Chapitre 49- Une grosse réunion
Et en effet, cette réunion a tout d'une grosse réunion. C'est même la première fois depuis les vacances de Noël qu'il n'y a plus eu autant de personnes à la maison.
Piper est arrivée la première. A peine est-elle entrée dans le salon que Rebbie, après l'avoir serrée dans ses bras, se met à discuter avec elle. Et à voir comment les deux jeunes filles se racontent leur vie, James et Alex comprennent qu'elles ont fini par faire la paix. Et c'est seulement après que Piper voit le buffet avec quelques boissons et des gâteaux secs.
-Ohooooo! C'est sympa de penser à nous!, s'exclame la jeune fille.
A ce moment-là, la sonnerie retentit à nouveau. Cette fois, il s'agit d'Evan. Et Rebbie, qui lui a ouvert la porte, reste sans voix pendant quelques instants.
-Oh! Euh... salut Evan. Ça fait longtemps...
-Ouais... euh, salut Rebbie.
Ils restent quelques secondes sans se parler, gênés de se trouver l'un en face de l'autre pour la première fois depuis plusieurs jours. Pendant ce temps, Piper essaie tant bien que mal de ne pas éclater de rire en voyant ses deux amis avec leur visage hébété.
Finalement, c'est James qui vient à leur rescousse.
-Salut Evan, dit-il en s'approchant du jeune garçon avec ce sourire chaleureux qui est sa marque de fabrique. Je vois que t'as ramené à manger, c'est cool!
Rebbie baisse le regard et voit qu'Evan tient effectivement un tupperware rempli de madeleines aux pépites de chocolat. En laissant son ami entrer à l'intérieur, la jeune fille a presque envie de se cogner la tête contre le mur le plus proche. Comment n'a-t-elle pas pu faire attention à ce détail? Elle devient folle ou quoi?
Elle croise le regard moqueur de James qui semble lui dire: Bah alors? C'est Cupidon qui a frappé?
Rebbie lui répond avec une expression blasée qui veut dire: Oh toi, la ferme!
-Evan!, s'exclame Piper en enlaçant son ami et pour la première fois, Alex ne sent pas la jalousie monter en lui. Au contraire, il le salue également:
-Salut. C'est cool que t'aies pu venir.
-Ouais, ma petite sœur voulait venir aussi mais bon... A la place, je lui ai proposé de préparer les madeleines avec moi. T'aurais dû voir sa tête pendant tout le temps qu'on cuisinait. On aurait dit qu'elle était sur un nuage!
-A-do-rable!, s'exclame Piper en frappant des mains à chaque syllabe prononcée. Evan avec une fillette de cinq ans en train de faire des pâtisseries. On devrait payer pour voir ça, t'en penses quoi, Alex?
-Oh perso, je paierais surtout pour pouvoir lécher la pâte.
-Rayyyy, toi t'as tout compris!, lance-t-elle en donnant un coup de poing amical sur le bras de son camarade.
Quelques minutes après, c'est au tour de la délégation Julien-Jeremy-Alberto-Hélène de venir sonner à la porte des Roberts. Tous transportent à manger avec eux. Entre Alberto qui ramène une tarte aux cerises à l'ancienne, Jeremy qui a préparé une montagne de cupcakes qu'il a casés dans deux grandes boîtes transportables, et Hélène qui a carrément fait un gâteau arc-en-ciel, ce n'est sûrement pas la nourriture qui va manquer.
Mais le prix d'excellence revient à Julien qui a pris sur lui de préparer un bœuf bourguignon! Et tout seul, rien que ça! Son père et sa sœur lui ont proposé leur aide, mais le jeune garçon n'a rien voulu entendre. Il était plus que déterminé à mener à bien la mission qu'il s'est imposé, à savoir préparer un plat de géant pour ses amis en détresse. Pas mal pour un petit gringalet.
-Oh wow!, s'exclame James en les voyant déposer toutes leurs victuailles sur le buffet. On va bien grailler, dîtes donc! Vous nous avez gâtés.
-Euh par contre... il vaudrait mieux mettre le bœuf bourguignon à la cuisine, intervient Alex en voyant Julien se démener avec sa grosse casserole.
-Ouais! Un peu d'aide, ça serait pas de refus!, lance l'intéressé. Comme ça je pourrais peut-être dire bonjour à tout le monde.
Là-dessus, Piper et Alex viennent l'aider à transporter la casserole jusque dans la cuisine, sur la gazinière.
-Mes sauveurs!, s'exclame Julien en prenant les deux jeunes gens dans ses bras.
-On t'avait dit que ça serait trop lourd pour toi!, retentit la voix d'Hélène.
-Oh ça va, hein!
Lorsqu'ils reviennent tous les trois dans le salon, ils voient Rebbie serrer Jeremy, Hélène et Alberto dans ses bras. Le bonheur se lit sur son visage. Quand elle voit Julien s'approcher d'eux, elle se précipite dans ses bras.
-C'est bon de te revoir, Juju, lui dit-elle dans l'oreille.
En voyant sa jumelle se comporter ainsi avec ses amis, Alex pense que cela doit être la première fois qu'elle les voit depuis... depuis que leur vie a basculé. A en croire l'expression de son visage, elle a l'air sincèrement émue de tous les revoir, et cela fait chaud au cœur du jeune garçon.
A partir de ce moment-là, des petits groupes commencent à se former parmi eux tous. Hélène, Piper et James sont en face de la baie vitrée donnant accès au jardin, alors que Jeremy, Rebbie et Alberto ont pris place sur le canapé. Quant à Evan, Julien et Alex, ils sont postés juste à côté du buffet. Les discussions fusent de part et d'autre, et toutes traitent de sujets divers, que ce soient à propos des cours, de la famille, des amis, des amours, des projets futurs... Vraiment, chacun prend des nouvelles les uns des autres, et chacun prend du bon temps à discuter ainsi les uns avec les autres, le tout avec des boissons bien fraîches et diverses pâtisseries et sucreries. Bien évidemment, une petite musique de fond est entendue de tous. Et bien évidemment, le choix des musiques laisse penser que c'est James qui est à l'origine de la playlist. Il n'y a que lui pour mettre de la musique du groupe ABBA entre du Ed Sheeran et un opening d'anime.
A un moment donné, la sonnerie retentit à nouveau. En ouvrant la porte d'entrée, James est surpris de voir non seulement Gabrielle et Celeste, mais en plus Carole et Josh.
-Wow..., fait-il en regardant successivement les quatre nouveaux arrivants. Vous... vous êtes venus.
-Oui, nous sommes venus, répond Gabrielle. Tu es James, le grand frère de Rebbie?
-Ouais, elle t'a parlé de moi?, dit-il en plaisantant.
-C'est bon, James? T'as fini de draguer?, lance Carole.
-Bah dis donc Carole! T'es jalouse?
-Non, c'est juste que j'ai les mains un peu chargées. Si tu prenais le temps d'observer au lieu de draguer des jeunes filles innocentes, ça t'aurait sauté aux yeux.
Après avoir dit cela, la jeune femme se fraie un chemin et entre à l'intérieur, sous le regard ébahi de tous. James est le premier à se ressaisir.
-Eh Carole! Attends-moi!, lance le jeune homme en la suivant.
Gabrielle se tourne vers Josh.
-C'est quoi son problème, à celle-là?
Le jeune homme lui sourit.
-Je crois que son problème, c'est qu'elle est amoureuse.
-Drôle de façon de le montrer.
-On devrait peut-être entrer, non?, suggère Celeste qui n'a pas encore parlé.
Jugeant cette idée des plus pertinentes, les trois jeunes gens rejoignent les autres dans le salon. La première chose qu'ils voient est un semblant de dispute entre James et Carole, laquelle a posé son moelleux au chocolat sur le buffet. En tout cas, ce à quoi ils assistent est digne d'une scène de ménage.
Cela ne semble pas déranger les autres groupes, toujours en train de discuter. Mais il n'en faut pas plus pour que les deux filles rejoignent Hélène et Piper, alors que Josh part vers ses deux meilleurs amis. Alex, qui est resté avec Evan et Julien, observe les invités.
Pratiquement tous les amis des enfants Roberts sont présents. Le meilleur ami de James, ainsi que sa petite amie, sont venus. Les amis de Rebbie, ainsi que sa meilleure amie, sont venus. Fred, le meilleur ami d'Alex, est le seul à ne pas être venu. Bien qu'il peut bien sûr compter sur la compagnie d'Evan, cela n'enlève pas le fait que Fred lui manque.
Il tourne la tête pour chercher James du regard. Il le voit en train de s'adresser à Josh avec sollicitude. Pour être honnête, c'est bien la première fois qu'Alex voit son grand frère se comporter ainsi avec son meilleur ami. Pour se montrer aussi attentionné, ils ont certainement dû passer un moment de confidence particulière. Et de là où il se trouve, Alex parvient à discerner ce que James dit à Josh: «T'es sûr que ça va? Tu me dis si ça va pas, hein? Surtout si t'as besoin de quoi que ce soit, t'hésites pas.»
Ce à quoi Josh répond: «Je sais, James. Non, t'inquiète, je sais. T'as plus personne pour qui devenir une maman poule et du coup tu t'acharnes sur moi?»
Au bout d'un moment, quelqu'un frappe dans ses mains. Aussitôt, tous se tournent en direction de ce bruit.
Bien évidemment, il s'agit de James qui veut retenir l'attention de tout le monde.
-Chers invités! Je vous propose à présent de nous rassembler pour une raison assez spéciale.
-Oh, pourquoi?, demande Julien. Y'a déjà plus rien à manger?
-Ah non non non! C'est pas pour ça. C'est juste pour...
-Tu vas demander ta copine en mariage?, lance Gabrielle.
-Non! Ça, c'est pour après.
-N'abuse pas trop, James Roberts, réplique Carole.
-Ouais ouais, t'en fais pas, mon cœur. Ce que je voulais vous demander de faire, c'était de vous mettre en cercle pour qu'on puisse...
-Ah, comme une secte, tu veux dire?, plaisante Piper.
-Nan, comme les Alcooliques Anonymes, plutôt, suggère Rebbie.
Evan et Alex se regardent, l'air complice, en repensant à l'organisation qu'ils ont imaginée pour les personnes timides.
-Euh ouais, mais c'est pas le sujet, répond James. En fait, c'était pour qu'on puisse dire individuellement qui devient quoi, en gros. Ce serait sympa qu'on s'entende tous parler et qu'on discute, tout ça...
-Comme les Alcooliques Anonymes, quoi, rétorque Josh.
-Oh ça va, Clayton.
En à peine quelques secondes, chacun des individus présents ont formé un cercle avec plusieurs chaises en plein milieu du salon, non loin du buffet pour qu'ils puissent se resservir autant de fois qu'ils le veulent. Une fois tous assis, James prend la parole, avec un verre de Seven Up saveur mojito dans la main:
-Chers invités! Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence en notre humble demeure. En ces temps particulièrement compliqués pour votre famille préférée, sachez que cela nous fait chaud au cœur. Votre soutien, votre fidélité et votre affection à notre égard est le plus beau cadeau que vous puissiez nous faire. Je vais terminer mon intro ici car je vois déjà certains d'entre vous en train de pleurer.
Des petits rires suivent cette dernière phrase.
-Je propose de faire un petit tour de table pour que chacun nous dise ce qu'il devient, car en cette fin d'année scolaire, il me semble bien que la plupart d'entre vous terminent le lycée. Eh oui, le temps passe si vite...
-Ton but, c'est de nous faire pleurer, c'est ça?, lance Alberto.
-Ah mais pas-du-tout, répond James, l'air faussement innocent. Quoi qu'il en soit, comme vous vous êtes organisés pour prendre de nos nouvelles alors que nous touchions le fond, je pense qu'il est juste que vous nous disiez comment ça se passe dans vos vies, en ce moment. Alors, qui veut se lancer?
Piper lève la main et se met debout en prenant une mine affligée.
-Bonjour, je m'appelle Piper Cornett et je suis alcoolique.
Tout le monde pouffe de rire, alors que Julien lance bien fort:
-Bonjour Piper!
La jeune fille fait semblant de saluer tout en riant.
-Alors! Qu'en est-il de ma vie aujourd'hui? Eh bien ma foi, hormis le fait que je travaille d'arrache-pied pour les examens finaux, tout va bien.
-Attends, j'ai bien entendu?, demande Jeremy. Toi, Piper, tu travailles? D'habitude tu y vas au talent. Qu'est-ce qu'il se passe?
-Bah disons que j'ai eu une petite remise en question sur l'importance du travail acharné et de la roue qui tourne en défaveur des personnes qui réussissent tout ce qu'elles entreprennent sans fournir trop d'efforts.
-Oh, tout ça en même temps?, réplique Rebbie.
-Eh oui, ma petite Rebbie. On a du génie ou on n'en a pas.
-Merci beaucoup pour cet encouragement, Piper! Tu peux te rassoir, dit James.
Et alors qu'elle s'exécute, la jeune fille gratifie Jeremy et Rebbie d'un regard moqueur. Julien est le suivant à vouloir parler. Il se lève d'un bond et prend la parole:
-Alors perso, je commencerais en disant que je suis super content de tous vous voir!
-Ah bah pas moi!, lance Alberto du tac-au-tac.
-Ouais mais toi c'est normal. T'es jamais content de voir qui que ce soit.
-Oh tu le connais, dit Hélène. Tu sais bien que c'est sa façon de dire qu'il t'adore.
-Ah!, fait James. Ça me rappelle quelqu'un, ça.
Il fait un regard suggestif en direction de Carole, laquelle lui fait les gros yeux.
-Continue comme ça et j'arrête de te rendre visite.
-Eh! J'dis ça j'dis rien!
-Ouais, c'est ça.
De son côté, Josh se tourne vers son voisin d'à côté, qui n'est autre qu'Evan.
-Je crois qu'ils s'aiment trop., murmure-t-il.
-Du coup!, s'exclame Julien pour avoir l'attention de tout le monde. Je voulais vous dire que cet été, on partira en France, avec mon père et Hélène.
-Oh trop bien!, dit Rebbie. Vous passerez vos vacances là-bas?
-Euh... en fait c'est pas tout à fait ça, répond Hélène à la place de Julien. Le truc, c'est que notre père a été muté là-bas. Du coup, cet été, on déménage cet été.
Pour la première fois depuis le début de la réunion, le silence se fait. Contre toute attente, c'est Evan qui le brise de sa petite voix:
-Et... vous y restez pour combien de temps?
-Pendant au moins trois ans. Du coup, il est probable qu'on fasse nos études en France.
La perspective de devoir partir et laisser des amis et des amants est suffisant pour faire tomber le moral de Julien et Hélène. De même que la perspective de ne plus revoir leurs amis avant un moment est suffisant pour attrister leur bande de camarades.
-Euh, Hélène?, demande Julien. C'était bien ce que papa nous a dit? T'en es sûre?
-Ouais.
-Ah, eh bien... dans ce cas, sachez que vous allez tous me manquer.
Et il s'assied de nouveau, sous les yeux attendris des autres. Même ceux d'Alberto qui, dans le fond, aime bien son meilleur ami.
-D'ailleurs mec, tu devrais pas parler, toi aussi?, demande Julien.
-J'crois pas que ça intéresse grand monde, répond Alberto.
-Tu serais surpris de voir le nombre de personnes qui aimeraient avoir de tes nouvelles.
-T'es relou Julien, sache-le.
-Moi aussi je t'aime, mon pote.
Alberto se lève donc et après avoir lancé un rapide regard circulaire aux personnes qui l'entourent, il dit:
-On va partir avec ma famille, aussi. En Italie.
-Pour des raisons familiales?, veut savoir Carole.
Le silence du jeune homme est éloquent. Sa grand-tante Giorgia, qui était riche, vient de mourir et a décidé, avant son trépas, de léguer une partie de ses biens à sa famille. Et parmi ces biens, il y a une grande villa située en Florence qu'elle lègue à la famille d'Alberto. Il est donc fort probable que le jeune homme fasse aussi ses études à l'étranger.
-Ouais..., fait Piper. Tout le monde s'en va, maintenant.
-De fou, renchérit Jeremy. En plus là, avec nos affectations pour la fac, on sera tous éparpillés un peu partout dans le pays et ailleurs.
Un nouveau silence traverse l'auditoire.
-Yep..., fait James. Nos petits oiseaux vont devenir des vautours.
-Dommage, répond Rebbie. J'aurais préféré être un aigle royal. C'est plus classe.
Alors qu'un rire parcourt l'assistance, la sonnerie retentit. James ouvre la porte d'entrée et ne peut cacher son étonnement lorsqu'il voit qui se tient devant lui.
-Fred? Quelle surprise! Vas-y, entre. Les autres sont déjà là.
A l'entente de ce nom, Alex lève immédiatement la tête avec incrédulité. Fred est vraiment là? C'est pas une blague?
Le jeune roux fait son apparition dans le salon et Rebbie se lève pour le serrer dans ses bras, malgré l'assiette qu'il porte dans ses mains.
-Hey Reb's, fait le jeune homme d'une voix enrouée.
-Oula! Ça a pas l'air d'aller, s'étonne la jeune fille.
-Ouais, j'ai été malade et je récupère encore...
Là-dessus, il toussote.
-Mais pourquoi t'es venu si t'es pas encore guéri?, demande Rebbie, incrédule.
-T'as cru que j'allais rater une réunion pareille? Meuf, sache que rien ne peut m'arrêter. Pas même une fichue grippe. Donc que tu veuilles ou non, tu vas devoir me supporter durant tout l'après-midi.
De là où il est, Alex ne peut réprimer un sourire. Ça ressemble bien au Fred qu'il connaît. Et maintenant que ce dernier est parti sur sa lancée, plus rien ne semble l'arrêter.
-J'ai quand même insisté pour que ma mère me prépare mon gâteau fétiche pour vous rendre visite, continue Fred en montrant le gâteau en question dans son assiette. J'allais pas le manger tout seul! Et quand je pense qu'on devait vous voir par petits groupes... C'était mon idée et comme d'habitude, personne ne m'a écouté.
-Oh, pauvre petit cœur!, se moque Rebbie. Pose ton gâteau sur le buffet, sert toi et rejoins-nous.
Et alors qu'il s'approche du buffet, le jeune garçon ne peut s'empêcher de pousser diverses exclamations, malgré sa gorge dérangée.
-Wow! Vous comptiez inviter toute la ville ou quoi? Des cupcakes, du gâteau au chocolat... un gâteau arc-en-ciel?! J'ai loupé un anniversaire ou quoi?!
-J'ai aussi préparé du bœuf bourguignon, mec!, lance fièrement Julien.
-Tu as préparé du quoi?!
-Ouais! J'ai fait ça tout seul!
A côté de lui, Celeste se met à rire doucement.
-Je crois qu'on a compris, Juju.
Le jeune garçon lui lance un regard complice. Bien qu'il ait eu du mal à se remettre de sa rupture avec son amie, il a cependant compris qu'il valait mieux pour eux qu'ils restent simplement amis, ce en quoi Celeste lui est reconnaissante. Elle est sincèrement heureuse d'avoir des amis dont l'affection ne dépend pas des circonstances, et qui ne risquent pas de devenir toxiques comme peut l'être Sadie, bien qu'elle soit désolée pour son ancienne amie dont les parents l'ont forcée à quitter le lycée avant les examens.
-Et vous faisiez quoi, là, du coup?, reprend Fred. Un truc du style Alcooliques Anonymes?
-Non!, répond James. Pour la deux-cent millionième fois, on joue pas aux Alcooliques Anonymes.
Josh prend la parole:
-Ça y ressemble un peu, mais l'idée c'est de donner chacun de nos nouvelles pour faire savoir comment ça va dans nos vies.
-Puisque tu viens d'arriver, tu pourrais peut-être t'y lancer.
Une étincelle apparaît dans les yeux de Fred, et Alex la remarque. Il se dit que le jeune garçon ne va sûrement pas se priver de faire le clown en public. Il n'a qu'un quart d'une seconde pour se demander ce que le nouvel arrivant s'apprête à faire.
Aussitôt, Fred s'avance avec son verre d'Ice Tea et le cupcake qu'il commençait à manger, et se poste au milieu des autres invités.
-Mes biens chers camarades!
-Génial..., commente Carole. On a un James 2.0 maintenant.
-Et j'ai jamais été aussi fier de lui, fait James en posant une main sur sa poitrine et en faisant semblant de pleurer.
Fred se tourne vers le jeune homme et réussit l'exploit de faire une révérence sans faire tomber la nourriture qu'il tient dans ses mains. Dans l'assistance, quelques rires fusent.
-Je vais être rapide, je vous promets. En plus j'ai la voix à moitié déglinguée...
-A t'entendre on dirait pas, remarque Piper.
-J'ai du talent, que veux-tu? Bref! En parlant de ça, il y a quelques jours, j'ai chopé une affreuse grippe. Si vous l'avez déjà attrapée, vous savez à quel point c'est usant. Entre les maux de tête qui vous clouent au lit, le rhume qui vous empêche de respirer et la gorge qui est constamment en feu, vous êtes littéralement en agonie. Et malgré les paracétamols que vous prenez pour calmer votre fièvre, rien n'y fait. A croire que le monde entier en a après vous. J'y ai au moins gagné de louper quelques cours.
-Les cours que tu devras sans doute rattraper!, lance Gabrielle.
-T'étais obligée de me rappeler ça?
-Oui!
-Bah t'aurais pas dû, rétorque Fred. J'en étais où, moi, du coup? Ouais, j'étais au bord de l'agonie. Puis je me suis rappelé d'une citation de Beethoven qui disait: «Je saisirai le destin par la gorge; je ne le laisserai jamais me dominer entièrement.» Du coup, j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis dit: «Okay mec, peu importe ce qui t'arrive, que ce soit les cours, ta situation familiale ou encore cette foutue maladie, tu dois pas laisser tout ça t'abattre. Tu dois pas laisser toutes ces difficultés te saper ton moral.»... et voilà où j'en suis.
Son petit discours plonge ses camarades dans un profond silence. Ce qu'il vient de dire a causé une grande résonance en eux. Rebbie est la première à reprendre la parole:
-J'arrive pas à croire que tu sois suffisamment cultivé pour citer Beethoven.
-La ferme, Roberts, rétorque Fred.
-N'empêche... j'arrive pas à croire que je vais dire ça, mais c'est pertinent, ce que tu viens de dire.
-Évidemment que c'est pertinent, ce que je viens de dire. Ceci dit, il y a une autre citation que j'aime beaucoup et qui donne pas mal d'espoir, aussi.
-Et... c'est quoi?, demande Evan.
Fred tourne la tête vers le jeune garçon avant de jeter un rapide coup d'œil vers Alex, qui est assis juste à côté de lui. Alex comprend d'instinct que ce que son ami va dire le concerne directement.
-Alors..., dit Fred. La citation en question, c'est: «Au final tout ira bien. Si ça ne va pas, c'est que ce n'est pas la fin.»
Pour les autres présents dans la pièce, cette citation est tout à fait encourageante. Mais pour Alex, elle a une signification bien particulière. C'est par cette phrase qu'il a repris confiance, quelques années plus tôt, pour l'amélioration de l'état de sa sœur jumelle quand elle a été hospitalisée. C'est par cette phrase que lui et Fred sont véritablement devenus amis.
Ce n'est pas par hasard que Fred a choisi de faire part de cette citation à ce moment précis. Il veut faire comprendre à Alex qu'il veut lui parler. Seul à seul. Peut-être pas maintenant, étant donné que James a choisi le meilleur moment pour faire un petit groupe de discussion, mais après.
Et les deux garçons ont dû attendre de nombreuses minutes avant de pouvoir se parler.
Finalement, après que tout le monde ait fini de raconter comment se passe leur vie en ce moment, James a décidé que chacun est à présent libre de faire ce qu'il voulait. Certains se sont dit qu'il fallait qu'ils rentrent chez eux, alors que d'autres ont voulu rester. Quant à Fred et Alex, ils ont choisi de s'installer sur la terrasse.
De là où ils sont, debout, les deux garçons observent le jardin avec leur boisson fraîche à la main.
-Tu te souviens quand on faisait des bonshommes de neige dans votre jardin quand il neigeait?, dit Fred.
Alex fait un petit sourire.
-Ouais. Et Rebbie te supportait pas, et du coup ça finissait toujours en bataille de boules de neige.
-C'est vraiment une folle, ta sœur... J'ai encore l'impression d'avoir de la neige dans les oreilles.
En évoquant ces souvenirs, Alex a l'impression de se voir lui, Fred et Rebbie lorsqu'ils étaient enfants en train de courir sur la neige. Et James, bien sûr, qui ne manquait jamais une occasion de s'amuser avec eux.
Frederick Davidson. Le meilleur ami qu'il ait jamais eu.
Alex soupire.
-Tu sais, ces derniers temps je pensais que tu voulais plus me parler...
Le jeune roux paraît alors étonné.
-Je croyais que tu ne voulais plus me parler. Et ça, tu vois, c'était encore pire que d'avoir la grippe.
Ils restent silencieux pendant quelques instants avant que Fred ne reprenne la parole:
-Mes parents se sont remis ensemble, au fait.
En entendant cela, Alex manque de s'étouffer avec son Coca-Cola.
-Mec, j'étais pas prêt...!
-Moi non plus, j'étais pas prêt quand ma mère me l'a annoncé, continue Fred. C'est juste que... je trouvais pas ça cohérent qu'ils se remettent ensemble après avoir passé au moins dix ans à se détester.
-Ils ont peut-être compris des choses qu'ils n'avaient pas forcément comprises au moment de leur divorce, fait remarquer Alex. Tu sais, le temps passe et les gens changent, ils évoluent... C'était peut-être le cas de tes parents. En plus, c'était pas toi qui espérait qu'ils fassent la paix?
-Mouais...
Fred observe sa boisson qu'il a presque terminée.
-Tu sais?, reprend Alex. S'il y a une chose que j'ai appris ces derniers temps, c'est que quand tu te trouves face à une situation inédite, il faut toujours laisser une chance aux gens. Et crois-moi, je parle en connaissance de cause.
-Hmmm... c'est juste, dit pensivement Fred.
-Pour tout te dire, c'est ce que j'ai compris quand j'ai commencé à parler avec Evan.
Une lueur malicieuse apparaît dans le regard de Fred.
-Je me souviens quand Evan m'a dit que vous faisiez un travail de groupe, avec Marlon. J'en croyais pas mes oreilles. Je pensais que vous alliez tous vous déchiqueter dès le premier jour.
-Moi aussi. Et pourtant... Tout ça, c'est grâce à Evan. Sans sa patience, on n'aurait rien pu faire.
Il baisse les yeux et ajoute en murmurant:
-C'est vraiment un gars génial. Je comprends mieux pourquoi tu l'apprécies autant.
Alex s'attend à ce que Fred lui lance une vanne comme il sait bien les faire. Au lieu de cela, son ami pose une main sur son épaule, l'obligeant ainsi à le regarder droit dans les yeux.
-Hey..., dit-il doucement. Toi aussi t'es un gars génial.
-Mais vous vous connaissez depuis plus longtemps, et vous avez des souvenirs que personne d'autre a...
-Je sais. Et j'aime beaucoup Evan, mais ce n'est pas avec lui que j'ai grandi pendant toutes ces années. C'est avec toi. C'est avec ta famille. Et c'est avec toi que je peux écouter les Beatles tout en m'empiffrant de gâteau à la pomme, aux noix et à la cannelle.
Alex fait un petit sourire.
-Faudrait vraiment qu'on remette ça.
-Et comment! Tu sais ce qu'on devrait faire? On devrait faire une soirée spéciale nostalgie. On y mettra les tubes qu'on écoutait quand on était gosses et tout...
-Ce serait énorme.
Les deux garçons pouffent de rire. Puis Fred reprend avec une mine plus sérieuse.
-En fait... je me rends compte que j'ai pas souvent été là pour vous, ces derniers temps.
-Tu as eu tes propres problèmes, toi aussi.
-C'était pas une raison, proteste-t-il. Tu as certainement dû te sentir seul parce que je passais plus de temps avec Evan.
Le silence d'Alex suffit à donner une réponse à Fred.
-Je suis vraiment désolé pour ça.
-Nan t'inquiète, je comprends.
Et c'est la vérité. Alex ne lui en veut plus. Il faut à présent s'assurer que Fred puisse se pardonner lui-même.
-Mouais... mais quand même. Je m'en suis réellement voulu, après notre dispute. J'ai cru que je t'avais perdu... Déjà que ça allait pas fort, mais ça, ça m'était insupportable. Tu manques de confiance en toi, mais je vais te dire un truc: j'ai besoin de toi, Alex. T'es comme un frère pour moi, et je t'aime beaucoup.
-Oh, c'est adorable, se moque Alex. On se croirait dans un film, il manque plus que la bande-son qui va avec.
-Eh mais c'est une réplique à moi, ça! Tu vas voir, je vais t'accuser de plagiat. En plus tu viens de gâcher un moment intense, là.
-Je rigole, t'inquiète.
Il n'empêche qu'Alex est très touché par ce que vient de dire son meilleur ami. Au fond de lui, il a toujours espéré entendre cela de la bouche du jeune garçon et maintenant que c'est fait, Alex se dit qu'il doit lui rendre la pareille.
-Moi aussi je t'aime, Fred.
Il ne regarde pas Fred droit dans les yeux, mais il se dit que cela doit être la première fois qu'il lui parle de manière aussi vraie.
J'espère que ce chapitre vous a plu ^^
Pour ma part, je me suis éclatée à l'écrire. C'était assez marrant de faire interagir la plupart des personnages que nous avons croisé jusqu'à présent et de faire revenir des personnages que nous n'avons plu vus depuis un moment. Mais surtout, ça crée une bouffée d'air frais après toutes les tensions qu'on a eues dernièrement.
Et aussi, ce chapitre est officiellement le deuxième plus long de cette histoire juste après la première partie de celui du Nouvel An.
Voilà, juste pour que vous sachiez.
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