Lorsqu'il reprit conscience, la première chose qu'il sentit fut la chaleur des rayons du soleil sur son visage. Il ouvrit les yeux. La lumière inondait son appartement, l'enveloppant d'un manteau doré. Ryan ne parvenait pas à bouger. Il voulait rester là, allongé, sans plus penser à rien. Mais une fois de plus, son esprit en décida autrement et les derniers mots de Tristan se mirent à résonner sans relâche dans sa tête. Il soupira et se redressa péniblement, jusqu'à se mettre debout. Appuyé contre le mur, il demeura immobile, le temps que la pièce voulût bien se stabiliser, puis il fit quelques pas tremblants vers sa cuisine et se servit rapidement un café, avant de se laisser tomber sur sa chaise, soudain épuisé. La loi du talion qu'avait employée Tristan continuait de résonner dans son esprit, mêlée désormais au courrier qu'il avait reçu. La peur et l'incompréhension lui nouaient l'estomac. Il avait peur pour son nouvel élève. Il avait comparé les deux écritures : la graphie du mot n'était pas celle de Tristan. Il ne comprenait toujours pas les fautes qu'avait faites l'adolescent, mais il était certain que ce n'était pas lui qui avait écrit ce mot et il comprenait d'autant moins le lien entre le message et les copies. Quant aux erreurs...Le directeur de la Grande Dictée s'était-il trompé en ayant fait reposer ses espoirs sur Tristan ? Pourtant, ses précédentes rédactions étaient bien exemptes de fautes. Ça n'avait aucun sens...

Ryan secoua la tête pour chasser ces pensées de son esprit et consulta son portable, mais il n'avait pas de nouvelles de l'adolescent. Seulement ce dernier message glaçant. Il frissonna en le relisant et hésita. Devait-il lui répondre ? Mais que pouvait-il lui dire ? Les questions se bousculaient dans son esprit. Il soupira, termina son café et descendit voir son courrier. Une seule grande enveloppe était posée dans sa boîte aux lettres. Redoutant déjà son contenu, Ryan déglutit, mais la prit et remonta chez lui. Il se laissa tomber dans son canapé, prit une profonde inspiration et l'ouvrit. Comme il s'y attendait, de nouvelles copies remplies de fautes étaient à l'intérieur. Elles étaient accompagnées d'un nouveau mot : « d'aider ». Et enfin, le schéma se mit en place dans sa tête. Son cœur s'accéléra lorsqu'il comprit. On le menaçait pour qu'il cesse de préparer Tristan à la Grande Dictée. Mais dans ce cas...Un doute jaillit dans son esprit. Les fautes étaient-elles vraiment faites par son élève ? Ou est-ce qu'une autre personne l'obligeait à en faire pour lui montrer que Tristan perdrait et qu'il ne servait à rien de l'entraîner davantage ? Il demeura figé d'horreur à cette idée. Les yeux écarquillés, il finit par secouer la tête et poser l'enveloppe et la lettre sur la table basse. Il devait répondre à Tristan. Ou l'appeler. Il devait s'excuser, lui dire qu'il continuerait de l'aider et lui expliquer qui était Tom. Il frissonna à cette simple pensée, mais il n'avait plus le choix, désormais. S'il ne parlait pas de Tom à Tristan, ce dernier ne reviendrait pas chez lui. Si Tristan ne revenait pas, Ryan ne serait plus sûr de sa sécurité et l'auteur des deux mots anonymes aurait gagné. Non, cela ne devait pas être.

Il n'avait jamais parlé de Tom à quiconque. La douleur était trop vive et il n'avait pas trouvé de meilleur moyen que de l'enfouir au plus profond de lui-même pour n'en rien laisser paraître. Tom était à l'origine de tout. Il était l'auteur de tout le malheur dans lequel Ryan s'enfonçait depuis des années. Et Ryan savait que s'il en parlait à Tristan, les fantômes reviendraient le hanter jusqu'à la fin de ses jours. Mais s'il ne lui en parlait pas, jamais celui-ci ne lui pardonnerait son geste et il serait à nouveau seul, sans personne pour venir chasser ses idées noires. Cette pensée suffit à le décider. Il ne voulait plus de cette solitude glaciale ni de ce silence oppressant. Tristan reviendrait. Il le fallait.

Le cœur lourd, Ryan relut les copies et remarqua soudain quelque chose qu'il n'avait pas vu lors de sa première lecture. Quelque chose de singulier.

Les fautes n'étaient pas placées au hasard. Il n'y en avait pas une à chaque mot, comme il avait la désagréable habitude de le constater dans les copies de ses anciens élèves. Là, non. Il s'agissait au contraire de fautes minimes, qu'un œil non aguerri aurait facilement pu laisser passer. Un « é » à la place d'un « er » pour un verbe à l'infinitif, des s oubliés à la fin de mots au pluriel, un verbe accordé à la mauvaise personne, un s à la fin du mot « parmi »...Malheureusement pour Tristan – si toutefois il était bien l'auteur de cette copie –, les yeux de Ryan ne laissaient passer aucune erreur. Mais il ne put s'empêcher de s'interroger sur la subtilité de ces fautes. Si Tristan les avait placées à des endroits précis, c'était que les erreurs ne venaient pas de lui. Si son niveau d'orthographe avait réellement baissé, les erreurs auraient été beaucoup plus nombreuses.

Ryan hésita, puis il finit par lui envoyer un message.