Chapitre 16
Je rejoins la salle d'entraînement en traînant des pieds, je n'arrive pas à occulter cette image de Zain au côté de sa fiancée. Cette image éveille en moi une part de jalousie que je ne soupçonnais pas. Je n'arrive pas à me mettre dedans. Je m'assois au sol, il me regarde avec incompréhension.
— Tu as mal quelque part?
— Non.
Il s'approche et se tient devant moi, il me surplombe avec sa taille, il est intimidant.
— Mets-toi dedans! Dans ta fuite, le temps ne s'arrêtera pas pour toi!
— Tu l'aimes?
Il s'agenouille, je me sens si stupide d'éprouver ce genre de ressenti. Ce n'est pas le moment, mais il ne nous reste qu'une semaine. Si je ne crève pas l'abcès maintenant, je garderai un regret qui me consumera de jour en jour. Je dois savoir.
— Ce n'est pas le moment Tessa!
— Quand alors? Quand je serai à des centaines de kilomètres où cette question hantera mes nuits!
— Je ne savais pas que ça passait en premier plan.
Je me redresse pour quitter la salle d'entraînement, j'ouvre la porte.
— Comment peux-tu douter de mes sentiments?
Je fuis vers ma chambre, dépassée par mes sentiments. Je tourne en rond , tout est si confus. Il y a trois mois encore, j'étais dans un orphelinat à attendre qu'on vienne me chercher pour faire mon devoir. Aujourd'hui, ce sont les sentiments de mon supposé maître qui me tourmentent l'esprit.
Tout ne va pas comme je le souhaite. Je m'allonge et je sanglote. Je ne suis pas aussi forte qu'il ne le pense. Je doute, je ne suis pas à la hauteur de ses ambitions. Cette promesse est un fardeau trop lourde pour mes petites épaules.
Le matin, l'ambiance est électrique, je l'ai encore déçue. Comment pourrais-je faire autrement? On ne se livre pas l'un à l'autre. Nos sentiments sont enfouis dans nos silences. Trop pudique pour les laisser vivre au grand jour. C'est lui, ce blond aux yeux vert lagon qui m'a fait chavirer.
Je descends et je rejoins le bois pour ma séance d'entraînement. Il allume une cigarette, il semble stressé. Va-t-il enfin ouvrir son coeur?
— Tu pars demain?
— Quoi?
— Il faut profiter de la fête nationale. Les milices seront occupées à festoyer. Tu auras plus de chance de réussir.
— C'est trop tôt!
— Ecoute-moi putain!
Sa voix est rocailleuse, abrupte, directive.
Cette partie de lui dont j'ignorais l'existence me fait sursauter. Je suis à nouveau cette gouvernante qui n'a pas son mot à dire. Je dois obéir et être docile. Je ne réponds pas à sa remarque, je me dirige vers les bois, pour le dernier jour d'entraînement. Je me concentre, je n'ai pas le droit à l'erreur, je partirais de nuit, c'est le seul moment où les gardes sont en comité réduit.
Je me saisis de mon arme et je tire sur les mannequins accrochés. Je touche mes cibles avec facilité. Il observe pour me corriger . Mais il ne fait rien, il est satisfait de mes progrès.
On s'assoit adossé à un arbre, il me tend un sandwich. Je le mange en silence, lui fume et boit son eau. Ce n'est pas comme ça que j'envisageais nos adieux. Je me sens si vulnérable à ses côtés. Il réussit à m'atteindre juste par sa présence.
— Demain ton sac de voyage et ta tenue t'attendront ici. Quelqu'un t'escortera les premiers kilomètres pour te mettre dans la bonne direction.
— Bien.
Il me regarde, surpris par mon détachement. C'est ce qu'il voulait, que je mette mes sentiments de côté, ce n'est pas le moment adéquat pour flirter et se câliner. Je reste concentrée.
— Bien. On y retourne?
Je hoche positivement la tête.
Le soir, il n'est pas à la maison, il doit rencontrer mon guide d'après ce que j'ai compris. Je me fais toute petite pour ne pas éveiller les soupçons de sa mère. Je passe le reste du temps en compagnie de Paul et des cuisinières. Je grave leur visage dans ma tête. Ils ont été un foyer, une famille dans notre destin commun.
Je rejoins ma chambre et je prépare le peu d'affaires que j'ai le droit d'emporter. Quelqu'un frappe à la porte, c'est lui. Je me décale pour le laisser entrer. Il tient un sac à la main.
— Je t'apporte le nécessaire pour des soins . Tu le mettras dans le sac de randonnée.
— Merci.
Je me saisis du sac, il retient ma main et l'enlace . Ce geste anime mon cœur, il tambourine si fort, que j'ai peur qu'il explose. Sa main est douce, aussi chaude que ses lèvres que j'ai goûtées. Il sort une boîte de sa poche et me la dépose dans la main.
— Qu'est-ce que c'est?
— Ouvre.
Je défais l'emballage, je souris. Il m'a apporté le même parfum qu'il porte, mais pour femme. Il s'en est rendu compte, je me sens si honteuse tout à coup.
— Quand tu le mettras, tu penseras à moi.
Je l'attire à moi et l'embrasse avec dévouement, avec passion. Je veux qu'il ressente chaque émotion que je ressens. Il quitte ma chambre avec regret. Mais il souhaite que je me repose pour cette dernière nuit. Les jours qui suivront seront éprouvants. Je me laisse glisser dans le lit, emportée par la chaleur de ses mains sur les miennes.
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