Chapitre 16 : Aélys
Coincé dans ce casque, mon souffle alimenté encore par l'adrénaline de la vitesse résonnait à mes oreilles.
Le temps était figé, comme ces moments où votre corps subissait une pression tellement importante, qu'une seconde semblait durer plusieurs minutes.
À cet instant, le temps jouait avec mes nerfs sensibles. Cette situation s'éternisait et malgré cette paroi qui me séparait du dieu de la mort, je ressentais ses pouvoirs divins, me frôler, me tester, me pousser à céder.
La tentation restait grande et je les sentais frémir à l'idée de m'effrayer. Ce sentiment s'en dégageait et imprégnait ma chair jusqu'à provoquer des émotions incontrôlées.
Un frisson déplaisant recouvrit mon épiderme, le genre de frissons qui irrite votre peau à un simple contact.
Une sorte de jeu malsain naissait entre nous dans cet endroit désert. Pour autant, une part infime de moi, cachée derrière ce nœud qui se créait au creux de mon estomac, demeurait combative et refusait de se laisser impressionner.
Fébrile, mais déterminée, j'ôtais cette barrière pour lui montrer que je ne le craignais pas.
Avec force, je jetais le casque sur le sol battu.
Victoire ! Une faible réaction tordit les traits de son visage, d'ordinaire si impassible.
Léo tenait à quelque chose dans ce monde où tout l'exécrait.
Ses sourcils se froncèrent, contrariés de voir son bien endommagé et malmené.
Un rictus triomphant déforma mes lèvres et mon attitude assombrit de colère les yeux bleus du dieu.
Je voulais le pousser à perdre patience, peu importait si ça me mettait en danger. Je refusais de lui céder les souvenirs de mon passé, simplement parce qu'il l'exigeait.
Lentement, minutieusement, j'avançais dans sa direction en shootant dans son précieux casque.
Ses pupilles ne me quittèrent pas un instant et lorsque je fus à sa hauteur, je pris le temps de scruter chaque parcelle de son visage, ses yeux, son front, ses joues, son nez, ses lèvres, chacune des lignes de son visage pour enfin lui apporter la réponse qu'il attendait.
— Non.
Mon ton était tranché et ne laissait pas la place au doute. Il était hors de question que je sois sa chose et que je le laissais me manipuler si facilement.
Une étincelle d'amusement illumina son regard et sans crier gare, il s'empara de ma gorge en la serrant légèrement.
Malgré le sang qui s'accumulait dans ma boite crânienne et l'air qui peinait à passer, je ne cillais pas.
Il ne pouvait me tuer, tant que le pari était en cours, il ne pouvait rien me faire, du moins je l'espérais.
Il s'approcha de mon oreille où je ressentis son souffle chaud caresser là où ma peau était la plus fine et la plus sensible.
— Ne me provoque pas forgeronne, il n'est jamais bon d'avoir le dieu de la mort sur son dos.
La tension était palpable et une part de moi était excitée de le sentir si impuissant.
Lorsque son visage réapparut dans mon champ de vision, je lui souriais comme une enfant fière de sa bêtise.
La pression qu'il exerçait m'empêchait de parler, mais visiblement les mots n'étaient pas nécessaires pour lui faire comprendre que je n'étais pas soumise.
Il me lâcha et partit récupérer son casque qu'il dépoussiéra.
La peinture brillante était désormais rayée et je savais que ça l'agaçait.
Le bruit de ses bottines en cuir crissa sur les petits cailloux qui recouvraient à certains endroits le sol.
— J'espère pour toi qu'Eden remportera le pari, annonça-t-il.
Sceptique je haussais le sourcil ne comprenant pas pourquoi il me souhaitait ça.
Il observa les reflets de la lune sur la peinture éraflée puis reporta son regard pour l'ancrer au mien.
— Car si je venais à le remporter, crois-moi Forgeronne, chaque jour restant de ton existence, tu me paieras ces excès de confiance que tu peux avoir. Avec mon frère, au moins, ta fin de vie sera plus douce.
Je peinais à avaler ma salive à cause les menaces non dissimulées qu'il faisait. De plus, dans son discours, une chose semblait certaine à ses yeux.
J'étais condamnée à devenir le jouet de l'un d'entres eux.
Mon cœur téméraire se gonfla de colère face à mon avenir qui était acté selon lui. Pour autant, je restais avare de paroles, jugeant que la meilleure arme à adopter pour ce genre de situation était le silence.
Si tel était mon destin alors qu'il en soit ainsi. Au moins j'aurais essayé, là où d'autres persistaient à subir. Mais si pour une quelconque raison, les lignes du futur étaient totalement différentes, à ce moment-là mon mutisme aura été la plus belle de mes victoire.
Au bout de quelques minutes, apercevant que je ne répondrais rien à sa provocation, il s'approcha de moi en me tendant son précieux casque.
Pour autant, je maintenais le contact avec ses yeux océans.
Légèrement, sa bouche s'entrouvrit et un instant je crus percevoir son souffle irrégulier. Une lueur furtive recouvrit ses iris hypnotisant et avant que je ne puisse lire l'émotion qui l'avait traversé, il posa abruptement le casque sur ma poitrine.
— On rentre.
Un rire moqueur m'échappa par ce changement de comportement.
— Tu préfères rentrer à pied ? poursuivait-il en rejoignant son bolide. Fais comme bon te semble, mais pour ta gouverne, le temps t'est compté et si tu ne veux pas passer les deux prochains jours à errer pour revenir au Campus, je te conseille de grimper sur cette moto.
Un instant, mes yeux se perdirent sur la beauté du ciel étoilé. Mon esprit divaguant sur l'immensité des cieux se focalisa sur une étoile plus brillante que les autres. Une similaire aux autres et pourtant si différente, une qui ne se gênait pas pour faire de l'ombre et resplendir au milieu de cette noirceur effrayante et inconnue.
Cette étoile pourrait être toi Aélys !
L'espoir chassa toutes émotions et tandis que je me souvenais de Léo, je me rendis compte qu'étonnamment il patientait plus ou moins sagement sur sa moto.
Il me fit signe de le rejoindre et sans protester c'est ce que je fis, heureuse à l'idée de retrouver les sensations d'euphories liées à la vitesse, le vent fouettant sans aucune indulgence ma peau meurtrie, le paysage virant au flou au fur et à mesure que nous prenions de la vitesse.
J'étais clairement en train de devenir avide à tout ce qui pouvait me faire sentir plus vivante que jamais.
Et je l'espérais du fond de mon cœur, que d'ici la fin de ce mois, je pourrais expérimenter d'autres sensations jusqu'à ce que j'intègre le monde des défunts.
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