Un funeste dilemme
Aïkida soupira longuement. Si elle voulait revoir sa famille en vie, elle devrait se plier aux ordres. Qu'ils lui plaisent ou non.
Tarek brisa le silence qui s'était installé en se tournant vers Jìvi :
— Le Masque Noir aurait réveillé certaines créatures du passé. Nous n'avons pas eu le temps de les apercevoir avant d'être assommés de douleur, mais leurs rugissements étaient puissants et aigus, semblables à des cris humains. La magie que dégageaient ces bêtes était très maléfique, je le sentais au plus profond de mon être. C'était aussi sombre que le Masque Noir lui-même.
Le jeune brun sentit le regard appuyé de son frère d'arme mais l'ignora en demandant au spécialiste des créatures anciennes :
— À quel genre de créature pouvons-nous nous attendre ?
Les yeux apaisants de Jìvi prirent une teinte sombre quand il s'accouda sur la table en s'avançant, comme s'il faisait une confidence :
— Le pire qu'il puisse nous arriver serait que le Masque Noir aie réussit à ramener les Demoscàth.
Tout le monde retient son souffle à l'évocation de ces monstres antiques. Tout le monde, sauf Aïkida.
— C'est quoi ça encore ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.
— Je connaissais l'existence de la magie et des dragons, déclara Suron, ainsi que celle du Masque Noir, des Elfes et d'autres créatures. Mais ne me dites pas ce que racontent les légendes sur ces créatures est vrai ?
La mine grave de tous les autres membres présents en disait long. La situation était très grave.
Aïkida fronça les sourcils et reposa sa question :
— C'est quoi comme créature ces fameux Demo-je-sais-pas-quoi ?
Leeroy se tourna vers son amie, les yeux graves.
— Les Demoscàth sont les créatures les plus puissantes, au même niveau que les dragons. Mais elles sont certainement les bêtes les plus maléfiques connues à ce jour.
— Plus encore que les gollurnuks ? demanda-t-elle.
Mais aussitôt qu'elle eut posé sa question, elle se mordit violemment l'intérieur de la joue. Un gout de fer emplit sa bouche.
Toutes les têtes s'étaient tournées vers la jeune fille. Tarek et Leeroy lui adressèrent un regard noir tandis que Nàmo la fixait, les sourcils froncés :
— Viens-tu de dire « gollurnuks » ?
Il était trop tard pour reculer. Aïkida ne pouvait pas nier ses propos, tout le monde avait entendu.
Aucun des trois dragonniers n'avait dénoncé la relation qu'entretenait Scar avec les gollurnuks et le Masque Noir. À chaque fois qu'ils avaient essayé, ils s'étaient retrouvés face à un mur. Un mur construit à l'aveugle.
Prenant une grande inspiration, la Fille Gelée planta son regard bleu d'acier dans les yeux perçants du Haut-Dragonnier et, sans ciller, elle répondit d'une voix claire :
— C'est bien ce que je viens de dire.
Le regard de Nàmo devînt plus sévère alors qu'il demanda d'un ton autoritaire :
— Comment cela se fait-il que tu connaisses leur existence ?
La jeune Ilewite soutint son regard. Elle s'apprêtait à répondre quand Leeroy l'interrompit :
— C'est moi qui l'en ai informé.
Aïkida fut étonnée de l'intervention de Leeroy, mais se maîtrisa entièrement pour ne rien laisser paraître. Aucun froncement de sourcil, aucun regard vers son ami, aucune étincelle de surprise.
Durant toute son enfance elle avait dû se maîtriser de cette manière, ne rien laisser paraître. La jeune fille devait paraître froide aux yeux des villageois, et cela lui avait valu son surnom de Fille Gelée.
C'était donc sans difficulté que son masque de détermination restait en place sur son visage blanc comme les neiges.
Apparemment satisfait, Nàmo tourna ses yeux sévères vers le jeune blond et demanda :
— En quel honneur lui apprends-tu ce genre de choses ?
Leeroy ne cilla pas et répondit calmement :
— Elle avait le droit de savoir qui sont nos ennemis. Je ne vois pas où est le problème.
— Nous avons déjà eu ce genre de discussion Leeroy. Je sais que vous vous méfiez de Scar, bien que je ne comprenne pas pourquoi, mais il n'a rien à voir avec ces créatures du mal. Je t'interdis de lui mettre ça dans le crâne. Est-ce bien clair ?
Nàmo avait arqué un sourcil, l'air sévère, attendant sa réponse. Aïkida fut surprise par ce qu'il venait de dire. Leeroy lui aurait-il dit ?
Le jeune blond, le fixant toujours dans les yeux, jura :
— Je promets de ne pas lui mettre de bêtises dans la tête.
Je ne lui mettrais donc pas dans le crâne que Scar est des nôtres. Elle le sait déjà.
Le Haut-Dragonnier acquiesça et l'ambiance se détendit légèrement alors que Tarek fixait ses deux compagnons avec avertissement.
Le Conseil de Guerre se termina rapidement avec les différentes tactiques de combats, et les rôles furent distribués. Après avoir pris un bon repas, Kepalâ s'occupa de rassembler tous les archers pour leur montrer le chemin des passages secrets tandis que Leeroy aidaient les femmes et enfants à rassembler leurs affaires pour les amener dans les salles secrètes et sécurisées. Tarek quant à lui, devait avertir les combattants des Montagnes pour les réunir dans la Vallée. Il s'était muni d'un cor en ivoire pour que le rassemblement s'effectue plus rapidement.
Aïkida, elle, n'avait rien à faire, seulement se préparer pour les combats du lendemain. Frustrée, elle décida de rejoindre Leeroy qui était déjà parti.
Progressant dans les couloirs du château à la recherche de son ami, la Fille Gelée réfléchissait à ce qui l'attendrait durant les heures à venir.
Elle affronterait une armée de soldats et de créatures dont elle ignorait les capacités, sans sa magie. La jeune fille se doutait également que le Masque Noir serait présent, et qu'il utiliserait tous les moyens possibles pour la faire craquer. Je n'utiliserais pas ma magie.
Soudain, une terrible pensée traversa l'esprit de la Fille Gelée. Tant elle était horrible, Aïkida s'arrêta net, en plein milieu du couloir. Et s'il menaçait Emelï et Elea pour avoir ma magie ? Une chaleur perçante s'introduit dans sa tête alors qu'elle s'imaginait la terrible scène.
C'est le Masque Noir. Il le fera... La jeune fille porta une main tremblante à sa tête brûlante tandis qu'un nœud se formait avec violence dans son estomac. Je ne peux pas utiliser ma magie... la survie de milliers de personnes en dépend. Titubant et s'appuyant contre le mur froid, Aïkida tremblait d'horreur. Mais je ne pourrais pas le laisser les tuer...
Le plus gros dilemme de sa vie venait de lui sauter aux yeux. Qu'est-ce que je vais faire ?
Tout à coup, Tarek apparut dans son champ de vision, sombre sous sa capuche rabattue. Avant même qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche elle se retrouva soudainement écrasée contre le mur, un poignard posé sur la gorge.
— Les rôles s'inversent on dirait. Suis-moi sans faire d'histoire, ordonna-t-il d'une voix froide.
Aïkida serra les dents et tenta de dégainer la dague de son avant-bras, mais le jeune dragonnier s'appuyait de tout son poids contre la jeune fille, lui rendant tout mouvement impossible et la respiration difficile.
Il se pencha vers l'oreille gauche de la jeune Ilewite et lui chuchota d'un ton menaçant :
— J'ai dit sans faire d'histoire.
La lame froide appuyait sur le cou blanc de la jeune fille, lui laissant des marques rouges tout autour du contact d'acier.
Serrant les dents, furieuse de s'être déconcentrée une seconde, Aïkida lui fit comprendre qu'elle ne tenterait rien à travers ses yeux bleus et froids. Elle commençait à en avoir marre de ces menaces.
Se reculant légèrement, Tarek saisit violemment l'épaule de la jeune fille et la fit pivoter, de sorte que son dos soit contre son torse pour qu'il puisse garder le poignard fermement appuyé sur la peau de sa captive.
Cette dernière leva les yeux au ciel et répliqua froidement :
— Tu n'es pas obligé de te la jouer au grand méchant à chaque fois, une simple invitation et je t'aurai suivi, abruti !
Suite à cette remarque, Tarek appuya un peu plus sur sa lame, laissant couler un filet de sang sur la peau d'Aïkida, ravivant ses anciennes blessures et l'obligeant à lever la tête au maximum.
Serrant les poings, la jeune fille cracha entre ses dents :
— Fais-moi penser te régler ton compte quand tu me lâcheras.
Face à cette réplique cinglante, le jeune brun afficha un sourire insolent, qu'Aïkida ne vit pas, avant de répondre :
— Le problème ma p'tite gelée, c'est que tu n'es pas la seule à vouloir ma peau. Donc pour l'instant tu vas juste faire ce que je te dis, et pour le reste, on verra plus tard. D'accord ?
La lame du poignard s'enfonçait peu à peu dans la gorge d'Aïkida, et cette dernière respirait difficilement, tentant de trouver une position dans laquelle elle aurait le moins mal. En vain, elle chuchota, le souffle manquant :
—Tu ne pourrais pas reculer ta lame ? Tu me fais mal et j'étouffe.
Derrière sa capuche, Tarek sourit sombrement, et non sans desserrer son emprise, il actionna une pierre à sa gauche.
Dans un bruit sourd, une fente se forma dans le mur et il s'y engouffra, emmenant sa captive avec lui.
La fente se poursuivait sur plusieurs mètres, uniquement éclairée par une torche accrochée au mur. L'espace était juste assez large pour permettre à deux personnes de progresser dans cet étroit couloir sombre. Le mur de pierre se referma derrière eux.
Tarek ne fit que quelques pas avant de s'arrêter en plein milieu du passage. Il prit violemment l'épaule de la Fille Gelée et la retourna pour la plaquer contre le mur, le poignard toujours sur la gorge.
La jeune fille respirait désormais un peu mieux, le jeune brun ayant desserré son emprise sur son cou. Elle observa alors son visage sombre, presque caché par l'obscurité et la capuche noire qui recouvrait sa figure. Dans l'impossibilité de voir ses yeux, elle constata également qu'il avait la mâchoire serrée et que son visage paraissait effrayant.
Néanmoins, Aïkida n'était pas dupe.
— Qu'est-ce que tu me veux ? demanda-t-elle sèchement.
Le jeune brun fixa sombrement la jeune fille et se recula, retirant la lame du cou de sa captive. Lentement, il ôta sa capuche, sans jamais quitter des yeux la jeune Ilewite.
Cette dernière retînt son souffle, les yeux écarquillés. Une vision d'horreur s'offrait à elle.
Tarek se tenait devant elle, les yeux brillants dans l'obscurité. Le cœur d'Aïkida se serra en voyant la lueur de désespoir qui pointait dans ses iris clairs malgré un regard qui se voulait menaçant.
Ses prunelles de miroir fixaient la jeune fille, entièrement argentées.
— J'ai besoin de toi p'tite gelée.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro