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Une fraction de seconde

"Une fraction de seconde", vous me croirez si je vous disais que j'avais écris ce chapitre en une fraction de seconde ? Non bien-sûr, vu mon retard... Pourtant, en une fraction de seconde, il s'en passe des choses... je vous laisse découvrir quoi ! 

— Alors Conrad ? Tu ne dis pas bonjour à papa ?

Conrad se figea en reconnaissant le visage de son paternel. Des mois qu'il n'avait pas vu ce sourire diabolique. Des mois qu'il n'avait pas vu ces yeux argentés. Lorsque la chance de s'enfuir s'était présentée à lui, sous la forme d'un dragonnier, il avait pressenti que s'il ne saisissait pas cette opportunité, il resterait captif pour le restant de ses jours. Car si en effet il n'avait connu que cette vie-là, faite de violence, de peur et de magie noire, il avait toujours su que ce n'était pas la sienne. Ce n'était pas là qu'était sa place.

        Mais ses origines l'avaient rattrapé. Layvin se tenait là, en face de lui, lui adressant un sourire indéchiffrable. Même si au fond, son géniteur ne l'avait jamais maltraité en personne, il ne s'était jamais vraiment occupé de lui. Conrad aurait aimé avoir un vrai père, ainsi qu'une mère. Pas un mage noir égoïste.

— Où est Aïkida ? demanda Leeroy en reprenant sa respiration tout en continuant d'appeler sa dragonne par télépathie.

Cette dernière avait été touchée au flanc par un puissant filament noir qui avait pénétré son organisme avec violence. Les rugissements de Luaj résonnaient sur la pierre et faisaient froid dans le dos.

        Layvin se mit à rire et se remit en marche, s'approchant encore un peu plus de ses proies, aussi à l'aise que s'il rendait visite à un vieil ami. Il haussa une épaule.

— J'espérais que tu me renseignerais figure-toi.

Le visage du dragonnier devint livide.

— Elle n'est pas ici ?

Un grognement retentit et ce ne fut qu'à cet instant que Layvin sembla prendre conscience de la présence d'Emelï. Il soupira de soulagement :

— Enfin, puisque sa sœur est ici, j'imagine qu'elle ne devrait pas trop tarder à revenir.

Le lézard se débattait avec force, mais la magie de Conrad était plus puissante encore, et les grosses racines qui lui serraient les membres ne tremblèrent pas. Le père du rouquin eut d'ailleurs bien du mal à cacher son étonnement en comprenant que les radicelles étaient créées par son enfant.

        Leeroy tentait de rester concentré malgré la douleur de Luaj qu'il ressentait lui aussi. Au fur et à mesure que Layvin s'avançait vers eux, le combattant remarqua une sombre tâche à l'épaule de l'ennemi. En y regardant de plus près et en utilisant ses sens améliorés, il constata que son bras droit pendait mollement sur le côté de son corps, et que des gouttes de sang s'écoulaient sur le sol. Il était blessé.

        Enfin une bonne nouvelle.

        L'énorme avantage d'être un dragonnier, c'est d'avoir un dragon comme compagnon. Face à ce duo, rares sont ceux qui peuvent survivre. Mais ce jour-là, Luaj était hors-jeu, blessée, et trop grande pour rentrer dans la grotte. Leeroy s'en mordit les doigts. Il n'avait pas pensé au fait qu'il serait privé de son plus gros atout en entrant dans ce gouffre. Mais il n'avait pas peur pour autant, et gardait confiance. Il comprit rapidement qu'Aïkida s'était échappée, et qu'il y avait de grandes chances que ce soit elle qui ait réussi à blesser Layvin. Cette pensée lui réchauffa le cœur et lui redonna de la force.

— Mais quel impoli je fais ! s'exclama l'homme aux yeux d'argent. Conrad me connaît, mais je ne me suis pas présenté auprès de toi, cher Leeroy. Je m'appelle Layvin, et je suis le frère du Masque Noir, fils de la Couleuvre. Comme tu l'as compris je suis également le père de Conrad. Je t'avoue que j'avais hâte de rencontrer celui qui a réussi à doubler la vigilance de mon aîné. Je te félicite, même moi j'ai eu du mal à y arriver. Ta capacité à mentir est foudroyante.

Le visage du jeune blond se tendit alors qu'il sentait la magie affluer sous sa peau, fourmillant à toute vitesse. Mais il sentit surtout le poison refaire surface. Et cette fois-ci, il ne le repoussa pas. Il aurait besoin de toute sa puissance. C'était précisément pour ce genre de situation délicate qu'il avait choisi de risquer sa vie et celle de sa dragonne.

        Pour être capable de faire face.

        Le sourire de Layvin s'agrandit légèrement, mais pas de manière sadique. C'était plutôt comme s'il se voulait rassurant, amical.

— Mais je ne suis pas comme mon frère, ce qui engendre une bonne et une mauvaise nouvelle pour toi, mon cher dragonnier.

Attentif à ses paroles, mais également concentré sur ses gestes, Leeroy ne quittait pas son ennemi des yeux. Il avait compris depuis longtemps que le ravisseur des filles Ar-Feiniel était le père de Conrad. Il ne saurait expliquer comment, mais une puissante intuition l'avait amené à déduire cette relation. Et il constatait tristement qu'il ne s'était pas trompé.

— La mauvaise nouvelle, c'est que de ce fait, tu ne me tromperas pas aussi facilement. Mais la bonne, c'est que tu n'auras même pas besoin d'essayer.

Conrad aurait voulu alerter le combattant, le prévenir qu'il ne fallait surtout pas écouter les paroles empoisonnées de son père, mais il ne pouvait pas prendre le risque de perdre sa concentration et de laisser Emelï s'échapper sous forme de lézard.

        Layvin s'arrêta enfin de marcher, à moins de trois mètres d'eux, et termina :

— Tu n'auras pas besoin de me tromper, car je ne suis en aucun cas ton ennemi. Je ne te veux aucun mal, tant que tu ne te mets pas en travers de mon chemin. Je veux simplement récupérer Emelï, et tu pourras partir.

La vive douleur à son flanc accentua la colère de Leeroy. Il remarqua également que Layvin semblait s'adresser à lui uniquement, et pas à Conrad.

— Vous ne me voulez pas de mal, mais vous avez blessé ma dragonne.

Layvin eut un sourire gêné et passa sa main valide dans ses cheveux bouclés. Dans l'obscurité, ses iris brillaient de mille feux.

— Il est vrai que je me suis peut-être laissé emporter. Mais comme je viens de le dire, Luaj était en travers de mon chemin, alors j'ai fait en sorte qu'elle n'y soit plus.

Le fait qu'il connaisse le prénom de sa dragonne fit presque perdre le contrôle au combattant, qui se violenta pour ne rien laisser paraître. Il était un guerrier, un mage, un dragonnier. Il savait se battre, autant avec les armes qu'avec la magie. Il était stratège, rusé, perspicace. Il savait très bien que Layvin voulait gagner du temps. Cette conversation n'avait que pour but de les déstabiliser.

        À la Vallée, tous les nouveaux combattants suivaient des cours particuliers, tant de théorie que de pratique, autant pour les jeunes que pour les plus âgés. Mais on leur apprenait à se battre lors de batailles, lorsque de gros effectifs étaient déployés, lorsque l'ennemi était nombreux. Ils n'avaient jamais eu de cours sur les combats en duel, face à un puissant mage noir manipulateur.

        Leeroy bénît alors la bibliothèque. Il avait lu de nombreux ouvrages, et parmi ceux-ci : « Comment rentrer dans la tête de l'ennemi ». Cela lui avait servi à de nombreuses reprises lorsqu'il avait joué son double-jeu auprès du Masque Noir. Il savait jouer. Mais pour abattre ses cartes, il lui manquait une information cruciale : pourquoi Layvin ne semblait pas vouloir attaquer. Quelle était la raison de ce gain de temps ?

        Le dragonnier avait alors deux options. Soit il jouait le jeu en espérant découvrir pourquoi l'ennemi n'attaquait pas tout de suite, soit c'était lui qui attaquait le premier. Pesant rapidement le pour et le contre, Leeroy pencha pour la première option. Deux enfants étaient présents, il ne pouvait pas prendre les mêmes risques que s'il avait été seul.

        Il devait rentrer dans son jeu. Rentrer dans sa tête.

        Le combattant haussa les épaules et mit ses mains dans les poches, signe d'abandon de toute tentative d'assaut. Conrad fronça les sourcils.

— Puisque vous ne nous voulez aucun mal, j'imagine que vous n'avez rien contre une petite conversation ? demanda le jeune blond.

Un sourire éclaira le visage de Layvin qui hocha la tête.

— J'adore discuter.

D'un point de vue extérieur, ils semblaient comme deux amis sur le point de se raconter leurs vies. Détendus, dénués de toute mauvaise intention.

— Luaj, tu tiens le coup ? s'inquiéta Leeroy car ses rugissements avaient cessé.

— Oui, ça va aller, merci de m'avoir aidée.

En effet, le dragonnier avait envoyé de la magie à sa dragonne pour apaiser la douleur et refermer sommairement la plaie.

Comment je peux vous aider ? s'enquit-elle, se sentant impuissante face au danger que courrait ses amis.

Attend mon signal.

Conrad, lui, n'avait pas bougé d'un millimètre. Ses bras étaient raides et il suait. En temps normal, maintenir Emelï immobile ne lui aurait pas posé de problème. Mais là, son père était présent. À quelques mètres de lui. Et comme toujours, il était déstabilisé. Effrayé.

        Leeroy se mit à faire les cent pas, lentement, réfléchissant à ce qu'il allait dire, tout en paraissant amical. Du coin de l'œil, il surveillait la blessure de Layvin qui ne semblait toujours pas avoir été guérie.

— Je pense que la question la plus évidente est « pourquoi ? », non ? demanda-t-il.

— Pourquoi avoir enlevé Aïkida hein ? répéta le fils de la Couleuvre.

— Exact, et pourquoi Emelï ?

L'homme aux cheveux bouclés et aux yeux d'argent haussa son épaule valide, comme si la réponse paraissait évidente.

— Aïkida est la seule à pouvoir détruire le Masque Noir, mon frère.

Leeroy ne put dissimuler son étonnement et son incompréhension.

— Le Masque Noir ? répéta-t-il. Mais il est mort il y a bien des mois.

Layvin leva les yeux au ciel et souffla, visiblement agacé.

— Pourquoi toujours cette même rengaine ?! Oui, mon frère est mort, mais seulement physiquement !

Devant l'air perplexe du dragonnier, il se sentit obligé d'expliquer :

— Sa magie noire vit encore. Et tant qu'elle vivra, elle sera un danger pour tout le monde. Le destin de mon frère était de faire régner la terreur. Ceux qui possèdent sa magie prendront un jour la relève, et ce sera sans fin. C'est mon rôle de l'arrêter.

Pour le coup, Leeroy n'eut pas besoin de faire semblant de ne rien comprendre. Il était perdu.

— Qu'entendez-vous par « sa magie vit encore ? » Et comment pourriez-vous l'arrêter si c'était le cas ? Quel est le rôle d'Aïkida et d'Emelï dans tout ça ?

Il commençait à perdre patience, et il n'avait toujours aucune idée de la stratégie de son adversaire. Peut-être n'en avait-il pas ?

        Layvin regarda le dragonnier avec pitié. Il soupira et son regard se déplaça vers Emelï qui avait cessé de se débattre. D'une voix monocorde, il répondit :

— Il y a une prophétie. La vraie, pas celle que le Masque Noir connaissait, pas celle que vous connaissiez. Non. La prophétie authentique annonce que je dois éliminer mon frère par le biais d'une arme, et cette arme est Aïkida. Le corps de mon aîné n'est plus qu'un cadavre, je le sais, mais sa magie persiste à survire dans ce monde.

Il tourna ses yeux miroir vers Leeroy. Et Leeroy frissonna.

— Sa magie noire vit à travers sa famille : moi et mon fils. À travers ses enfants : Tarek et quelques autres bâtards. À travers un Khyazgaar : Emelï. Il a transmis sa magie sans le vouloir. C'est un fléau, une malédiction que seule Aïkida est en mesure de détruire. La prophétie a déjà débuté sans qu'elle ne le sache. Sa tâche va être plus compliquée que prévue, puisqu'Aïkida entretient des liens forts avec les personnes qu'elle doit éliminer. Mais sans qu'elle ne s'en rende compte, le destin l'a déjà poussée à blesser ceux qui conservent la magie de mon frère. Elle a tué le dragon de Tarek, et elle a failli tuer sa sœur. Elle ne pourra pas lutter contre sa destinée.

Leeroy fut sonné. Il se souvenait de cet évènement. Cela s'était produit chez les Khyazgaars, lorsqu'ils venaient de retrouver Emelï. Aïkida avait voulu bien faire et projeter de l'eau contre sa sœur pour la nettoyer, mais elle aurait pu déclencher un jet de flammes sans le vouloir. Tarek et lui-même l'avaient arrêtée de justesse. Et il savait parfaitement que s'ils n'avaient pas été là, la Fille Gelée aurait pu tuer sa sœur.

— Il ment !

Conrad n'y tenait plus et n'avait pas pu s'empêcher d'intervenir. Son père était un menteur, et il ne voulait pas que Leeroy se fasse manipuler comme tous les autres.

        Layvin tressauta imperceptiblement, comme s'il revenait soudainement à la raison et qu'il venait de se souvenir que son fils était là. Il s'apprêtait à répondre lorsque le jeune blond le coupa, ayant quelque peu repris ses esprits :

— Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez. Et même si c'était vrai, pourquoi chercheriez-vous Aïkida alors qu'elle serait chargée de vous éliminer ?

L'homme aux yeux d'argent sourit.

— Ma vie n'a jamais eu qu'un seul but, mon cher ami. Celui de détruire mon frère. Je m'assurerai d'abord que Kida a tué tous les autres, mais ensuite, je la laisserai me réduire en cendre. Je vis pour accomplir mon destin. Et mon destin est de mourir pour cette même cause. Je l'accepte avec plaisir.

Leeroy resta silencieux un instant. Il observait cet homme, qui pourtant n'avait aucunement l'apparence d'un psychopathe. Cependant, en l'écoutant, le dragonnier n'en arrivait qu'à une seule conclusion. Ce type est vraiment dérangé.

        Il prit le risque de le quitter des yeux une fraction de seconde pour adresser un regard rassurant à Conrad qui était tétanisé. Les épaisses racines qui sortaient du sol et qui maintenaient Emelï immobile n'avaient cependant pas cillé, et le jeune homme fut fier de son protégé.

        Après s'être assuré que Luaj souffrait moins, Leeroy se concentra de nouveau sur leur ennemi. Son bras droit pendait toujours mollement sur le côté de son corps, alors que des gouttes de sang continuaient de tomber sur la pierre, formant une tâche qui ne tarderait pas à devenir une flaque s'il restait immobile encore quelques minutes. La plaie se situait au niveau de l'épaule, et saignait abondamment. Comment pouvait-on perdre autant de sang et rester aussi impassible ?

        Le combattant soupçonna la magie d'être impliquée, mais quelque chose clochait. Pourquoi ne se servait-il pas de ses pouvoirs pour fermer sa blessure et la guérir ? Deux réponses lui vinrent immédiatement à l'esprit. La première : c'était un piège et il voulait leur faire croire qu'il était affaibli ; il se serait donc blessé lui-même, suffisamment pour créer l'illusion d'optique, mais pas assez pour le mettre en péril. Cependant, Leeroy doutait de cela. Il commençait à cerner le personnage, et celui-ci avait une bien trop grosse estime de lui pour se faire passer pour quelqu'un de fragile.

        Restait donc la deuxième option : Layvin était réellement blessé. Et à priori, sa magie n'était pas capable de le guérir. Mais pourquoi ?

— Vous seriez donc prêt à donner votre vie pour votre cause. Cela me semble respectable, flatta le jeune homme. Cependant, ce que je trouve beaucoup moins noble, c'est que vous soyez prêt à sacrifier votre propre fils.

Layvin vacilla légèrement. Bien qu'il fût compliqué de lire dans ses yeux de miroirs, Leeroy crut y déceler quelque chose. Il n'était pas bien sûr de quoi, mais cela lui convenait.

        Le père de Conrad tourna son regard vers l'enfant. Son enfant. Il était beau. Des cheveux roux et bouclés, des yeux verts et pétillants. Il était fier de son fils. Mais de le voir ainsi manipuler la magie ne faisait que lui rappeler son destin : éliminer son frère et tous ceux qui possédaient la même magie que lui. Sa famille était maudite.

        Depuis des générations, ses ancêtres semaient la terreur sur le monde. La magie de sa lignée était obscure, violente. C'était son devoir d'y mettre un terme. Même si pour cela, il devait regarder son fils mourir.

        Agacé par la tournure de la conversation, Layvin y mit fin d'une voix tranchante :

— Assez parlé. Maintenant que tu connais mes motivations, qui sont de rétablir l'équilibre entre le bien et le mal, j'aimerais récupérer Emelï, ainsi que Conrad, puisque tu me l'as gentiment ramené.

Le garçon eut des sueurs froides.

— Non...

Il jeta un regard à Leeroy. Un regard qui le suppliait de ne pas l'abandonner. Il ne voulait pas revivre ça. Encore moins maintenant qu'il savait que son propre père voulait le faire tuer.

        Le dragonnier sortit les mains de ses poches et s'arrêta, faisant face à Layvin.

— Voyez-vous, quelles que soient vos motivations, je ne vous laisserais pas vous approcher, ni d'Emelï, ni de Conrad.

Le père de ce dernier éclata d'un rire franc qui résonna dans toute la grotte.

— Et tu crois être capable de m'en empêcher ?

Leeroy haussa les épaules.

— Si vous étiez si fort que ça, Aïkida serait ici, vous ne seriez pas blessé, et vous n'auriez pas cherché à gagner du temps.

Un grand sourire sur les lèvres, Layvin ne releva pas la provocation et demanda plutôt :

— Et selon toi, quelle serait la raison pour laquelle je souhaiterais gagner du temps ?

Le dragonnier arqua un sourcil.

— À vrai dire, je n'en suis pas certain, mais j'ai une hypothèse. À mon avis, cette blessure là — il pointa du doigt son épaule droite — ne peut pas guérir grâce à vos pouvoirs. À mon avis, vous avez été empoisonné, et vous cherchiez à gagner du temps pour vous permettre de reprendre vos esprits. Vous espériez trouver un moyen de guérir rapidement avant que les combats ne commencent, car vous saviez très bien qu'il y aurait un affrontement.

Voyant son adversaire défaillir, Leeroy comprit qu'il avait vu juste. Ce fut à son tour d'offrir un sourire carnassier.

— Et malheureusement pour vous, ajouta-t-il, ma magie est composée à cinquante pour-cents de poison.

Sans même attendre une réponse, le jeune blond fit sauter toutes ses barrières intérieures, libérant l'entité maléfique qui vivait en lui.

        Ses veines devinrent noires, ses yeux devinrent noirs, ses cheveux devinrent noirs. Leeroy avait disparu. À sa place, se tenait un démon.

        Bien qu'ils se fussent entraînés ces dernières semaines, c'était la première fois que Conrad voyait son ami lâcher prise de la sorte. Une pression supplémentaire s'ajouta à ses épaules, car dorénavant, il était le seul capable de le ramener à la raison.

         Si Layvin fut surpris de la tournure des évènements, il n'en montra rien. D'un geste vif, il ouvrit la paume de main gauche, et des dizaines de filaments noirs jaillirent de sa peau pour former une cage qui englobait son fils et Leeroy. Il fronça cependant les sourcils en constatant la finesse des barreaux. Le jeune homme disait vrai, il avait été empoisonné, et il avait perdu beaucoup de sa puissance.

        Ce constat l'irrita d'autant plus. Fermant les yeux, il se concentra et répéta la même technique qu'il avait utilisée sur Aïkida pendant sa captivité. C'était l'une de ses particularités. Il était capable de créer un environnement hostile à la magie. Si hostile que toute tentative se soldait par une douleur insurmontable.

        Conrad se mit à hurler. Ses cris stridents déchirèrent le cœur de son père, mais celui-ci ne fléchit pas. Le garçon s'effondra, libérant ainsi Emelï de ses liens. Cette dernière tomba au sol elle aussi, mais ne semblait pas vouloir bouger. Leeroy, lui, sembla insensible au sortilège de son ennemi. En effet, il n'utilisait pas de magie à proprement parler. Il ne faisait que véhiculer une aura maléfique. Un poison.

        Ce dernier avait pris possession de son corps, et libérait une fumée toxique dans la grotte. Une fumée qui aurait dû éliminer Layvin.

        Raté.

        Les hurlements de Conrad étaient horribles. Luaj n'y tint plus.

Leeroy tu m'entends ?

Lorsque l'obscurité s'emparait du combattant, il arrivait que ce dernier ne puisse plus communiquer avec personne. Ni même avec sa dragonne. Par chance, cette fois-ci, il entendait tout.

Oui. Il est trop puissant. Je ne pourrais pas le battre seul. Il faut trouver un moyen de s'échapper avec la petite.

Il ne leur fallut pas plus de dialogue pour se comprendre.

        Leeroy devrait se débrouiller sans Conrad. Et il y arriverait. Il hurla à son tour tant la douleur lui déchira le corps. La fumée lui brûla les poumons alors qu'il entamait son combat intérieur pour chasser le poison. Il devait faire vite, sans quoi Layvin profiterait de sa position délicate. Il n'aurait pas beaucoup de temps. Une fraction de seconde, en réalité. Il devait être rapide.

MAINTENANT !

Il eut l'impression qu'on lui arrachait le cœur et il hurla de plus belle, luttant contre son démon intérieur. Il fit preuve d'une force qui l'étonna lui-même. Il reprit le dessus en un rien de temps, surpassant sa souffrance et chassa le poison tout en se concentrant pour ne pas s'évanouir de douleur. Ses veines reprirent leur couleur initiale, ses yeux redevinrent bleus et ses cheveux redevinrent blonds. Jamais il n'avait réussi à le faire aussi rapidement. Mais lorsque la vie de ses amis était en jeu, rien ne pouvait l'arrêter.

        Leeroy n'eut pas le temps de réfléchir et forma un puissant bouclier autour d'Emelï, Conrad et lui, tombant à genoux, dorénavant lacéré par la magie de Layvin qui voulait l'empêcher d'utiliser la sienne.

        Une fraction de seconde. Tout ceci n'avait duré qu'une fraction de seconde.

        Les pupilles de Leeroy rétrécirent et les flammes se reflétèrent brusquement dans ses yeux. Luaj cracha tout le feu dont elle était capable à l'intérieur de la grotte, carbonisant le frère du Masque Noir dont le sortilège cessa aussitôt.

        Le jeune blond prit une grande inspiration, comme s'il sortait de l'eau après avoir fait une longue séance d'apnée. L'absence de douleur fut si immédiate qu'il en perdit presque connaissance. Mais il se ressaisit rapidement et se releva non sans tituber. Conrad pleurait, mais s'était remis debout lui aussi. Emelï, quant à elle, n'avait toujours pas bougé.

        Ils ne voyaient rien, aveuglés par les flammes qui venaient s'écraser contre le bouclier de Leeroy, les englobant dans une chaleur étouffante.

        Une fraction de seconde. Ils n'avaient qu'une fraction de seconde.

        Conrad sut ce qu'il avait à faire avant même qu'on le lui demande. Grâce à ses pouvoirs, il se saisit d'Emelï, et s'élança derrière Leeroy qui s'était mis à courir à travers le feu, toujours protégé par sa magie. Le rouquin scruta les flammes et crut apercevoir Layvin, debout. Mais ce fut si rapide qu'il préféra se convaincre que ce n'était que le fruit de son imagination.

        Leeroy dégoulinait de sueur alors qu'il courrait vers la sortie, prenant bien soin de protéger les deux enfants qui le suivaient derrière. Dès qu'ils furent à l'extérieur, ils contournèrent la dragonne et furent à l'abris de son feu brûlant. Sans perdre une minute, après avoir éteint son bouclier, le combattant fit monter Conrad sur la selle de Luaj et entreprit de ligoter la sœur d'Aïkida avec des cordes rangées dans une besace. Les pouvoirs de Conrad exploitaient la végétation et n'étaient donc pas utilisables dans les airs.

        Suant à grosses gouttes, les sourcils froncés, il était à bout de force et se débattait avec les nœuds entre ses doigts. Il s'emmêlait. Sa vision se flouta alors qu'il remerciait le ciel qu'Emelï ne se débatte pas, sans en comprendre la raison.

— Leeroy !

Ce dernier leva la tête vers le rouquin qui pointait du doigt l'entrée de la grotte dans son dos.

        À travers les flammes, se dessinait une silhouette. Une vision cauchemardesque. Les vêtements de Layvin avaient brûlé. La peau de Layvin avait brûlé. La chair de Layvin avait brûlé. Mais il était là, debout, presque squelettique, et il marchait vers l'extérieur. Ses yeux d'argent brillaient encore plus intensément que le feu qui le consumait.

        Un filament noir jaillit soudain et s'enfonça dans la terre près de l'endroit où se tenait Leeroy. Ce dernier jura. Sans plus de précaution, il prit Emelï sur son épaule et la balança sur le dos de Luaj comme un vulgaire sac de blé. Le temps n'était plus aux politesses.

        Il sauta d'un bond sur la selle alors que la dragonne bleue battait déjà des ailes. Une pluie de filaments noirs s'abattit alors sur Luaj qui rugit de douleur. Leeroy se mit à tousser sérieusement mais ignora sa gorge en feu et se concentra pour former un bouclier autour de sa compagne.

        Le décollage fut chaotique. Mais il fut réussi.

        Désormais à plus d'une centaine de mètre de haut, Conrad observait son père qui devenait de plus en plus petit. Il sentait son regard peser sur lui.

        Et même lorsqu'ils furent hors de vue, s'enfonçant dans les nuages glacés, il continua de ressentir cette horrible impression d'être observé. Car il le savait. Si Layvin avait réussi à le localiser une première fois, alors même qu'ils étaient dans un univers parallèle, dans l'un des Dômes, il n'aurait aucune difficulté à le rattraper dans ce monde ci.

        Laquestion n'était pas de savoir si Layvin les retrouverait, mais quand. 

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