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Yugyeom émergeait tranquillement de son sommeil dépourvu de rêve. Ces derniers temps, il était épuisé et était las de sa routine des plus ennuyantes.

Et Jinyoung, son ami, l'avait bien remarqué. Depuis plusieurs temps, l'homme aux cheveux châtains n'avait pas la forme qu'il avait toujours eue. Son travail de médiocre serveur lui pompait toute son énergie.

Alors que le plus jeune sirotait videment son café qu'il avait désespérément essayé de faire seul, le brun s'assit énergiquement en face de lui, sur la seconde chaise qui présidait à la petite table de cuisine de chez lui.

Son hôte leva des yeux interrogateur face à l'oeillade malicieuse de Jinyoung.
Ce dernier roula des sourcils, montrant sa plus belle tête de garçon espiègle qu'il pouvait être.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive pour être aussi chiant dès le matin ? marmonna Yugyeom d'un sourire narquois.

Jinyoung vit rouge. Mais il se retint de lui botter le derrière, car le châtain ne faisait que de le provoquer, attendant inlassablement que son aîné ne réponde à ses attaques puériles.

Le plus vieux passa outre cette remarque en affichant un sourire crispé.

- Viens, je t'emmène quelque part, lâcha-t-il, mystérieux.

Le plus jeune haussa un sourcil tandis qu'un rictus amusé vint étirer ses jolies lèvres. Il but une courte gorgée du liquide noir avant de plonger ses yeux profonds dans ceux de brun.

- Où est-ce que tu veux m'abandonner, encore ?

- Ne crois pas que je ne te veux que du mal, Yugy...

- On sait jamais avec toi, finit-il par rétorquer en finissant sa tasse.

Une légère grimace de dégoût passa sur son visage alors qu'il fixait le fond de son récipient, se demandant comment il avait pu faire un café aussi répugnant.

De son côté, Jinyoung était presque vexé. Il voulait se montrer attentionné envers son cadet, mais ce dernier ne faisait que repousser toutes marques d'affection que le brun tentait d'effectuer avec lui.

Alors il laissa son regard se perdre sur les longues lignes du plus jeune qui s'était levé pour laver sa vaisselle. Et pendant cet instant, Jinyoung ne décrocha pas. Il était envoûté par cet homme qui lui faisait de l'oeil depuis quelques temps.
Son corps était un aimant pour Jinyoung, et il se faisait violence pour ne rien faire de bizarre vis-à-vis de son ami.

Il ne savait pas pourquoi, ni comment, mais il semblait être indéniablement attiré le grand bêta qui squattait tous ses week-end chez lui.

C'en était devenu une habitude. La semaine, Yugyeom dormait et vivait chez lui, et le samedi et le dimanche, il les passait chez son aîné. Au début, c'était arrivé quelques fois que Yugyeom reste dormir. Puis, de fil en aiguille, il avait acquis une place dans cet appartement confortable.

Les deux appréciaient la présence de l'autre autant qu'ils la détestaient. Ils étaient comme chien et chat.

Jinyoung était quelqu'un de formel et calme. Il était très réfléchi et semblait très froid sur les bords. Dans le fond, il débordait de sensibilité et d'émotion que Yugyeom cernait d'une facilité déconcertante. Ce qui embarrassait donc le brun qui faisait tout pour se montrer aussi impassible que possible.

A l'inverse, Yugyeom était de nature nonchalante. C'était un garçon dynamique et rempli d'énergie. Même un peu trop. Il était bruyant, et agaçant. Même son sourire éclatant avait le don d'excéder Jinyoung qui était fatigué des âneries constantes de son ami. Mais parfois, Yugyeom paraissait inaccessible. Il devenait vite sec et tranchant, et en se refermant, son beau sourire se transformait rapidement en arme meurtrière.

Et ça, Jinyoung en avait déjà fait les frais. Il leur était arrivé quelques fois de se disputer, mais les rares moment où le plus jeune commençait à s'échauffer franchement, le brun n'avait pu en placer une, et s'était vite retrouvé dominé par le corps trop grand du châtain qui déballait ce qu'il avait sur le coeur.

Depuis ce jour, ces deux là prenaient sur eux lorsqu'ils sentaient que la situation dérapait. Ils réussissaient à se comprendre avec des gestes, des comportements ou d'un simple coup d'oeil.

Mais là, à présent, Jinyoung n'arrivait pas à comprendre Yugyeom. Son visage était fermé, ses yeux était vide d'émotion et rien ne se laissait transparaître. Ce comportement, le plus vieux le connaissait autant qu'il en ignorait la signification. Il faisait de plus en plus surface ces derniers temps.

Il savait que c'était sa manière à lui d'être sur la défensive.

Alors Jinyoung quitta sa chaise, et passa sa main sur l'épaule de son cadet avec bienveillance tandis qu'il rinçait sa vaisselle.

- Donc ? Tu veux venir ?

- Je sais pas, je suis fatigué, hyung, soupira le plus grand.

Le brun fit la moue et enroula ses bras autour de celui de Yugyeom en posant sa tête sur son épaule, l'empêchant ainsi tout mouvement. Il sentit seulement ce dernier se tendre sous son emprise tatillonne.

-Viens, ça va vraiment te faire du bien.

Il entendit Yugyeom soupirer lourdement en signe de capitulation.

-Où on va ?

Jinyoung se sépara de son vis-à-vis et quitta la cuisine d'un pas guilleret et victorieux, partant aussitôt se préparer.

- Je t'emmène au bout du monde, Yugy.

Yugyeom se souvint encore à quel point son cœur avait bondit dans sa poitrine, il pouvait encore se souvenir de ce bruit sourd et pourtant assourdissant, plein d'espoir et de empli d'une chaleur nouvelle. Il avait aussitôt sauté dans ses baskets, en choisissant le plus rapidement possible des vêtements et s'était coiffé à la hâte.

Il se souvint aussi qu'il s'était imaginé embarquer à bord d'un avion, ou d'un bateau de croisière, prêt à explorer des destinations plus belles et extraordinaire les unes que les autres.

Mais sincèrement, il ne s'attendait pas à être entraîné dans une randonnée sans fin et harassante dans les alentours de Busan. Certes, ça lui permettait de découvrir les espaces ruraux qui entouraient la ville dans laquelle il avait emménagé il y a quelques années.

Si il avait su, il serait resté dans le lit plus que confortable de son aîné triplement ennuyant.

Après réflexion, c'était trop tard pour faire marche arrière. Ils étaient déjà bien loin dans les sous-bois des collines puis voir Jinyoung aussi heureux de l'emmener avec lui le motivait à rester avec lui.

Enfin, la seule chose qui le motivait plus que tout était son aîné. Il marchait devant lui sur ce chemin étroit, et Yugyeom avait les yeux logés sur son dos où les muscles saillaient sous son chandail. Ses pupilles dérivèrent et se perdirent sur le derrière du plus vieux qui se dandinait allègrement sous son nez.

Et c'est avec un sourire enfantin qu'il accorda son pas à celui de Jinyoung qui avait un rythme plutôt rapide, ce qui étonna le serveur car le plus vieux ne marchait pas toute la journée comme lui. C'était un professeur de lettre quelconque dans un lycée banal. Rien de bien impressionnant.

Mais Yugyeom ne garda pas l'allure vive de son aîné très longtemps, car son corps épuisé ne pouvait pas fournir plus d'énergie.

C'est avec désespoir qu'il vit peu à peu un écart se creuser entre eux deux. Sans que Jinyoung ne s'en rende compte. Ni que Yugyeom ne daigne à avouer sa faiblesse physique temporaire.

Le plus grand des deux hommes fut contraint de s'asseoir quelques instants, voyant des étoiles danser des ses yeux.

- Jinyoung, s'il-te-plait,  haleta-t-il.

Le brun jeta un coup d'oeil par dessus son épaule et s'arrêta subitement en voyant son cadet à bout de force, une vingtaine de mètres derrière lui.

Il rebroussa chemin, et s'abaissa au niveau du plus jeune, leur visage se retrouvant à une poignée de centimètres l'un de l'autre.

- Ça va pas ? demanda-t-il légèrement inquiet.

- Si, si, c'est bon. Il fait juste un peu trop chaud, souffla le châtain en farfouillant dans ses poches.

Jinyoung leva les yeux au ciel et les plissa aussitôt. Le soleil tapait fort, et les deux jeunes hommes commençaient à  s'aventurer dans les hauteurs des collines, les rayons leur semblaient à chaque pas, beaucoup plus chauds et puissants. De toute manière ils allaient bientôt arriver.

Quand le plus vieux reposa son attention sur son cadet, il ne cacha pas son agacement. Le châtain venait de s'allumer une cigarette.

- T'es chiant Yugyeom. Donnes-en moi une, trancha-t-il sèchement en tendant sa main.

- Achète les toi-même, gros rat. Et en plus, je croyais que tu détestais ça.

- Moi aussi je croyais. Mais comme tu t'es limité installé chez moi, pour y enfumer mon petit appartement, je m'y suis habitué.

- C'est pas une raison pour fumer, rétorqua-t-il en lui donnant finalement un bâtonnet immaculé.

Jinyoung leva les yeux au ciel alors qu'il chipa le briquet coincé dans la poche de Yugyeom et alluma aussitôt sa clope. Il rencontra les yeux pénétrants du plus jeune, et s'ensuivit une bataille de regard intense durant le court instant où le brun inspira une bouffée.

- Et c'est toi qui me fait la moral, espèce de gosse insolent ?

- Tout à fait. Je fais de la prévention.

Un ricanement ironique s'échappa discrètement de la bouche de Jinyoung alors qu'il se releva. Ses jambes étaient engourdies d'être restées accroupies aussi longtemps. Il fit quelques pas, tout en continuer de consumer sa cigarette sous les pupilles brûlantes du cadet.

-  T'es tellement chez moi que j'en prends toute tes habitudes, gamin, lâcha le brun d'un ton plein de réflexion.

- C'est toi, tu m'incites à venir dormir.

- Je pense à ta santé.

- C'est pareil, si je dors chez moi ou pas.

- Non, Jinyoung fit mine de réflechir. Il chercha, et buta sur ses mots avant de trouver la tournure parfaite. Je m'assure seulement que tu manges correctement. Regarde-toi, tu sais même pas te faire un café. Chaque semaine t'es toujours plus maigre quand je te récupère.

- Merci, murmura soudainement Yugyeom.

Jinyoung, surprit, jeta une œillade interrogatrice à son vis-à-vis.

- Tu fais beaucoup pour moi.

Un sourire gêné et flatté s'installa sur les lèvres pleines du brun.

- Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi ? fit-il d'une voix inaudible, si bien que Yugyeom n'en comprit que la moitié.

- T'as dit quoi ?

Rouge de honte de s'être laissé dépassé par ses sentiments, Jinyoung tourna les talons, et offrit la vue de son dos à son cadet.

- Rien. T'as fini ? tremblota-t-il en jetant son mégot éteint sur le sol boisé.

- Ouaip'.

Ils ne dirent rien de plus car Jinyoung entama de nouveau la marche, pressé de quitter sa gêne en s'aventurant sur le chemin de gravier foulé par de nombreux voyageurs.

Il ne s'assura pas si Yugyeom était bien derrière lui. Il pouvait sentir son regard transperçant dans sa nuque frémissante et ses enjambées qui retraçait ses pas de près.

Puis, peu à peu, le silence que Jinyoung trouvait gênant se transforma en un silence apaisant.

La présence de l'autre leur suffisait amplement.

Alors ils continuèrent encore de longues minutes à marcher ensemble, foulant les sentiers battus entre les buissons touffus et les arbres feuillus.

Yugyeom ne regrettait plus d'être venu. Si son aîné ne lui avait pas proposé, il serait resté dans le canapé à végéter bêtement alors que l'autre serait attablé à la cuisine pour corriger les innombrables copies qu'il avait ramassé dans la semaine.

- On arrive quand ? soupira le plus jeune d'une voix enfantine et plaintive.

Le brun sourit discrètement, croyant reconnaître le ton accablant de ses élèves.

- On y est.

- Au bout du monde ? C'est vachement le bout du monde là, grommela-t-il en respirant péniblement.

Le plus vieux jeta un coup d'œil furtif au gamin plaignant qui le talonnait, puis, trouvant qu'il n'allait pas assez vite, il lui attrapa vivement le poignet pour le pousser à suivre sa cadence énergique.
Non sans un énième geignements de la part du grand homme qui ne sentait plus ses jambes.

Mais ce dernier accepta finalement, puis glissa sa main dans la paume de son aîné, trouvant le contact moins rude et plus confortable.

Le chemin continuait de monter, et la pente se raidissait de plus en plus. Jinyoung aidait Yugyeom à gravir le sentier escarpé en tirant son bras près de lui.

- Hyung. Tu fais mal, grogna encore une fois le jeune adulte.

- Tu vas arrêter de te plaindre, bordel ?

- Mais tu me fais mal, gros couillon ! s'égosilla-t-il juste avant que le brun ne le lâche subitement.

Le châtain se massa frénétiquement la main, en remarquant qu'elle était légèrement rouge.

Irrité, il s'apprêtait à lancer une pique à son aîné, mais s'abstint aussitôt lorsque ses yeux rencontrèrent la silhouette de Jinyoung quelques mètres plus loin.

Tout dans ce qui s'étendait sous ses yeux le laissait bouche bée.

Le brun, dos à lui, s'ajoutait parfaitement au paysage fastueux qui n'attendait que d'être vu et revu.

- Tu disais ? lança sarcastiquement Jinyoung en se retournant pour dévisager le châtain.

Qu'il était beau, bordel.

Et Yugyeom ne pensa pas spécialement à ce qui l'entourait, mais plutôt à ce qui se tenait nonchalamment devant lui.

Celui qui avait totalement aspiré son attention, et avait captivé le plus jeune dès qu'ils furent arrivés.

- Bon, on est au bout du monde là ? ricana ironiquement ce dernier en adressant un regard moqueur à son vis-à-vis qui leva aussitôt les yeux au ciel.

- Tout à fait.

- Tiens donc.

Jinyoung soupira, exaspéré par la puérilité de son ami.

- Ramène ton cul ici.

Yugyeom obtempéra, amusé.

- Et elle mène à où cette route ? demanda-t-il, curieux. Parce que pendant qu'on était en train de monter, j'ai bien regardé mais je n'ai vu aucune habitations, et il n'y a pas vraiment de chemin aux alentours.

- Justement. Viens voir.

Il glissa sa paume dans celle du plus jeune, qui enroula timidement ses doigts autour de sa main, puis le brun l'entraîna un peu plus loin.

Et lorsqu'il s'arrêta, Yugyeom ne vit qu'un morceau de route inachevé, puis quelques mètres après, un gouffre.

La vue était imprenable mais il ne comprenait pas vraiment. Jinyoung l'attira encore et les rapprochèrent du précipice. Le brun lâcha la main de son cadet, puis il s'assit, laissant ses pieds pendouiller prudemment au dessus du vide, les yeux rivés sur l'étendue verte qui s'étalait devant eux.

- On appelle ça le bout du monde, commença-t-il d'une voix profonde.

Yugyeom, intrigué, imita le brun et posa son derrière côté du sien.

Une légère chaleur empoigna l'estomac du plus jeune. Leurs mains se frôlaient, leurs épaules se touchaient, et leurs jambes s'effleuraient.

- La route fut coupée après un effondrement, séparant à jamais deux amoureux. Ils avaient beau regarder le plus loin possible dans l'espoir d'apercevoir son âme soeur, mais juste l'étendue du monde se déroulait devant eux.

Yugyeom s'arracha de sa contemplation du paysage, et laissa ses yeux scruter chaque détail du visage de Jinyoung.
Ce dernier ne broncha pas, continuant son histoire malgré les frissons qui secouaient son corps lorsque son cadet eut posé son regard transcendant sur lui.

- Alors ils décidèrent de se rejoindre au delà du bout du monde, finit théâtralement le professeur de lettre avec une pointe de tragique dans la voix.

- Où ça ?

- En bas...

- Oh ils ont pu se revoir du coup, fit Yugyeom avec un sourire satisfait sur les lèvres.

Jinyoung resta bouche bée. Yugyeom n'avait rien compris.

- Ils se sont suicidés.

- Ha.

Cette phrase raidit automatiquement Yugyeom. Il avait perdu son sourire, honteux de sa bêtise. Il n'était pas très à l'aise avec les métaphores et parfois, son aîné utilisait des mots trop compliqués pour lui parler. Lui au moins, il était direct et disait ce qui devait être dit avec des mots simples.

- Mais, reprit Yugyeom, songeur, nous, on est au bout du monde, là.

- Oui... incita Jinyoung, attendant la suite de son raisonnement.

- Pourquoi tu m'as emmené là ?

Jinyoung ne dit rien. Il préféra plonger un regard impénétrable dans les yeux interrogateur et sondeur de son vis-à-vis.

Puis le châtain captura la main de son aîné dans sa grande paume d'un geste protecteur et précipité.

Ce fut au tour du brun de le regarder avec incompréhension.
Et Yugyeom de fixer l'horizon florissant sans émettre une émotion.

- J'ai pas envie de mourir par ta faute.

- Pourquoi ce serait de la mienne ? s'indigna le plus vieux.

- Parce que sûrement je t'aimerais trop pour laisser un fossé nous séparer.

Il lança un regard prudent en direction du professeur qui avait enlacé ses doigts autour des siens.

Le plus jeune se mit à paniquer face au manque de réactivité de l'homme à ses côtés.

Lui qui essayait d'être attentionné et affectueux pour une fois, ça avait échoué lâchement.

- Je voulais juste être un peu romantique, marmonna-t-il, une pointe de déception dans la voix.

Le rire clair de Jinyoung s'éleva tandis que sa main exerçait une pression réconfortante sur les doigts blancs du plus jeune.

- Ne le sois pas, c'est ridicule.

- Tu sais ce qui est le plus ridicule ? argua le châtain, frustré. C'est quand t'essayes désespérément de repousser le moment où je compte te pécho.

Jinyoung leva les yeux au ciel, plus pour mieux cacher son embarras que pour montrer son harassement.

- Parle correctement, je comprends pas ton argot de gamin des rues.

- Tu sais très bien où je veux en venir, Jinyoung.

- Je prie pour qu'un trou énorme se glisse entre nous deux.

- Ce que tu peux être fourbe, s'insurgea faussement le plus jeune.

- Dieu, viens moi en aide, priait vigoureusement le plus vieux avec une ride malicieuse au coin de ses yeux.

- Tais-toi, Park Jinyoung.

- Au nom du père...

- Je vais te jeter dans ce gouffre si il apparaît. Et sans remords, bouda Yugyeom.

- Tu mourras avec moi.

- Non.

- Et pourquoi ?

- Parce que je ne t'aimerais plus.

Le plus vieux sortit sa plus belle moue d'enfant boudeur, puis secoua vivement son bras pour se dégager de l'emprise de son cadet.

- Hyung !

L'interpellé ne répondit pas. Préférant largement faire languir Yugyeom sous son impatience mondialement reconnue.

Mais les rôles s'inversèrent rapidement. Car le châtain s'apprêta au jeu de son aîné, et c'est lorsqu'il sentit un souffle brûlant contre sa peau, qu'il reconnu son erreur.

Et il se maudit lorsqu'un soupire incontrôlé s'échappa de sa bouche au dépôt délicat des lèvres de son cadet sur le bord de sa mâchoire.

Jinyoung était pourtant bien décidé à montrer qu'il était capricieux et avait un sale caractère.
Il pensait que Yugyeom allait se lasser. Et allait partir.
Même si c'était ce qu'il voulait, il paniquait un peu. Il n'était pas si sûr de pouvoir supporter cette pression.

Seulement, tout son contrôle s'évapora lorsque les croissants de chairs roses du plus jeune virevoltèrent jusqu'à la commissure de ses lippes.

Et il n'eut rien le temps de faire qu'une explosion de sensation retourna son coeur et happa ses lèvres.
C'était chaste, et peu brutal. Mais Jinyoung crut qu'un ouragan était passé sur son corps en ébullition.

Malgré tout, il planta ses yeux noirs dans ceux du grand garçon au sourire narquois.

- J'ai jamais dit que j'étais consentant.

- C'est comme ça que tu te débats ? s'enquit le châtain en zieutant sur les bras de Jinyoung enroulé autour de son cou.

En effet, ce dernier n'avait pas remarqué cette aise soudaine.

Et c'est lorsqu'il s'apprêtait à déloger ses bras capricieux d'un geste précipité et gêné que Yugyeom posa une main brûlante sur ses membres, lui ordonnant silencieusement de les laisser où ils étaient.

Alors le brun soupira bruyamment, n'omettant pas de souffler au visage de son vis-à-vis.

Il resserra sa prise, approchant le visage du plus jeune contre me sien, puis après quelques secondes d'hésitation facétieuse, il scella une nouvelle fois leurs lèvres tentatrices d'une ferveur déconcertante.

Ils se dévorèrent, et se transmettaient toute la passion qu'ils gardaient en eux depuis trop longtemps.
Puis Yugyeom taquina la lèvre inférieure de Jinyoung avec sa langue. Ce dernier n'attendit pas une seconde de plus et le laissa rencontrer sa jumelle tant espérée.

Toutes les sensations semblaient décuplées. La chaleur du soleil déclinant les rendait tous les deux plus avides, plus désireux de contact, le bruissement de la flore autour d'eux caressait doucement leurs oreilles où leur coeur tapait rageusement dans un bruit sourd et assourdissant.
Ils en perdirent même la notion du temps, ne savant plus si leur baiser avait durer une fraction de seconde ou des années entières.

Leurs mains voraces explorèrent innocemment ce corps qui leur faisait envie depuis plusieurs semaines, et leur coeur emballé ne cherchait qu'à battre à l'unisson, tambourinant plus fort l'un que l'autre.

Le souffle court, et l'âme tempête, ils se séparèrent à grand regret, fronts collés et souffles emmêlés.

Puis Yugyeom s'écarta, laissant une douce brise balayer leurs cheveux ébouriffés, et plongea ses yeux voilés d'animosité dans les prunelles noires et brillantes de Jinyoung.
Un rictus éclatant illumina son visage rosie et étira ses lèvres meurtries par les coups de dents sauvages du brun.

- Je t'aimerais vraiment trop pour te laisser tomber dans un vulgaire précipice seul.

- J'espère bien, Kim Yugyeom, grommela le plus âgé en laissant son dos rencontrer le sol mou de la colline. Et j'espère même que c'est déjà le cas.

Pour seule réponse, le châtain fondit sans plus attendre sur le jeune professeur tout en lui adressant un dernier sourire carnassier avant de l'embrasser à nouveau à travers milles frissons et frémissements innocents.

Yugyeom ne regrettait plus d'être aller avec Jinyoung au bout du monde. Et il ne le regrettera jamais.
Il avait découvert plein de chose.
Il avait découvert un lieu. Il avait découvert le chemin qui menait au coeur du brun.
Il avait découvert ses propres sentiments, ainsi que les siens.

Il avait découvert la douceur de la peau de son aîné. Il l'avait découverte et redécouverte.

Et il comptait bien l'explorer encore et encore de la première courbe à la dernière poignée de plaisir, jusqu'à ce qu'un gouffre les sépare pour une dernière fois.

Jusqu'à ce que le bout du monde les appelle une dernière fois, pour finir leur histoire.
Pour achever leur chemin et sceller la fin.

La fin de leur monde.

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