Chapitre 31- Mal du pays
-Je sais pas toi, Evan, mais j'ai bien envie d'un McDo.
-Si tu veux, Fred. On se fait ça tout de suite?
-Tu voulais qu'on fasse quoi d'autre?
-Attendre le prochain cours, peut-être?
-Tu te moques de moi, là?
C'est ainsi que les deux amis décident de quitter la bibliothèque du lycée pour se rendre au McDonald's après seulement dix bonnes minutes. Si Evan aime le calme qui règne en ce lieu, Fred, lui, n'arrive pas à rester en place dans cet espace aussi sombre qu'un placard.
En se dirigeant vers la sortie de la bibliothèque, les deux garçons remarquent à quel point les élèves sont concentrés sur leurs travaux. Bien sûr, c'est souvent le cas, mais comme on approche un peu plus de la période d'examen, le niveau d'assiduité a considérablement augmenté.
Ils aperçoivent alors Rebbie posée à une table, en train de griffonner sur une fiche de révisions. Fred s'approche d'elle et murmure:
-Tiens, voici mon élève modèle préférée.
Elle se retourne pour faire face à lui.
-Fred! Si on m'avait dit que je te croiserais un jour dans une bibliothèque...
-Heureusement que je suis pas venu seul, sinon je me serais déjà pendu tellement je me serais ennuyé.
Elle se penche en avant pour apercevoir Evan et le sourire qu'elle lui lance est tout simplement lumineux. Oui, exactement. Fred se souvient alors qu'elle a eu le même sourire lors de l'anniversaire de Piper, à chaque fois qu'elle croise le regard d'Evan. Le jeune roux se réjouit à l'avance de voir un potentiel couple. Il a toujours eu un sixième sens pour ces choses-là. Savoir à l'avance que deux personnes se mettront en couple.
Dommage qu'il ne puisse pas appliquer cela pour lui-même. A chaque fois qu'il se met en couple, cela ne dure pas longtemps. Avec Clarisse, Melody, Frances et plus récemment Celeste à qui il lui a demandé par le passé de sortir avec elle avant qu'elle ne lui apprenne qu'elle était déjà en couple avec Julien. Si cela continue ainsi, il va finir célibataire à vie avec des chats, comme sa tante Christie.
Quelle horreur, pense-t-il.
-On voulait se faire un McDo, tu... voudrais te joindre à nous?
Cette phrase vient d'Evan. Fred se retient de se pincer le bras. Evan vient de proposer à Rebbie de les accompagner? Waouh. Lui qui pensait qu'il serait trop timide pour l'aborder, il doit reconnaître qu'il est très surpris. Et bien sûr, cela lui fait rappeler Alex, de qui il n'a pratiquement plus de nouvelles. En fait, il a l'impression que son ami l'évite de plus en plus. Et cet éloignement l'inquiète tout autant qu'il l'agace. Pourquoi Alex, son meilleur ami, s'écarte-t-il de plus en plus alors qu'il a besoin de lui? Car oui, même si son attitude laisse penser le contraire, Fred se sent de plus en plus oppressé par les sentiments qui l'animent de toute part. Et encore une fois, ses parents en sont la cause. Et même s'il se confie à Evan qui, lui, a bien connu ses parents avant que Fred et sa mère ne déménagent, c'est surtout avec Alex qu'il a grandi. Ils ont toujours été là l'un pour l'autre. Pourquoi est-ce en train de changer?
-Pourquoi pas, répond Rebbie. Un bon McFlurry ne me ferait pas trop de mal.
***
Cette interlude au McDonald's s'est passé on ne peut mieux. Après avoir pris leur commande, les trois amis se sont installés sur la terrasse pour profiter du bon temps qui commençait à pointer peu à peu le bout de son nez. Après cet hiver particulièrement rude, le moindre petit rayon de soleil est en effet le bienvenu.
Durant ce temps, les trois amis ont parlé de sujets divers: ils ont évoqué leurs révisions pour les examens finaux ainsi que de l'attitude de certains de leur professeurs (Fred a eu ainsi l'occasion de dire du mal de son ennemie jurée, madame Zandberg) avant de parler du dernier film Marvel qui vient de sortir. Evan, qui l'a déjà regardé, l'a trouvé génial, tandis que Fred et Rebbie ont pensé à aller le regarder au cinéma. Ils se sont remémoré la soirée d'anniversaire de Piper et un moment donné, pour plaisanter, Fred a mis un peu de Sundae sur son doigt avant d'en mettre sur le nez de Rebbie. Cette dernière lui a répondu par une petite tape sur la joue, sous les yeux amusés d'Evan qui a continué de siroter son milkshake.
-Eh Fred?, demande Evan. On parlait de films tout à l'heure et je me demandais: t'as une actrice ou plusieurs actrices préférées?
Le jeune roux lève les yeux de son Sundae pour réfléchir.
-Honnêtement, je dirais Natalie Portman. Et peut-être Scarlett Johansson.
-Et si tu devais choisir entre les deux?
-Eh bien je choisirais de ne pas choisir. Parce que je peux pas choisir entre les deux.
-Très bon choix, réplique Rebbie.
-Et toi Reb's? Y'a une actrice que tu préfères?
Fred ne peut s'empêcher de se moquer:
-«Reb's»? Déjà autant de familiarité? Vous voulez que j'achète la bague maintenant?
-Oh, la ferme!, répliquent Evan et Rebbie en même temps.
-Oh! Vous êtes sur la même longueur d'onde, c'est pas génial?
-Tu sais ce qui est pas génial? C'est que tu m'as empêché de répondre!, lance Rebbie.
-Pas désolé.
Elle fait mine de lui donner un coup de poing avant de se tourner vers Evan.
-Pour répondre à ta question, j'ai pas vraiment d'actrice préférée. Mais si je devais en choisir une, je dirais peut-être Emma Stone.
Ce à quoi Evan hoche la tête avec un air... comment dire? Un curieux mélange de compréhension, d'intérêt ainsi que le visage de quelqu'un qui a l'air de connaître le sujet évoqué. C'est assez unique, en réalité.
Et curieusement, Rebbie apprécie cela.
-T'as une actrice préférée, toi?
Après un court moment de réflexion, Evan répond:
-Comme Fred, je dirais peut-être Natalie Portman.
-Ah! Toi t'es un vrai!, lance Fred en faisant un top-là à son ami.
En voyant cela, Rebbie ne peut empêcher un rire de franchir la barrière de ses lèvres. C'est vraiment fou comment les deux garçons sont devenus aussi complices. Le fait qu'ils aient été meilleurs amis par le passé y est sans doute pour quelque chose. La jeune fille se souvient très bien des jours qui ont suivi sa rencontre avec Evan. Il a toujours été un peu gauche et timide. Puis, par un merveilleux hasard, il faut l'avouer, il a retrouvé Fred. Même s'il a un peu conservé sa timidité, c'est indéniable, il a fait des progrès pour sociabiliser. Et pour être honnête, elle ne l'a encore jamais vu aussi... détendu. Rebbie ose même penser qu'elle ne l'a encore jamais vu aussi heureux qu'en cet instant. Avec ce grand sourire et ce rire clair, il n'y a aucun doute. Entouré de son vieil ami et de celle qui lui a tendu la main la première fois, Evan a l'air de vivre sa meilleure journée.
Et il n'en faut pas plus pour que Rebbie sente la chaleur envahir sa poitrine.
Alors qu'ils se mettent en route pour retourner au lycée, Fred dit:
-J'y pense les gars, faudrait qu'on se fasse un cinéma, un de ces quatre. Vous en pensez quoi?
-C'est une bonne idée, acquiesce Rebbie.
-Faudrait aussi inviter Alex. Il m'a l'air un peu distant ces derniers temps. Ça pourrait lui changer les idées.
Pour ça, il faudrait qu'il accepte d'être en compagnie d'Evan, dit Rebbie en son for intérieur, qui a compris que son frère supporte mal la présence du jeune homme. Cette pensée seule lui suffit à faire baisser son moral.
Juste quand elle sent la préoccupation monter en elle, Evan se matérialise à côté d'elle.
-C'était cool que t'aies accepté de nous accompagner au McDo, en tout cas, lui dit-il.
-Oh, c'est rien. Ça m'a fait plaisir. C'était sympa de se retrouver rien que nous trois.
-Ce que je veux dire, c'est que t'avais l'air à fond dans tes révisions, et t'es quelqu'un d'assez appliquée, en plus. T'aurais pu rester à la bibliothèque mais à la place, t'es venue...
Il s'arrête en voyant que Rebbie le fixe de ses grands yeux bleus. Des yeux d'un bleu envoûtant qui ont le don de le déstabiliser, et cette petite étincelle au fond du regard semblable à un feu sur une cierge magique. Et lorsqu'un sourire radieux vient se poser sur ses lèvres pulpeuses, c'était comme si son cœur chavirait. Sentant qu'il est en train de rougir, il tourne rapidement la tête vers une autre direction.
De son côté, Rebbie a l'impression que ce qu'Evan vient de lui dire n'a rien à voir avec le fait qu'elle soit venue au McDo avec lui et Fred. Enfin si, ça a quelque chose à voir avec cela, mais elle sent qu'il y a plus.
En croisant son regard, elle comprend qu'il essaie de lui remonter le moral. Il a vu son visage se décomposer en pensant à Alex, et il est venu à côté d'elle pour la faire penser à autre chose. Car Evan est quelqu'un qui observe beaucoup. Il lui a confié, quelque temps plus tôt, qu'il voit bien qu'Alex ne l'apprécie pas, malgré le fait qu'ils n'en aient pas parlé jusque-là.
La jeune fille est aussitôt touchée de cette attention à son égard. Evan est quelqu'un d'une grande sensibilité et elle respecte cela. Ce dernier ne parvient pas à dissimuler le rouge qui lui monte aux joues et Rebbie ne tarde pas également à sentir son visage prendre la couleur d'un camion de pompier. Chose qui, elle en est persuadée, ne lui arrive que très rarement. Sans compter les battements de son cœur qui semblent avoir doublé d'intensité.
-Je suppose que vous vous doutez à quel point ça ne m'enchante pas de retourner au lycée, dit Fred, qui avance en tête tout en ignorant la conciliabule qui vient d'avoir lieu entre ses deux amis. Surtout que j'aurai le plaisir de me faire zandbergiser par vous savez qui.
***
Et effectivement, le jeune homme s'est fait réprimander très sévèrement par sa professeure de physique. Pourquoi? Il ne sait même plus. Et il préfère ne plus avoir à s'en souvenir.
Mais c'est sans compter sur sa mère qui vient encore une fois lui faire une scène dans le salon. Avec une cigarette allumée à la main, elle lui crie dessus, mais c'était comme si Fred n'entendait plus rien. Il voit sa mère déverser son mécontentement sur lui, tandis que son cerveau fait passer ses reproches en mode silence radio.
-Je me demande vraiment de qui tu tiens cette attitude, entend-il sa mère lui dire.
Il lève un visage défiant vers elle avant de répondre:
-Sûrement pas de papa, si tu veux mon avis.
Le visage de sa mère se fige dans une expression de colère et Fred devine que ce n'est pas dû à l'insolence dont il vient de faire preuve.
-Ne me parle plus jamais de ton père, c'est compris?, dit-elle avec une voix courroucée.
Cette fois, c'est la fois de trop. Toute le colère, toute la frustration et toute l'injustice que Fred a ressenties au fil des années, depuis le divorce de ses parents refait surface avec une telle violence qu'il explose d'un seul coup:
-Et comment que je vais en parler! Pendant toutes ces années, je vous ai vu vous disputer, toi et papa. Au téléphone, pendant les repas de fête, pendant mes anniversaires et j'en passe! Vous n'aviez que ça à faire de vos journées, c'est ça?! Ça vous est déjà arrivé de penser ne serait-ce qu'une seconde à tout ce que j'ai enduré, pendant ces dix ans, quand je vous voyais prêts à vous entretuer? Ou vous ne pensiez qu'à vous-même? A vous et à vos brouilles de parents divorcés? Est-ce que tu as pensé à moi quand tu as décidé de te barrer de Jacksonville pour aller vivre ici, juste après que tu te sois séparée de papa? Tu as pensé à tout ce que j'ai ressenti quand on s'est installé à Détroit? Tu n'y as pas pensé, hein?! Britney Hooper ne fait que ce qui lui passe par la tête et n'en a rien à carrer de l'avis des autres! Britney Hooper n'en fait qu'à sa tête, c'est une rebelle dans l'âme, et comme si ça suffisait pas, j'ai en plus hérité de ton foutu caractère de cochon. Eh bien laisse-moi te dire une chose: pendant tout ce temps, j'ai souffert à cause de tout ça!
Il essuie ses larmes de rage d'un revers de la main et après avoir reniflé, il reprend:
-J'ai eu le mal du pays, maman. J'ai toujours eu le mal du pays, et ça n'a pas changé. Même après dix ans, je ressens le besoin de retourner chez nous, dans notre ancienne ville. Avec toi, papa, Evan et sa famille. Pendant tout ce temps, j'ai réussi à faire comme si tout allait bien devant vous, pour ne pas y ajouter mon petit grain de sel, mais cette fois, il faut que ça sorte.
Sa respiration est à présent saccadée de sanglots qu'il tente difficilement de contenir, et ses joues sont désormais inondées de larmes. En face de lui, sa mère se tient droite, comme si elle craignait de s'écrouler. Au bout d'un moment, elle allume une autre cigarette et se dirige vers l'une des fenêtres du salon. De là où elle se trouve, du haut du dernier étage de l'immeuble qui les abrite depuis plus de dix ans, elle voit les voitures défiler sur la route.
-Je sais tout ça, Fred.
Ne s'étant pas attendu à entendre la voix de sa mère, Fred tourne la tête vers elle. L'incompréhension se lit sur le visage du jeune homme. Britney soupire, laissant échapper un nuage de fumée, avant de reprendre:
-Il y a tellement de choses que tu ignores. J'aimerais t'en parler mais... je ne veux pas te faire souffrir plus que ça.
Un reniflement suivi d'un hoquet se font entendre et Fred aurait juré que cela ne provenait pas de lui.
-Je voudrais seulement savoir une chose, Fred: est-ce que tu sais pourquoi la famille Rogers a déménagé à Détroit?
Le jeune homme prend le temps d'essuyer toutes ses larmes avant de répondre:
-A cause du travail de la mère d'Evan.
-Mais tu sais pourquoi ils ont déménagé ici, précisément?
Pour toute réponse, il hausse les épaules. Il sent qu'il a épuisé son stock de paroles pour le reste de la journée.
-C'est moi qui les ai contactés.
Surpris, Fred entrouvre la bouche. Une éternité semble avoir passé avant qu'il ne retrouve sa voix.
-Quoi...?
-Pour tout te dire, j'avais perdu leur numéro, peu de temps après notre départ. Mon ancien téléphone était mort. Comme je voulais tout recommencer à zéro, j'ai pris un autre portable. Ce n'est que récemment que j'ai retrouvé mon ancien téléphone, lorsque je faisais des rangements, et avant de le jeter, je me suis demandée s'il ne pouvait pas être réparé, ce que j'ai essayé de faire. J'ai ensuite demandé de l'aide à un professionnel qui me l'a fait revenir à la vie. C'est comme ça que j'ai pu retrouver le numéro de Vanessa, avec qui j'ai repris contact. C'est là que j'ai appris qu'elle et sa famille allaient déménager à cause de son boulot et elle m'a expliqué qu'elle souhaitait ne pas être trop loin de son nouveau lieu de travail. Je lui ai ensuite informé que de nouvelles maisons venaient d'être construites et qu'elles n'attendaient plus que d'être habitées.
Elle ajoute aussi:
-Et je savais que cela te ferait plaisir de les revoir, mon fils. Je suis assez contente de savoir que j'ai au moins fait une chose correctement, pour une fois, depuis dix ans.
Médusé, Fred garde le silence. S'il avait su tout cela avant... Voilà qui explique beaucoup de choses.
-Et moi qui croyait que c'était le fruit du hasard..., dit-il dans un murmure.
Sa mère rit doucement.
-Rien n'arrive au hasard, Fred. Il y a toujours une cause à tout. Et il faut avoir l'esprit pratique pour penser à ça.
Elle s'approche de lui et passe une main dans ses cheveux roux.
-Mais à ce que je vois, tu es plus porté sur l'imaginaire. Et en ça, tu ressembles énormément à ton père.
Elle a prononcé cette phrase avec une grande tristesse dans la voix. Fred a soudainement envie de la prendre dans ses bras mais elle tourne les talons pour quitter le salon, laissant le jeune homme seul avec ses nombreuses pensées.
J'espère que vous avez apprécié ce chapitre ^^
Que pensez-vous du rapprochement d'Evan et Rebbie?
Et Fred? Que pensez-vous de lui et de son histoire? Croyez-vous qu'il aura une chance de s'expliquer avec Alex?
Je vous dis à très bientôt pour la suite!
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