Chapitre 9 : Aélys
Je ne savais pas si j'avais bien fait d'écouter mon cœur plutôt que ma raison, mais désormais il était trop tard pour regretter. Je venais d'accepter le contrat.
Maladroitement, j'observais le document glacé aux reflets d'or où apparaissait dorénavant ma signature, celles de Léo et d'Eden. Ce simple bout de papier était la clé qui me permettrait de me libérer de mes chaînes de forgeronne, de dire adieu à ce destin que je n'avais pas choisi.
Légèrement, mes mains tremblaient, trahissant le parfait mélange de la peur de l'échec et de l'impatience de connaître l'issue de cette histoire.
Le jeu avait officiellement commencé.
Mon cerveau se mettait à fonctionner de façon acharnée, construisant ainsi le meilleur plan pour trouver cette âme.
Lors de ma formation, l'ancien m'avait expliqué qu'une âme était hébergée par un corps qui en était dépourvu, cela signifiait donc que l'âme avait été recueillie par un nourrisson. Là était la piste la plus logique.
Je ne devais pas perdre une seule seconde et entamer mes recherches au plus vite.
Je ne connaissais pas la puissance des dieux qui me faisaient face ni même s'ils avaient une piste, mais ce qui était certain, c'était qu'ils maîtrisaient bien mieux que moi le jeu auquel nous participions tous les trois.
Il fallait donc toutes les chances de mon côté pour les battre et pour ça je devais commencer aujourd'hui mes investigations.
Malgré ma hâte de filer de cette pièce, je faisais appel à tout mon self-contrôle pour ne pas trahir ce sentiment. Rigide et sûr de moi, je me dirigeais vers la porte pour quitter les lieux, mais un bras lourd et musclé en décida autrement et me stoppa dans ma lancée.
Léo me fixait intensément de ses yeux bleus océan. D'aussi près, je pouvais d'autant plus observer ses traits impeccables. Sa mâchoire était dessinée, dépourvue de barbe. Ses cheveux noirs comme la nuit rebiquaient à certains endroits rendant le tout plus sauvage. Les tatouages qui tapissaient sa peau ivoire étaient l'armure parfaite. Malgré sa proximité et ses vêtements, je parvenais à distinguer quelques morceaux de dessins.
Sa nuque était en partie camouflée par des serres d'animal qui semblait se poursuivre sur son épaule. Je ne savais de quelles espèces il s'agissait, mais il devait recouvrir une bonne partie de son dos si les proportions étaient respectées.
Il appuya légèrement sur mes épaules, faisant ainsi monter la pression qui s'accumulait dans le creux de mon ventre.
Mon regard retrouva le bleu glacial de ses yeux. Je ne savais pas comment c'était possible, mais ce bleu inspirait la mort et je jurerais avoir aperçu le reflet d'âmes déchues.
Ma salive semblait se bloquer dans le creux de ma gorge et je peinais à retenir la quinte de toux qui pointait le bout de son nez.
— Où crois-tu aller comme ça ?
Sa voix était grave et aussi froide qu'un corps sans vie, elle me prenait aux tripes. Néanmoins, je remerciais intérieurement le métier qui m'avait été imposé, car il m'avait forgé. Comme le fer, je m'étais endurcie au fur et à mesure des années après les nombreux coups de la vie. Chaque brûlure, chaque cicatrice, chaque instant difficile m'avaient permis de me créer une carapace impénétrable qui me permettait de tenir et d'afficher un masque blindé.
— Débuter mes recherches, répondis-je sèchement sans le quitter des yeux.
Il arbora un rictus amusé, pour autant, son regard, lui, ne souriait pas, au contraire. Cette situation l'amusait clairement, mais pas assez pour que ça atteigne ses iris.
— Pourquoi es-tu si pressée ? demanda Eden d'un air faussement moqueur, rompant ainsi le contact avec son frère.
Il n'avait pas quitté le canapé et il posa nonchalamment ses pieds sur la table basse du salon.
— Peut-être qu'à vos yeux il ne s'agit que d'un jeu, mais pour moi, c'est bien plus. Je n'ai pas de temps à perdre si je veux vous devancer et gagner ce pari.
Mon audace l'amusait, car ses pupilles s'illuminèrent.
Après tout, ce n'était qu'un simple divertissement pour eux.
— Sauf que nous ne pouvons te libérer aussi facilement, poursuivait-il.
— Qu'est-ce que ça signifie ? m'impatientais-je.
— Tout jeu possède des règles et voici celles qui te sont imposées. Premièrement, il serait bien irréfléchi de notre part de te laisser aller où bon te semble.
— Vous n'allez quand même pas me suivre à chacun de mes déplacements ?
— Pas tout à fait. Un sceau sera placé sur toi. Il nous permettra de savoir où tu te trouves et si tu es en danger.
— En danger ?
— Le monde terrestre peut paraître cruel parfois et il serait imprudent de ne rien faire pour l'éviter.
— Très bien, acceptais-je sachant très bien que je n'avais pas le choix
— Deuxièmement, poursuivit-il, pour pimenter le jeu, tu auras un délai de 30 jours pour trouver cette âme.
— Pardon ??? le coupais-je horrifié.
— Passé ce délai, nous entrerons dans la course et crois-moi, vaut mieux pour toi que tu trouves l'âme avant, car après tes jours seront comptés et ça ne sera plus qu'une question de temps avant que tu ne sois en notre possession, enchaîna Léo.
Un frisson d'effroi remonta le long de mon échine et me mettait vraiment mal à l'aise. À les entendre, ils savaient déjà où se trouvait l'âme. Le jeu pour lequel j'avais signé n'en était donc pas vraiment un. J'avais une épée de Damoclès au-dessus de moi qui n'attendait que le moment opportun pour s'abattre et sceller mon destin.
Ils m'avaient dupé et l'effroi fit place à la rage. Je commençais à voir rouge, mais je me forçais à rester neutre. Malgré mon sang-froid, les deux dieux semblaient s'en apercevoir et leur sourire se faisait plus carnassier désormais.
Ils ne possédaient ni cœur ni sentiment. Pour eux tout cela n'était qu'un simple divertissement leur permettant de passer le temps. J'aurais dû me douter que ce marché était trop beau pour être vrai.
Il était trop tard pour rebrousser chemin et je décidais de me concentrer sur mon plan d'attaque plutôt que de regretter mon choix. Je n'avais plus rien à perdre.
— Bien !
Eden, satisfait par la situation, cala ses coudes sur ses genoux et se pencha en avant sans me quitter du regard. Il avait une façon de rendre le tout plus théâtral, profitant du silence pour appuyer chacun de ses gestes.
— Troisièmement, tu vivras avec nous durant cette période.
Cette fois-ci, je ne pus contenir ma surprise et mes yeux s'arrondirent face à cette nouvelle condition.
Léo, toujours dans sa position initiale, tressaillit légèrement, signe qu'il n'était pas au courant de cet aspect.
— Pourquoi devrais-je accepter ? demandais-je à la hâte.
Rapidement, bien trop rapidement, je perdis de vue le dieu de la vie qui réapparut à quelques centimètres de mon visage. Il libéra son aura écrasante en maintenant mon menton pour que je ne puisse détourner les yeux.
J'étais prisonnière des deux dieux et malgré ma force de caractère, mon ventre se tordait d'une peur viscérale. J'étais tétanisée.
— Je pense que tu n'as pas bien compris. Tu n'as pas le choix. Suis les règles et tu auras une chance de survivre et d'obtenir ta liberté...
— ... Désobéis et le contrat ne tiendra plus, enchaîna Léo en capturant à son tour mon menton.
Leurs auras étaient redoutables. C'était donc ça d'être un dieu ?
Des larmes menaçaient d'apparaître et ils n'attendirent pas ma réponse pour me relâcher. Mon silence semblait les contenter.
Une fois libérée, je sentais l'air à nouveau emplir mes poumons. Je ne m'étais même pas rendu compte que je ne respirais plus.
— Que la partie commence, annonça Léo en rejoignant le canapé.
— Bonne chance, Forgeronne, me souhaita Eden.
Je ne demandais pas mon reste et quittais à la hâte cet appartement que je n'étais pas pressée de retrouver.
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Le jeu a officiellement commencé entre nos trois personnages. À votre avis, quelle en sera l'issue ? ^^
Merci d'avoir suivi l'histoire jusqu'ici, hâte de vous faire découvrir la suite ;)
À la semaine prochaine !
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