Un ruban violet
Bonjour tout le monde ! Et oui je suis de retour :p J'espère que ce chapitre va vous plaire, n'hésitez pas à laisser un commentaire :)
Bonne lecture !
Athkor se posa dans la petite clairière où il avait fait sa première rencontre avec Aïkida. La nuit les dissimula complètement tandis que la Fille Gelée aidait Suron à descendre de la selle. Elle s'approcha de son dragon et lui caressa doucement le museau, tout en prenant soin de ne pas se couper avec les écailles noires et tranchantes.
— Tu peux repartir dans la Vallée ou rester ici, mais personne ne doit te voir.
— Je ne vais pas risquer d'être découvert, je repars au ruisseau.
— Athkor, je ne te le dis pas assez, mais quand je repense à Brusanth, je ne peux pas m'empêcher de m'imaginer vivre sans toi. Tu es tout pour moi, mon soutien, ma force et mon espoir. Je te dois tout. Je n'arrête pas de penser à ce que doit endurer Tarek par ma faute...
— Tu as fait ce qu'il fallait Kida. Nous en reparlerons plus tard, pour l'instant, tu as d'autres problèmes à gérer.
La jeune fille sourit tristement et se retourna vers son maître d'arme.
— Allons-y.
Suron acquiesça et ils observèrent Athkor décoller en silence avant de partir en direction de la maison Ar-Feiniel.
Une demi-heure plus tard, ils arrivèrent chez la jeune fille. Cette dernière avait la gorge serrée et se tenait devant la porte dégondée de sa maison. Elle voulait d'abord ranger et nettoyer le sang avant d'inviter son Oncle, ne voulant pas accentuer le traumatisme. Cependant, la Fille Gelée ne savait pas si elle aurait le courage de rincer le sol du sang. Du sang de sa mère décédée et de sa sœur disparue.
Suron posa une main encourageante sur l'épaule de son élève.
— Je peux le faire si tu veux, tu n'es pas obligée de t'infliger ça...
— Non, trancha-t-elle d'une voix tremblante. Je dois le faire moi-même. Seule.
— Je peux rester dehors...
— Merci Suron, mais j'en ai besoin. Je dois passer le cap.
Le vieil homme soupira et lui adressa un sourire encourageant.
— Si tu as besoin, je serais chez moi. Je t'emprunte ton second cheval et je vais en profiter pour m'en occuper, il ne doit plus avoir de foin depuis un certain temps et doit avoir faim.
Aïkida hocha la tête, le regard vide, tandis que son professeur s'en allait.
Face à elle, la cuisine. Elle n'avait pas changé depuis la dernière fois qu'ils étaient venus avec Leeroy et Tarek. La table brisée, les chaises démembrées, le sol ensanglanté. Une forte odeur de fer, de moisissure et de brûlé emplissait la maison de bois. Personne d'autre n'était entré.
Du moins, c'est ce qu'elle crut.
D'un pas lent et peu assuré, Aïkida s'avança jusque vers l'escalier, et d'une main tremblante, elle se cramponna à la rampe pour monter les marches recouvertes de sang séché. Le bois écorché lui griffait les mains tandis que ses craquements accompagnaient la jeune fille dans sa progression sinistre. Cet escalier qu'elle avait monté des centaines de fois, pour aider sa mère, courir dans les bras de son père quand il rentrait, ou apprendre à Emelï à monter marche après marche. Cet escalier devenu sombre et sanglant avait pourtant connu les meilleurs moments.
Au fur et à mesure qu'elle progressait, les larmes inondaient son visage et sa gorge se serrait. Sa poitrine était compressée sous le poids des souvenirs tandis que son estomac se battait contre lui-même pour refouler la nausée qui menaçait de surgir.
Ses jambes flageolantes la menèrent jusque sur le palier, devant la porte ouverte de la chambre de sa petite sœur disparue. La respiration d'Aïkida devint saccadée alors qu'elle se battait contre elle-même pour continuer. Il fallait qu'elle rentre. Elle savait ce qu'elle allait y trouver, les images dans sa mémoire étaient intactes, ancrées à jamais dans son esprit.
Ses pieds hésitants la menèrent finalement sur le seuil. Sur les draps de sa petite sœur, était inscrit le message sanglant, toujours là, indemne.
Si tu ne veux pas ressusciter ton père d'entre les morts, peut-Etre voudras-tu revoir ta famille entière ?
M.N.
Aïkida se mordit l'intérieur de la joue avec violence pour ne pas céder aux hurlements qui assourdissaient ses pensées. Des tâches colorées vinrent troubler la vision de la jeune fille alors que ses jambes tremblaient dangereusement. Son cerveau lui ordonnait de quitter cette pièce, de partir loin et de ne jamais revenir, mais son corps était paralysé par la douleur, par le manque. Le manque d'une famille, qui fut entière quelques mois auparavant, et dont il ne restait désormais plus que deux membres.
Finalement, ses pieds obéirent et la Fille Gelée recula pour sortir de la chambre. Ses larmes trempaient son visage rougi alors qu'elle les essuyait rageusement d'un revers de manche. Aïkida était habitée d'une haine qui la rongeait, mais qu'elle ne pourrait jamais exorciser. Se venger, telle aurait été la solution, mais le Masque Noir était mort, elle n'avait personne sur qui s'acharner. Cette sensation de vengeance haineuse ne lui était jamais arrivée, ses parents lui ayant appris que la violence ne menait à rien. Pourtant, ce qu'elle souhaitait plus que tout, à cet instant-là, c'était la résurrection. Celle de sa famille pour pouvoir tenir sa promesse, les protéger et profiter de chaque seconde en leur compagnie, mais elle souhaitait également la résurrection du Masque Noir. Le tuer une seconde fois était devenue une de ses plus violentes envies, le faire souffrir comme il l'avait torturée, comme il avait tué des centaines de fois. Le ressusciter pour voir la douleur et la peur dans ses yeux de miroir, pour voir ses traits d'homme cruel se crisper sous la panique et la rage. Le tuer une seconde fois pour vider son cœur. Mais elle savait que c'était impossible, et elle savait que ce n'était pas une solution que d'espérer se venger. Il fallait qu'elle avance, pour sa famille, pour sa sœur, et pour que le Masque Noir n'ait pas complètement gagné la bataille.
Aïkida respira profondément et tenta de calmer ses tremblements tout en regagnant sa chambre. Lorsqu'elle poussa la porte, un sentiment de nostalgie la saisit aussitôt. Les odeurs, les lumières, le mobilier, tout était identique à sa vie d'avant. En soupirant, elle s'assit sur son lit et caressa la couverture que lui avait trouvée sa mère dans une brocante. La Fille Gelée balaya la pièce du regard, cherchant ce qu'elle voudrait ramener avec elle au château, et ses yeux se posèrent sur son armoire. L'hiver s'installait doucement depuis quelques jours, et elle aurait besoin de vêtements chauds. Bien que la vallée lui fournît tout ce dont elle avait besoin, elle voulait emporter quelques vêtements qu'elle avait déjà porté avant.
Prenant d'épaisses tuniques et une longue cape grise sur l'étagère de son armoire, elle posa ensuite le tout sur son lit, mais son regard se figea. Sur l'oreiller, elle ne l'avait pas remarqué en entrant, était posé un parchemin noué avec un fin ruban violet. Les sourcils froncés et la gorge serrée, Aïkida s'approcha, saisit le papier, et de ses doigts fins, défit le nœud.
Dépêche-toi Aïkida... Tu ne voudrais pas que je trouve ta petite sœur avant toi... si ?
Qui sait ce que je pourrais lui faire...
Aïkida tremblait désormais de tout son corps. Une rage, plus grande encore que celle qu'elle avait ressentie quelques instants auparavant, s'empara d'elle. Ses mains se crispèrent soudainement, froissant le parchemin avec haine. Les larmes qui coulaient sur ses joues n'étaient dorénavant plus dues au chagrin, mais à une terrible envie de destruction. Elle sentit une vive chaleur s'emparer d'elle alors qu'Athkor grondait lui aussi. Elle devait se contenir, ne pas laisser exploser sa rage. Pas maintenant. Aïkida exploserait en face de lui.
Car les menaces étaient signées. Ce prénom écrit à la va-vite, lâche et mesquin.
Tarek.
La Fille Gelée fit preuve d'un contrôle sur elle-même surhumain. Elle avait mieux à faire que de perdre un temps précieux à insulter un dragonnier, elle aurait tout le loisir de lui faire comprendre sa haine quand elle le retrouverait en face, au château.
Respirant un grand coup, Aïkida rangea les quelques vêtements qu'elle souhaitait emporter dans un baluchon, y ajoutant quelques bibelots qu'elle souhaitait avoir auprès d'elle, comme un bracelet de sa mère, une tunique de sa sœur et une bague, trop grande pour elle, de son père. La jeune fille alla même faire un tour dans le bureau interdit de Lomiòn, espérant y trouver quelque chose d'intéressant, mais elle se rappela ensuite que tout provenait de la bibliothèque du château. Elle irait là-bas si besoin.
Elle devait se dépêchait. Les menaces de Tarek étaient sérieuses, il ne fallait pas qu'elle perde de temps. Elle devait nettoyer la maison et passer chez son oncle avant de repartir. Elle n'avait pas le temps de le faire venir jusqu'ici, elle irait le rejoindre chez lui, à cheval.
La détermination de réduire Tarek en pièce redonna du courage à Aïkida. Elle redescendit les escaliers et posa son baluchon dehors, dans l'herbe. Pour nettoyer le sang, de l'eau et du savon suffiraient. La jeune fille fouilla dans un placard de la cuisine et y trouva deux seaux qu'elle emporta avec elle jusqu'au ruisseau, à cinq minutes de sa maison.
Les souvenirs affluèrent de nouveau, et la jeune fille essaya de garder son calme. Petite, elle passait son temps dans l'eau, accompagnée de ses parents, et ils jouaient ensembles. Quand Lomiòn était rentré, il lui apprenait à nager. À chaque retour, elle avait progressé et son père la félicitait, sous le regard attendri d'Elea. C'était également dans ce ruisseau que sa mère lui avait appris qu'elle allait être grande sœur, ils avaient ensuite choisi les prénoms tous les trois. Si c'était un garçon, il s'appellerait Alaric, si c'était une fille, elle s'appellerait Emelï.
Aïkida balaya ses souvenir en même temps que la larme qui perlait au coin de son œil gauche, et s'empressa de remplir les seaux d'eau. De retour chez elle, elle fouilla une nouvelle fois dans les placards pour y trouver un fond de savon et un vieux tissu qui lui servirait à frotter le sol. Mais avant de nettoyer, la jeune fille s'affaira de sortir les chaises ou les morceaux de chaises, ainsi que les vestiges de la table. Une fois cela fait, elle s'autorisa à vider son premier seau sur le sol.
Une heure plus tard, la Fille Gelée se trouvait dans le ruisseau et se débattait comme elle pouvait avec les draps de sa sœur pour y effacer le message sanglant. Le jour s'était levé et il lui était plus facile de repérer les tâches, même si les éliminer était une autre affaire.
Depuis qu'elle avait découvert le parchemin, Aïkida ne cessait de ruminer et d'insulter Tarek. Elle s'était même reprise plusieurs fois à hurler seule, dans sa maison, rageant contre le dragonnier. Il lui faisait perdre la tête. Cette haine envers lui avait même réussit à faire oublier que le sang qu'elle avait sur les mains était celui de sa famille. Comment a-t-il su que je viendrais ici ? Comment a-t-il pu venir ici avant moi sans dragon ?
Le soir, quand elle rentrerait au château, elle prierait silencieusement que quelqu'un soit présent lorsqu'elle irait voir Tarek.
Car si personne ne la retenait, elle le tuerait.
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