La fin de l'histoire
J'avais écrit tout le jour. Mes mots noircissaient le papier, ça et là des ratures témoins silencieux des fluctuations de ma pensée. Je contemplais mon œuvre avec une joie immense.
-C'est fini, murmurais-je.
Et puis soudain la tristesse. J'étais à nouveau seule, tous ces amis disparaissaient tout à coup. Ils avaient fait partis intégrante de ma vie durant plus d'un an mais ce point final qui devait marquer la victoire de mon projet s'apparentait plutôt à la destruction de mon monde. Retour à la réalité. Je regardais autour de moi, le soleil était couché. Pourtant je restais là, dans l'obscurité, comme pour conserver un instant encore l'image de ces êtres qui s'évaporeraient une fois la lampe allumée. La petite Jenny, Peter et son éternel optimisme, Marie et ses mensonges comme autodéfense, la douce Alice et même Sam pourtant si cruel parfois me manqueraient terriblement. J'avais ce sentiment d'abandon que ressentent les parents quand leur enfant quitte la maison. Je me décidais enfin à allumer la lumière. Les fantômes s'envolèrent. Je regardais mon téléphone pour la première fois de la journée, 10 appels en absence, 3 messages sur le répondeur.
-Ma chérie c'est maman. J'ai pas eu de nouvelle de la semaine, appelle-moi vite je me fais du souci. J'espère que tu manges bien, tu sais avec ton...
Supprimé.
-Sarah je suis désolé, décroche ! Je sais que t'es chez toi il y a ta voiture dans l'allée. Décroche Sarah ! Bon au moins donne un signe de vie à ta mère elle s'inquiète pour toi. Et moi aussi. Je t'aime ma belle.
Supprimé.
-Sarah Carreto c'est le docteur Simons. Je vous appelais pour vous dire que vos résultats sont arrivés. Je ne vous cache pas que nous sommes inquiets. Rappelez-moi vite Sarah.
Supprimé.
Je remplis un verre de vin et j'allumais la radio. Il passait une vieille chanson que mon père écoutait souvent quand j'étais petite, « I've got dreams to remember » de Otis Redding. C'est drôle comme parfois les chansons semblent vous parler. Je me rappelais un dimanche matin, mon père avait mis cette musique, il m'avait pris par la main et on avait dansé. Le téléphone se remit à sonner et l'interlocuteur laissa un nouveau message.
-Sarah c'est encore le docteur Simons, je vous ai appelé en début d'après-midi à propos de vos résultats. Je suis désolé d'insister mais c'est urgent. Votre mère m'a dit qu'elle n'avait pas de nouvelle depuis huit jours. Votre petit ami non plus, il est passé vous voir dans la journée mais vous n'avez pas ouvert. Je suis inquiet Sarah, rappelez-moi au plus vite s'il vous plaît.
Supprimé.
La chanson suivante était bien plus récente, « Emmène moi » de Boulevard des airs. Je me mis à tourner dans le salon, d'abord doucement et puis plus vite. La tête me tournait. Je me rappelais un samedi après-midi, Cédric et moi étions au parc, il avait mis « Riverside » de Agnès Obel sur son téléphone et on avait tourné au rythme du piano main dans la main. J'étais maintenant allongée sur le sol, épuisée, à bout de souffle. Les notes se bousculaient dans ma tête.
-Sarah ouvre-moi ! Hurlait Cédric.
Le piano m'avait toujours apaisé, il avait quelque chose de magnifique et de tellement triste aussi. Mélancolique.
-Sarah ! Le docteur m'a appelé il te faut un cœur d'urgence. Ouvre !
J'étais tellement fatiguée, je n'aurais pas dû écrire toute la journée. Je n'avais même pas pris le temps de manger aujourd'hui.
-Sarah je vais défoncer cette porte si tu ne m'ouvre pas immédiatement, on doit aller à l'hôpital !
Il fallait juste que je dorme un peu, que je reprenne mon souffle. Je fermais les yeux mais avant de m'endormir j'entendis un bruit sourd et je crus apercevoir une ombre au-dessus de moi. Peut-être mes amis étaient-ils revenus, mon œuvre n'était-elle pas fini alors ?
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