Chapitre 6
Son hurlement se transforma en toux et Ryan prit soudain conscience de ce qu'il venait de faire. La honte le submergea à nouveau : et si quelqu'un frappait pour savoir ce qui se passait ? Lorsque sa toux se fut calmée, il écouta, essoufflé, mais personne ne vint. Ses voisins continuaient leur vie comme si rien ne s'était passé. Ryan soupira, soulagé. Il n'aimait pas parler aux gens – surtout à ceux qu'il ne connaissait pas. En public, il était soit autoritaire, soit froid et distant. S'il pouvait fuir la foule, il n'hésitait pas.
Le lendemain – jeudi 6 janvier –, il reçut une nouvelle copie. Il en avait déjà reçu deux mardi et mercredi, sans savoir quoi faire. Cette fois-ci, elle était accompagnée d'un mot écrit de la main de Tristan.
Ryan,
Je suis désoler. Je n'arrive plus à écrire, mon cerveau fatigue, je ne parvient plus à me concentré. La Grande Dictée n'est pas pour moi, elle ne le sera jamais. Jamais je ne parviendrait à gagné. J'abandonne.
Bonne continuation.
Tristan.
Cinq fautes en seulement quatre phrases. Sous le choc, Ryan resta un long moment immobile. Il était comme pétrifié. Que se passait-il ? Pourquoi Tristan écrivait-il ainsi ? Ce n'était pas logique : il écrivait très bien lorsqu'il lui envoyait des sms. Et le contenu...Ryan secoua la tête. Non, Tristan ne pouvait pas abandonner, c'était impossible. Il se passa une main dans les cheveux et soupira, avant de prendre son portable.
Ryan : Explique-toi, Tristan. D'abord, l'abandon des leçons et maintenant, une lettre remplie de fautes ? Sans parler de tes copies dont je ne comprends toujours pas les erreurs. Tu ne peux pas abandonner maintenant, la Grande Dictée se rapproche, ce n'est pas le moment de craquer.
Il envoya son message, mais, comme il s'y attendait, il n'obtint aucune réponse. Il essaya de l'appeler. En vain : il tombait chaque fois sur le répondeur. Il ne prit pas la peine de laisser un message : son sms suffisait. Il attendit, encore et encore. En vain. Tristan semblait décidé à ne pas donner signe de vie. Ryan déglutit. Le silence de l'adolescent l'effrayait. Il ne savait pas s'il était seulement fâché contre lui ou s'il lui était arrivé quelque chose. Cette ignorance l'angoissait. Il se leva, se rassit, se releva, s'assit à nouveau. Il buvait lorsqu'il s'asseyait, faisait les cent pas dès qu'il se levait. Il ne savait plus quelle posture adopter pour se calmer. Il attendait un signe, un message, un appel, une lettre, une copie, n'importe quoi qui lui permît de savoir que Tristan était toujours en vie. Mais rien. Il n'avait que ce mot rempli de fautes reçu quelques heures auparavant. Il attendit sa réponse pendant une journée entière, avant de se rendre à l'évidence : Tristan n'avait jamais envisagé de lui répondre. Il essaya de se rassurer en se disant que s'il lui était arrivé quelque chose, son enseignante l'aurait prévenu. Le silence était donc sa volonté propre. Pour autant, Ryan ne parvenait pas à être totalement rassuré. Ça n'avait été que l'espace de quelques séances, mais l'adolescent avait réussi à rompre un tant soit peu la monotonie de son existence. Grâce à lui, il avait repris goût à l'enseignement du français. Et même si Tristan lui en voulait, même s'il portait toujours en lui ce lourd secret qu'il avait refusé de lui expliquer, Ryan lui serait toujours reconnaissant d'avoir ranimé cette passion qu'il croyait morte.
Le jeudi, il reçut une nouvelle enveloppe. Mais quelque chose avait changé : l'écriture était différente de celle de Tristan. Méfiant, il hésita à l'ouvrir. Mais la curiosité finit par l'emporter...
A l'intérieur, une seule feuille. Lorsqu'il la déplia, il constata avec surprise qu'un seul mot était écrit. L'encre était noire et l'écriture, très fine. Le mot, quant à lui, le laissait perplexe.
« Cesse »
Il retourna la feuille, en vain. Rien d'autre n'était écrit. Rien que ce mot qui, ainsi isolé, n'avait aucun sens. Cesse ? Mais cesser quoi ? Il fronça les sourcils, vérifia que l'adresse était bien la sienne, que la factrice ne s'était pas trompée, et qu'aucune autre feuille n'était présente dans l'enveloppe. Mais non. C'était bien son adresse, son nom était également le bon – il n'y avait tout de même pas dix Ryan Amarro au 44 rue de l'Egalité ! – et l'enveloppe était vide. Il ne comprenait pas. Cela avait-il un rapport avec Tristan ? Mais lequel ? Et pourquoi s'adressait-on à lui ? Il hésita, tourna un moment ces trois questions dans sa tête, puis, sentant la sueur perler sur son front, il se décida à contacter à nouveau son ancien élève. Sa tentative fut vaine. Il lui laissa un message en lui expliquant la situation et en le suppliant presque de le rappeler. Il se servit un verre d'alcool, l'avala d'une traite, s'en servit un autre, qui subit le même sort, puis, n'y tenant plus, il but une rasade à même le goulot. Il frissonna, se mit à trembler et à claquer des dents. Le mot « Cesse » clignotait devant ses yeux, ses tremblements s'intensifièrent. Il s'installa dans son canapé, s'enveloppa dans sa couverture, tenta de se réchauffer. En vain. L'abandon de Tristan, ses copies remplies de fautes et maintenant ces messages énigmatiques...C'était plus que Ryan n'en pouvait supporter. Il n'y avait pas besoin d'être professeur de français pour comprendre que le message était un ordre et que la suite – si elle arrivait – n'allait pas lui plaire. Il ne savait plus ce qui l'effrayait le plus, entre recevoir des messages énigmatiques et ne rien recevoir du tout. Les deux idées semblaient aussi menaçantes l'une que l'autre. Ryan soupira : comment pourrait-il aider Tristan s'il ne venait plus et se mettait soudain à faire des fautes sans plus se soucier ni de la Grande Dictée ni de la langue française ? Ryan frissonna : ce maudit concours semblait décidé à le voir jeter les armes à ses pieds. Il serra les poings à cette pensée. Non, cette fois-ci, il ne courberait pas l'échine face à lui. Il avait accepté d'entraîner Tristan, il s'était engagé, il irait jusqu'au bout. Si son procès devait recommencer, il irait en prison la tête haute, mais il pourrait dire lors du procès qu'il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour soutenir l'adolescent et que l'échec de ce dernier à la Grande Dictée n'était pas de son fait.
Il fut tiré de ses pensées par la sonnerie de son portable. Il avait un message de Tristan. Surpris, il l'ouvrit.
Tristan : Vous ne pouvez rien me dire à propos de Tom, je ne peux rien vous dire à propos de mes fautes. Œil pour œil, dent pour dent.
Les mots lui firent l'effet d'une gifle. C'était une vengeance. Sous le choc, Ryan se mit à suffoquer. La pièce se mit à tourner autour de lui, de plus en plus vite. Puis, tout devint flou et le noir l'enveloppa.
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