XIV - En avoir le cœur net
Lucie connaissait assez peu Adrien Graham, même s'ils faisaient partie de la même promotion. Il participait peu à la vie étudiante et ils avaient eu peu d'occasions de discuter. Ils se fréquentaient davantage depuis un mois, étant supposés travailler ensemble. Ils avaient eu leur première vraie conversation cinq jours auparavant. Discussion qui s'était révélée assez fascinante, après analyse.
Lucie était placée devant lui, et l'avait vu s'étouffer avec son sandwich à la mention d'Adrien Agreste. Sur le coup, elle n'y avait pas porté attention. Par contre, elle avait capté son regard affolé quand Greg l'avait désigné comme ayant les mêmes caractéristiques que le mannequin. Il les avait fait rire ensuite en parlant de ses boutons d'adolescent et son appareil dentaire, et Lucie s'était concentrée sur le reste de la conversation. Mais elle avait été étonnée quand il avait expliqué ne pas poser avec les créations de son amie en prétendant ne pas être photogénique. Ce mec était trop beau, ce n'était tout simplement pas possible.
Pour en avoir le cœur net, elle avait prétendu le lendemain vouloir photographier leur groupe. Quand elle avait tourné son téléphone vers lui, il avait instinctivement levé la main entre l'objectif et son visage.
— Tu n'aimes pas être photographié ? avait-elle demandé.
— Pas trop. J'aime pas la tête que ça me fait, avait-il prétendu.
Elle avait trouvé l'excuse un peu légère. Il avait un visage bien équilibré et des yeux magnifiques. Elle n'imaginait pas qu'il soit systématiquement raté sur une photo. Elle n'avait pas insisté mais, plus tard, elle avait pris des clichés de groupe. Amusée, elle avait constaté qu'il avait baissé la tête sur chacune d'elle, ou qu'il s'était arrangé pour être partiellement caché par un de ses camarades. Manifestement, ce n'était pas un hasard si sa petite amie le dissimulait en partie sur la photo qui était sur son téléphone à lui.
Si elle avait souhaité avoir un cliché où il se trouvait, c'était pour le confronter avec ce qu'elle avait trouvé comme représentations du mannequin Adrien Agreste. Or ce n'était pas évident de comparer un gamin de quatorze-quinze ans avec un adulte portant une barbe et des cheveux coiffés différemment. Surtout de mémoire.
Elle avait commencé par regarder les yeux du mannequin. A priori, le même vert. Pour la forme, c'était plus compliqué d'être formelle. Ensuite les cheveux. Ceux de l'Adrien qu'elle connaissait étaient d'un blond légèrement moins clair que ceux de l'adolescent, mais c'était courant de foncer avec l'âge.
Finalement, elle avait pris une image de face du modèle et l'avait ouverte dans un logiciel de retouche photo. Elle avait foncé ses cheveux puis avait superposé des aplats de couleur pour figurer une barbe et avait dégagé le front pour reproduire sa coupe actuelle. Sans être complètement probant, il y avait bien une ressemblance entre le mannequin modifié et le futur ingénieur.
Elle était pratiquement certaine d'avoir deviné juste. Elle décida cependant de garder ses soupçons pour elle. Après tout, s'il avait choisi de disparaître, il devait avoir ses raisons. Il avait manifestement envie de suivre tranquillement ses études et de continuer à sortir en toute discrétion avec son amour de jeunesse. Elle n'avait aucune raison de lui compliquer la vie en révélant aux autres qui il était.
En pensant à sa petite amie, elle se demanda ce que cela faisait de sortir avec un type aussi célèbre qu'il l'était à l'époque – elle avait compté, ils devait être ensemble depuis plus d'un an quand le mannequin avait disparu des radars. Était-ce pour elle qu'il avait abandonné sa carrière ? Quoi qu'il en soit, il semblait beaucoup tenir à elle, tout autant qu'à son anonymat.
Adrien Agreste n'était pas qu'un mannequin. Il était aussi le fils du célèbre couturier Gabriel Agreste. Qu'est-ce que cela représentait pour une future styliste ? Un soutien ou une pression supplémentaire ?
Lucie se dit qu'elle aimerait bien rencontrer cette fille. Elle avait apprécié le respect et l'admiration qu'Adrien avait pour elle. Et Lucie avait réellement aimé les vêtements qu'elle avait vus en photos. Tout comme le pull très amusant avec des chats de Schrodinger qu'Adrien avait arboré le lendemain, indiquant fièrement que son amie l'avait conçu et réalisé. Cela devait être une personne intéressante.
oOo
Adrien avait promis de venir à la soirée prévue le samedi soir. Lucie le vit arriver à peu près une demi-heure après elle. Elle constata qu'il n'était pas venu seul. La fille brune de la photo l'accompagnait. Elle avait dû revenir de Londres pour le week-end.
Lucie vit Adrien balayer la salle des yeux. Quand il regarda dans sa direction, elle lui fit signe. Il sourit et avança vers elle, suivi par sa copine. Celle-ci déboutonna son imperméable en marchant. Elle portait dessous une robe qui mélangeait dans un tissu lamé d'un vert brillant et du velours noir. Le contraste entre la coupe simple et les tissus assez précieux était très joli.
— Salut, dit Lucie à Adrien quand il fut assez près pour l'entendre. Tu dois être celle qui étudie le stylisme à Londres, ajouta-t-elle à l'attention de la nouvelle venue.
— Tout à fait, répondit la fille. Je m'appelle Marinette.
— Et moi, Lucie. Jolie robe. C'est exprès que la couleur est assortie aux yeux d'Adrien ?
— Pas cette fois, se mit à rire Marinette. C'était le seul vert proposé pour cette qualité de tissu. Mais quand je fais des vêtements pour homme, je suis assez influencée par la couleur qui va à Adrien. D'autant qu'elle donne bien aussi pour les cheveux châtain ou les peaux sombres.
L'association des couleurs de tissu et de peau interpella Lucie qui commença à poser des questions sur le sujet à Marinette. Au bout d'un moment, Adrien dit qu'il allait leur chercher à boire. Pendant qu'il faisait la queue au bar, Gregory arriva près d'elles, visiblement intéressé par Marinette, qui correspondait à son type de fille. Lucie prit soin de présenter son interlocutrice comme l'amie d'Adrien – au cas où son camarade n'avait pas fait le lien avec la photo qu'il avait vue quelque jours auparavant –, mais cela ne sembla pas le décourager. Il commença à la draguer sans vergogne.
Marinette semblait amusée. Lucie était certaine qu'Adrien lui avait raconté la conversation du lundi précédent et qu'elle avait identifié Gregory. Elle ne répondait pas à ses avances, se contentant de répondre poliment et prenant soin de ne pas paraître intéressée. Pratiquement exclue de la conversation par le gêneur et n'ayant pas l'impression que Marinette avait besoin d'aide, Lucie finit par abandonner et rejoignit Adrien qui faisait toujours la queue au bar.
— Marinette t'a abandonnée ? demanda-t-il en la voyant.
— Gregory lui a mis la main dessus et m'a pratiquement virée.
Adrien se retourna pour constater de ses propres yeux puis reporta son attention sur Lucie.
— Bah, si ça l'amuse, commenta-t-il.
Lucie éclata de rire.
— Toi, t'es tranquille, au moins !
— J'imagine mal Marinette rentrer de Londres exprès pour se laisser séduire devant moi, expliqua-t-il.
— Même pour te rendre jaloux ?
— Si quelqu'un tente de le faire, c'est pas elle.
— Tu crois que c'est le but Greg ? considéra Lucie.
— Il n'est pas assez idiot pour penser avoir une chance, analysa Adrien. Je pense qu'il veut me prouver que je suis plus inquiet que je le prétends.
— Il a raison ? le taquina-t-elle.
— Ton diagnostic ? lui retourna-t-il les yeux amusés.
— À moins qu'il lui saute dessus, tu ne bougeras pas, répondit-elle.
— S'il lui saute dessus, il le regrettera avant même que j'aie fait un pas. Elle ne plaisante pas avec la notion de consentement. Le dernier qui a essayé s'est pris une droite.
— Pauvre Gregory, encore une féministe ! plaisanta Lucie.
C'était enfin au tour d'Adrien de passer sa commande. Il demanda à Lucie si elle voulait quelque chose, puis demanda des bières. Ils revinrent vers Marinette et Gregory avec les consommations.
— Elle n'a pas d'humour, ta copine, se plaignit Gregory à Adrien.
— Je sais, admit celui-ci d'un air amusé. Elle ne rit jamais à mes blagues.
Marinette échangea avec Adrien un regard tellement chargé de tendresse que Lucie ne put s'empêcher de sourire, alors que Gregory secouait la tête d'un air dégoûté.
— Nan, mais si c'est pour vous faire des mamours, c'était pas la peine de venir ! protesta-t-il.
— J'avais envie de danser, expliqua Marinette. On y va dès que j'ai bu un coup.
Elle tendit la main vers Adrien qui lui donna sa bouteille. Elle la saisit maladroitement, manquant de la faire tomber et éclaboussant Gregory au passage. Heureusement, Adrien lui saisit le bras pour redresser le goulot – il avait de bons réflexes.
Marinette reprit tranquillement sa conversation avec Lucie, là où elles avaient été interrompues. Plus tard, alors que le couple dansait, Lucie recroisa Gregory et lui lança :
— Pas de chance, une brune aux yeux bleus qui t'a échappé !
— Pff, il peut la garder sa bêcheuse !
Lucie, qui n'avait pas eu cette impression le temps qu'elle avait conversé avec Marinette, insista, goguenarde :
— Faut espérer que ce n'était pas elle, Ladybug.
— Pas de danger, assura Gregory. Elle est bien trop maladroite.
oOo
Le lundi matin, Lucie retrouva Adrien et Gregory à l'école. Au dernier cours de la matinée, alors que toute la classe partait manger, Gregory s'approcha d'Adrien et demanda :
— Au fait, tu ne m'en veux pas d'avoir parlé avec ta copine l'autre soir ?
— Pourquoi je t'en voudrais ? s'étonna Adrien. Elle ne m'appartient pas, tu n'as pas à me demander la permission pour lui parler.
— Tu veux dire qu'on peut draguer ta copine, ça ne te gêne pas ? insista Gregory.
Adrien parut hésiter, puis répliqua sèchement :
— Ça veut dire que si tu le fais sachant qu'elle va te jeter, c'est ton problème, pas le mien. C'est à elle que tu dois des excuses, puisque tu lui as tenu la jambe, juste pour te prouver que tu es un vrai mec. C'est plus clair comme ça ?
— C'est bon, t'énerve pas ! Je ne l'ai pas touchée, ta meuf ! protesta Gregory avant de quitter les lieux.
Adrien le regarda partir, l'air un peu découragé.
— Te fatigues pas, il ne comprendra jamais, dit Lucie par solidarité.
— On lui dit que les femmes ont le droit de voter ou on le laisse continuer à se croire au XIXe siècle ? fit mine de l'interroger Adrien, la faisant éclater de rire.
— Mais t'es super drôle, Adrien, découvrit Lucie. Marinette n'aime vraiment pas tes blagues ou c'est un truc entre vous ? demanda-t-elle pendant qu'Adrien prenait son sac et qu'ils commençaient à marcher ensemble en direction de la sortie.
— Elle n'en apprécie qu'une partie, répondit-il. J'ai tendance à plaisanter dans des moments stressants alors qu'elle est plutôt du genre à se concentrer pour trouver la solution. Dans ces cas là, elle pense que je suis trop insouciant.
— Ce n'est pas l'image que tu donnes, dit spontanément Lucie.
— Je ne dois pas être assez stressé, alors, répondit Adrien. Marinette a bien apprécié de discuter avec toi, Lucie, enchaîna-t-il. Elle a passé une bonne soirée.
— Moi aussi ! Ce qu'elle m'a raconté de sa formation est passionnant.
— Elle a aussi aimé que tu lui parles de l'activité de ton association qui aide les sans-abri.
— Y'a un truc que j'ai oublié de lui demander, se souvint Lucie. Depuis combien de temps elle sait qu'elle veut être styliste ?
— Euh, j'en sais rien, en fait. Tout ce que je sais, c'est qu'elle créait déjà quand on s'est retrouvés dans la même classe en troisième. Elle a même gagné un concours organisé dans collège par... quelqu'un qui travaillait dans la mode.
— Ton père ? demanda spontanément Lucie avant de se mordre la langue en voyant Adrien s'arrêter net.
Alors qu'il la regardait, nettement suspicieux, elle dit précipitamment :
— Désolée, je n'aurais pas dû dire ça. J'ai deviné, mais je ne veux pas t'ennuyer. Ça ne me regarde pas. Je n'en parlerai à personne, je te le promets !
Après quelques secondes tendues, Adrien finit par reprendre sa marche. Son regard s'adoucit et il esquissa même un sourire.
— Ok, c'est la discussion de l'autre jour, supposa-t-il. À quel moment tu as deviné ?
— J'ai vu que tu avais des problèmes pour avaler quand Anissatou a dit qu'elle était amoureuse de toi, avant.
— Pas de moi, corrigea-t-il. De l'image qui était dans les magazines. D'ailleurs, j'étais plutôt d'accord avec Felicia. Adrien Agreste n'est pas une vraie personne, c'est un produit créé pour faire rêver. Mais j'ai été pris par surprise, ça faisait longtemps que cela ne m'était pas arrivé.
— En fait, sur le coup, j'ai pas capté.
— Alors, qu'est-ce qui t'a mise sur la piste ?
— En fait, tu as eu l'air bizarre durant toute la conversation. Mais ça je l'ai réalisé après. Il y a eu aussi quand Greg a fait remarquer que ça pourrait être toi le mannequin, tu as eu l'air totalement paniqué pendant une petite seconde. Mais tu as très bien rattrapé le coup après, cela aurait pu passer pour de la simple surprise. C'est quand tu as dit que tu ne voulais pas poser pour ta copine parce que tu n'étais pas photogénique que je me suis dit qu'il y avait un loup. Désolée de te le dire comme ça, mais c'était pas crédible une seconde.
— C'est pour ça que tu as voulu me perdre en photo le lendemain ?
— Oui. Pour te comparer avec le mannequin.
— Et qu'est-ce que ça a donné ?
— Tu sais bien baisser la tête pour être raté sur les photos, reconnut Lucie. Mais quand on rajoute une barbe à une de tes photos de mode, c'est assez ressemblant.
— Tu comprends donc pourquoi j'évite de laisser des photos de moi se balader.
— Oui. Mais c'est dommage pour Marinette. Tu serais un bon modèle pour elle.
— Elle n'est pas avec moi pour que je pose pour elle, fit Adrien en haussant les épaules. Et il faut que je trouve une autre excuse pour les photos.
— Si on n'avait pas eu la conversation, j'aurais pas fait le rapprochement, tenta de le rassurer Lucie.
— Tu n'es pas photographe non plus. Il y a des personnes qui me reconnaîtraient tout de suite à la forme de ma tête ou à mes yeux. Mais les lentilles colorées, c'est trop galère.
— Tu as été jusque-là ?
— Ça a été utile.
— Qu'as-tu fait d'autre, pour disparaître aussi complètement ?
Adrien parut hésiter :
— Je ne vais pas retrouver ça dans les journaux people ?
— Promis. Et puis qui cela intéresserait de savoir que tu es devenu un type normal qui fait des études ? Si tu étais devenu escroc ou vivant du RSA, passe encore, mais là...
— Ok. En fait, y'a rien d'extraordinaire. Je me suis teint les cheveux et je les ai coupés en brosse. Ensuite, quand j'ai pu, j'ai fait pousser ma barbe et j'en ai profité pour revenir à ma couleur naturelle. Je pensais que cela suffirait.
— Pour les gens comme moi, ça suffit. J'étais pas certaine à cent pour cent.
— Tu veux dire que tu as parlé de mon père pour me tester ? demanda Adrien d'une voix contrariée.
— Non, j'ai pas cherché à te piéger, si c'est ce que tu penses. C'est juste que je sais qu'il est styliste et, quand tu as évoqué ce concours, j'y ai pensé, et c'est sorti tout seul. Désolée.
— Si tu le gardes pour toi c'est pas trop grave, reconnu Adrien. C'est pas un secret honteux. Si tu veux me faire chanter avec ça, tu risques d'en être pour tes frais.
— Ça ne vaut même pas un café ? plaisanta-t-elle.
— Je peux monter jusque-là, accepta-t-il.
Ils étaient arrivés à la boulangerie la plus proche. Ils interrompirent leur conversation pendant qu'ils faisaient la queue, ne pouvant parler sans être entendus par leurs voisins. Lucie acheta une salade et ils trouvèrent un coin à l'écart pour s'installer.
— Ne me dis pas que je suis la première à te griller en cinq ans, remarqua Lucie en commençant à manger.
— Si, plus ou moins, dit Adrien en déballant le sandwich qu'il avait dans son sac. J'ai un ami qui l'a découvert aussi, mais je ne cherchais plus vraiment à lui cacher et j'avais laissé traîner des papiers avec mon nom complet. Y'a eu aussi l'épisode avec ma prof principale en terminale.
— Elle t'a reconnu ?
— Elle avait des fiches à nous distribuer pour passer le bac. Elle est arrivée avec la liasse, a distribué la première feuille, a regardé la seconde et a dit « Ça doit être une erreur » et elle est passée à la suivante. J'ai réalisé que cela devait être la mienne, parce qu'avec un nom pareil, j'étais toujours dans les premiers par ordre alphabétique. Elle ne pouvait pas faire le lien avec moi, car elle ne me connaissait que sous le nom de Graham. Mais le nom de ma mère n'avait pas encore été reporté officiellement sur mes papiers, donc j'étais toujours Agreste pour l'administration. À la fin de la distribution, elle a vérifié que tout le monde avait sa fiche. Comme elle me fixait en réalisant qu'elle ne m'avait rien donné, j'ai pris les devants en lui demandant si je pouvais venir la voir à la fin du cours. Elle a regardé la fiche qui lui restait, m'a regardé de nouveau, puis a commencé la leçon.
— Elle n'a rien dit ?
— Non, elle a été cool. Je suis allée la voir à la fin et elle m'a donné la fiche en me disant : » C'est la vôtre, je suppose ». J'ai répondu « Je veux juste passer mon bac tranquille ». Elle m'a répondu : « Avec votre travail, je suis certaine que vous allez très bien le réussir ». Voilà. Et visiblement, elle a su tenir sa langue, car je n'ai pas eu de regards qui me suivaient dans les couloirs, ensuite.
— Du temps où tu étais encore mannequin, on te regardait beaucoup ?
— Oui, je pouvais difficilement sortir sans provoquer une émeute. Du coup, je ne sortais pas beaucoup. À seize ans, j'en ai eu assez et je suis passé à autre chose.
— Il y a eu aussi la fake news sur ton père et Ladybug, à ce moment, c'est ça ?
— Ça a joué car la presse s'est particulièrement intéressée à moi, et ça a été assez pénible. Mais je me suis surtout rendu compte que j'en avais marre de tout ce cirque... Je voulais changer radicalement ce qui était ma vie à l'époque. À l'exception de Marinette.
Au nom de son amie, ses yeux s'étaient éclairés et les coins de sa bouche relevés. Il était vraiment dingue d'elle.
— Et quand tu as passé le bac, c'était sous ton vrai nom ? demanda Lucie.
— Ouais, ça a été un peu pénible pour les oraux. Heureusement, on était mélangés avec d'autres lycées et des élèves que je ne connaissais pas. Quand ils entendaient mon nom, ils me regardaient étonnés, et je répondais « Ouais, c'est un cousin, je sais, je ne suis pas aussi canon que lui ».
Lucie sourit. Elle aimait bien son humour.
— Mais sur ta carte d'identité, ta photo ne devait pas correspondre, remarqua-t-elle.
— Si, j'avais refait mes papiers exprès.
— T'avais vraiment pas envie d'être reconnu.
— Cela faisait deux ans que je vivais dans l'anonymat et ça m'allait vraiment très bien.
— Et trois ans plus tard, toujours pas de regrets, constata-t-elle.
— J'ai des goûts simples.
— Bon, après, t'as une copine qui a l'air super, tu suis des études d'ingénieur, y'a pire comme vie.
— Je sais que je suis privilégié, t'en fais pas.
— Ça ne t'intéresse pas la vie étudiante ? On te voit rarement aux fêtes et tu n'es inscrit à aucun club.
— J'ai déjà un groupe d'amis avec qui sortir. Et je bosse pour être indépendant. Ça m'occupe déjà pas mal.
Lucie se dit qu'avec un père aussi riche, il était étrange qu'il doive travailler. Était-il fâché avec sa famille et ne voulait plus être à sa charge ? Est-ce qu'il y avait autre chose qu'une crise d'adolescence derrière sa disparition soudaine ?
Il sourit, comme s'il devinait ses interrogations.
— Allez, c'est ton tour, décida-t-il. Qu'est-ce qui t'a décidée à devenir ingénieure ?
oOo
Quand Adrien discuta avec Chloé par liaison vidéo quelques jours plus tard, il raconta la conversation qu'il avait eue avec des camarades. Cela fit rire son amie aux larmes.
— Mon pauvre, tu n'es pas près de te débarrasser de ton image de sex-symbol !
— C'est pas marrant, Chloé. C'est pénible de toujours faire attention à ce qu'on dit et ce qu'on exprime.
— Mais c'est bon, personne n'a rien deviné !
— Si, justement.
— Ils savent que tu sors avec Ladybug ?
— Ne parle pas de malheur ! Une des filles m'a grillé en tant qu'Adrien Agreste.
Il lui raconta les déductions de Lucie.
— C'est pas grave, après tout, remarqua Chloé. Tu n'es plus un mineur qui s'est sauvé de chez lui. T'es un étudiant qui a pris son indépendance et qui vit chez sa copine. Pas de quoi fouetter un chat, même noir.
Cela ne fit pas sourire Adrien.
— Quand on a parlé du fait que j'avais disparu, elle s'est rappelé, je cite « la fake news sur ton père et Ladybug », rapporta-t-il.
— Tant que tout le monde considère que c'est une fake news, balaya Chloé.
— Plus il y aura de monde pour déterrer Adrien Agreste, plus on a de chance de tomber sur quelqu'un qui considérera que l'hypothèse est peut-être vraie, rectifia Adrien..
— Et tu tiens tant que ça à défendre ton père ? lui retourna Chloé.
— Je ne tiens pas à l'abattre, précisa Adrien. Et ce ne serait pas bon pour ton père non plus. Il m'a beaucoup aidé, je ne veux pas lui attirer d'ennuis.
Chloé soupira.
— Marinette et toi, vous allez bien ensemble ! Toujours à vous sentir responsables de tout. Qu'est-ce que vous avez à y gagner ? Une auréole ?
— Mais non, tu exagères ! On ne prétend pas être des saints.
— Est-ce que tu réalises que tu cherches à couvrir les choix que deux adultes ont faits en connaissance de cause ? Tu n'avais que quinze ans. C'est à eux d'en répondre, pas à toi.
— Ton père a fait le choix de me protéger. Je ne peux pas m'en laver les mains sous prétexte de mon jeune âge. C'est précisément parce que j'étais mineur que j'ai eu besoin de sa protection.
— Parce que tu crois vraiment que, politiquement parlant, cela lui aurait fait du bien que son grand ami Gabriel soit inculpé en tant que Papillon ? Tu es naïf, Adrien.
Adrien soupira. Chloé se montrait parfois incapable d'imaginer qu'on puisse agir avec générosité. Il changea son fusil d'épaule.
— Indépendamment de tout ça, j'ai pas envie qu'on m'identifie comme un mannequin célèbre, ni qu'on se retourne sur mon passage, ni qu'on me demande des autographes ou qu'on importune ma petite amie. Je ne veux pas non plus que Anissatou soit gênée par un aveu qu'elle n'aurait pas fait si j'avais joué franc jeu.
— Voilà, c'est ce que je disais. Faut toujours que tu te justifies par le bien-être des autres. Pense un peu à toi, bon sang !
— Je pense à moi ! Je vis la vie que j'ai choisie, non ?
— C'est vrai, convint Chloé. Ton cas n'est pas totalement désespéré.
— Et toi, tu es toujours contente de ton séjour ? demanda Adrien pour changer de sujet.
Chloé avait adoré son été et le début de son année d'étude aux États-Unis. Elle avait très peu parlé, par contre de ses relations avec sa mère. Adrien n'avait pas osé poser de question, sachant combien certains sujets pouvaient être douloureux. Mais il avait compris que Chloé avait beaucoup de succès avec son statut de fille du maire de Paris auprès des connaissances américaines.
— Oui, je m'amuse tellement, confirma Chloé.
— Tu penses un peu à bosser quand même ? s'inquiéta Adrien.
— T'en fais pas, j'aurais mon master. J'y tiens !
— Génial, lui sourit-il.
— Mais j'ai bien l'intention de profiter de la vie aussi.
— J'ai cru comprendre ! dit-il avec bienveillance.
Chloé ne faisait pas mystère de bien s'amuser, de faire la fête et d'enchaîner les garçons.
— Et toi, quand est-ce que tu revois Marinette ? demanda-t-elle.
— Ah, je ne t'ai pas encore raconté ! Elle est venue le week-end dernier et m'a accompagné à une fête avec des gens de mon école. Le Gregory de la discussion l'a draguée, juste pour voir comment j'allais réagir. Il a été un peu déçu que je ne vienne pas défendre mon territoire. Moi, j'espérais qu'il ferait un geste de trop et qu'il se prenne une baffe de Marinette, mais il n'a malheureusement pas été jusque-là. Elle a quand même réussi à lui renverser de la bière dessus, et je ne suis pas certain que ce soit uniquement de la maladresse. Le lendemain, il me l'a jouée : « Tu ne m'en veux pas d'avoir marché sur tes plates-bandes » et j'ai tenté de lui faire comprendre qu'on parlait d'un être humain, et pas d'un trophée. Mais je crois que je suis allé trop vite et qu'il n'a pas réussi à suivre.
— Ils t'en ont fait voir cette semaine ! pouffa Chloé.
— C'est pas drôle ! protesta-t-il.
— Si tu veux te faire plaindre, appelle ta Lady, conseilla Chloé en haussant les épaules. Elle te donnera du Chaton et te gratouillera derrière les oreilles. Moi, les chats, je leur donne des coups de pied pour qu'ils dégagent de mon chemin.
— Je plains tes copains, Chloé, risposta Adrien.
— T'es fais pas pour eux, répliqua-t-elle d'un ton blasé Je leur donne ce qu'ils sont venus chercher.
J'ai changé l'illustration. Celle-ci m'a été dessinée par @folle_angela . Elle est chouette, hein !
Le prochain chapitre se nomme "Avoir les idées larges"
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