Mèche droite
Arrivé dans les appartements du Haut-Dragonnier, tout le monde s'assit autour de la grande table tandis qu'Ambre repartait faire son travail. Aïkida n'attendit pas plus et demanda :
— Qu'est-ce qu'il m'est arrivée ?
— Tu t'es transformée, répondit posément Nàmo.
À ces mots, Tarek serra les mâchoires. Personne ne le remarqua.
— Transformée ? rit-elle. Non, je suis toujours moi-même.
Leeroy prit la parole :
— N'as-tu pas remarqué des changements ? Tu m'as même dit que tu te sentais différente.
La Fille Gelée réfléchit un instant et énuméra :
— Je suis plus vive et plus rapide. Je suis plus forte, mes yeux sont différents, mes cheveux sont plus longs et mon tatouage s'est agrandit. Mais à part ça je suis toujours la même.
Nàmo s'accouda sur la table et croisa ses doigts. Il regarda Aïkida dans les yeux et lui annonça de but en blanc :
— Tu t'es transformée en Dragonnier. Cette fois c'est officiel. Les caractéristiques que tu viens de nous citer appartiennent à ton dragon. Lui et toi, avez en quelque sorte fusionnés.
La Fille Gelée se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil, abasourdie. Mais comme toujours, elle ne se laissa pas démonter et demanda aussitôt :
— Mon dragon ? Quel dragon ? Je ne vois pas comment j'aurais pu fusionné avec un animal de légende. Vos histoires de dragonniers restent des histoires, ne me mêlez pas à vos affaires bizarres que personne ne comprend.
Nàmo soupira :
— Je sais que c'est difficile d'arriver dans un monde rempli de magie pour la première fois. Mais ton tatouage, ainsi que ton dragon en sont la preuve.
— Mais quel dragon ? s'énerva la Fille Gelée.
Tarek répondit sèchement :
— À ton avis ? Tu n'as vu qu'un seul dragon et tu n'en as maitrisé qu'un. Mon petit doigt me dit que ça doit être celui-là. Non ?
— Excuse-moi, mais je préfère demander à des personnes compétentes plutôt que de me fier à ton petit doigt, répliqua froidement la jeune fille.
— Stop ! hurla Nàmo en tapant du poing sur la table. Tarek ! Ton rôle était de l'énerver pour que vous combattiez et que l'on puisse tester ses capacités. C'est terminé, tu n'es pas obligé de rester désagréable !
Celui-ci lança un regard noir à Aïkida, mais ne répliqua pas.
Le Haut-Dragonnier se retourna alors vers la jeune fille :
— En effet, c'est le dragon que tu as maitrisé la dernière fois. C'est également lui qui a provoqué ta transformation, il devait te tester. Cela consiste à te donner les caractéristiques d'un dragon, et si tu survis, tu es une femme Dragonnier. Sinon, tu meurs. Maintenant, nous avons la certitude que, Aïkida Ar-Feiniel, tu es la toute première femme Dragonnier que le monde n'ait jamais porté ! Mais ta transformation a été beaucoup trop précoce et beaucoup trop courte en comparaison avec celle des hommes. Ton dragon a grandi beaucoup trop vite également. Il va falloir trouver des réponses à tout cela.
Aïkida ne répondit rien, perdue, mais inclina la tête en signe de respect. Nàmo lui expliqua :
—Tarek est le meilleur combattant de la Vallée. Il t'apprendra à te battre et à monter ton dragon. Leeroy en revanche, est meilleur en ce qui concerne la magie et les pouvoirs des dragonniers. Il sera ton professeur et t'apprendra tout ce dont tu auras besoin. Mais avant toute chose, tu devras aller voir ton dragon, seule.
Aïkida hocha la tête mais demanda néanmoins :
— Qu'est-ce que je vais devoir faire quand je serais en face du dragon ?
— De ton dragon, corrigea le Haut-Dragonnier. C'est ton dragon. Et tu devras le découvrir par toi-même.
— Où puis-je le trouver ?
— Dans la Vallée, expliqua le Haut-Dragonnier. Tarek va t'accompagner, il sait où il se trouve.
Sur ses mots, le vieil homme lança un regard plein d'avertissements au jeune homme concerné alors que ce dernier détournait les yeux.
— On y va quand ? demanda Aïkida au jeune combattant.
— Le plus tôt possible, répliqua-t-il sèchement.
— Je passe prendre mon bâton et on peut y aller.
La jeune fille commençait à partir mais Nàmo l'interrompit :
— Tu n'auras pas besoin de tes armes Aïkida.
Celle-ci hocha la tête, inquiète. Elle se tourna finalement vers Tarek et ils sortirent de la grande salle.
Les deux jeunes gens marchaient côtes à côtes, sans échanger un mot. Mais malheureusement pour le jeune brun, Aïkida n'était pas du genre à cacher ses pensées. Elle accéléra soudainement pour se placer devant Tarek et se campa devant lui, l'obligeant à s'arrêter.
— C'est quoi ton problème avec moi ? demanda-t-elle d'une voix cassante en croisant les bras.
— Je n'ai aucun souci, répondit-il en tentant de la contourner.
Mais Aïkida se décala de façon à ne pas le laisser passer. Le jeune homme leva les yeux au ciel et demanda, exaspéré :
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Je t'ai posé une question. Je ne suis pas idiote je sais que tu as un problème avec moi.
— Là, oui il y a un problème. Tu m'empêche de passer.
— D'après ce que j'ai compris, tu devais attiser ma colère pour tester mes capacités. Mais maintenant que c'est fait, tu ne pourrais pas être un peu plus aimable ? Je ne suis pas un souffre-douleur sur qui tu vas pouvoir passer tes colères, je te préviens immédiatement. Je ne me laisserais pas faire.
Tarek arqua un sourcil alors que son regard devint glacial.
— Ecoutes moi bien p'tite gelée, je n'ai de compte à rendre à personne, et encore moins à une petite effrontée qui se bat presque aussi bien qu'un enfant de trois ans. Alors maintenant, tu vas te mettre hors de mon chemin, histoire que je puisse m'en aller le plus rapidement possible, compris ?
Le jeune homme ne lui laissa pas le temps de répondre et se remit en marche. Il bouscula la jeune fille qui ne s'était pas décalée en lui cognant l'épaule et traça son chemin. Celle-ci le regarda partir, poings et dents serrés.
Quand ils arrivèrent près du ruisseau, environ une demi-heure plus tard, Tarek s'arrêta alors que la jeune fille avançait toujours, et demanda d'un ton moqueur :
— Tu veux que je t'attende ? Je ne voudrais pas que la première femme dragonnier se perde dans les bois, au risque de se casser une cheville.
Aïkida se retourna vivement, et dégaina sa dague à une vitesse ahurissante. Sans que le jeune homme n'ait le temps de réagir, elle lança l'arme blanche avec force et la dague se mit à tournoyer dans les airs en se dirigeant avec précision vers sa cible. La lame frôla la gorge du jeune brun et lui coupa une longue mèche de cheveux à sa droite.
Tarek ne bougeait plus. Le souffle court et le cœur battant la chamade, il observait la Fille Gelée s'approcher de lui d'une démarche féline et provocante. Celle-ci lui murmura froidement à l'oreille :
— Le jour où j'aurais besoin de toi pour retrouver mon chemin, je te sifflerais. Promis. On ne se connait pas, mais si tu veux jouer au plus désagréable, on va être deux sur le terrain.
Sur ces mots claquants, elle souffla dans le cou du jeune homme, ce qui fit tomber la mèche de cheveux bruns au sol. La jeune fille alla ensuite récupérer sa dague qui s'était plantée dans un arbre quelques mètres derrières, sans même adresser un regard au dragonnier.
Tarek sourit alors sombrement, les yeux mystérieux et brillants d'amusement. Sans même répondre à cet affront, il tourna les talons et se dirigea vers le château.
Une fois le jeune homme éloigné, Aïkida se mit respirer difficilement et s'accroupit, tremblante. J'aurais pu le tuer. Elle ne comprenait pas pourquoi elle venait de faire ça, ni comment elle avait réussi à ne pas le blesser. Mais alors qu'elle tentait de reprendre contenance en se répétant qu'il l'avait mérité, les mots du Haut-Dragonnier se mirent à résonner dans sa tête : « Cela consiste à te donner les caractéristiques d'un dragon ». Sa nouvelle précision de lancer viendrait elle de là ? Du dragon ? De son dragon ?
La Fille Gelée se redressa finalement en remplissant ses poumons d'air frais, et rangea sa dague dans le fourreau adéquat. Se concentrant sur sa tâche à venir, elle s'avança vers le bois. Tendant l'oreille, à l'affut du moindre bruit qui indiquerait la présence du dragon, la jeune fille fouillait le bois des yeux, espérant distinguer quelques écailles noires parmi les fougères. Au fur et à mesure qu'elle s'aventurait entre les arbres, le stress montait et une boule se formait dans son estomac.
Je vais réellement à la rencontre d'un dragon. Une bête sanguinaire qui a voulu me tuer. Mais qu'est-ce qui me prend ?
Tout à coup, Aïkida entendit une voix :
— Je n'essaierais pas de te tuer cette fois, annonça une voix grave.
La Fille Gelée se retourna vivement, cherchant d'où provenait cette voix sombre mais chaleureuse.
— Je suis en face de toi.
La jeune fille se figea, une main sur sa dague. La sueur commençait à perler sur son front alors que les battements de son cœur s'accéléraient violemment.
Le sol se mit à trembler légèrement, et un bruissement de feuilles se fit entendre. Aïkida écarquilla les yeux et recula de plusieurs mètres devant le museau gigantesque qui sortait d'entre les ombres. Le dragon faisait surface, éclairé par le soleil flamboyant. Ses magnifiques écailles noires luisaient alors que ses immenses épines dorsales se dressaient doucement. La bête légendaire releva la tête et surplomba la jeune fille de toute sa hauteur et de toute sa grâce. Il devait faire au moins six mètre de haut, et alors que le dragon sortait peu à peu de l'ombre, Aïkida put admirer la bête sur toute sa longueur, soit environ douze mètres.
La Fille Gelée fixait le dragon, émerveillée. Ilétait magnifique. Ses grands yeux bleus étaient de la même couleur que ceux dela jeune fille, et ces pupilles étaient en forme de fentes verticales. Ledragon gronda doucement et rabaissa son cou, de façon à regarder Aïkida enface. Sa tête était énorme et faisait presque la taille de la fille Ar-Feiniel.
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