J'entre sans frapper, trop impatiente de passer ce coup de fil. Il est au téléphone, je regarde par la fenêtre en attendant qu'il finisse. J'observe des militaires s'entraîner au combat. Ils ont une aire de simulation.

— Tu veux appeler Zain?
— Oui Chayton.

Il fronce les sourcils, je ne peux pas prononcer ces quatre lettres qui me lieront à lui pour la vie, c'est trop tôt, on ne se connait pas.
Il compose le numéro, me tend l'appareil et quitte la pièce, mon cœur bat la chamade. Ma lèvre inférieure tremble, la tension est à son comble. La sonnerie sonne des dizaines de fois sans réponse, je m'attends au pire.

— Bonjour Chayton.
C'est sa voix, c'est mon Zain. On ne m'a pas menti sur ce point, c'est leur allié.

— Zain.
J'entends son souffle dans le combiné.

— Tessa, c'est bien toi.
— Oui. Je suis bien arrivée.
— Je suis soulagé. Comment s'est passée ta traversée?
— C'était difficile.
— Tu as été blessé à la jambe.
— Oui, mais grâce à ton baume, je n'ai pas trop souffert.
— Bien.
— Tu m'as menti Zain, tu m'avais promis la liberté à la clef.
— Je suis désolé, c'était la seule façon de te faire partir.
Je souffle fort.

— J'ai lu ta lettre.
Mon cœur bat à tout rompre.

— Tu ne parles plus ?
Je le sens sourire.

— Qu'est-ce que tu en penses?
— Que c'est réciproque.

Mon sourire s'élargit. Le temps pourrait s'arrêter à ce moment, je ne le remarquerai pas. Ses mots m'allègent d'un poids que je porte depuis des jours.

— Je dois te laisser Tessa.
— Je pourrais te rappeler.
— Tu connais la réponse.

Les jours suivants, je me sens plus légère, plus en accord avec moi-même. Savoir que c'est réciproque est plus libérateur. J'ai gagné cette forme de liberté qu'on m'avait tant promise.
Jay va m'initier aux aires de simulation de combat.
Nous sommes immergés dans des scènes de chaos, la première fois j'ai cru mourir une bonne vingtaine de fois. J'étais terrifiée, je recevais des tirs de balles, la douleur était réelle.
Plus les jours s'écoulent, et plus je m'endurcis, mes techniques se perfectionnent. J'apprends vite d'après Jay, il n'avait jamais formé une élève aussi douée. Je ne relâche pas mes efforts, les zones de simulations sont une partie de promenade, j'anticipe, j'analyse. Je ne suis plus blessée, je contre-attaque mes ennemis.
Je suis motivée à faire les choses vite, pour sauver ma mère et retrouver Zain. Mes deux sources de motivation au quotidien.

Je continue à m'entraîner dur quand un militaire vient me chercher, Chayton souhaite me voir. Nos relations sont toujours aussi cordiales.

Je frappe à sa porte, il m'ouvre, il semble inquiet.

— Entre ma fille.
— Bien.

Il tripote ses mains nerveusement, je ne comprends pas l'objet de son anxiété. Il se lève et rejoint la fenêtre, c'est grave.

— C'est maman?
— Non, c'est notre allié. Nous n'avons plus de nouvelles depuis des jours.
— Ton allié? Ne me dis pas que c'est Zain.
— J'en ai bien peur chérie.
— Non, non, tu mens.
— Je suis désolé.

Je crie tant la douleur est insupportable, je perds mon souffle. Mon cœur se brise en mille morceaux. Il tente de me prendre dans ses bras, mais je me détache et m'éloigne de lui. Je suis en pleine crise d'hystérie. Mes cris redoublent, mes larmes ne s'arrêtent pas. Je suis dans cet état de longues minutes. Chayton est dépassé , il appelle le département médical. On m'injecte un tranquillisant, mon corps se détend , mes yeux se ferment, mes dernières pensées sont pour lui, pour notre histoire inachevée. Je sens mon coeur se serrer et c'est le trou noir.