Níniel
Bonjour tout le monde ! Merci à tous de m'avoir fait part de vos attentes, certaines d'entre elles m'ont donné des idées intéressantes que vous découvrirez au fur et à mesure. Ce chapitre n'est pas encore du côté d'Aïkida, je sais que vous attendez beaucoup d'avoir des nouvelles de notre chère Fille Gelée, mais je vous promets qu'elles arrivent dans le prochain chapitre !
Sur ce, bonne lecture ! Et merci de m'être toujours aussi fidèles !
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Les souvenirs nostalgiques semblèrent alors quitter le visage de Suron qui afficha un sourire franc :
— Alors si ça ne te dérange pas, j'aimerai retrouver une vieille connaissance qui habite ici, si elle n'a pas déménagé.
Othar sourit à son tour et prit congé du vieil homme.
Ou plutôt, de l'homme-elfe.
Quelques minutes plus tard, Suron se trouvait devant une petite maison en bois qui comportait un étage encastré dans les branches supérieures de l'arbre sur lequel les bases de la bâtisse reposaient. Le vieil homme, malgré les années passées, n'avait pas eu de mal à retrouver ses repères dans ce village où il avait passé quelques années de sa vie. Les souvenirs étaient remontés à chacun de ses pas posés sur les plateformes aériennes qu'il avait foulées de nombreuses fois.
Il inspira profondément en ressentant une étrange émotion l'envahir. Il était là, devant cette porte qu'il avait ouvert si souvent par le passé, redoutant et espérant à la fois ce qui pouvait se trouver derrière.
Refoulant le trac qui faisait surface, Suron frappa à la porte. Trois coups, puis un seul, suivi de deux derniers. Comme autrefois. Il attendit quelques instants, tendant l'oreille pour entendre des bribes de conversation et les grincements de chaises sur le parquet.
Lorsque la porte s'ouvrit, le maître d'arme eut le souffle coupé, projeté plusieurs années en arrière. Seslongs cheveux blonds étaient tressés en une épaisse natte qui tombait sur ledevant de son épaule droite, jusqu'à la naissance de son buste dissimulé parune épaisse tunique gris clair, striée de fines broderies bleues. Sa peau étaitd'une douce pâleur, sans la moindre imperfection. C'était comme si le tempss'était arrêté durant des années, figeant cet être d'une beauté sans pareilledans le présent, à l'âge de vingt-cinq ans, soit l'apparence d'une petite fillehumaine de six ans.
Suron était bouche bée alors que l'elfe l'observait étrangement. Mais alors qu'un frisson parcourait l'échine du vieil homme, celui-ci ressentit soudainement un violent pincement au cœur. La petite elfe qui se trouvait devant lui avait les yeux verts. Elerinna avait les yeux bleus.
— Bonjour ? Je peux vous aider ? demanda-t-elle prudemment de sa voix aigüe.
Mais le maître d'arme fixa celle qui lui avait ouvert la porte avec stupeur, sans pouvoir prononcer le moindre mot. Il avait cru, un instant, revoir celle qu'il avait longtemps aimé. Mais il n'y avait pas d'erreur. Il avait frappé à la bonne porte, et c'était sa fille qui lui ouvrait. Son portrait caché. Sa miniature.
— Monsieur ? insista-t-elle en fronçant ses fins sourcils.
Suron cligna des yeux, sortant de sa torpeur.
— Veuillez m'excusez jeune fille, la ressemblance avec votre mère est tellement frappante que je m'y suis trompé.
Il affichait un léger sourire, mais semblait crispé.
Ce fut au tour de la fille d'Elerinna d'ouvrir grands les yeux, surprise. Suron retrouva cette même expression faciale, dans ses souvenirs, chez celle qu'il avait connue.
— Papa tu peux venir s'il te plait ? demanda alors la petite par-dessus son épaule.
Le vieil homme fronça les sourcils. Papa ? Son estomac se noua. Evidemment. À quoi s'était-il attendu ? Il était parti il y a des années, Elerinna avait refait sa vie avec un autre. Un autre que lui. Et elle avait eu une fille avec. Suron eut soudainement la gorge sèche.
Ressentantle ton étrange de sa progéniture, l'elfe arriva très rapidement et passa devantsa fille, se plaçant entre elle et Suron, les sourcils froncés.
— C'est pour quoi ? questionna-t-il sans ménagement d'une voix caverneuse.
Son ton était néanmoins sévère et méfiant. Ses longs cheveux blonds étaient coiffés en un haut chignon tenu par deux fins bâtonnets de bois. L'elfe était grand, assez imposant du fait de ses larges épaules, mais n'intimidait pas pour autant Suron. Son visage était fermé, ses mâchoires allongées étaient contractées alors que de fins traits se dessinaient autour de ses yeux bleus plissés. Des yeux bleus.
C'estalors que ce détail frappa Suron de plein fouet. Tous les elfes ont les yeux bleus. Hormis ceux qui sont victimes duhasard de la génétique comme le Prince Elendë, et ceux qui descendent d'unionselfiques-humaines. Suron n'échappait pas à la règle, étant le fils d'unemère elfe et d'un père humain. Ses yeux étaient verts, bien que grisés par lesannées. Il cligna alors rapidement des paupières, alternant son regard entreles deux elfes qui se trouvaient sur le seuil de la porte, analysant rapidementleurs visages. Il n'y trouva pas une seule, ne serait-ce que petiteressemblance. Son cerveau fonctionnait à une vitesse folle alors qu'il faisaitle calcul des années passées, le temps qui le séparait de sa vie à Antístasì,le temps de sa liaison avec Elerinna, la date de son départ, les écarts decroissance entre les elfes et les humains... Tout lui revenait en mémoire.
Et tout s'alignait parfaitement. Tout coordonnait avec l'âge de la petite elfe qui se trouvait devant lui.
La réalité déferla dans son esprit comme une cascade, provoquant de puissantes éclaboussures dans sa vie, lui donnant soudain le tournis. Il fit un pas en arrière, tanguant sur ses jambes devenues tremblantes, le regard plongé dans celui de la fille d'Elerinna. De leur fille.
Cette dernière perçut le mal être de celui qui avait frappé à leur porte et rapporta les faits à son père :
— Il dit qu'il connaissait maman.
Le regard du paternel changea instantanément, passant d'une méfiance offensive à une soudaine surprise.
Le répit que lui avait apporté la petite fille avait suffi à Suron pour reprendre ses esprits. Ou du moins en donner l'illusion. D'une voix mal assurée cependant, il s'adressa au père :
— Je viens d'arriver à Antístasì. Je suis Suron, un vieil ami d'Elerinna, j'aimerai simplement la revoir à nouveau. Cela fait tellement longtemps...
Il avait laissé traîner sa dernière phrase, replongeant dans le passé.
Mais le visage des deux elfes se peignirent alors de douleur. Le père répondit d'une voix séchée par la tristesse :
— Je suis navré, mais ma femme est décédée il y a trois ans. Elle a été très malade et n'a pas survécu.
Sa voix s'était étranglée sur la fin. Suron, lui, vit les étoiles.
— Et elle n'a jamais mentionné votre nom, ajouta-t-il sèchement. Vous devriez partir maintenant.
Et sans attendre la moindre réponse, l'elfe entraîna sa fille à l'intérieur et claqua la porte au nez du maître d'arme.
Celui-ci resta un moment, interdit, à fixer le panneau de bois qui n'était qu'à quelques centimètres de son visage peint par la douleur. Ses lèvres tremblaient, ses yeux s'embuaient et son corps était secoué de soubresauts. Incapable de tenir debout plus longtemps, il s'accroupit pour finalement tomber à genoux. Ses larmes ruisselaient dorénavant sur ses joues, dans les rigoles que formaient ses rides creusées par les années et la souffrance qu'il ressentait. Ici, sur le palier, il venait de prendre encore dix ans d'âge tant le chagrin transformait son visage.
Elerinna avait été la seule elfe qu'il avait jamais aimée. Ils avaient vécu heureux pendant des années qui leur avaient paru une éternité. Le temps n'avait pas eu d'emprise sur leur vie de couple qu'ils menaient alors, rien n'avait jamais pu gâcher leur bonheur. Jusqu'à ce que les réalités violentes d'Aldaron n'éclatent leur bulle de confort. Beaucoup d'elfes avaient fuis la capitale, dont la famille d'Elerinna qui s'était réfugié chez elle, à Antístasì. Mais la jeune elfe, connaissant le point de vue de ses proches sur les relations interraciales, n'avait jamais mentionné Suron devant eux. Alors, lorsqu'ils étaient arrivés et avait découvert leur liaison, l'enfer avait commencé. Suron avait reçu des menaces de mort, et il n'avait plus eu de répit. Il avait sans cesse été humilié, rabaissé et surtout, confronté aux violences des oncles de sa dulcinée. Maîtriser l'art du combat lui avait d'ailleurs très certainement sauvé la vie à de nombreuses reprises. Le couple avait alors tenté de fuir, mais la famille les avait rattrapés, et cette fois-ci, ils s'en étaient également prit à Elerinna. C'eut été la goutte de trop, et si elle ne l'avait pas arrêté ce jour-là, Suron les aurait très certainement tués. Après ce violent épisode, il avait alors pris la décision la plus difficile de sa vie. Quitter la femme qu'il aimait pour assurer sa sécurité. Ce fut l'élément déclencheur de son départ définitif de la Forêt des Elfes.
Il l'avait toujours aimée. Toujours, sans jamais l'oublier. Et il venait d'apprendre sa mort.
Un bruit de poignée qu'on tournait attira son attention et il releva la tête vers la porte. Le portrait de sa défunte compagne se tenait sur le seuil, accroupi, le visage étiré par un faible sourire.
— Vous l'aimiez bien on dirait, remarqua-t-elle à voix basse, prenant garde à ne pas faire trop de bruit.
Suron essuya immédiatement ses larmes et se releva.
— C'est pas la peine de vous cacher. Moi aussi j'ai beaucoup pleuré quand...
Mais elle ne finit pas sa phrase. Sondant le regard rougi de cet inconnu devant sa porte, elle lui murmura de sa petite voix claire, tentant de ne pas se faire entendre par son père :
— Maman repose en paix, elle est maintenant un Phiniksa, l'arbre phœnix qui nait de nos cendres.
Suron esquissa un sourire, se souvenant qu'effectivement, c'était ce qu'Elerinna avait voulu que l'on fasse d'elle après sa mort.
Du bruit retentit à l'intérieur de la maison que le vieil homme connaissait par cœur, et la petite elfe se crispa.
— Je suis désolée, mais je ne peux pas en dire plus, papa ne sait pas que je suis encore là. Il n'aime pas qu'on parle de maman.
— Je comprends, assura Suron d'une voix tremblante, mais apaisée.
Mais alors que son interlocutrice tournait les talons et rouvrait la porte, il l'interpella à voix basse :
— Jeune fille ?
Celle-ci se retourna, un sourcil arqué. Chacune de ses expressions replongeait le maître d'arme dans son propre passé.
— Puis-je connaître votre prénom ?
Elle sembla étonnée par cette requête, puis hésita un instant. Son visage fin, si ressemblant à celui de sa défunte mère, était la définition même de la douceur et de la bonté. Ses yeux vert émeraude scrutaient Suron avec une certaine curiosité teintée de surprise. Après-tout, il n'était qu'un inconnu pour elle. Mais au fond, une petite voix dans son esprit la poussa tout de même à répondre :
— Je m'appelle Níniel.
Puis elle disparut derrière le panneau de bois.
Suron se rassit sur l'épaisse branche qui soutenait la maison, tremblant. Níniel. L'un des prénoms qu'ils avaient choisis si jamais ils devaient avoir des enfants, Elerinna et lui. Et Níniel était celui qu'il avait préféré. Fermant les yeux, il figea à jamais l'image de ce visage dans son esprit, si proche de celui de celle qu'il avait tant aimé. Mais, scrutant son portrait derrière ses paupières fermées, il remarqua alors une lueur dans ses prunelles émeraudes. La même que la sienne lorsque qu'il souhaitait obtenir plus de réponses.
Cela ne faisait aucun doute, Níniel était sa fille.
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