Une alliance contre une victoire?
Les deux jeunes dragonniers arrêtèrent soudain toute magie pour éviter de blesser quelqu'un, et la boule de feu-froid disparut. Aïkida observait Tarek. Il avait les traits crispés et la mâchoire serrée, comme s'il s'était battu. Mais son expression redevint rapidement celle que la jeune fille connaissait : froide et impénétrable.
Le trio de dragonniers continua de s'entraîner à la magie tout le reste de l'après-midi, et ils n'eurent aucun doute, les pouvoirs de la Fille Gelée étaient largement supérieurs. Lors de simples exercices, comme la télékinésie, elle s'avérait déplacer des objets beaucoup trop lourds pour un simple dragonnier ou magicien. Une fois encore, lors de certains exercices, les résultats étaient non seulement plus puissants, mais également inversés ; comme les exercices de feu où Aïkida fournissait principalement du froid et de la glace.
Comme à chaque utilisation de magie, une douce chaleur se propageait dans les veines de la jeune fille et son iris gauche virait au violet, plus ou moins clair selon l'intensité de l'effort. Les trois dragonniers constatèrent également que la Fille Gelée pouvait transférer ses boucliers magiques. Au lieu de le porter sur elle, la jeune fille découvrit sa capacité à le déplacer sur un espace d'environ cents mètres autour d'elle.
C'était principalement Leeroy qui l'entraînait. Tarek, lui, n'utilisait sa magie que très rarement, et Aïkida avait remarqué que son expression était tendue à chaque fois qu'il usait de ses pouvoirs. Peut-être qu'il est moins puissant qu'il ne le laisse croire, et que la magie lui demande beaucoup d'énergie ? Cette hypothèse n'était pas à rejeter, et la jeune fille la plaça dans un coin de sa tête.
Après une après-midi d'entraînement intensif, les trois dragonniers se quittèrent pour commencer les préparatifs de leur escapade nocturne.
— N'oubliez pas, on n'y va pas pour se battre, mais pour se renseigner, emmenez le strict minimum, ordonna Tarek avant de partir.
La jeune fille se dirigea alors vers le cabanon de Kiuro le forgeron, devant lequel quelques hommes discutaient. Quand elle arriva à leur hauteur, tous se turent, mais Aïkida ne releva pas, habituée à ce comportement dans son village. Ils s'écartèrent même pour la laisser passer jusqu'au comptoir.
Kiuro la regardait fixement puis lui offrit un sourire amical. Le vieil homme essuya ses mains noires sur un vieux tissu posé non loin, et s'adressa poliment à la jeune fille :
— Que puis-je pour vous ma Dame ?
Cette dernière arqua un sourcil, surprise par ce surnom non habituel, mais répondit poliment :
— Quelles sont les plus petites armes que vous avez ?
Les yeux du forgeron s'illuminèrent et il lui sourit plus franchement.
Le vieil homme entra dans sa cabane et des bruits métalliques se firent entendre. Quelques minutes plus tard, il ressortit avec un sac rouge bordeaux, qui avait l'air d'être assez lourd. Il le retourna, et des dizaines de petites armes différentes s'étalèrent sur le comptoir, devant la Fille Gelée. Les lames n'étaient pas plus grandes que le petit doigt de la jeune fille. Mais avant même de s'attarder à toutes les observer, elle demanda, précise :
— J'en voudrais quelques-unes qui puissent se dissimuler, faciles d'accès et efficace. Parmi l'une d'elles j'aimerais avoir une lame courbée et une autre dentelée.
Kiuro sourit et s'exclama :
— Je vois que j'ai affaire à une connaisseuse, ça fait plaisir ! J'ai quelques modèles qui répondent à vos critères et qui pourraient vous satisfaire.
Aïkida écouta les conseils du vieil homme tout en observant les lames qu'il lui présentait. Son attention fût attirée à trois reprises par trois fines armes de formes différentes. Kiuro les mit alors de côté et les aiguisa pour les rendre flambant neuves. Une fois cela fait, il lui tandis quelques accessoires pour les ranger, dont un bandeau de cuir dans lequel se trouvait une petite poche pour cacher l'une des lames.
— Je vous dois combien ? demanda la jeune fille en fronçant les sourcils, se rappelant soudainement qu'elle n'avait pas d'argent sur elle.
À cette question, Kiuro se mit à rire et lui expliqua en s'esclaffant :
— Mais ici tout est aux services des combattants ma Dame, vous ne me devez rien !
Aïkida haussa les sourcils, surprise, puis sourit au forgeron, soulagée.
Mais son regard fut alors attiré par une arme particulière, accrochée au mur en face du comptoir. Interprétant son expression, le vieil homme se retourna. Lorsqu'il comprit ce qui attirait la jeune fille, il lui expliqua :
— C'est une épée à double lames rétractables. C'est mon petit bijou, annonça-t-il les étoiles plein les yeux. Malheureusement, il n'y a que très peu de personnes qui se souviennent de la maîtrise de cette arme, c'est un art très ancien. C'est Ducandò majïsa.
Aïkida regardait l'arme avec émerveillement, et se jura qu'un jour, elle apprendrait à l'utiliser.
Elle remercia le forgeron et s'en alla avec ses nouvelles armes, soigneusement cachées.
La jeune fille se dirigea alors vers les écuries ; Mad, son fidèle cheval noir, était le seul lien qu'elle possédait entre sa nouvelle vie et sa famille. Elle avait besoin de le voir. Aïkida trouva son compagnon dans son box, mangeant de l'avoine. Elle sourit et entra pour caresser doucement le pelage soyeux de son cheval tandis que ce dernier secouait sa crinière.
Quelques minutes plus tard, Mad était prêt. Aïkida le monta avec bonheur, et le duo s'engagea au galop parmi les nombreuses petites collines de la vallée. La jeune fille se baladait, sans but, dans le sublime paysage au cœur des Montagnes, et repensait aux derniers évènements. Bien qu'elle ne le montrât pas, ce changement radical dans sa vie l'affectait beaucoup, et ses proches lui manquaient. Elle repensa à son père, et ses pensées prirent une tournure plus sombre encore.
Elle lui avait juré de protéger sa famille, mais elle n'était plus à la maison pour remplir sa mission.
La jeune fille repensa également à Tarek et aux différents mystères qui l'entouraient. Ses pensées dérivèrent finalement vers Leeroy, puis vers son dragon.
— Comment vas-tu Athkor ? demanda-t-elle par le biais de la pensée.
— Je reprends des forces pour ce soir. Et toi ?
— Je réfléchis. Mon père me manque...
Aïkida entendit un doux grondement dans son esprit, et comprit que son dragon lui apportait du réconfort.
— Ne fait pas l'imprudente ce soir, conseilla-t-il.
— Je ne peux pas te le promettre, dit-elle, le ton léger.
Un grondement faussement désapprobateur suivit sa réponse et la jeune fille sourit. Non, je ne tenterai pas l'impossible. Pas ce soir.
Elle observa le magnifique paysage de la Vallée plongée dans les tons orangés du crépuscule. Les pierres du château renvoyaient une douce lumière pâle et surplombaient les collines de leur hauteur spectaculaire. Les étendards ne flottaient pas, le vent étant absent pour le moment, laissant les tours neutres et naturelles.
La Vallée était calme, mais pour combien de temps encore ?
La jeune fille se dirigea vers ses appartements et constata que dans les couloirs, les combattants et les gardes la regardaient avec une sorte de respect, sauf quelques-uns qui lui jetaient des regards mauvais. Étrange...
Lorsqu'elle arriva dans ses appartements, Ambre l'attendait dans son salon.
— Où étiez-vous ? J'étais morte d'inquiétude ma Dame !
Aïkida s'arrêta net en haussa un sourcil. Elle se tourna vers son amie et demanda :
— Pourquoi ce soudain vouvoiement et toutes ces politesses ?
Ambre baissa les yeux et expliqua presque en chuchotant :
— Ce sont les ordres du Haut-Dragonnier, il vient de vous placer au rang de Reine.
Le visage de la Fille Gelée se décomposa.
— Que... quoi ?!
— Je suis navrée, je n'en sais pas plus ma Dame, expliqua la jeune femme en fixant ses souliers.
Aïkida resta quelques secondes bouche bée à fixer Ambre qui se ridiculisait devant elle, comme une esclave.
— Je suis ton amie ! Ne me vouvoie pas, ne m'appelle pas « ma Dame » et je ne suis pas une Reine !
— Mais le Haut-Dragonnier a dit que... commença piteusement Ambre.
— Je vais régler ça, coupa la Fille Gelée.
Et la jeune fille tourna les talons, poings serrés.
Dans la salle du trône, Nàmo s'entretenait avec Scar quand les portes s'ouvrirent avec fracas. Aïkida entra en trombe, succédée de deux gardes, dépités et honteux. Le Haut-Dragonnier regarda les trois arrivants avec étonnements et ses traits se durcirent.
— Je ne crois pas vous avoir donné l'autorisation de laisser entrer cette jeune fille, dit-il sévèrement en s'adressant aux gardes.
Mais alors que les deux hommes ne savaient pas quoi répondre, morts de honte, Aïkida s'avança d'un pas ferme vers les deux souverains et répliqua d'un ton cinglant :
— Je ne crois pas non plus vous avoir donné l'autorisation de me placer au rang de Reine !
Nàmo observa la jeune fille, n'appréciant pas son culot face à deux souverains, tandis que Scar affichait un air hautain et un sourire malsain. Le Haut-Dragonnier grommela :
— Je vais devoir renforcer le nombre de gardes s'ils sont incapables de tenir tête à une jeune fille.
Les deux présents se firent le plus petits possible.
— Ces remarques ne sont pas dignes de vous, répliqua Aïkida d'un ton sec. J'exige des explications.
Le vieil homme se tourna vers le Roi de Vicini et lui chuchota quelque chose à l'oreille que la jeune fille ne put entendre.
Scar se tourna alors vers Aïkida et se dirigea vers la sortie. Au passage, il lui frôla l'épaule et lui adressa un sourire mauvais qui la fit frissonner. Il sortit ensuite de la salle, suivi des deux gardes pour laisser la Fille Gelée seule avec Nàmo.
Ce dernier se retourna vers la fille aux cheveux blancs et lui proposa un siège, qu'elle refusa.
— Je veux des explications. Je ne suis pas une Reine, et ce n'est certainement pas vous qui allez changer le court des choses.
Nàmo soupira en se passant les mains sur le visage puis expliqua :
— Une guerre est sur le point d'éclater. Comme tu le sais, les combats contre le Masque Noir ne sauraient tarder et il semblerait que les batailles soient plus dures et dangereuses que prévues. Des rumeurs courent comme quoi il aurait rassemblé une armée insurmontable, avec des milliers d'hommes et de créatures. Le seul moyen d'être sûr de gagner, est de s'allier aux autres royaumes. Les procédures normales sont beaucoup trop longues et ne seraient jamais terminées à temps avant le commencement des combats. Le seul moyen de faire alliance le plus rapidement possible est le mariage.
La mâchoire de la jeune fille faillit atterrir sur le sol. Elle fixait le souverain de la Vallée avec effroi tandis que son cerveau analysait ce qu'il venait de dire. Le mariage. Au fur et à mesure qu'elle comprenait, ses yeux s'agrandissaient et ses traits se crispaient. Nàmo continua :
— La solution la plus rapide était évidemment de te marier avec un des Rois présents ici. Or, il n'y en a qu'un seul en qui j'ai réellement confiance, et c'est d'ailleurs lui qui m'a proposé cette idée. Les papiers sont déjà presque complets, il ne manque plus que tes signatures. Les préparatifs ont commencé cet après-midi et le mariage aura lieu demain à midi.
Aïkida avala difficilement sa salive et demanda prudemment :
— De qui s'agit-il ?
Nàmo haussa un sourcil et répondit par une question :
— Tu ne vois donc pas de qui je parle ?
La jeune fille se tendit comme un arc et se retint afin de ne pas être incorrecte.
— Et bien, je parle évidemment de Scar.
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