Langue de Serpent se réveilla. Ensommeillé, il se donna un coup de langue sur la patte et se la passa sur son museau. Une fois sa toilette rapide achevée, il sortit de la tanière des guerriers.

<< Langue de Serpent! dit Plume de Moineau en s'approchant du guerrier.

- Quoi?

- Puisque tu es levé, va donc dans la patrouille de Flocon de Cendre. Allez voir la frontière du Clan de la Rivière. >>

Super...

Langue de Serpent hocha la tête. Plume de Moineau le quitta, l'air important. Flocon de Cendre fusilla son rival du regard aussitôt qu'il le vit,ce que le guerrier tacheté s'empressa de faire à son tour.

<< Enfin, je peux partir, dit-t-il d'une voix forte. C'est sûr que tu étais vraiment indispensable à ma patrouille. >>

L'intéressé eut bien envie de donner un coup de griffes à Flocon de Cendre. Il n'en eut cependant pas le loisir.

<< Allons-y. On a assez perdu de temps comme ça. >>

Langue de Serpent se contenta de suivre le guerrier ardoise. Le jeune mâle frémit lorsque ses coussinets rencontrèrent la fraîcheur de la pierre hors du camp. Flocon de Cendre s'arrêta.

<< Dis moi ce que tu sens, Langue de Serpent, dit-t-il en prenant la même voix que celle d'un guerrier s'adressant à un chaton un peu dissipé. >>

- Mais je ne suis pas ton app...

- Tut-tut-tut! Pas de mais. Dis moi ce que tu sens. >>

Je te ferai payer ça, se promit Langue de Serpent en relevant le museau.

<< Une piste de renard qui doit dater de quelques jours, la bruyère et le sable, marmonna-t-il de mauvaise grâce.

- Bon. Dans quelle direction doit-t-on aller pour rejoindre la frontière du Clan de la Rivière?

- Par là. Tu ne savais pas?

- Bien sûr que si je le savais! C'était pour te tester.

- Ah bon. Il faut croire que tu es moins stupide que ce que tu en a l'air. >>

Flocon de Cendre plissa les yeux.

<< Je vais le prendre pour un compliment, feula le matou entre ses crocs.

- Dans ce cas, j'ai sûrement mal formulé ma phrase. >>

Le bec cloué, Flocon de Cendre pivota et s'élança vers la rivière. Langue de Serpent, triomphal, le suivit. Les eaux bouillonnantes bourdonnaient à nouveau, libérées du gel qui les paralysaient. Flocon de Cendre s'arrêta et longea les gorges en trottinant, les oreilles dressées.

<< Il n'y a rien, déclara-t-il, satisfait. Il faut croire que ces faces de poisson on retenu la leçon. >>

Langue de Serpent releva le museau.

<< On dirait qu'ils n'ont pas patrouillé depuis plusieurs jours, remarqua-t-il. >>

Flocon de Cendre haussa les épaules.

<< Ce n'est pas notre problème.

- Si leur clan se dissout, oui, ça deviendra un problème.

- Et pourquoi? On peut bien se passer d'eux.

- Tu ne dirais pas ça si c'était notre clan.

- Eh bien justement, ce n'est pas mon clan. >>

Langue de Serpent n'écouta plus son ennemi. Que pouvait-t-il bien s'être passé au Clan de la Rivière? Et si les bipèdes avaient détruit leur camp? Que se passerait-t-il si le clan s'était dissout?

<< Bon, assez traîné. Continuons. >>

Langue de Serpent hocha la tête et suivit Flocon de Cendre. Ils progressèrent difficilement le long des gorges, veillant à ne pas tomber. Soudain, le guerrier au pelage roux-doré flaira un lièvre. Il ne tarda pas à le repérer et se tapit au sol, veillant à ce que son odeur ne le trahisse pas. Flocon de Cendre surgit soudain.

<< Qu'est-ce que tu fais? On doit patrouiller!

- Flocon de Cendre! Tu as fait fuir mon lièvre! Je l'avais pratiquement entre mes pattes!

- C'est cela. Tu l'aurais raté, de toute façon. Ton ombre était sur lui. >>

Les oreilles brûlantes de honte, Langue de Serpent se rendit compte que le guerrier avait raison.

<< Et alors? Je l'aurais peut-être eu quand même.

- Bien sûr, bien sûr, dit Flocon de Cendre en reprenant la voix de je-parle-à-un-chaton-stupide. >>

Langue de Serpent leva les yeux au ciel.

<< En tout cas, nous devons continuer, dit-t-il. >>

<< Noyau d'Olive?

- Viens. >>

Langue de Serpent, surpris, acquiesça. La jeune guerrière l'avait attendu près de l'entrée du camp. Flocon de Cendre ne dit rien, évita le regard de la chatte et s'en alla, les laissant seuls. Noyau d'Olive fit signe à Langue de Serpent de la suivre. Les deux félins marchèrent jusqu'à l'érable où ils avaient goûté la sève. Des feuilles avaient remplacé les bourgeons qui étaient encore là il y a quelque jours. Noyau d'Olive s'arrêta.

<< Flocon de Cendre m'a demandé d'être sa compagne. >>

Le sang de Langue de Serpent se figea dans ses veines.

<< Qu'a-tu répondu? demanda-t-il d'une voix qui se voulait assurée mais qui tremblait un peu. >>

L'oreille tordue de Noyau d'Olive frémit.

<< Je lui ai dit non. >>

Langue de Serpent poussa intérieurement un soupir de soulagement.

<< Tu devine pourquoi, je suppose? dit posément Noyau d'Olive.

- Noyau d'Olive...

- J'aimerais que tu sois mon compagnon.

- C'est vrai? >>

Noyau d'Olive se tourna vers Langue de Serpent, les yeux brillants. Le guerrier s'approcha de la chatte et se frotta contre elle en ronronnant. La guerrière ferma les yeux, heureuse et posa sa tête sur l'épaule de son compagnon. Leurs queues s'entrelacèrent. 

Langue de Serpent abaissa les paupières. Il avait l'impression qu'en ce moment, il était le chat le plus heureux des clans. Tout allait bien. Il était guerrier, Noyau d'Olive l'aimait, Plume d'Écorce lui avait pardonné la mort de Douce Pluie. Que pouvait-t-il bien arriver?

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