Mèche gauche
Leeroy retira doucement sa main et lui lança un regard interrogateur.
— Pourquoi on s'entraîne ? Pourquoi cacher l'existence des dragons, des elfes et autres créatures à tout le monde ? Pourquoi on fait tout ça ? répéta la jeune fille.
Il soupira, regarda tristement la Fille Gelée et prit une grande inspiration avant d'expliquer :
— Il fut un temps où tout le monde connaissait l'existence de la magie et de ses créatures. Les humains, malheureusement, étaient avides de pouvoirs et jaloux des pouvoirs magiques que possédaient certaines créatures. Suites à de nombreux complots qui ont aboutis à des guerres sanguinaires, il y eut une sorte de conseil rassemblant une partie des dirigeants des royaumes Est. Il fut alors décidé que toute la partie Ouest ne passerait plus au travers des Montagnes et resterait chez elle. Les combattants et dragonniers sont alors devenus les seuls autorisés à briser cette frontière. Il y a encore des humains qui vivent dans la partie Est, mais ceux-ci ont une histoire particulière où des ancêtres dragonniers. Ils sont donc autorisés à vivre sur le territoire magique, mais pas à passer les Montagnes de l'autre côté. Suite à toutes ces mesures, le Haut-Dragonnier de l'époque a préféré jouer la sécurité et a envoyé quelques-uns de ses combattants effacer l'histoire en brûlant les livres des royaumes Est, ou toute autre trace qui témoignait d'une présence magique dans ce monde. Au fur et à mesure que les générations passèrent, il n'y eut plus personne pour persuader les autres de l'existence de créatures magiques, les récits se sont alors transformés en légendes que l'on raconte aux enfants le soir.
Leeroy fit une courte pause en observant les yeux écarquillés de la jeune fille et continua :
— Lorsqu'Athkor s'est enfui, Nàmo nous a immédiatement envoyé sur le terrain pour le retrouver. Personne ne devait le voir, nous ne pouvions pas risquer que les légendes redeviennent réalité pour les habitants de l'Est.
La Fille Gelée avait froncé les sourcils en se rappelant les paroles de Caranth. Donc il ne mentait pas.
Aïkida avait fermé les yeux et se massait le crâne. Tant d'informations arrivaient en même temps... Elle soupira, regarda le jeune homme et lui demanda :
— Comment avez-vous fais pour ramener Athkor ?
— La transformation avait déjà commencée, donc il était plus docile. Tarek et moi, nous avons pu communiquer avec lui par l'intermédiaire de nos propres dragons. Il nous a suivi sans faire d'histoire.
Elle hocha la tête.
— Tu viens de m'expliquer le pourquoi du secret. Mais pourquoi s'entraîner tous les jours ? Vous ne vous ennuyez jamais ?
— Nous n'avons pas le temps de nous ennuyer. Nous avons également des ennemis parmi les terres de l'Ouest, et nous devons affronter les troupes pour ne pas être envahis. Et puis nous avons chacun nos devoirs, ajouta-t-il mystérieusement.
La jeune fille, assommée par tant d'informations, ne chercha pas à en savoir plus et demanda :
— On ne peut pas faire un peu de magie ? Ça fait beaucoup de choses à avaler et j'aimerais juste me changer les idées.
Leeroy sourit et répondit :
— C'est toi qui m'a demandé je te signale, la taquina-t-il.
— Je sais, et merci. Mais là j'ai vraiment besoin de penser à autre chose. Je réfléchirais à tout ça ce soir.
— Bien sûr. Suis-moi.
Les deux jeunes gens se levèrent, et Leeroy les emmena dehors.
La vue était magnifique. La Vallée était en fait composée de plusieurs basses collines recouvertes d'herbe fraîches. La jeune fille distingua quelques dragons voler au loin, guettant leur habitat, tandis que les Montagnes s'élevaient tout autour d'eux. La roche grise et nue éclairait la Vallée grâce de son reflet solaire, et les deux jeunes portèrent leur main en visière. Le sol était parsemé de fleurs de toutes les couleurs alors que quelques combattants avaient choisi de s'exercer dans la verdure plutôt que dans la cour. De grands arbres délimitaient la frontière avec la pierre raide des Montagnes, alors que quelques ruisseaux s'écoulaient en suivant les pentes des collines.
Un peu plus loin sur leur gauche, environ à une soixantaine de mètres, se trouvait une petite cabane ouverte, et Leeroy lui expliqua qu'il s'agissait de l'atelier du forgeron Kiuro. C'était lui qui avait forgé la quasi-totalité des armes des combattants, et faisait la fierté de ces derniers. Ils distinguèrent également une silhouette assise sur le plan de travail qui discutait avec le forgeur.
Les deux jeunes gens s'assirent en tailleur dans l'herbe, appréciant le calme reposant et la splendide vue qui s'offraient à eux. Le jeune blond souriait à la jeune fille, content de l'effet que lui procurait la Vallée. Les longs cheveux blancs d'Aïkida flottaient dans la brise alors que son sourire resplendissant éclairait son visage pâle. Ses yeux bleus se mirent ensuite à pétiller d'émerveillement devant les quelques sorts que le jeune dragonnier lui montrait en riant.
Tarek était assis sur la table de travail de Kiuro et observait sa lame de couteau avec attention. Ses yeux verts brillaient au soleil et étaient en pleine concentration. Il prit ensuite un fusil et se mit à aiguiser son arme tout en faisant des gestes souples et puissants. Le bruit métallique qui suivait chaque mouvement, alors que la précision était de rigueur, plongeait la scène dans un autre contexte. Le jeune brun s'arrêtait de temps à autre pour tester la lame sur un morceau de cuir, puis recommençait.
Derrière lui, Kiuro s'affairait autour d'un puissant feu, contrôlé par le four de pierre. Il faisait fondre le métal pour qu'il soit apte au travail, et l'épée qui suivait son auscultation était retournée régulièrement, de façon à ce que chaque parcelle du fer soit chauffée à blanc. Le forgeron était un homme d'environ une soixantaine d'années. Il avait les cheveux gris et une barbe bien taillée. Il portait une tunique, mais avait mis un tablier de fer et un masque de métal pour se protéger lorsqu'il travaillait. Ses bras puissants étaient terriblement bien sculptés alors que sa carrure de guerrier élargissait sa silhouette. Cette montagne de muscle contrôlait le feu comme les armes, ainsi que les plus belles armures.
Lorsqu'il entendit des voix au loin, Kiuro releva la tête et annonça à Tarek de sa lourde voix :
— Tiens, voilà Leeroy et Aïkida.
Le jeune brun leva furtivement les yeux pour observer les nouveaux arrivants, puis retourna à son travail, sans dire un mot. Il fut surpris que le nom de la nouvelle arrivante soit déjà connu par beaucoup, jusqu'à Kiuro.
Ce dernier s'arrêta, observa la forme de son épée et, satisfait, la posa sur une planche de bois pour la laisser refroidir. Il s'approcha ensuite de Tarek, qui balançait ses jambes dans le vide, et observa le travail de ce dernier tout en essuyant ses mains avec un torchon déjà noir.
Puis, le forgeron porta alors son attention vers Aïkida et Leeroy qui discutaient, assis dans l'herbe. Il s'appuya contre la table de travail, et déclara, le ton léger :
— Elle est drôlement jolie la p'tite hein ?
Tarek arrêta d'aiguiser son couteau de lancer. Il leva la tête et observa Aïkida, puis tourna son regard vers Kiuro en souriant. Il lui assena une frappe amicale sur l'épaule et le taquina :
— Trop jeune pour toi mon vieux !
Le forgeron rit de bon cœur et lui donna un coup de coude avec un regard plein de sous-entendu en expliquant :
— Par contre j'ai cru comprendre qu'elle avait le même âge que toi.
Les yeux de Tarek s'assombrirent alors que son visage se crispa. Il souffla sur sa lame pour enlever la poussière qui restait et sauta sur ses pieds. Il avait revêtu un pantalon brun avec une tunique kaki.
Ce dernier se positionna soudainement, jambes légèrement écartées et son poids du corps bien au centre. Sans prendre la peine de placer son bras en avant pour viser correctement, Tarek lança le couteau avec force, d'un mouvement souple du poignet. La lame se dirigea dangereusement vers Leeroy et Aïkida dans un tournoiement mortel.
Ces derniers, trop concentrés sur leur conversation, ne virent pas l'arme arriver droit sur eux. Le fer tourbillonnait et fonçait sur la jeune fille avec précision alors que cette dernière ne se méfiait de rien. Le couteau lui entailla soudainement le cou, du côté gauche, coupant une longue mèche de cheveux blancs au passage.
— Je la trouve plus jolie comme ça, annonça le jeune homme alors qu'un rictus étirait ses lèvres.
Aïkida fit un bon et fut sur pied en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, suivie par le jeune blond. Elle avait sorti sa dague et observait autour d'elle, les yeux plissés. Lorsqu'elle aperçut Tarek qui souriait de toutes ses dents, et Kiuro qui regardait ce dernier avec des yeux écarquillé et un air choqué, elle sut immédiatement qui était le fautif. Le jeune brun fit alors un signe amical à son frère de combat en évitant le regard noir d'Aïkida, et s'en alla en direction du château, fier de son coup.
La Fille Gelée bouillonnait de rage, et lorsqu'elle aperçut Leeroy qui souriait de toutes ses dents et qui s'empêchait d'éclatait de rire, elle explosa :
— Et ça te fais rire ?! Il aurait pu me tuer !
Le jeune blond sourit de plus belle et répondit, le ton léger :
— Tarek maîtrise parfaitement les armes, il ne t'aurait jamais loupé.
Aïkida serra les dents et ramassa la cape qu'elle avait posée au sol, mais le dragonnier lui attrapa le poignet et observa son cou.
— Fais-moi voir.
— C'est bon j'ai rien ! s'écria la Fille Gelée, énervée.
— Laisse-moi voir, tu saignes, insista le jeune blond.
En effet, un filet de sang coulait sur le cou blanc de la jeune fille, mais elle s'en fichait. Elle baissa les yeux pour observer sa mèche de cheveux, échouée sur le sol. Serrant les poings, elle alla récupérer le couteau de Tarek qui avait atterri un peu plus loin et le glissa entre les deux épaisseurs de sa botte avant de se retourner vers Leeroy :
— Merci, pour m'avoir montré tout ça, mais pour l'instant j'ai besoin de me calmer et il faut que j'aille voir ma famille.
Sur-ce, elle partit en direction du château d'un pas décidé, mais Leeroy la rattrapa et lui saisit le bras pour la stopper.
— Tu ne peux pas partir comme ça, déclara-t-il. Il faut demander une permission à Nàmo.
Aïkida leva les yeux au ciel, mais hocha la tête. Après ses explications, elle savait que le passage de la frontière des Royaumes de l'Est et de l'Ouest était compliqué.
La Fille Gelée se présenta devant la grande porte des appartements de Nàmo, et l'un des gardes s'en alla annoncer sa présence. Quelques minutes plus tard, la porte de bois s'ouvrit lourdement et Aïkida put s'avancer dans la grande salle recouverte de tapisseries. Le Haut-Dragonnier était assis sur son fauteuil et lisait des manuscrits lorsqu'il leva les yeux et posa sa lecture.
— Ma chère Aïkida ! Que me vaut cette visite ? demanda-t-il en souriant et en levant les bras en « v » vers le ciel.
La fille Ar-Feiniel le salua et expliqua :
— Leeroy m'a appris qu'il fallait votre permission pour sortir de la Vallée. J'aimerais voir ma mère et ma sœur, alors je viens vous demander l'autorisation.
Le sourire de Nàmo disparut aussitôt.
— Nul ne peut sortir sans mon autorisation en effet, annonça-t-il d'une voix grave. Personne ne doit savoir ce qu'il y a ici parce que...
— Leeroy m'a tout expliqué, coupa poliment Aïkida.
— Donc tu sais pertinemment que tu ne devras absolument rien dire à ta famille ?
— J'en ai conscience.
Le vieil homme la fixa longuement en tapotant son accoudoir de ses gros doigts et en grattant sa barbe blanche. Il se redressa finalement et décida :
— Tu pars ce soir. J'ai cru comprendre que toi et Leeroy vous entendiez bien, alors il t'accompagnera. Vous devrez être de retour demain après-midi pour la fête annuelle des dragonniers.
— Merci beaucoup ! s'exclama la jeune fille en s'inclinant.
Soudain, Nàmo eu un petit hoquet et se mit à rire en ajoutant :
— Ne le prend pas mal Aïkida, mais je crois qu'il te manque des cheveux.
Le regard de la Fille Gelée se glaça, et elle s'en alla, les poings fermés.
Lorsqu'Aïkida fut de retour dans sa chambre, elle apostropha Ambre qui se trouvait dans la pièce annexe. Lorsque celle-ci arriva, elle poussa un cri de stupeur en voyant la coupe de cheveux de son amie avant de se mettre à rire, ce qui agaça la jeune fille. Ambre demanda alors en gloussant :
— Comment tu as fait ça ?
— Le seul idiot capable de faire une chose comme ça, à ton avis ça pourrait être qui ?
— J'ai comme l'impression que ça commence par « Ta » et que ça finit par « rek » non ? Mais dis-moi, toi aussi tu lui as fait une nouvelle coupe non ? demanda-t-elle en lui faisant un clin d'œil.
Aïkida leva les yeux au ciel et s'assit sur son lit en soupirant :
— Tu pourrais m'arranger ça ?
Ambre sourit et partit dans la pièce adjacente pour en revenir avec une paire de ciseaux et un peigne.
— Je vais voir ce que je peux faire !
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