XVIII - La probité des héros de Paris
En septembre, alors que Marinette terminait de déposer les statuts de son entreprise et venait de négocier son départ avec son employeur, Adrien lui fit savoir qu'il pensait avoir trouvé la maison qui leur conviendrait aux portes de Paris, à Vincennes. Il fallait la visiter rapidement et donner une réponse à l'agence immobilière.
Ils s'y rendirent ensemble. Le rez-de-chaussée avait été un atelier et était surmonté de deux niveaux habitables. Marinette examina ce qui serait son territoire avec concentration, meublant virtuellement le lieu. Elle hocha la tête avec approbation. Ils suivirent l'agente immobilière qui les précédait à l'étage supérieur. Il y avait un grand salon avec une cuisine ouverte et une autre pièce, aménagée en bureau mais pouvant servir de chambre. Il y avait aussi des toilettes avec un petit lavabo. Sous les toits, il y avait deux chambres et une belle salle de bains. Par la fenêtre, leur guide leur montra le petit jardinet qui se trouvait derrière la maison.
Marinette saisit le bras d'Adrien et indiqua :
— Excusez-moi, je dois parler en privé avec mon fiancé.
— Je vous en prie, Mademoiselle.
Les amoureux se rendirent dans la pièce d'à côté et Marinette fit remarquer :
— Adrien, cette maison est parfaite, mais j'ai regardé un peu les prix, sur internet. Je ne sais pas exactement ce que tu as sur ton compte en banque, mais cela m'étonnerait que tu aies assez pour acheter cette habitation, même si les travaux à faire dans les chambres pourraient faire un peu baisser le montant demandé.
— Je ne peux rien te cacher, Milady. Je ne peux effectivement pas tout payer d'un seul coup, mais André Bourgeois a accepté d'être caution pour un prêt que je demanderais à sa banque.
— Et moi, je peux contribuer ? Je sais que je n'ai pas grand-chose, mais tu sais que j'ai très peu dépensé de ma paye de l'année.
— Il va falloir meubler tout ça, ma princesse. Tu vas être mise à contribution, t'en fais pas. Fais attention de garder de quoi payer tes impôts.
— C'est déjà mis de côté, indiqua Marinette. Bon, puisque je suis rassurée, on peut conclure la visite.
— Je fais une offre ?
— Oui, mon minou. Je vote pour.
oOo
Tout l'automne fut très intense pour les amoureux. Adrien signa l'accord de vente de la maison et ils commencèrent à l'aménager. Côté travail, il eut une promotion. Il avait désormais la responsabilité d'un projet et deux personnes à encadrer. De leur côté, Marinette et Chloé commençaient à démarcher d'éventuels clients.
La semaine de Noël fut le début de leur nouvelle vie. Marinette quitta définitivement son emploi à l'issue de ses trois mois de préavis et elle emménagea avec Adrien dans leur nouvelle habitation. Le lendemain de leur première nuit dans la maison, Adrien dit qu'il allait faire une course et revint avec un chien, dont le pelage était intégralement noir.
— Je te présente Plagg, dit-il fièrement à Marinette.
— Quoi ? Mais d'où sort-il ?
— Je suis allé à la SPA le mois dernier et on est devenus copains, lui et moi. J'ai fait tous les papiers, il est vacciné, on peut le garder. Comme il a été abandonné, on ne sait pas trop l'âge qu'il a mais le véto pense qu'il doit avoir environ un an. C'est un Kelpie australien mâtiné d'autre chose, on ne sait pas trop quoi. Mais on s'en fiche, hein ?
— Et tu penses vraiment le nommer Plagg ?
— Pourquoi pas ? Personne ne peut savoir d'où je tire ce nom.
— Et le hamster, on va le nommer Tikki ?
— Exactement !
— Adrien ! dit Marinette sur un ton mi-amusée, mi-désespérée.
— Quoi, c'est sympa, non ?
— D'accord, lui concéda-t-elle, ne pouvant s'empêcher de sourire.
Elle se pencha vers le chien et lui tendit sa main à renifler :
— Bonjour, Plagg ! Je m'appelle Marinette et nous allons partager cette maison avec le bizarre individu qui t'a amené ici. J'espère que nous serons amis.
oOo
Ils décidèrent de pendre leur crémaillère à l'occasion du réveillon du jour de l'An. Ils invitèrent tous leurs amis du collège avec leurs conjoints, ainsi que Kylian, Sabine, Tom et André Bourgeois. La fête pourrait se tenir dans l'atelier.
Vers dix-huit heures, les amis commencèrent à arriver, pour aider à décorer la salle et discuter. Chloé arriva, fidèle à elle-même :
— Tu as terminé les esquisses pour notre rendez-vous du 5 janvier ?
— Oui, Chloé, tout est bouclé.
— Je viendrai après-demain à 9 heures, pour que tu me présentes ça. Et le dossier pour le 28, tu l'as regardé ? Tu as commencé à faire des recherches ?
— Chloé, c'est le réveillon ce soir, protesta Marinette. On parlera tout ça après-demain, et pas avant 10 heures. Il me faut mes deux cafés avant de pouvoir bosser avec toi.
— Hey, intervint Adrien, on ne devait pas prendre des jours de congés jusqu'à la fin de la semaine ? Marinette est en vacances jusqu'au 4 janvier au matin, indiqua-t-il à son amie d'enfance.
— On est à notre compte, Adrien, on n'a pas de congés, répliqua Chloé. Et on a des délais à tenir.
— Ok, alors, viens déjeuner le 3 janvier et vous travaillerez après, transigea Adrien. Parce que moi, je suis un salarié et j'ai des droits syndicaux. Comme celui d'avoir des jours de repos en même temps que ma fiancée.
Nino arriva à ce moment-là empêchant Chloé de répondre. Adrien entraîna son ami pour lui présenter Plagg qui faisait une sieste dans le salon et Tikki, qui étrennait une cage depuis deux jours dans la cuisine.
— Pourquoi Plagg est un chien et pas un chat ? demanda Nino.
— Il n'y aura qu'un seul matou dans cette maison, et ce sera moi, répliqua Adrien d'une voix ferme.
— Mais oui, mon minou, tu es le mâle dominant de la maison, lénifia Marinette.
— Tu as des doutes là-dessus, Adrien ? s'étonna Chloé qui les avait suivis.
— Pas du tout ! Mais vous savez que Marinette est très méchante avec les chats. Je ne veux pas qu'un autre vive mon calvaire.
— Tu as effectivement l'air très malheureux, fit semblant d'abonder Chloé. Tu es malade ? Marinette, tu as pensé à le purger ?
— Viens, Nino, allons boire un coup, proposa Adrien. Nous allons les laisser mettre au point leur plan démoniaque pour dominer le monde.
Les amis continuèrent à arriver et bientôt la fête battit son plein. Toute l'assemblée, parlait, mangeait, buvait, dansait, avec joie et bonne humeur. À un moment, Adrien demanda à Nino d'interrompre la musique. Il prit le micro de son ami et commença son petit discours :
— Déjà, je voulais vous dire à quel point je suis content que vous soyez tous là ce soir. Quand je suis arrivé il y a dix ans au collège Françoise Dupont, j'avais très peur de ne pas savoir me faire des amis. Mais mes craintes étaient vaines, il suffisait d'être avec vous pour apprendre ce qu'était l'amitié. Je ne pense pas que j'aurais pu tomber sur une classe plus géniale.
— Oui, on est les meilleurs ! hurla Nino, vite relayé par Kim et Ivan.
— J'ai également eu la chance de rencontrer l'amour de ma vie. On peut dire que cette année a vraiment été spéciale pour moi. Plus que je ne peux le dire. Donc ce soir, on va bien s'amuser tous ensemble, et je vais vous inviter dès à présent à revenir faire la fête avec nous, le 21 mars prochain. Ce sera un jour très particulier pour Marinette et moi, et cela ne pourrait pas être réussi si vous n'êtes pas là pour le partager avec nous.
— Vous allez vous marier ? vérifia Alix.
— Exactement ! Donc les enveloppes que sont épinglées sur ce mur et qui excitent votre curiosité depuis le début de la soirée, sont vos invitations pour la cérémonie. Votre nom est dessus, vous pourrez vous servir.
Tous les amis présents applaudirent et lancèrent des félicitations au couple qui s'était enlacé.
— Et maintenant, LA chanson d'Adrien et Marinette ! clama Nino en lançant « Je l'aime à mourir » de Francis Cabrel.
— Non, c'est vraiment ça notre chanson ? protesta Marinette.
— Exactement, ma princesse, confirma Adrien en la menant dans le cercle que faisaient leurs amis pour les laisser danser. Ça exprime tout ce que mon petit cœur ressent et que je n'ose te dire tout haut.
Alors que les autres couples les rejoignaient, Adrien et Marinette tournèrent lentement sur la piste, heureux d'être dans les bras l'un de l'autre, entourés par tous ceux qui comptaient dans leur vie.
oOo
Adrien avait été le premier coup de cœur de Kagami. Après tout, il était le seul garçon de son âge auquel elle avait le droit de parler. C'est pas comme si elle avait eu le choix. Quand il avait commencé à sortir avec Marinette, elle avait eu beaucoup de peine, même si elle avait soigneusement caché son état d'esprit à sa mère et surtout au principal intéressé. Elle s'était longuement demandé s'il aurait été préférable qu'Adrien choisisse une fille qu'elle aurait pu haïr. Peut-être. Quoi qu'il en soit, malgré sa jalousie, elle n'arrivait pas détester Marinette. Même si le bonheur évident d'Adrien lui brisait le cœur.
Elle n'avait jamais totalement compris pourquoi Adrien s'était détaché de son père aussi radicalement. Aller jusqu'à répudier son nom et changer d'apparence lui avait paru excessif. D'autant que la réputation de son père venait d'être mise à mal. Comme sa mère, Kagami pensait que les rumeurs associant Gabriel Agreste au Papillon étaient ridicules. La présence de Ladybug lors de la visite de police chez lui n'avait jamais été confirmée. C'était sans doute une affabulation de journaliste en mal d'audience. Quiconque connaissait réellement le styliste ne pouvait croire ces inepties.
La mère de Kagami avait violemment critiqué ce fils qui abandonnait son père alors que l'honneur de leur maison était malmené. Kagami avait été moins sévère. Elle comprenait qu'Adrien veuille se faire discret. Sa popularité ne devait pas être facile à porter. Cependant, au fond, cet abandon lui avait paru un peu lâche. Elle n'aurait jamais pensé associer ce qualificatif à son ami et en avait été troublée.
C'est à ce moment que ses sentiments pour Adrien avaient faibli. Mais il était resté une référence pour elle. Si elle ne souhaitait pas rompre totalement avec sa mère, elle réalisait qu'elle n'avait plus l'âge de lui obéir aveuglément. Ses combats pour gagner un peu d'indépendance avaient commencé à ce moment-là.
Sa nouvelle liberté l'amena à rencontrer d'autres personnes. Il y avait d'autres garçons finalement. Certains lui plurent. Pas autant qu'Adrien autrefois, mais suffisamment pour leur permettre de l'approcher un peu. Puis elle tomba réellement amoureuse. Cela ne dura que deux ans, mais elle comprit qu'elle était totalement guérie d'Adrien. Elle aussi trouverait son âme-sœur.
Elle continuait à le voir de temps en temps. Elle voulait voir si la liberté apportait autant d'avantages qu'on le disait. Pour Adrien, c'était le cas. Il était heureux. Il était visible qu'il avait besoin des marques d'affection que Marinette lui prodiguait sans réserve et sans la moindre discrétion. Elle-même n'aurait jamais pu lui en donner autant. Sa culture et son éducation l'avaient rendue trop réservée pour cela.
Elle appréciait beaucoup Marinette. Elle restait reconnaissante de l'amitié qu'elle lui avait offerte à une époque ou elle-même était si gauche en société. Que Marinette ne se soit pas arrêté à ses difficultés relationnelles était à mettre à son actif. Marinette était quelqu'un de bien. Mais Kagami n'avait aucune envie de lui ressembler.
Elle n'avait pas été étonnée d'apprendre qu'ils se mariaient. Cela faisait neuf ans qu'Adrien et Marinette étaient en couple. Il était évident que cela finirait ainsi. Elle fut heureuse qu'ils l'aient invitée à la cérémonie, alors qu'ils ne se voyaient qu'une ou deux fois par an. Elle se demanda si Gabriel Agreste y serait. Elle en doutait. Elle se dit que, si un jour elle se mariait, elle souhaiterait que sa mère soit présente.
Elle se rendit à l'hôtel de ville de Paris à l'heure dite. Il n'y avait pas énormément d'invités : seulement la bande habituelle : les anciens du collège, un ami d'Adrien dont elle peina à se souvenir du nom, et les parents de Marinette.
Tout le monde applaudit quand les fiancés arrivèrent ensemble. La mariée portait une robe blanche qui frôlait ses genoux, couverte de fleurs en dentelle argentées qui dessinaient une spirale autour de son corps mince. Adrien avait un costume gris, agrémenté de motifs blancs, parfaitement assorti à sa future femme. Il avait arrêté de se teindre les cheveux depuis plusieurs années et portait une barbe, veillant à ne pas ressembler au mannequin qui avait recouvert les murs de Paris. Il était splendide.
Invités par le maire en personne, la vingtaine de personnes que constituait l'assemblée entrèrent dans une salle, heureusement de taille modeste. Les portes restèrent ouvertes sur le grand hall. Kagami apprit à cette occasion que c'était une obligation légale.
Adrien avait choisi Chloé comme témoin, alors qu'Alya se tenait aux côtés de Marinette. Nino s'affairait à de prendre les photos.
Après un petit discours rappelant la longue relation qui avait résisté au temps et à la distance, le maire lut les articles du code civil et leur posa les questions rituelles. Ils y répondirent tous deux par l'affirmative, en se regardant dans le blanc des yeux, vivant intensément le moment solennel.
Quand le maire déclara Adrien Graham-Agreste et Marinette Dupain-Cheng mari et femme, leurs visages rayonnèrent de bonheur. Puis les yeux d'Adrien se mirent à briller, comme s'il allait faire une blague et il fléchit son bras et son poignet pour présenter son poing. Marinette parut hésiter une fraction de seconde avant de sourire largement et d'imiter le geste. Leurs phalanges se rencontrèrent alors qu'ils s'exclamaient tous les deux de concert :
— Bien joué !
Puis Marinette, éclatant de rire, se jeta au cou de son mari qui la fit tournoyer avant de la reposer en l'embrassant.
Alors que tout le monde se levait pour les applaudir en les acclamant, Kagami resta pétrifiée.
C'étaient eux ?!
Tandis que la partie la plus rationnelle de son esprit repoussait cette idée, des images fusaient dans son esprit : le Miraculous confié alors qu'elle était quelques minutes auparavant en compagnie de Marinette ; le geste de congratulation qu'ils venaient de faire auquel les deux héros l'avaient associée ce jour-là ; les postures de Chat Noir en plein combat qui se superposaient à celles d'Adrien en costume d'escrime ; la complicité quasi-télépathique entre Adrien et Marinette dont elle avait été si jalouse ; et puis, qui d'autre qu'Adrien choisirait Chloé pour être une super-héroïne ?
Mais...
Mais si Adrien était Chat Noir... S'il connaissait l'identité du Papillon... S'il avait quitté son père pour ne plus revenir le jour où l'on disait avoir vu Ladybug au manoir Agreste....
Y avait-il une lecture qu'elle avait refusé de voir ? Dans laquelle Adrien n'avait pas agi lâchement ou de manière excessive envers son père ? Où, au contraire, il l'aurait protégé par son silence ? Où Gabriel Agreste avait laissé partir son fils parce ce que le gouffre qui les séparait était réellement infranchissable ? Qui donnait une explication logique au fait que le maire de Paris, pourtant ami notoire de Gabriel, avait offert sa protection à Adrien et à Marinette ?
Mais comment avait-elle pu être aussi aveugle ?
Kagami se leva à son tour et applaudit le courage et la probité des héros de Paris.
Voilà, cette partie est terminée (par un reveal... j'adore les reveal, je vous ai déjà dit !)
Vous avez été à peu près 50 à suivre cette histoire, j'en suis très contente. N'hésitez pas à laisser un petit mot à la sortie, ça fait toujours plaisir.
Je ne vous dis pas au-revoir, car ce n'est pas tout à fait terminé ! Il y a encore une partie entière à lire, qui fera 8 chapitres. Cette histoire s'appelle "La demande d'un père" et on y retrouvera Gabriel.
A la semaine prochaine !
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