Prologue
Silence. Aucun bruit ne planait sur la forêt sombre. Pourtant, en tendant l'oreille, on pouvait percevoir un léger bruissement. Tapit dans les broussailles, un adolescent attendait. Ou plutôt, non, il guettait. Immobile, le garçon scrutait un long chemin de terre qui sillonnait devant lui, tous les sens en alerte. Il tenait dans sa main un étrange bâton aux motifs complexes.
De gigantesques arbres peuplaient la forêt, leur feuillage épais empêchait le soleil d'entrer, plongeant la forêt dans une nuit éternelle. Les chênes, les sapins et les noisetiers s'élevaient de tous côtés, formant un joli ensemble boisé. Les buissons comblaient les vides créés par les arbres, dissimulant le sol couvert d'un doux tapis de verdure, que seules quelques feuilles d'un vert sombre venaient troubler. Les rares chemins qui sinuaient à travers la forêt étaient à moitié envahis par les fougères, et de nombreuses branches indisciplinées barraient la route. Une odeur d'humidité était apporté par un vent d'ouest glacial, prouvant la présence de ruisseaux. Pourtant la forêt était parfaitement silencieuse, tellement silencieuse que l'air en devenait lourd. C'était le genre de forêt qui, lorsque la nuit tombe et que la magie du jour s'enfuie, donne vie à des êtres que même vos pires cauchemars ne pourraient recréer, ce qui était surement le cas d'ailleurs .
Le chemin que le jeune homme fixait était en apparence désert, mais l'adolescent habitait depuis bien longtemps dans ce bois dense, et sentait jusqu'au bout des ongles l'agitation inhabituelle qui planait dans l'air.
Après un moment qui semblait interminable, une file de personnes passa sans remarquer la présence du jeune homme, dissimulé parmi les broussailles, et poursuivit son chemin vers une grande bâtisse qui s'élevait au loin.
En réalité, ces "personnes" n'en étaient pas réellement. On les aurait plutôt qualifiées de "d'ombres", à cause de leurs visages flous et leurs contours indéfinis, au sens littéral. Ils n'étaient indéniablement pas humains, et c'était peut être la seule certitude que l'on pouvait tirer de ce bois muet, qui semblait tout droit sorti des limbes, où froid et silence sont seuls monarques.
Le garçon se crispa à la vue de ces créatures stoïques. Soudain, une expression de stupeur apparu sur son visage jusque là inexpressif. Au milieu de la troupe, une femme, d'apparence assez jeune, se faisait porter par l'une des "ombres". Elle était inconsciente. Sa chemise de soie immaculée contrastait avec sa chevelure désordonnée d'un roux vif, dont les boucles descendaient jusqu'à la taille. Un pan de sa longue chemise de soie blanche caressait délicatement sa cuisse pâle, dénudée.
Le garçon suivit des yeux la jeune femme, éberlué, devinant les traits fin de son visage malgré la pénombre. Accroupi dans ce buisson, il sentit soudain quelque chose naître en lui.
Auparavant, il avait l'impression que les ténèbres mobiles se resserraient sur lui un peu plus chaque nuit. Pourtant, à ce moment précis, il sentit vibrer en lui un espoir nouveau, dont il avait abandonné ne serait-ce que l'idée depuis bien longtemps déjà. Il devait savoir. Il les suivis du regard un petit moment avant de s'engager à les suivre, sans quitter des yeux la belle au bois dormant.
Lorsque les mystérieux personnages s'engouffrèrent dans l'imposante bâtisse délavée, le garçon se contenta de les regarder disparaitre par l'immense porte. Le manoir- car c'en était un- se dressait à l'orée du bois, à l'extrémité d'une immense clairière qui s'étendait à perte de vue. La demeure était terriblement négligée, menaçant de tomber en ruine à certains endroits, de gigantesques fissures verticales se dessinaient sur les parois, c'était un miracle que l'édifice tienne encore debout. Sur la porte battante double figuraient des motifs en relief, partiellement effacés par le temps. Quand plus personne ne fut en vue, l'adolescent sortit de sa cachette et se plaça devant la porte, se mettant ainsi à découvert. Il fixa la demeure en pierre, l'air absent, mais battit vite en retraite dans la forêt sombre, non sans un dernier regard en arrière.
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