Chapitre 36
— Au nord-est, ce sont des terres occupées.
Deuxième personne qui me fait ce genre de réflexion. On m'a tant manipulé, j'encaisse difficilement le coup. L'ancien Zain m'a mené en bateau sur toute la ligne.
Je me relève et je me dirige vers Zain. Je demande à lui parler en privé. On s'éloigne du campement. Une fois à bonne distance, je le gifle. Il est surpris, il touche sa joue.
— Qu'est-ce qui te prend ? Tu as perdu la tête.
— Ça, c'est pour le connard de Zain.
— J'y suis pour rien !
— Dis-moi ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que tu es ?
— Un sénateur !
— On n'accorde pas la remise en liberté d'une détenue en tant que sénateur !
— Je suis un sénateur privilégié !
Je me retourne, frustrée qu'il me cache autant de choses. Il est plus que ça, les sénateurs n'ont pas autant de privilèges. Et puis les phrases de sa mère, qui lui disait qu'il descendait d'une grande lignée, des ancêtres réputés.
— Il y a neuf mois, je faisais une mission de reconnaissance dans la forêt de transit.
Je lui fais face.
— Nous étions les trois meilleurs soldats. Moi, Jay et Damon.
Tout s'arrête à l'annonce de ces deux prénoms, je n'entends plus rien. Je tombe au sol, les prénoms ne cessent de tourner en boucle dans ma tête, les lettres se mélangent et se remettent dans l'ordre.
— Pendant notre sommeil, nous avons été capturés par l'ennemi. Quand je me suis réveillé, j'étais dans une salle, allongé. Mes collègues avaient disparu.
Sa respiration s'alourdit, des souvenirs douloureux ressurgissent. Je le laisse continuer.
— Chayton s'est servi de nous en utilisant des techniques de torture pour nous soumettre à sa cause. Il me laissait des jours la lumière éteinte, avec une musique qui tourne en boucle. J'ai cru devenir fou. Je perdais la tête. Une fois qu'il m'avait déséquilibré, il m'a libéré de ma cage et m'a mis devant un poste avec les mêmes images qui tournaient en boucle, des semaines entières. Une fois que j'avais les idées qu'il voulait insuffler en moi. Il s'est servi de moi pour te récupérer. Ses sources t'avaient localisé dans un orphelinat pour gouvernantes. Je devais te préparer et te faire traverser.
— C'est impossible ! Il ne ferait jamais ça !
— Pourtant, c'est ce qu'il a fait. Je n'ai jamais revu Damon et Jay, ni Louise jusqu'à ce que tu me parles d'elle.
— C'est trop.
Je m'éloigne de lui, toutes ces révélations me brisent de l'intérieur, je ne sais plus qui je suis ou qui croire.
Je mange en silence en fixant le feu. Je ne regarde ni l'un, ni l'autre. Toutes les différentes éventualités sont en dualités. Je ne sais plus qui croire. Ma mère s'allonge proche du feu, ses yeux se ferment. Des dizaines de questions me trottent en tête. Certains éléments sont encore flous dans mon abandon. Je m'approche de Zain, il taille un bout de bois.
— Comment as-tu retrouvé ton état normal ?
— Ma mère m'a envoyé dans un milieu médicalisé. Elle ne me reconnaissait plus. Mon père a cédé.
— Elle est toujours aussi tyrannique?
Il sourit et hoche la tête.
— C'est pire depuis ta fuite. Elle ne parle que de Tessa, la petite sotte.
— Comment es-tu tombé sur ma lettre ?
— Quand elle me parlait de toi, j'avais comme des flashs que ma mémoire tentait de faire exister. Un soir, en voulant placer des documents importants, je suis tombé sur cette lettre.
— Et ?
— J'ai compris qu'il se passait quelque chose entre nous.
— Dans la forêt, tu savais qui j'étais ?
— Je l'ai su quand tu m'as dit ton prénom.
— Tu étais déçu ?
Il relève ma tête, mes yeux se posent sur ses yeux vert lagon, mes lèvres se rapprochent des siennes. Elles se posent l'une sur l'autre, je suis happée par son baiser fiévreux.
— Et toi, tu es déçue ?
— Non, le brun te va très bien.
Il sourit.
On regagne le campement. On s'allonge l'un à côté de l'autre, je me colle à lui et tous mes doutes sur lui s'envolent. Je me sens enfin à ma place dans ses bras. Peu importe où nous irons, tant que je suis avec les deux personnes les plus importantes pour moi. Mais je sais qu'il reste énormément de zones d'ombre dans leur parcours de vie. Je ne suis pas à l'abri d'apprendre des choses qui peuvent bouleverser le cours de nos vies. Mais je ne souhaite pas y penser pour le moment. Ma tête posée sur son buste, ses mains sur moi, sont une source d'apaisement.
Le matin, le feu est éteint, mais j'ai chaud, ses mains entourent ma taille et sa tête est enfouie dans mon cou, son souffle chaud me chatouille la nuque. Ma mère dort encore, elle semble épuisée. Combien de nuits n'a-t-elle pas dormi aussi paisiblement ? Je sens Zain bouger, il émerge.
— Bonjour ma beauté.
— Bonjour, beau brun.
Il sourit et me fait un baiser sur le front.
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