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Seizembre | друзья навсегда

Thèmes du mois : Organes & Lourde ambiguïté


друзья навсегда

(drouzya navsyegda)

Amis pour toujours

On rêve tous d'avoir un meilleur ami, un vrai. Quelqu'un sur qui l'on puisse toujours compter, qui serait prêt à nous dépanner pour n'importe quoi, n'importe quand. Mais rares sont ceux qui rêvent d'être un meilleur ami.

Il y a toujours la retenue : et si, et mais... Toutes ces questions, et l'amitié est toujours calculée, suspicieuse, ambassadrice. 

Pourtant, il m'est arrivé de connaître une sacrée tête de mule, qui nageait toujours à contre-courant des torts de l'humanité. Au cours de sa vie, Fédor Rouline, peut-être par un sens aigu du stakhanovisme, a pris chacune de ses amitiés à bras le cœur. De fait, tous ceux qui avaient un jour eu la chance de le rencontrer, de le saluer, plus encore de lui parler, devenaient irrémédiablement son ami pour la vie.

Et cela était tout à fait sincère et réciproque, ne cherchez pas de supercherie là-derrière : vous l'auriez vu, tout rutilant de camaraderie, que vous aussi vous auriez succombé à son aura. Un sourire, et déjà vous vous verriez passer des vacances dans la même datcha, à vous conter des histoires au coin du samovar. Une parole échangée, et c'est la claque pittoresque : vous vous voyez vieillards, tous deux au bord de la mer, humant les embruns des ans qui fusent. Vous sirotez quelque vodka dans une isba au milieu de la toundra ou de la taïga, en Sibérie, et c'est le déluge des mots d'emprunt tellement son visage s'est hissé au sommet de votre cœur. 

Mais il n'a fait que dire un mot, et vous l'entendre. Il s'éclipse. Ah non ! Pourquoi perdre de si paisible perspectives ? Vous vous ruez après lui, il se retourne. Dans son œil vous voyez qu'il vous connaît, il voit que vous le connaissez. Il vous embrasse dans ses bras d'ours et vous rince de rires tout de miel.

Je le sais parce que c'est ainsi que nous nous sommes comportés, à notre première entrevue comme à toutes les suivantes. Et c'est ainsi qu'ils se comportent tous.

Il était difficile de le voir. Il y avait toujours foule autour de ce meilleur ami commun. Il ne nous laissait pas tomber, non, et se souvenait du moindre détail de ses relations avec chacun, sans jamais se tromper, mais tant s'accrochaient à lui... C'était une guerre intestine entre les meilleurs meilleurs amis de Fédor, pour savoir qui méritait plus de temps que d'autre. Lui répondait toujours d'un grondement, comme s'il ne voulait pas en entendre parler.

Il recevait tous les soirs. Du monde, du monde, miraculeux ce qui rentrait dans son petit appartement ! Ses amis haut-placés dans le Parti lui offraient chaque semaine d'emménager dans une belle maison au milieu de Moscou. Allez savoir pourquoi, il refusait toujours.

Même un grand bonhomme comme lui avait besoin de repos. A chaque fin de semaine, quand il se sentait le foie endolori des trop-pleins de vodka, il se retirait dans la campagne, où il vivait paisiblement auprès des gens qui ne demandent rien. 

Cela continua des années ainsi, pendant lesquelles je passais régulièrement dans sa ville pour prendre des nouvelles. Je finissais frustré, comme beaucoup : impossible de mettre la main dessus après des heures d'attentes. Je fulminais de jalousie. Pour qui se prenait-il donc ? Pour un prince ?

Je me crispai tant et tant qu'un beau jour, j'appris qu'un gros crabe s'était glissé dans mon rein droit. Il promenait ses pinces grinçantes dans mon ventre avec la précision d'un chirurgien, et celui-ci me disait que je n'en avais pas pour plus d'un mois, d'autant plus que j'avais donné mon rein gauche à mon frère quelques temps auparavant.

Je me suis tourné vers ma famille. Calme plat.

Vers mes amis. Pas de réponse.

Vers mon unique meilleur ami.
Le lendemain, je vis Fédor à mon chevet à l'hôpital, et ma vie était sauve.

Le surlendemain, il était reparti chez lui. 

Le rétablissement fut prompt, car le rein qu'on m'avait greffé en valait bien au moins deux. Aussitôt, j'ai voulu me rendre chez lui pour le remercier. Une fois atterri, je me précipitai vers son petit appartement. Il n'y avait plus personne. Le voisin m'apprit que le camarade Rouline était parti vivre dans la campagne où il se reposait encore. Qu'il ne voulait pas être dérangé.

Je rentrai au pays, penaud. J'ai attendu des nouvelles.

Une petite décennie plus tard, je reçus une lettre en russe, vraisemblablement tapée à la machine, qui m'informait que Fédor invitait tous ses amis à une grande fête dans une minuscule île perdue dans l'Arctique.

Je sautai dans le premier avion, puis le premier ferry, et enfin un petit canoë rempli de gueules polaires me mena à bonne berge. Fédor Rouline logeait désormais dans une case exiguë qui n'avait rien de confortable. Une tourbe infinie de têtes à chapkas se serrait sur l'hectare de l'îlot. Ils ne parlaient presque pas, car aucun de ces hommes ne se connaissaient, ils connaissaient seulement Fédor. Régulièrement, une grosse voix tonnait depuis la case, qui clamait un nom.

Quand l'intéressé ressortait pour laisser place à l'ami suivant, il affichait un grand sourire, un sourire content. Quelques instants après il fondait en larmes ou vidait sa flasque d'alcool. Ou les deux.

Vint inévitablement le moment où je fus appelé. J'entrai dans sa grotte gelée où il gisait. Fédor avait les traits émaciés, les membres étiques, plus rien n'allait dans ce grand corps qui tirait sur la carcasse. Il me dit qu'il voulait faire un cadeau à chacun de ses amis avant de partir, c'est pourquoi il nous avait conviés. Il savait parfaitement ce dont chacun avait besoin, et il avait fait jouer ses petites relations pour que tous obtiennent leurs plus chers désirs de la part de l'administration : voitures, postes, logements. D'autres nécessitaient une aide plus précieuse encore, et Fédor avait légué son cœur vaillant à une pauvre femme dont seul le mari avait été en mesure de faire le déplacement, ses yeux à un aveugle, son sang aux hôpitaux. En bref, chacun repartirait avec un petit bout de lui dans un sac.

Je lui dis que je lui étais éternellement reconnaissant pour ce qu'il avait fait, que je portais déjà un gros bout de lui dans le ventre et que je n'avais plus rien à attendre de sa générosité. Cette audience seule suffisait à me faire regretter chaque miette de rancœur que j'avais pu collecter durant ces années de frustration. J'acceptais enfin que je n'aie été qu'un infime morceau de la vie de mon meilleur ami, tandis que lui me l'avait rendue toute entière.

Il me dit que son cadeau était tout simple, que je n'aurais pas à m'en offusquer. Il me raconterait comment il était devenu si moribond, et comment il en était arrivé à organiser cette fête, et il ajouta avec un clin d'œil que je serais le seul et l'unique à le savoir.

Après m'avoir donné son rein droit, il avait pris peur : et si chacun de ses amis lui demandait un pareil service ? Avec une telle prodigalité, son espérance de vie ne paraissait pas rayonnante. Ainsi, il avait décidé de s'exiler à la campagne, loin des citadins, où les riverains n'avaient jamais besoin de rien.

Pris dans sa névrose, il s'en assurait chaque jour en visitant un voisin. Et chaque jour celui-ci répondait :

"Je n'te demande rien !"

Il vécut ainsi les quelques années qui le séparait de la mort :

"Je n'te demande rien !"

Puis un beau jour :

"Je te demande un rein !"

Il le fit répéter. C'était un pauvre bougre qui avait urgemment besoin d'une greffe totale du rein gauche. Fédor Rouline se connaissait ; bien roulé dans la farine, il succomba à sa grandeur d'âme, donna son dernier rein. Il déménagea sur son îlot pour mieux dépérir.

"Je te demande un rein !" répéta Fédor en pouffant.

Nous fûmes saisis d'un fou rire inextinguible, comme seuls les plus proches compères connaissent. Je lui demandai pourquoi il avait décidé de me raconter cela à moi, et pas à un autre.

Il répondit qu'il ne trouvait rien d'autre à m'offrir, et puis le jeu de mot ne marchait qu'en français. Il pouffait encore quand il m'a congédié.

J'ai attendu, songeur, que tous les amis soient passés face à lui. Ils sortaient tous heureux. Interloqués, mais heureux. Puis les chirurgiens sont arrivés avec un paquet de petit sacs sous le bras. 

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