Vers toi, jolie feuille morte
- Tu es jolie en rouge, me dit une voix douce.
Je me retournais, surprise par cette délicate attention.
- Merci, lui répondais-je fébrilement.
Elle venait de la pelouse. Mais je ne pouvais pas voir à qui appartenait cette voix, cachée dans les herbes. J'abandonnai rapidement, et regardai le soleil à moitié caché dans les nuages. Cela faisait longtemps que quelqu'un m'ait parlée. J'étais comblée seulement grâce à ces petits mots. Étais-je aussi désespérée?
Quelle idiote suis-je, n'est-ce pas?
- C'est un gâchis que tu sois sur le trottoir! Viens par ici!
Je pouvais maintenant voir qui était la voix.
Une petite brindille d'herbe qui s'agitait, remplie d'énergie, dans le vent me criait de venir vers elle.
Je lui souriais.
- Je ne peux pas venir vers toi, à moins que le vent me mène vers toi, lui disais-je, débordante de chagrin.
- Ah, soupirait-elle.
C'était cela. J'étais une feuille morte que le monde continua à piétiner. Cependant, je la remerciai intérieurement de m'avoir autant réconfortée. Jamais je n'aurais cru que ce ne serait que lorsque je serais morte, que je serais aussi heureuse.
- Alors je vais venir vers toi, me lança la brindille.
Je la regardai curieusement. Comment allait-elle venir vers moi? Elle était fermement collée à la terre.
- Comment? Lui interrogeais-je.
- Comment? rit-elle, en grandissant vers toi!
Ahurie, je riais de bon cœur avec elle.
Nous étions en automne, et j'étais loin d'elle. Si elle voulait m'atteindre en grandissant, cela ne servirait à rien. Mais elle avait l'air tellement déterminée que je n'osais pas détruire ses rêves.
- D'accord, lui lâchai-je.
Chaque jour, elle me parla, s'efforça à grandir vers moi. Tandis que je gardai mes efforts pour lutter contre le vent qui essayait de m'éloigner encore une fois.
Je devenais de plus en plus faible, plus fragile.
Elle devenait plus grande, plus forte.
Je voulais qu'elle réussisse ce rêve un peu fou. Mais une partie de moi, me dit qu'elle ne pourrait pas, que le vent et la pluie pourrait m'emporter loin d'elle, de mon bonheur, comme ils l'ont fait avant, quand j'étais encore une feuille vivante.
- Ne bouge pas, j'irais vers toi, j'utiliserais toute ma force s'il le faut, alors attends-moi, me dit-elle.
Je n'en pouvais plus. Comment pouvait-elle être aussi accrochée à cette idée impossible à réaliser.
Je lui suppliais secrètement d'arrêter.
Arrête.
Je t'en supplie.
- Attends-moi, me répéta-elle.
Elle me disait de l'attendre, si tendrement.
Qu'est ce que je lui avais fait pour pouvoir mériter cela?
Je ne lui avais rien fait. C'était la raison pourquoi je me sentais aussi coupable.
La pluie la fit grandir.
La pluie me poussa plus loin.
Je réussis à rester accrochée à un arbre.
Un jour, je ne la verrais plus.
Je perdrais tout encore une fois.
- Merci, lui disais-je.
- Merci? Mais je ne t'ai pas encore ramenée ici! s'exclama-t-elle, attends que je t'ai ramenée ici, comme ça, tu peux me remercier proprement.
Je soupirai. Elle était trop collée à son but pour pouvoir savoir pourquoi je lui avais remerciée si tôt.
L'hiver arrivait à grands pas.
J'étais surprise de constater que je n'étais pas encore tombée en poussière.
Lentement, doucement, j'étais ensevelie sous la neige.
Lentement, doucement, je pleurais à ce qui allait arriver à nous deux.
- J'y suis... presque... attends...
Mais je riais en entendant ces mots.
- Je t'attendrais autant de temps qu'il faudra. Lui ai-je répondue.
Comme si c'était des mots d'encouragement, elle semblait vouloir persévérer encore plus. Comment pouvait-elle survivre sous la neige?
Alors que je commençais déjà, doucement, à roupiller sous la couverture blanche.
Des bouts de feuilles se détachaient de moi.
C'était fini.
Je suis une feuille morte.
Et rien ne changera cela.
- Je suis arrivée, me murmura-t-elle, tendrement,
Vers toi, jolie feuille morte.
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