Réveil digne de son nom
Aïkida se réveilla avec un horrible mal de tête. Elle était toujours sur son lit d'infirmerie mais il n'y avait presque plus de combattants dans les sous-sols. La jeune fille se redressa en gémissant, ce qui attira l'attention d'une bande de combattants. C'était en fait ses amis qui avaient attendu son réveil, ainsi que Leeroy. Ils se précipitèrent vers elle et l'assaillirent de questions. Eux-aussi étaient tous plus ou moins blessés, des bandages sur le corps. Aïkida ne se préoccupa pas des jeunes gens et ne répondit pas à leurs questions, se concentrant sur son état physique. Sa cuisse lui faisait atrocement mal, ainsi que son cou et sa mâchoire, là où les plaies étaient les plus profondes. Elle s'aperçut qu'Ambre lui avait fait beaucoup de bandage, mais que ses blessures ne saignaient presque plus.
— Je t'ai cicatrisé les plaies, mais je ne peux pas enlever la douleur, seulement l'atténuer, expliqua Leeroy.
Aïkida lui lança un regard glacial et balaya la pièce du regard. La dague de Tarek, salie par son sang, reposait sur une petite table à côté du lit. Sans prévenir, elle s'en saisit brusquement et se jeta sur le jeune blond, furieuse. Ce dernier avait saisi juste à temps une barre de fer qui traînait là, et s'en servit pour bloquer l'arme.
— Tu étais au courant ! Toi et Tarek n'êtes pas mieux l'un que l'autre ! hurla Aïkida.
— Quoi ? Mais de quoi tu parles ? répondit Leeroy en saisissant le poignet de la jeune fille.
Les deux jeunes gens se regardèrent dans les yeux tandis que les joueurs regardaient la scène, tous aussi perdus que Leeroy.
— Tu as aidé Tarek à convaincre Nàmo de le laisser se battre contre moi ! Tu l'as aidé pour qu'il puisse me tuer !
Leeroy ouvrit de grands yeux ronds ainsi qu'une bouche béante. Tout le monde retenait son souffle tandis qu'Aïkida continuait de le fixait avec rage.
— Je pensais pouvoir te faire confiance espèce de...
La jeune fille n'eut pas le courage de finir sa phrase et jeta la dague à travers la pièce. L'arme tomba au sol dans un lourd tintement qui fit crisser toutes les oreilles.
Leeroy la regardait, ne sachant pas comment réagir et ne comprenant pas. Jayse s'approcha doucement de la Fille Gelée tandis qu'Alex s'adressait au jeune dragonnier :
— Aller, sors.
— Quoi ? Mais... que...
— Tarek voulait la tuer et tu t'es joué d'elle. Elle n'a plus besoin de toi.
— Que... Tarek ?! Il n'aurait aucune raison de la...
Ponghu ne lui laissa pas terminer sa phrase et lui posa une main ferme sur l'épaule. Leeroy fronça les sourcils et s'exclama, blessé :
— Tu m'accuse de comploter pour un truc dont je ne suis même pas au courant ?!
Il se dégagea de la main de Ponghu et voulu s'approcher de la jeune fille, furieux qu'elle puisse penser cela, mais le jeune combattant, aidé de Soan, lui saisit fermement les bras en l'obligeant à reculer. Leeroy foudroya la jeune Ilewite du regard et se dégagea d'un geste sec avant de partir en direction du château.
Dès que la porte claqua, Aïkida se leva hors du lit après avoir enfiler des vêtements propres qu'Ambre lui avait déposés et ramassa la dague. Les garçons lui lancèrent des regards incompréhensifs et elle s'expliqua :
—Merci de m'avoir ramené ici, mais il faut que je retourne dans ma chambre, j'ai besoin de réfléchir.
Et elle partit sans demander son reste en claudiquant.
La nuit était déjà tombée, et seules la lune ainsi que quelques lanternes éclairaient le chemin jusqu'à la grande porte du château. La jeune fille traversait plusieurs couloirs inoccupés en boitant sévèrement, quand une voix familière la félicita et qu'une douce chaleur calmait ses douleurs :
— C'était un super combat Kida. Tu t'es bien battue.
— Merci Athkor, mais ce n'était pas suffisant. J'aurais dû le tuer quand j'en avais l'occasion.
— La violence n'est pas une solution Aïkida.
— Il veut me tuer ! Je n'ai pas le choix ! C'est lui ou moi, il n'y a pas d'autre alternative.
— Kida...
Mais la jeune fille ne l'écoutait déjà plus, tous ses sens en alerte.
Elle avait entendu des cris, comme une dispute. La Fille Gelée s'approcha à pas de loup de la pièce d'où les voix fusaient et retint son souffle quand elle reconnut celles de Leeroy et de Tarek. Elle se glissa discrètement derrière une immense colonne de marbre et observa la scène.
Leeroy faisait les cents pas en fulminant tandis que Tarek s'appuyait contre une lourde table de pierre taillée. Ce dernier se grattait nonchalamment la barbe tandis que son frère d'arme se passait les mains sur le visage.
— Tu n'aurais pas pu me le dire ? Moi ? Ton ami d'enfance ? Tu ne me fais toujours pas confiance ou quoi ?! hurla Leeroy.
— Tu ne comprends pas.
— Non tu as raison. Je ne comprends pas comment tu as pu me faire ça ! Me prévenir c'était trop demandé ? J'aurais amené les choses en douceur ! Résultat : elle n'a plus aucune confiance en nous, elle a même tenté de me blesser avec ta dague !
Tarek releva la tête vers son ami, un rictus étirant ses lèvres :
— C'est vrai ? jubila-t-il. Décidément elle m'étonne de jour en jour cette p'tite gelée.
— Bien-sûr tu crois quoi !? Si je n'avais pas eu de reflexes, je me trouverais actuellement sur un lit de mort avec ma tête dans une boîte ! Et tout ça à cause de ton égoïsme, tu aurais dû m'en parler ! ragea Leeroy.
Le sourire du jeune brun disparut aussitôt. Il se dégagea de la table, se planta en face de son ami et lui dit d'un ton glacial :
— Et qu'est-ce que tu aurais fait si je te l'avais dit ?! Tu es tellement obnubilé par cette garce que tu aurais été capable de sombrer dans une dépression. Tu es stupide de t'attacher à elle, elle nous fera du mal à tous les deux. N'oublie pas ce que tu as fait Leeroy !
Les yeux de Leeroy jetaient des éclairs.
— Je n'oublie jamais ! Pas un jour passe sans que je n'y pense ! Si tu m'avais averti que tu voulais la tuer, je ne me serais jamais approché d'elle ! Et maintenant elle pense que je l'ai trahie !
— Je ne me suis rendu compte que je devais la tuer que plus tard. Le mal était déjà fait. Tu es sous son charme et tu n'y peux rien.
— Arrête avec ton charabia, tu sais très bien que je n'ai pas le droit d'être « sous son charme » comme tu le prétend.
Tarek leva les yeux au ciel.
— Explique-moi au moins pourquoi tu dois la tuer !? s'exclama Leeroy, furieux.
— Non.
Le jeune blond n'eut pas le temps de répliquer que Tarek s'éloignait vers la porte. Aïkida remarqua que ce dernier avait un énorme bandage au niveau de l'abdomen et au niveau de la poitrine, et elle en éprouva une certaine fierté. Alors que Tarek allait s'engager dans le couloir, la jeune fille sortit de sa cachette et s'interposa devant le jeune brun.
— Oui, explique-nous pourquoi tu dois me tuer. Et au passage, pourquoi tu m'as sauvé la vie si ton but était de me supprimer par la suite, et enfin, ce que signifie ce que tu m'as dit dans l'arène.
Tarek leva les yeux au ciel et tenta de la contourner, mais Leeroy le stoppa :
— Répond.
— Je te tuerais Aïkida, mais il faut que tu restes en vie encore quelques jours. Et je t'ai demandé de perdre tout à l'heure car la récompense que tu aurais eue était une place à la tête des armées. Hors Nàmo envoie quelques troupes au combat dans moins d'une semaine au royaume des gollurnuks. Tu aurais été en première ligne et Scar aurait mis au point un stratagème pour t'enlever et t'amener à son maître que l'on surnomme le Masque Noir. La catastrophe aurait alors été totale. Voilà pourquoi.
Leeroy et la Fille Gelée le regardaient avec des yeux ronds, quand soudain, la jeune fille se mit à rire. Tarek leva les yeux au ciel une nouvelle fois et demanda, agacé :
— Qu'est-ce qui te fais rire cette fois ?
— Je rêve ou tu viens une fois de plus de me sauver la vie alors que ton but est de me tuer ? gloussa-t-elle.
Le jeune brun afficha un sourire cynique et s'approcha d'Aïkida. Leur nez se frôlaient presque tant ils étaient prêts alors que la Fille Gelée était redevenue sérieuse, refusant de reculer devant le dragonnier. Le regard de ce dernier était brillant d'amusement devant l'étonnement de la jeune fille, et il la regarda droit dans les yeux avant de lui dire d'une voix suave :
— Ma p'tite gelée, tu n'es pas le centre du monde. Si aujourd'hui je t'ai sauvé la vie, c'était pour sauver des milliers de gens innocents, et pour mieux t'éliminer par la suite.
Sur ce, Tarek se recula et s'en alla sans même jeter un regard à la jeune fille. Cette dernière avait serré les poings ainsi que les dents. Elle fulminait, et partit dans la direction opposée, Leeroy à sa suite.
Le jeune blond la rattrapa et lui prit le poignet. La Fille Gelée se retourna brusquement, le regardant droit dans les yeux et lança sèchement :
— Lâche-moi.
— Aïkida.
— Lâche-moi je te dis ! dit-elle en criant.
Elle se dégagea et voulu partir, mais Leeroy se fit plus ferme et lui attrapa le bras, l'obligeant à s'arrêter.
— Écoutes, je n'étais pas au courant. Penses-y.
Et sur ce, il relâcha la jeune fille, et cette dernière partit en direction de sa chambre sans même lui adresser un regard.
Tarek s'avançait dans les couloirs en direction de ses appartements quand un garde l'interpella :
— Monsieur Tarek ?
Le jeune dragonnier se retourna et regarda le garde, un sourcil arqué.
— Oui c'est bien moi.
— Excusez-moi monsieur, mais le Haut-Dragonnier vous demande, immédiatement.
Le jeune brun fronça les sourcils et répondit :
— J'arrive, merci.
Lorsque Tarek pénétra dans le salon privé de Nàmo, ce dernier était en train d'observer un plan des différents royaumes. Le vieil homme ne quitta pas la carte du regard et fit signe au jeune homme d'avancer. Ce dernier s'inclina avant de demander :
— Vous m'avez fait venir aussi tard, puis-je savoir pour quelles raisons ?
Nàmo se redressa alors pour regarder sombrement le jeune dragonnier qui se tenait devant lui et lui expliqua gravement :
— Comme tu le sais, notre espion nous a rapporté les intentions du Masque Noir. Il veut nous combattre dans six jours. Mais j'ai un mauvais pressentiment, j'ai l'impression que quelque chose d'autre se trame. J'envoie mes troupes combattre les gollurnuks dans quelques jours, mais j'ai l'impression que je vais devoir annuler mes plans. Je ne peux pas t'en dire plus pour le moment. Je t'ai en fait, fait venir pour te demander un service.
— Que puis-je faire pour vous ? demanda poliment Tarek.
— Et bien, ce n'est pas exactement pour moi. J'aimerais que tu entraînes Aïkida encore plus. Je suis persuadé que quelque chose de grave ne va pas tarder à arriver, et c'est une alliée puissante. Elle doit être prête.
Le jeune homme resta bouche bée pendant de longues secondes avant de s'exclamer :
— Quoi ?! Cette petite garce n'écoute absolument rien et n'en fait qu'à sa tête ! Après le combat de tout à l'heure elle n'acceptera jamais.
— Il est vrai qu'elle a un fort caractère, et je compte sur toi pour lui apprendre à obéir aux ordres. Pendant les combats, elle devra faire ce qu'on lui demande, mais elle doit aussi survivre. Elle est très puissante et nous avons besoin d'elle.
— Mais elle ne m'écoutera jamais ! s'entêta Tarek.
— Et pourquoi donc ? s'interrogea le vieil homme en arquant un sourcil. — Mais parce que je dois... commença le jeune homme avant de s'interrompre. Elle sait très bien se battre, et a failli gagner les jeux, elle n'a pas besoin de moi ! se rattrapa-t-il.
— Il est vrai qu'elle se débrouille très bien au sol. Mais vous êtes des dragonniers, et elle ne sait pas encore voler sur son dragon, ni se battre sur son dos. Je compte sur toi pour le lui apprendre. Vous commencerez dès demain avant le lever du soleil, je veux que tu lui fasses un entraînement intensif. Si tu n'arrives pas à la canaliser, Leeroy t'aidera et lui apprendra un peu de magie si besoin. Fin de la discussion.
Le jeune homme resta un moment sans bouger, fixant le Haut-Dragonnier qui avait repris son étude de plan, puis s'inclina et se retira dans ses appartements, agacé.
Le lendemain, Tarek se réveilla alors qu'il faisait encore nuit noire. Avant de se coucher, il avait eu une idée dont il était fier, et prépara le matériel dont il avait besoin. Ensuite, il se rendit dans la tour opposée à la sienne et monta au troisième étage, là où se situaient les appartements d'Aïkida. Le jeune homme ouvrit alors doucement la porte et fit de son mieux pour ne pas la faire grincer. L'habitante des lieux avait laissé les volets ouverts donc la clarté de la lune guidait le jeune dragonnier pour qu'il ne se cogne pas, ajouté à sa vision nocturne améliorée. Il s'engagea à travers le petit salon, à pas de loup, et se dirigea vers la porte de droite qui était entrouverte. Celle-ci menait directement à la chambre de la jeune fille, elle aussi éclairée par la lune.
Tarek entra doucement dans la pièce en essayant toujours de ne pas faire grincer le bois, et se posta en face du gigantesque lit à baldaquin. Aïkida dormait calmement. Ses traits étaient détendus et sa respiration était on ne peut plus paisible. Le jeune homme sourit intérieurement quand il remarqua qu'elle s'était entortillée dans ses draps qui étaient à présents débordés.
— Voyeur, gronda gentiment Brusanth dans la tête du jeune brun.
— Ne dis pas de bêtises, je suis là pour l'entraîner. Et je lui ai prévu un réveil digne de son nom : gelé, dit-il à son dragon en ne pouvant s'empêcher de sourire.
Tarek contourna le lit pour s'approcher au plus près de la jeune fille. Il sourit jusqu'aux oreilles, fier de son idée, prit le sceau à deux mains, et vida toute l'eau glacée sur la Fille Gelée.
Cette dernière poussa un cri de stupeur en se redressant droit comme un « i » sur son lit. Quelques secondes plus tard, Aïkida alluma le chandelier qui se trouvait sur sa table de chevet et sursauta une deuxième fois en voyant Tarek devant elle, les bras croisés et les yeux pétillants d'amusement. Elle avait la bouche grande ouverte, encore sous le choc de son réveil glacé, et tenait sa dague fermement dans sa main droite. Elle s'était habituée à dormir avec une arme. La jeune fille était trempée jusqu'aux os. Les draps devenus légèrement transparents laissèrent entrevoir son corps frigorifié. Tarek ne détourna pas le regard pour autant et son dragon rappliqua :
— Voyeur !
— Tu crois vraiment que j'ai que ça à faire ?!
Aïkida qui reprenait peu à peu ses esprits et qui commençait à trembler de froid se mit à lui crier dessus :
— Non mais ça ne va pas ?! Qu'est-ce qui te prend ?! Tu veux me tuer en me gelant dans mon lit ?! Tu n'as rien trouvé de mieux ?!
— Bah alors p'tite gelée ? On ne supporte pas le froid ? Tu ne portes pas bien ton nom on dirait, ricana-t-il.
— Ne. M'appelle. Pas. P'tite gelée ! cracha-t-elle entre ses dents qui claquaient.
— On a du pain sur la planche, Nàmo veut que je t'entraîne pour te préparer aux combats qui arrivent.
Aïkida arqua un sourcil en se serrant dans les draps. La jeune fille avait les cheveux blancs qui gouttaient et elle tremblait de froid. Elle lui annonça sèchement :
— Tu peux toujours rêver pour que je passe le plus clair de mon temps en ta si agréable compagnie.
Tarek fronça les sourcils et s'approcha dangereusement de la Fille Gelée tandis qu'elle brandissait sa dague. Il la regarda d'un air mauvais et lui cracha :
— Tu crois que j'ai envie de rester avec une peste comme toi ? Non ! J'avais d'autres projets figures toi, comme préparer ta mort par exemple.
Alors que les deux jeunes gens se fixaient avec haine, le jeune dragonnier immobilisa le poignet d'Aïkida et lui retira la dague en une fraction de seconde. Elle s'écria :
— Et pourquoi je devrais te faire confiance ? Tu veux me tuer après tout !
— Je t'ai déjà dit qu'il fallait que tu restes en vie encore quelques jours. Pour l'instant tu ne crains rien. Sauf si tu m'agaces vraiment.
Elle n'eut pas le temps de répliquer qu'il lui ordonna :
— Habille-toi. Sois dans la cour des armes dans cinq minutes.
Sur-ce, il tourna les talons, ramassa le seau qu'il avait posé au sol, et sortit de la chambre d'Aïkida.
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