrent sur les côtés.

- Par le Clan des Étoiles, quelque chose ne va pas ? Il lui est arrivé des ennuis ?

- Pire.

Comme il était ardu d'empêcher sa voix de trembler !

- Il est mort, chuchota t-elle, au bord des larmes. Je suis désolée que tu l'apprennes uniquement maintenant. C'était il y a une lune et quelques, il était un ancien, il a insisté pour laisser sa part aux plus jeunes...

La fin de sa phrase mourut dans sa gorge et les larmes affluèrent sur sa paupière. Nuage de Neige se rapprocha d'elle et posa sa joue sur son épaule dans un geste de réconfort.
En face d'elles, le chef du Clan de la Rivière semblait désemparé. Il n'avait d'ailleurs plus l'air d'un meneur, mais d'un tout jeune apprenti effondré de chagrin. Ses pattes se dérobèrent sous lui. Il parvint à ne pas s'écraser le museau par terre, au prix d'un grand effort, mais tout son corps svelte était secoué d'irrépressibles tremblements.

- Merci... de m'avoir prévenu, souffla t-il, rendu aveugle par l'eau salée qui inondait le contour de ses yeux. Je... je ferais mieux d'y aller.

Bien qu'il tenut à peine sur ses pattes, Étoile Floconnée fit demi-tout et traversa le rocher jusqu'à la rivière. Avant de s'immerger, il s'adressa une dernier fois aux femelles :

- Je vous recommanderai bien de ne pas vous balader sur les Rochers du Soleil désormais, mais je... je vous les offre. Ils sont au Clan du Tonnerre. Je... je n'en veux plus.

Sa silhouette pâle tombant dans l'eau évoqua un gros paquet de feuilles. Elle ne tarda pas à se faire lointaine, à se hisser sur l'autre rive, et à filer maladroitement derrière les roseaux.

--------

(média : Etoile Floconnée)